Faites la connaissance d’Aziz Ridouan et comme tous ceux qui l’ont rencontré, vous n’en croirez ni vos yeux ni vos oreilles : ce jeune homme de 17 ans et des poussières, au look des plus communs, branché mais pas trop, brille d’une intelligence et d’une audace hors normes.
De sa chambre d’adolescent, au quatrième étage d’une barre HLM donnant sur le cimetière de Doué-la-Fontaine, une petite ville du Maine-et-Loire, Aziz s’est transformé en redoutable lobbyiste.
Elève tranquille en 1re économique et sociale à Saumur, il a encore une affiche de Michael et Janet Jackson accrochée au mur de sa chambre, deux peluches sur son lit, des manuels scolaires sur un meuble. Mais Aziz le militant, lorsqu’il prend le train pour Paris, rencontre des députés, des avocats, des ministres, des journalistes, participe à des colloques, publie des communiqués repris un peu partout dans les médias. C’est que le lycéen a créé avec un copain, à 16 ans, l’Association des audionautes, rapidement devenue le principal porte-voix des adeptes du "peer to peer" (P2P), l’échange de fichiers musicaux et vidéos sur Internet.
En ces temps de débats parlementaires sur les droits d’auteur, Aziz tente de faire entendre les utilisateurs du P2P face aux campagnes publicitaires et au lobbying agressif des majors et des artistes. Dans ce remake numérique de David contre Goliath, le lycéen joue sa carte crânement. Au culot.
Un jour, en 2002, Christine Boutin, députée UMP, a vu débarquer un "petit jeune" venu lui parler de sujets auxquels elle ne comprenait rien. La très conservatrice parlementaire est ressortie "subjuguée", "époustouflée", "interloquée" par l’intelligence du jeune homme. Convaincue aussi par son argumentaire sur la nécessité de ne pas poursuivre les utilisateurs du P2P. Depuis, elle figure parmi les meneurs inattendus de la fronde des députés contre le projet de loi du gouvernement sur les droits d’auteur. "Cette rencontre a été fondamentale puisque c’est lui, le premier, qui m’a parlé de cette problématique", glisse la députée.
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Comme la politique est affaire de communication, il s’est tourné vers les médias, avec un naturel déconcertant. Benoît Duquesne, présentateur de "Complément d’enquête" sur France 2, qui l’a invité sur son plateau, se dit "stupéfait" par le personnage, sa "précocité dans la communication". C’est peu dire. Aziz a donné sa première interview à un journal américain à l’âge de 12 ans : à l’époque, "pour s’amuser", il avait monté l’antenne européenne d’un site Internet ("No more AOL CDs") qui luttait contre le gaspillage dû à la distribution gratuite de millions de CD promotionnels du géant américain des médias.
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Le plus incroyable, c’est qu’Aziz s’est construit tout seul. Une tendre complicité le lie à sa mère, Khadija, Marocaine de 45 ans, qui l’a élevé avec ses trois frères et soeurs. Mais, illettrée, elle n’a pu le propulser dans cet univers. L’école n’a pas non plus été décisive : "Ni fort ni nul", comme dit sa mère, femme de ménage, il s’est jusque-là contenté d’être moyen, sans jamais trop forcer son talent. Aziz s’est ouvert les portes du monde avec son vieil ordinateur connecté à Internet. Un autodidacte, élevé au numérique.
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Luc Bronner - Le Monde
De sa chambre d’adolescent, au quatrième étage d’une barre HLM donnant sur le cimetière de Doué-la-Fontaine, une petite ville du Maine-et-Loire, Aziz s’est transformé en redoutable lobbyiste.
Elève tranquille en 1re économique et sociale à Saumur, il a encore une affiche de Michael et Janet Jackson accrochée au mur de sa chambre, deux peluches sur son lit, des manuels scolaires sur un meuble. Mais Aziz le militant, lorsqu’il prend le train pour Paris, rencontre des députés, des avocats, des ministres, des journalistes, participe à des colloques, publie des communiqués repris un peu partout dans les médias. C’est que le lycéen a créé avec un copain, à 16 ans, l’Association des audionautes, rapidement devenue le principal porte-voix des adeptes du "peer to peer" (P2P), l’échange de fichiers musicaux et vidéos sur Internet.
En ces temps de débats parlementaires sur les droits d’auteur, Aziz tente de faire entendre les utilisateurs du P2P face aux campagnes publicitaires et au lobbying agressif des majors et des artistes. Dans ce remake numérique de David contre Goliath, le lycéen joue sa carte crânement. Au culot.
Un jour, en 2002, Christine Boutin, députée UMP, a vu débarquer un "petit jeune" venu lui parler de sujets auxquels elle ne comprenait rien. La très conservatrice parlementaire est ressortie "subjuguée", "époustouflée", "interloquée" par l’intelligence du jeune homme. Convaincue aussi par son argumentaire sur la nécessité de ne pas poursuivre les utilisateurs du P2P. Depuis, elle figure parmi les meneurs inattendus de la fronde des députés contre le projet de loi du gouvernement sur les droits d’auteur. "Cette rencontre a été fondamentale puisque c’est lui, le premier, qui m’a parlé de cette problématique", glisse la députée.
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Comme la politique est affaire de communication, il s’est tourné vers les médias, avec un naturel déconcertant. Benoît Duquesne, présentateur de "Complément d’enquête" sur France 2, qui l’a invité sur son plateau, se dit "stupéfait" par le personnage, sa "précocité dans la communication". C’est peu dire. Aziz a donné sa première interview à un journal américain à l’âge de 12 ans : à l’époque, "pour s’amuser", il avait monté l’antenne européenne d’un site Internet ("No more AOL CDs") qui luttait contre le gaspillage dû à la distribution gratuite de millions de CD promotionnels du géant américain des médias.
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Le plus incroyable, c’est qu’Aziz s’est construit tout seul. Une tendre complicité le lie à sa mère, Khadija, Marocaine de 45 ans, qui l’a élevé avec ses trois frères et soeurs. Mais, illettrée, elle n’a pu le propulser dans cet univers. L’école n’a pas non plus été décisive : "Ni fort ni nul", comme dit sa mère, femme de ménage, il s’est jusque-là contenté d’être moyen, sans jamais trop forcer son talent. Aziz s’est ouvert les portes du monde avec son vieil ordinateur connecté à Internet. Un autodidacte, élevé au numérique.
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Luc Bronner - Le Monde
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