A Vérone, Othello n'a pas eu besoin des ruses de Iago pour perdre les pédales. Avant même la première de la pièce de Shakespeare, qui a eu lieu mercredi 13 juillet, dans les arènes de la ville, le scandale était déjà arrivé. L'acteur principal de cette production, Alessandro Haber, 65 ans, auréolé du prix Vittorio Gassman (l'équivalent de nos Molières) de la meilleure interprétation masculine pour Oncle Vania, de Tchekhov, avait déjà perdu la tête pour sa Desdémone, incarnée par la toute jeune (19 ans) actrice Lucia Lavia.
Les faits, tels que les a racontés la presse italienne sont assez simples. Alessandro Haber a craqué devant la beauté de sa partenaire. De répétition en répétition, il s'est fait plus pressant. Ses baisers de théâtre sont devenus de moins en moins feints, jusqu'au jour où Lucia Lavia lui a balancé une paire de claques sans sommation. Haber a répliqué de la même manière. Des insultes ont fusé de part et d'autre. Dans la foulée, la compagnie de Bologne, Nuova Scena, productrice du spectacle, décidait de renvoyer Alessandro Haber pour des faits qui "s'opposent aux plus élémentaires règles de déontologie professionnelle".
Mais les interprétations divergent. Alessandro Haber soutient n'avoir eu aucun "comportement incorrect". Il reconnaît qu'il a appuyé un peu trop ses baisers, en tout cas un peu plus que d'habitude. Mais il avait une juste raison de le faire : "J'ai voulu donner vie et corps à mon personnage, comme je le fais à chaque fois que je cherche l'interprétation la plus juste. Je suis connu comme un acteur excessif et passionné. Je voulais incarner un Othello animal et frustré." De ce point de vue, c'est assez réussi. Un peu trop même, puisque même son ami et metteur en scène Nanni Garella l'accable : "Il est allé au-delà du tolérable."
De son côté, Lucia Lavia maintient ses accusations. Enfant de la balle, fille de l'acteur et cinéaste Gabriele Lavia et de l'actrice Monica Guerritore (elle a joué pour De Sica, Bertolucci, Bolognini...), la jeune actrice raconte : "Le comportement offensant de Haber à mon égard durait depuis des jours. Les femmes ne doivent pas rester silencieuses devant ce genre de comportement. Je ne serai pas comme celles qui, par amour, supportent des comportements violents. Au fond, Desdémone aussi est une victime."
Inculpation ou relaxe
Bref, entre Haber-Othello et Lavia-Desdémone on ne sait qui de l'acteur ou du personnage gouverne les émotions des uns et des autres. Alessandro Haber, imprégné de la jalousie furieuse du Maure de Venise, a-t-il voulu anticiper un plaisir qui lui est refusé dans la pièce ? Lucia Lavia a-t-elle voulu se venger du sort qu'elle allait subir au cinquième et dernier acte ? Il n'est pas certain qu'on en ait un jour le coeur net. Les avocats de l'actrice ont décidé de porter l'affaire devant la justice, qui devra décider entre l'inculpation d'Othello et la relaxe pour Haber - à moins que ce ne soit le contraire.
Quoi qu'il en soit, Alessandro Haber, fidèle à sa méthode de travail, a au moins pu souffrir les mille morts de la jalousie qui finit par emporter le personnage qu'il devait incarner. Mercredi 13 juillet dans la soirée, c'est son remplaçant, Franco Branciaroli, qui a partagé les applaudissements avec son ex-Desdémone.
Philippe Ridet
Le Monde.
Les faits, tels que les a racontés la presse italienne sont assez simples. Alessandro Haber a craqué devant la beauté de sa partenaire. De répétition en répétition, il s'est fait plus pressant. Ses baisers de théâtre sont devenus de moins en moins feints, jusqu'au jour où Lucia Lavia lui a balancé une paire de claques sans sommation. Haber a répliqué de la même manière. Des insultes ont fusé de part et d'autre. Dans la foulée, la compagnie de Bologne, Nuova Scena, productrice du spectacle, décidait de renvoyer Alessandro Haber pour des faits qui "s'opposent aux plus élémentaires règles de déontologie professionnelle".
Mais les interprétations divergent. Alessandro Haber soutient n'avoir eu aucun "comportement incorrect". Il reconnaît qu'il a appuyé un peu trop ses baisers, en tout cas un peu plus que d'habitude. Mais il avait une juste raison de le faire : "J'ai voulu donner vie et corps à mon personnage, comme je le fais à chaque fois que je cherche l'interprétation la plus juste. Je suis connu comme un acteur excessif et passionné. Je voulais incarner un Othello animal et frustré." De ce point de vue, c'est assez réussi. Un peu trop même, puisque même son ami et metteur en scène Nanni Garella l'accable : "Il est allé au-delà du tolérable."
De son côté, Lucia Lavia maintient ses accusations. Enfant de la balle, fille de l'acteur et cinéaste Gabriele Lavia et de l'actrice Monica Guerritore (elle a joué pour De Sica, Bertolucci, Bolognini...), la jeune actrice raconte : "Le comportement offensant de Haber à mon égard durait depuis des jours. Les femmes ne doivent pas rester silencieuses devant ce genre de comportement. Je ne serai pas comme celles qui, par amour, supportent des comportements violents. Au fond, Desdémone aussi est une victime."
Inculpation ou relaxe
Bref, entre Haber-Othello et Lavia-Desdémone on ne sait qui de l'acteur ou du personnage gouverne les émotions des uns et des autres. Alessandro Haber, imprégné de la jalousie furieuse du Maure de Venise, a-t-il voulu anticiper un plaisir qui lui est refusé dans la pièce ? Lucia Lavia a-t-elle voulu se venger du sort qu'elle allait subir au cinquième et dernier acte ? Il n'est pas certain qu'on en ait un jour le coeur net. Les avocats de l'actrice ont décidé de porter l'affaire devant la justice, qui devra décider entre l'inculpation d'Othello et la relaxe pour Haber - à moins que ce ne soit le contraire.
Quoi qu'il en soit, Alessandro Haber, fidèle à sa méthode de travail, a au moins pu souffrir les mille morts de la jalousie qui finit par emporter le personnage qu'il devait incarner. Mercredi 13 juillet dans la soirée, c'est son remplaçant, Franco Branciaroli, qui a partagé les applaudissements avec son ex-Desdémone.
Philippe Ridet
Le Monde.
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