En absence

Soit rani mdiphasi, hors champ, soit, effectivement c'est une ouednitite nationale qui nous a piqués à force d'entendre les insanités de quelques discours. Effrayant, le nombre de personnes de tout sexe et de tout âge qui se tiennent les ouednine. Ôreille, ô rage, ô vieillesse ennemie
Rabi yastor, ça doit être très grave. Me suis-je dit. Mais de quoi peuvent-ils donc tous souffrir ? Ya khi mossiba, ya khi, il y a celui qui tient son oreille en criant très fort, grimaçant sans cesse. L'autre plus calme, stoïque peut-être, sourit à son mal, l'accompagnant de gesticulations. Il y en a qui s'isolent dans un coin, une main sur l'oreille et l'autre comme une mrikza sur le mur. Ils se calent bien. Mais j'ai, par hasard, remarqué qu'à chaque fois avant de se serrer la paume de la main ou de se tenir l'oreille, elles mettent la main dans une poche. Amala j'ai compris. Ni otite, ni tendinite, ni ouednitite. C'est simplement le mal du siècle: la mobiliotite. Cette belle invention qui permet d'avoir en permanence vos appels téléphoniques ou messages.
Mais dans tout ça, que reste-t-il d'autonomie de mouvements, de liberté ? Vous devez rendre compte de ouine rak, de ce que vous faites, sans espoir de tranquillité. C'est un peu la cloche que monsieur Seguin, celui de la fable, accrochait au cou de sa chèvre. Il pouvait ainsi savoir où elle se fourre. Aujourd'hui on bipe pour se dire bonjour. On rebipe pour répondre. On envoie un message pour faire des remontrances. On appelle, pour être appelé. Le contact n'est plus humain, il n'est plus proche. Il est au bout d'une antenne. Mais pour ce faire, il faut avoir du crédit. Le crédit le moins cher. Et de crédit on n'en a plus ! Le mensonge se développe au même rythme que la technologie. En voilà quelques exemples: tu décroches et tu t'aperçois que la personne qui t'appelle est indésirable, «je te rappellerai, je suis en train de conduire» ou bien tu feins une mauvaise réception «allo allo j'entends très mal, change de place allo c'est qui ?...» et tu coupes. Ça ressonne, tu fais un renvoi d'appel. Ton interlocuteur est à quelque cent mètres et tu l'informes que tu es en déplacement très loin et que tu ne peux passer le voir. La liste est longue, je compte sur les experts pour la compléter.
par El-Guellil
Le Quotidien d'Oran
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