Le phénomène prend des proportions alarmantes. Longtemps cantonnées dans leurs vieilles maisons, aujourd'hui, elles pratiquent la voyance, la sorcellerie sur les trottoirs des villes.
A Tizi Ouzou, elles sont installées juste à quelques mètres de la gare routière. Et, il y a toujours foule.
Pour un problème dans le couple, avant un examen crucial comme le baccalauréat, souvent pour se marier, il n'y a qu'un pas à franchir pour le recours à la sorcellerie.
La vie quotidienne regorge de faits et d'attitudes qui reflètent l'importante emprise qu'a cette pratique sur les individus, même les plus instruits.
Un petit tour dans ce monde pas aussi secret qu'il paraît, renseigne sur la proportion importante de la population qui croit aux pouvoirs magiques de la thaumaturgie.
En visite chez une vieille sorcière
Devant la porte, une foule s'agglutine. Les discussions se font à voix basse.
Les présents, essentiellement des femmes de toutes catégories d'âge, ne veulent pas répondre à nos questions. Après quelques instants, les langues commencent à se délier. «Je suis enseignante et je ne vois vraiment pas de mal à venir consulter la vieille. En tout cas, je sens un grand bien-être en partant d'ici» affirme, cette dame, la cinquantaine. Ce qui est marquant en fait dans ces discussions, ce sont les histoires racontées à la troisième personne.
Les problèmes sont toujours évoqués sans que la personne ne reconnaisse que ce sont les siens. «Ici, personne ne raconte ses problèmes personnels. Les gens se confient à la vieille qui les reçoit un à un dans une petite pièce» affirme un homme qui se tenait à l'écart mais qui était venu lui aussi consulter.
Le même climat et les mêmes réflexes sont en vigueur dans la petite cour d'attente chez un homme que tout le monde appelle le «Cheikh». Les hommes sont plus nombreux. Sans divulguer l'objet de notre visite, les gardes sont baissées et les langues se sont déliées. «Je viens ici pour la cinquième fois. Le traitement exige plusieurs consultations. Le mal a commencé le jour où j'ai mangé chez une parente. Ça ne peut pas être autre chose que ses gris-gris. Avant de venir ici, j'ai consulté plusieurs médecins sans résultats. C'est d'ailleurs, un médecin qui m'a conseillé de venir ici. Ma maladie n'est pas une affaire de docteur m'a-t-il dit» raconte notre interlocuteur.
Côté potions magiques utilisées par ces «guérisseurs», certains font état de mélanges bizarres, une sorte de poudre dans laquelle on peut apercevoir des membres d'insectes ou de reptiles. Des têtes de serpents, des scorpions et même des cafards, témoigne une jeune dame...
Beaucoup de questions, peu de réponses
En fait, les témoignages ne suffisent pas pour expliquer le paradoxe de ce phénomène. Au XIXe siècle, où la médecine a réalisé des progrès, les gens vont en masse chez les vieux et les vieilles guérisseurs et souvent magiciens.
Parmi ces gens, des médecins, des enseignants, des chômeurs... Rares sont ceux qui reconnaissent avoir eu recours à leurs soins. «Je ne vais jamais dans ces endroits- là, mais je ne peux pas affirmer que la magie n'existe pas. En tant que médecin, je ne m'intéresse d'ailleurs pas à ce sujet» répond un médecin interrogé sur ce phénomène. «Vous savez, moi, je ne suis pas encore allé les voir, mais je vous dis sincèrement que je les préfère à certains médecins» réplique avec dépit, un jeune étudiant en médecine. En effet, le témoignage met le doigt sur un autre phénomène qui explique en partie le recours de beaucoup de gens à ces vieilles et cheikhs.
Beaucoup de questions sont demeurées sans réponses.
La tournée était plutôt riche en constats. Beaucoup recourent à ces gens mais la grande proportion de femmes demeure une énigme. «C'est une pratique qui existe depuis des siècles, mais elle ne semble pas intéresser nos sociologues. Il n'y a pas beaucoup d'études sur ce phénomène. C'est vraiment regrettable» déplore Samir, un étudiant en sociologie à l'Université de Tizi Ouzou.
L'Expression Par Kamel BOUDJADI
A Tizi Ouzou, elles sont installées juste à quelques mètres de la gare routière. Et, il y a toujours foule.
Pour un problème dans le couple, avant un examen crucial comme le baccalauréat, souvent pour se marier, il n'y a qu'un pas à franchir pour le recours à la sorcellerie.
La vie quotidienne regorge de faits et d'attitudes qui reflètent l'importante emprise qu'a cette pratique sur les individus, même les plus instruits.
Un petit tour dans ce monde pas aussi secret qu'il paraît, renseigne sur la proportion importante de la population qui croit aux pouvoirs magiques de la thaumaturgie.
En visite chez une vieille sorcière
Devant la porte, une foule s'agglutine. Les discussions se font à voix basse.
Les présents, essentiellement des femmes de toutes catégories d'âge, ne veulent pas répondre à nos questions. Après quelques instants, les langues commencent à se délier. «Je suis enseignante et je ne vois vraiment pas de mal à venir consulter la vieille. En tout cas, je sens un grand bien-être en partant d'ici» affirme, cette dame, la cinquantaine. Ce qui est marquant en fait dans ces discussions, ce sont les histoires racontées à la troisième personne.
Les problèmes sont toujours évoqués sans que la personne ne reconnaisse que ce sont les siens. «Ici, personne ne raconte ses problèmes personnels. Les gens se confient à la vieille qui les reçoit un à un dans une petite pièce» affirme un homme qui se tenait à l'écart mais qui était venu lui aussi consulter.
Le même climat et les mêmes réflexes sont en vigueur dans la petite cour d'attente chez un homme que tout le monde appelle le «Cheikh». Les hommes sont plus nombreux. Sans divulguer l'objet de notre visite, les gardes sont baissées et les langues se sont déliées. «Je viens ici pour la cinquième fois. Le traitement exige plusieurs consultations. Le mal a commencé le jour où j'ai mangé chez une parente. Ça ne peut pas être autre chose que ses gris-gris. Avant de venir ici, j'ai consulté plusieurs médecins sans résultats. C'est d'ailleurs, un médecin qui m'a conseillé de venir ici. Ma maladie n'est pas une affaire de docteur m'a-t-il dit» raconte notre interlocuteur.
Côté potions magiques utilisées par ces «guérisseurs», certains font état de mélanges bizarres, une sorte de poudre dans laquelle on peut apercevoir des membres d'insectes ou de reptiles. Des têtes de serpents, des scorpions et même des cafards, témoigne une jeune dame...
Beaucoup de questions, peu de réponses
En fait, les témoignages ne suffisent pas pour expliquer le paradoxe de ce phénomène. Au XIXe siècle, où la médecine a réalisé des progrès, les gens vont en masse chez les vieux et les vieilles guérisseurs et souvent magiciens.
Parmi ces gens, des médecins, des enseignants, des chômeurs... Rares sont ceux qui reconnaissent avoir eu recours à leurs soins. «Je ne vais jamais dans ces endroits- là, mais je ne peux pas affirmer que la magie n'existe pas. En tant que médecin, je ne m'intéresse d'ailleurs pas à ce sujet» répond un médecin interrogé sur ce phénomène. «Vous savez, moi, je ne suis pas encore allé les voir, mais je vous dis sincèrement que je les préfère à certains médecins» réplique avec dépit, un jeune étudiant en médecine. En effet, le témoignage met le doigt sur un autre phénomène qui explique en partie le recours de beaucoup de gens à ces vieilles et cheikhs.
Beaucoup de questions sont demeurées sans réponses.
La tournée était plutôt riche en constats. Beaucoup recourent à ces gens mais la grande proportion de femmes demeure une énigme. «C'est une pratique qui existe depuis des siècles, mais elle ne semble pas intéresser nos sociologues. Il n'y a pas beaucoup d'études sur ce phénomène. C'est vraiment regrettable» déplore Samir, un étudiant en sociologie à l'Université de Tizi Ouzou.
L'Expression Par Kamel BOUDJADI
Commentaire