Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Christine Boutin et son cousin de mari : sa situation maritale est licite mais...

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Christine Boutin et son cousin de mari : sa situation maritale est licite mais...

    Par Mathieu Davy
    Avocat
    LE PLUS. Après l'évocation de son mariage avec son cousin germain par un téléspectateur, Christine Boutin a menacé d'attaquer tous ceux qui critiqueraient à nouveau cette union. Peut-elle vraiment poursuivre en justice des individus pour un tel motif ? Sur quelles bases juridiques ? Explications de l'avocat Mathieu Davy, du cabinet Oria Legal.
    Édité par Sébastien Billard Auteur parrainé par Aude Baron



    Christine Boutin semble menacer qu’elle poursuivra en justice quiconque l’attaquera sur son mariage consanguin. Sur quel terrain exactement ? Diffamation, atteinte à sa vie privée ?

    Une simple évocation de ce mariage est inattaquable

    Sur le terrain de la vie privée, dire que Christine Boutin est mariée avec son cousin germain reste une information notoirement publique, concernant un personnage politique notoirement public.

    L’indication de son statut maritalo-familial n’est donc pas une faute. Ce n’est pas plus un viol de vie privée que de rappeler que François Hollande a été le compagnon de Ségolène Royal, ou que Carla Bruni a joué de la guitare.

    Évidemment, Madame Boutin jouit du droit au respect de sa vie privée, et plus particulièrement de l’intimité de sa privée, s’il était publiquement détaillé ou relaté des éléments sur sa famille, son couple ou ses enfants. Mais se contenter d’évoquer la qualité familiale de son mari n’est ni intime, ni privé.

    Alors, peut-elle se placer sur le terrain de la diffamation ? Il faudrait pour cela qu’il soit porté atteinte à son honneur ou à sa réputation.

    Or, n’est-ce pas quelque peu contradictoire d'affirmer que dire de Madame Boutin qu’elle est mariée à son cousin porterait atteinte à son honneur ? Puisqu’en premier lieu, c’est la réalité, et qu’en second lieu, elle le revendique comme un choix libre et délibéré d’union de vie. Elle ne peut donc s’attaquer elle-même, en justice du moins.

    Le cœur du problème : parler d’inceste

    En revanche, ce qu’elle aurait dû évoquer dans ses récentes déclarations, et ce qu’elle doit principalement viser pour espérer l’attention d’un juge, c’est la question sous-jacente de l’"inceste". Dire de ce mariage consanguin qu’il est constitutif d’un inceste serait une diffamation, puisque l’accuser d’avoir commis un inceste serait attentatoire à son honneur et sa réputation.

    L’inceste se définit en effet comme une relation consanguine prohibée. Or, si le Code civil interdit les relations consanguines jusqu’au 3e degré (parents, frères, tante, neveu), il ne l’interdit plus à partir du 4e, qui inclut le rapport "cousins germains".

    Dès lors, en droit français (c’est aussi le cas en Belgique notamment), la situation maritale de Christine Boutin est licite. Juridiquement, donc, si elle reste "consanguine", elle n’est pas "incestueuse".

    En revanche, en droit canon (religieux), les mariages consanguins sont interdits jusqu’au 4e degré inclus. Pour se marier avec son cousin devant Dieu, il faut une autorisation spéciale du Pape. Faute d’autorisation, c’est interdit. Le braver serait donc constitutif d’un inceste religieux.

    Or, en l’espèce, si Madame Boutin est bien mariée civilement, elle n’établit pas avoir obtenu cet aval papal. Elle n’est donc pas mariée religieusement avec son cousin, et vivrait donc, à ce titre, dans le pêché.

    Le contexte la désavantage

    La diffamation s’apprécie au cas par cas, selon le contexte, tenant notamment à la personne qui diffame, mais aussi de la personne qui est diffamée. Dès lors, toute la question serait de savoir si en qualifiant l’union de Madame Boutin d’"incestueuse", il faut plutôt se placer sous pavillon laïc et républicain, ou sur l’autel religieux.

    Dans sa prise de parole politique et publique, Madame Boutin défend-elle d’abord, les valeurs laïques, ou bien les valeurs religieuses et morales ? Dans le premier cas, elle bénéficierait assurément de la protection du droit de la diffamation. Dans le second, elle n’en bénéficierait plus. Car que l’on se place sur le plan biblique ou sur le plan moral, se marier avec son cousin, c’est se risquer à une relation qualifiée d’"incestueuse".

    Or, si l’on aime à se souvenir que Madame Boutin est le leader d’un parti "chrétien", qu’elle n’hésite pas à brandir la Bible dans le cadre du vote d’une loi, et qu’elle se réfère globalement à la morale et la religion dans le cadre de son action publique, elle doit alors assumer se retrouver prise à propre piège : eh oui, il faut bien le reconnaître, en l’espèce, le droit canon est plus sévère que le droit républicain.

    Dieu reconnaîtra les siens, et dira si Madame Boutin a commis un inceste en se mariant avec son cousin. En attendant, le doute nous habite. Reste une situation cocasse : à ce jour, par son choix de vie maritale, Christine Boutin subit les mêmes droits et interdictions que les homosexuels. Elle peut se marier à la mairie, mais pas à l’Église.

    Difficile pour elle d’empêcher ses contradicteurs de le lui rappeler. Le droit, la religion, et la morale, ne sont pas à géométrie variable. Alea jacte est.

    Propos recueillis par Louise Pothier
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
Chargement...
X