Les pouvoirs publics ont failli dans l’organisation du fonctionnement des restaurants durant le mois de Ramadhan, au grand malheur des ressortissants étrangers.
Ne pas manger du tout dans la journée est la solution «toute simple» trouvée par Li Jin Song, gérant d’une boutique de textile, située rue Belouizdad. C’était donc le «plan Ramadhan» déployé par ce jeune Chinois cette année. «Je n’avais pas le choix. Mon magasin grouille d’acheteurs le long de la journée, et dehors, il n’y a rien à se mettre sous la dent», explique-t-il en pliant une nappe brodée à la main. Je buvais de l’eau ou du jus, indique-t-il à voix basse en montrant du doigt une petite porte. L’arrière-boutique est une «cachette idéale» mais «par respect» pour sa collègue vendeuse, il limite ses «prises» d’eau.
Li trouve que le Ramadhan est «une nouvelle expérience» pour lui, «adopter le comportement qu’il faut» reste le seul moyen de continuer à faire tourner ses affaires. «Certes, c’est difficile de ne pas manger toute la journée», mais «c’est faisable et puis on est déjà à la fin», dit-il en riant, tout en reconnaissant regretter «les sandwichs chawarma achetés au fast-food d’à côté».
Comment les étrangers non musulmans se sont-ils débrouillés pour manger en Algérie durant le mois de Ramadhan ?
«Comme l’a fait n’importe quel Algérien qui ne fait pas le jeûne», répond un technicien allemand qui vient souvent en Algérie pour suivre l’installation d’équipements industriels. «Le Ramadhan n’a jamais constitué une contrainte. Mes collègues et moi mangeons à l’hôtel le matin et nous y revenons en fin de journée pour le dîner. Les entreprises nous offrent la possibilité de déjeuner en nous faisant reconduire à notre hôtel, mais nous avons refusé. Nous avons donc opté pour un travail ininterrompu et nous essayons de rentrer un peu plus tôt le soir pour pouvoir profiter du reste de la journée. Le seul hic est de ne pas pouvoir prendre une pause-café. Personne ne nous a dit de ne pas utiliser la machine à café, mais en ce qui me concerne, je m’en passe», explique-t-il.
Les collègues algériens seraient-ils contre ? Non, répond notre interlocuteur sans donner plus de détails. Passer le Ramadhan en Algérie implique donc de bien manger le matin à son hôtel et de patienter jusqu’à la fin de la journée. A l’hôtel, il est possible de manger au restaurant, de s’offrir les services du bar et de grignoter à volonté dans sa chambre.
Pour les travailleurs expatriés, «on prend un morceau dans le bureau». «Quand on est en groupe, je me comporte exactement comme mes collègues algériens. Manger n’est en fait qu’un détail sans aucune importance, mais c’est gênant pour la cigarette. Comme l’entreprise interdit de fumer à l’intérieur des locaux, je repère des endroits aérés pour fumer ma clope loin des regards. Ça me rappelle quand j’étais adolescent et que je fumais en cachette», explique Xavier, technicien dans l’agroalimentaire.
De bonnes affaires pour les hôtels de luxe
Manger dehors est donc quasiment impossible pour ces étrangers qui sont en séjour professionnel en Algérie durant le mois sacré. Aucun restaurant ni café n’est ouvert durant la journée. L’enfer pour ceux qui n’ont pas la possibilité de dénicher un endroit pour tromper sa faim. Les restaurants ne s’aventurent pas à ouvrir durant la journée par crainte de représailles. «Un restaurant comptant des Asiatiques parmi sa clientèle habituelle durant toute l’année est contraint de fermer durant le mois de Ramadhan par peur de voir ses locaux saccagés», explique un représentant des gérants de restaurants.
Ramadhan ou pas, dans certains hôtels, il n’y aucun changement dans les habitudes. Petit-déjeuner inclus, restaurant et bar ouverts 24h/24. Le président de l’Association des producteurs algériens de boissons (APAB), M. Hamani, explique que «les étrangers auxquels les entreprises algériennes font appel durant le Ramadhan sont pris en charge. Ils ont la possibilité de manger à leur hôtel. A midi, on leur propose de les y reconduire, mais généralement ils refusent». Les hôtels 5 étoiles se conforment ainsi aux normes internationales. Certains autres hôtels «moins classés» offrent leurs services, mais à des tarifs plus élevés. «12 000 DA la nuitée, petit déjeuner non inclus donc 1000 DA supplémentaire pour un petit café matinal», explique t-on également. Pour un hôtel situé à côté de la zone industrielle de Rouiba, c’est une aubaine pour se faire connaître et se distinguer. Doté de trois étoiles, cet établissement a développé toute une stratégie commerciale pour offrir à boire et à manger aux étrangers qui le sollicitent : «Notre restaurant offre des déjeuners à emporter sur le lieu de travail. Les entreprises employant des étrangers nous font des commandes. A midi, le déjeuner est servi sur leur lieu de travail», explique un employé de cet établissement.
Algériens intolérants ?
Malgré toutes les garanties faites aux travailleurs étrangers, la «mauvaise publicité» fait des Algériens un peuple intolérant, incompréhensif. Il suffit de cliquer sur Google «passer le Ramadhan en Algérie» pour savoir ce que pensent les autres des Algériens. «Il ne faut surtout pas manger ou fumer dehors.» «Il faut prendre des réserves de nourriture», propose un internaute. «C’est la faute au ministère du Tourisme qui n’a jamais pris sérieusement en compte la politique de tourisme», estime certains professionnels du secteur.
«On ne peut pas reprocher aux gens de penser ainsi, si l’Etat ne fait rien pour changer les choses. Comment veut-on devenir une destination touristique si les étrangers venus faire des affaires ou travailler ne trouvent même pas un endroit pour prendre un café ?» s’interroge M. Djeribi, président de l’Association des agences de tourisme et de voyages, qui plaide pour la refonte de la politique nationale du tourisme.
De son côté, le porte-parole de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), M. Boulenouar, estime que les pouvoirs publics ont failli dans l’organisation du fonctionnement des restaurants durant le mois de Ramadhan. Celui-ci précise que des commerçants désireux d’ouvrir durant la journée s’abstiennent de crainte des «représailles» de l’entourage. Si le ministère du Commerce astreint les gérants de restaurants qui comptent parmi leur clientèle habituelle des étrangers à ouvrir durant le mois sacré, les gérants auraient plus d’assurance pour faire face à toute provocation. Notifier ces clauses dans le cahier des charges et assurer la protection sont autant de points revendiqués par les représentants des gérants de restaurants.
Fatima Arab- El Watan
Ne pas manger du tout dans la journée est la solution «toute simple» trouvée par Li Jin Song, gérant d’une boutique de textile, située rue Belouizdad. C’était donc le «plan Ramadhan» déployé par ce jeune Chinois cette année. «Je n’avais pas le choix. Mon magasin grouille d’acheteurs le long de la journée, et dehors, il n’y a rien à se mettre sous la dent», explique-t-il en pliant une nappe brodée à la main. Je buvais de l’eau ou du jus, indique-t-il à voix basse en montrant du doigt une petite porte. L’arrière-boutique est une «cachette idéale» mais «par respect» pour sa collègue vendeuse, il limite ses «prises» d’eau.
Li trouve que le Ramadhan est «une nouvelle expérience» pour lui, «adopter le comportement qu’il faut» reste le seul moyen de continuer à faire tourner ses affaires. «Certes, c’est difficile de ne pas manger toute la journée», mais «c’est faisable et puis on est déjà à la fin», dit-il en riant, tout en reconnaissant regretter «les sandwichs chawarma achetés au fast-food d’à côté».
Comment les étrangers non musulmans se sont-ils débrouillés pour manger en Algérie durant le mois de Ramadhan ?
«Comme l’a fait n’importe quel Algérien qui ne fait pas le jeûne», répond un technicien allemand qui vient souvent en Algérie pour suivre l’installation d’équipements industriels. «Le Ramadhan n’a jamais constitué une contrainte. Mes collègues et moi mangeons à l’hôtel le matin et nous y revenons en fin de journée pour le dîner. Les entreprises nous offrent la possibilité de déjeuner en nous faisant reconduire à notre hôtel, mais nous avons refusé. Nous avons donc opté pour un travail ininterrompu et nous essayons de rentrer un peu plus tôt le soir pour pouvoir profiter du reste de la journée. Le seul hic est de ne pas pouvoir prendre une pause-café. Personne ne nous a dit de ne pas utiliser la machine à café, mais en ce qui me concerne, je m’en passe», explique-t-il.
Les collègues algériens seraient-ils contre ? Non, répond notre interlocuteur sans donner plus de détails. Passer le Ramadhan en Algérie implique donc de bien manger le matin à son hôtel et de patienter jusqu’à la fin de la journée. A l’hôtel, il est possible de manger au restaurant, de s’offrir les services du bar et de grignoter à volonté dans sa chambre.
Pour les travailleurs expatriés, «on prend un morceau dans le bureau». «Quand on est en groupe, je me comporte exactement comme mes collègues algériens. Manger n’est en fait qu’un détail sans aucune importance, mais c’est gênant pour la cigarette. Comme l’entreprise interdit de fumer à l’intérieur des locaux, je repère des endroits aérés pour fumer ma clope loin des regards. Ça me rappelle quand j’étais adolescent et que je fumais en cachette», explique Xavier, technicien dans l’agroalimentaire.
De bonnes affaires pour les hôtels de luxe
Manger dehors est donc quasiment impossible pour ces étrangers qui sont en séjour professionnel en Algérie durant le mois sacré. Aucun restaurant ni café n’est ouvert durant la journée. L’enfer pour ceux qui n’ont pas la possibilité de dénicher un endroit pour tromper sa faim. Les restaurants ne s’aventurent pas à ouvrir durant la journée par crainte de représailles. «Un restaurant comptant des Asiatiques parmi sa clientèle habituelle durant toute l’année est contraint de fermer durant le mois de Ramadhan par peur de voir ses locaux saccagés», explique un représentant des gérants de restaurants.
Ramadhan ou pas, dans certains hôtels, il n’y aucun changement dans les habitudes. Petit-déjeuner inclus, restaurant et bar ouverts 24h/24. Le président de l’Association des producteurs algériens de boissons (APAB), M. Hamani, explique que «les étrangers auxquels les entreprises algériennes font appel durant le Ramadhan sont pris en charge. Ils ont la possibilité de manger à leur hôtel. A midi, on leur propose de les y reconduire, mais généralement ils refusent». Les hôtels 5 étoiles se conforment ainsi aux normes internationales. Certains autres hôtels «moins classés» offrent leurs services, mais à des tarifs plus élevés. «12 000 DA la nuitée, petit déjeuner non inclus donc 1000 DA supplémentaire pour un petit café matinal», explique t-on également. Pour un hôtel situé à côté de la zone industrielle de Rouiba, c’est une aubaine pour se faire connaître et se distinguer. Doté de trois étoiles, cet établissement a développé toute une stratégie commerciale pour offrir à boire et à manger aux étrangers qui le sollicitent : «Notre restaurant offre des déjeuners à emporter sur le lieu de travail. Les entreprises employant des étrangers nous font des commandes. A midi, le déjeuner est servi sur leur lieu de travail», explique un employé de cet établissement.
Algériens intolérants ?
Malgré toutes les garanties faites aux travailleurs étrangers, la «mauvaise publicité» fait des Algériens un peuple intolérant, incompréhensif. Il suffit de cliquer sur Google «passer le Ramadhan en Algérie» pour savoir ce que pensent les autres des Algériens. «Il ne faut surtout pas manger ou fumer dehors.» «Il faut prendre des réserves de nourriture», propose un internaute. «C’est la faute au ministère du Tourisme qui n’a jamais pris sérieusement en compte la politique de tourisme», estime certains professionnels du secteur.
«On ne peut pas reprocher aux gens de penser ainsi, si l’Etat ne fait rien pour changer les choses. Comment veut-on devenir une destination touristique si les étrangers venus faire des affaires ou travailler ne trouvent même pas un endroit pour prendre un café ?» s’interroge M. Djeribi, président de l’Association des agences de tourisme et de voyages, qui plaide pour la refonte de la politique nationale du tourisme.
De son côté, le porte-parole de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), M. Boulenouar, estime que les pouvoirs publics ont failli dans l’organisation du fonctionnement des restaurants durant le mois de Ramadhan. Celui-ci précise que des commerçants désireux d’ouvrir durant la journée s’abstiennent de crainte des «représailles» de l’entourage. Si le ministère du Commerce astreint les gérants de restaurants qui comptent parmi leur clientèle habituelle des étrangers à ouvrir durant le mois sacré, les gérants auraient plus d’assurance pour faire face à toute provocation. Notifier ces clauses dans le cahier des charges et assurer la protection sont autant de points revendiqués par les représentants des gérants de restaurants.
Fatima Arab- El Watan
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