Notes de voyages
La Tunisie : Laïcité et modernité
Mohamed, un Kabyle de Kherrata, nous confie avec stupéfaction qu’il a vu des femmes en train de charger du sable avec des pelles sur un camion à Hammamet. Les Tunisiennes travaillent donc dans des chantiers tout comme les hommes.
Aomar Mohellebi
En ce vingt septembre 2006, ce qui devait constituer un événement culturel à Tunis n’en est pas un. Il s’agit de la sortie, en même temps qu’à Paris, de World Trade Center, le film tant médiatisé et tant attendu de Oliver Stone et dont le rôle principal est incarné par Nicolas Cage. Le film, comme indiqué par le titre évocateur, traite des attentats contre les tours jumelles de New York. A 15h 30, devant la salle de cinéma Le Colisée, situé sur le Boulevard Habib Bourguiba, on ne se bouscule pas au guichet, contre toute attente. Pourtant, les quotidiens principaux, notamment Echourouk, le plus grand tirage tunisien ainsi que Le Temps et La Presse en ont fait un sujet important. Le film est finalement projeté devant une trentaine de personnes dont au moins cinq quittent la salle avant la fin. Le prix du billet peut constituer un élément rebutant : 2,5 dinars tunisiens (150 DA). En Tunisie, le citoyen calcule au centime près toutes les dépenses du mois. C’est pratiquement le même mode de vie qu’en Europe. Par exemple, si deux amis s’attablent dans un café, chacun paye tout seul sa consommation. Cette règle est appliquée même entre une femme et son mari. «Un adolescent, dès qu’il atteint 18 ans doit gagner sa journée, autrement il est mis à la porte», explique Salwa Hamza, jeune professeur de lycée à Tunis. Salwa, à l’âge de 25 ans, s’estime heureuse puisque qu’en travaillant dix huit heures par semaine, elle gagne 700 dinars tunisiens (42 000 DA). Ce salaire lui permet de vivre à l’aise. Elle peut même s’offrir le luxe d’effecteur des économies. En dispensant des cours particuliers, elle peut accroître ses ressources de 50 %.
Elle avoue toutefois que la vie est chère dans son pays. Le transport par exemple coûte beaucoup. Pour aller de l’Ariana vers Tunis (7 km), par tramway, il faut débourser l’équivalent de 30 DA. Le trajet Tunis-Sousse, par train, revient à environ 400 DA. Pourtant, seulement 160 km séparent les deux villes. «Nous n’avons pas de pétrole comme vous en Algérie, c’est pour ça que le transport coûte cher», explique Rawda, étudiante en première année. Bien qu’elle soit dotée d’une riche culture générale, notamment en philosophie, Rawda s’exprime mal en Français. En Tunisie, le français est enseigné dès la troisième année primaire. Mais le volume horaire est très réduit. Les terminales lettres n’ont droit qu’à quatre heures de français par semaine.
Même Salwa, qui enseigne pourtant en français, avoue qu’elle ne maîtrise pas la langue française. «Je ne connais que le lexique inhérent à l’informatique», dit-elle. Rawda n’omet pas de mettre en relief un point essentiel en Tunisie : la liberté de la femme : «Notre loi protège la femme et la met sur un même pied d’égalité que l’homme. Elle la place aussi à l’abris de tout abus». A Tunis, il y a plus de femmes au volant que d’hommes.
Ce sont aussi les femmes qui font le marché. Elles interviennent dans tous les secteurs d’activité. Mohamed, un Kabyle de Kherrata, nous confie avec stupéfaction qu’il a vu des femmes en train de charger du sable à l’aide de pelles sur un camion à Hammamet. Les tunisiennes travaillent donc dans des chantiers tout comme les hommes. Les métiers de la restauration ne sont pas, non plus, l’apanage des hommes. Les femmes y officient comme serveuses, comme cuisinières ou simplement, elles tiennent la caisse. Samah travaille dans une compagnie de téléphonie. Elle termine à minuit et elle rentre toute seule à l’Ariana sans être embêtée par quiconque.
Elle a cependant l’habitude de se déplacer avec sa tenue de travail sur le dos de laquelle est écrit le nom de la firme. Mais même sans cela, elle ne risque pas d’être prise pour une femme de mœurs légères rien que parce qu’elle prend le tram à minuit sans être accompagnée d’un homme.
La Tunisie est aussi un pays laïque. La religion est une question purement individuelle. Le port du voile dans les écoles et dans les lieux de travail est formellement prohibé par la loi. «Beaucoup de filles ont arrêté les études à cause de cette contrainte», nous confie une jeune portant le voile. Les femmes voilées à Tunis se comptent pourtant sur les bouts du doigt. Tout comme les barbus. On en croise très rarement. Ramadhan est plus une tradition qu’une pratique religieuse. Un nombre important de tunisiens n’observent pas le carême sans qu’ils ne soient importunés par personne. «Des restaurants et des cafés restent ouverts durant tout ce mois», explique Walid, un algérien résidant en Tunisie. Ramadan est plus un mois pour faire la fête tous les jours et pour veiller jusqu’au matin.
La Tunisie est ainsi un pays à tradition musulmane plus qu’un pays musulman, la foi étant une question individuelle et personne n’a le droit de s’immiscer dans les affaires des autres. Ceux qui seraient tentés de jouer aux moralisateurs auront affaire à la loi, très sévère en tout point de vue. Un algérien, pour avoir volé un portable à un touriste, écope actuellement une peine de six ans de prison ferme.
En Tunisie, les services de sécurité sont présents partout. Il est extrêmement rare qu’un larcin soit commis et que son auteur puisse prendre la poudre d’escampette. «Une fois j’ai vu un jeune tenter de voler un cabas à un autre, en un clin d’œil, des policiers en civil sont sortis je ne sais d’où et ils l’ont attrapé», raconte Walid qui s’attache de plus en plus à la Tunisie sans savoir pourquoi.
A.M
La Tunisie : Laïcité et modernité
Mohamed, un Kabyle de Kherrata, nous confie avec stupéfaction qu’il a vu des femmes en train de charger du sable avec des pelles sur un camion à Hammamet. Les Tunisiennes travaillent donc dans des chantiers tout comme les hommes.
Aomar Mohellebi
En ce vingt septembre 2006, ce qui devait constituer un événement culturel à Tunis n’en est pas un. Il s’agit de la sortie, en même temps qu’à Paris, de World Trade Center, le film tant médiatisé et tant attendu de Oliver Stone et dont le rôle principal est incarné par Nicolas Cage. Le film, comme indiqué par le titre évocateur, traite des attentats contre les tours jumelles de New York. A 15h 30, devant la salle de cinéma Le Colisée, situé sur le Boulevard Habib Bourguiba, on ne se bouscule pas au guichet, contre toute attente. Pourtant, les quotidiens principaux, notamment Echourouk, le plus grand tirage tunisien ainsi que Le Temps et La Presse en ont fait un sujet important. Le film est finalement projeté devant une trentaine de personnes dont au moins cinq quittent la salle avant la fin. Le prix du billet peut constituer un élément rebutant : 2,5 dinars tunisiens (150 DA). En Tunisie, le citoyen calcule au centime près toutes les dépenses du mois. C’est pratiquement le même mode de vie qu’en Europe. Par exemple, si deux amis s’attablent dans un café, chacun paye tout seul sa consommation. Cette règle est appliquée même entre une femme et son mari. «Un adolescent, dès qu’il atteint 18 ans doit gagner sa journée, autrement il est mis à la porte», explique Salwa Hamza, jeune professeur de lycée à Tunis. Salwa, à l’âge de 25 ans, s’estime heureuse puisque qu’en travaillant dix huit heures par semaine, elle gagne 700 dinars tunisiens (42 000 DA). Ce salaire lui permet de vivre à l’aise. Elle peut même s’offrir le luxe d’effecteur des économies. En dispensant des cours particuliers, elle peut accroître ses ressources de 50 %.
Elle avoue toutefois que la vie est chère dans son pays. Le transport par exemple coûte beaucoup. Pour aller de l’Ariana vers Tunis (7 km), par tramway, il faut débourser l’équivalent de 30 DA. Le trajet Tunis-Sousse, par train, revient à environ 400 DA. Pourtant, seulement 160 km séparent les deux villes. «Nous n’avons pas de pétrole comme vous en Algérie, c’est pour ça que le transport coûte cher», explique Rawda, étudiante en première année. Bien qu’elle soit dotée d’une riche culture générale, notamment en philosophie, Rawda s’exprime mal en Français. En Tunisie, le français est enseigné dès la troisième année primaire. Mais le volume horaire est très réduit. Les terminales lettres n’ont droit qu’à quatre heures de français par semaine.
Même Salwa, qui enseigne pourtant en français, avoue qu’elle ne maîtrise pas la langue française. «Je ne connais que le lexique inhérent à l’informatique», dit-elle. Rawda n’omet pas de mettre en relief un point essentiel en Tunisie : la liberté de la femme : «Notre loi protège la femme et la met sur un même pied d’égalité que l’homme. Elle la place aussi à l’abris de tout abus». A Tunis, il y a plus de femmes au volant que d’hommes.
Ce sont aussi les femmes qui font le marché. Elles interviennent dans tous les secteurs d’activité. Mohamed, un Kabyle de Kherrata, nous confie avec stupéfaction qu’il a vu des femmes en train de charger du sable à l’aide de pelles sur un camion à Hammamet. Les tunisiennes travaillent donc dans des chantiers tout comme les hommes. Les métiers de la restauration ne sont pas, non plus, l’apanage des hommes. Les femmes y officient comme serveuses, comme cuisinières ou simplement, elles tiennent la caisse. Samah travaille dans une compagnie de téléphonie. Elle termine à minuit et elle rentre toute seule à l’Ariana sans être embêtée par quiconque.
Elle a cependant l’habitude de se déplacer avec sa tenue de travail sur le dos de laquelle est écrit le nom de la firme. Mais même sans cela, elle ne risque pas d’être prise pour une femme de mœurs légères rien que parce qu’elle prend le tram à minuit sans être accompagnée d’un homme.
La Tunisie est aussi un pays laïque. La religion est une question purement individuelle. Le port du voile dans les écoles et dans les lieux de travail est formellement prohibé par la loi. «Beaucoup de filles ont arrêté les études à cause de cette contrainte», nous confie une jeune portant le voile. Les femmes voilées à Tunis se comptent pourtant sur les bouts du doigt. Tout comme les barbus. On en croise très rarement. Ramadhan est plus une tradition qu’une pratique religieuse. Un nombre important de tunisiens n’observent pas le carême sans qu’ils ne soient importunés par personne. «Des restaurants et des cafés restent ouverts durant tout ce mois», explique Walid, un algérien résidant en Tunisie. Ramadan est plus un mois pour faire la fête tous les jours et pour veiller jusqu’au matin.
La Tunisie est ainsi un pays à tradition musulmane plus qu’un pays musulman, la foi étant une question individuelle et personne n’a le droit de s’immiscer dans les affaires des autres. Ceux qui seraient tentés de jouer aux moralisateurs auront affaire à la loi, très sévère en tout point de vue. Un algérien, pour avoir volé un portable à un touriste, écope actuellement une peine de six ans de prison ferme.
En Tunisie, les services de sécurité sont présents partout. Il est extrêmement rare qu’un larcin soit commis et que son auteur puisse prendre la poudre d’escampette. «Une fois j’ai vu un jeune tenter de voler un cabas à un autre, en un clin d’œil, des policiers en civil sont sortis je ne sais d’où et ils l’ont attrapé», raconte Walid qui s’attache de plus en plus à la Tunisie sans savoir pourquoi.
A.M
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