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Assensi n’Wezru n’Thur, catharsis et exorcisme collectifs

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  • Assensi n’Wezru n’Thur, catharsis et exorcisme collectifs

    Pèlerinage festif à la gloire d’un rocher du Djurdjura:

    Situé sur les hauteurs d’Iferhounène, à proximité du col de Tirourda, à quelque 1500 m d’altitude, Azrou n’Thor est une destination touristique de montagne, de villégiature et de randonnée pédestre sans aucune infrastructure.



    D’une beauté exceptionnelle, le rocher, couronné par un mausolée et dominant un impressionnant abîme, devient trois vendredis consécutifs du mois d’août de chaque année le lieu d’un pèlerinage qui attire des visiteurs venant de plusieurs localités de Kabylie. Assensi n’Wezru n’Thur, nom donné à cette célébration rituelle en l’honneur et sur le rocher Azrou n’Thour, est une fête patronale qu’organisent à tour de rôle trois villages de la daïra d’Iferhounène : Zoubga, Aït Adela et Takhlidjt Ath Atsou.
    L’endroit autant que le cérémonial qu’il accueille en son sein, de façon immuable depuis plusieurs générations, fascinent. Moult explications sont avancées pour expliquer le mystère d’une célébration et d’un hommage rendu à un rocher, fut-il couronné d’un mausolée en son sommet et que l’on dit construit par une poignée d’ermites pour se retirer du monde et s’adonner à leur prière, dans la proximité du ciel. Mais d’où vient ainsi qu’au XXIe siècle, des milliers de personnes continuent à signifier vénération et respect à un rocher ? Doit-on y voir le signe de la survivance d’un paganisme sous le vernis d’une religiosité et d’une piété qui seraient diffuses et ritualistes inspirées de l’Islam maghrébin des premiers temps ? Le déploiement festif et le regroupement qui se déroulent au pied et au sommet du rocher offrent ce contraste saisissant d’une quête spirituelle qui oscille entre le rituel mondain et la démonstration religieuse canonisée. Une célébration profane qui épouse les contours nus bileux d’une religiosité qui manque d’élaboration, mais non dénuée de sincérité.

    Echappées
    Ce mélange de pratiques et de croyances profanes et sacrées, en communion avec la nature, s’il peut prêter à sourire, offre l’occasion d’une catharsis, d’un exorcisme collectif : si pour les femmes, c’est l’occasion de voir et d’être vues du monde, pour beaucoup, cette excursion champêtre, comme celle qu’ils effectuent à Azrou n’Thour, offre un refuge contre les contingences, la banalité de la vie quotidienne. Elle permet d’échapper à un monde qui va mal et qui cède de plus en plus au désenchantement, en allant à la rencontre de choses simples de la vie et de renouer, même pour un jour, avec le merveilleux qu’inspire la montagne. Dans ces effusions ludiques et spirituelles et dans toute cette tension permanente entre ciel et terre pour donner du sens à la vie, qui se concentrent dans le spectacle aoûtien qui se déroule sur Azrou n’Thour, il y a, nous citons un auteur français qui fait la description d’un rite similaire, « le notable avantage de souder la communauté autour d’un même imaginaire et permet le maintien de la cohésion collective autour d’un corps de pensées homogènes »(1)
    Aussi, Assensi, ou la fête célébrée sur le pic sacré d’Azrou n’Thour, est, pour emprunter les mots du même auteur, « la synthèse métaphorique, voire symbolique d’une conception du monde ». Celle-là même qu’interroge l’ethnologue Camille Lacoste Dujardin, dans son étude du conte kabyle, où elle fait la réflexion suivante sur la montagne en tant qu’espace symbolique dans la vision du monde et la cosmogonie kabyles : « La montagne, Adrar, ne saurait manquer au paysage kabyle, puisqu’elle constitue la majeure partie de ce pays. (…) Partout, en quelque point de la Kabylie, l’horizon se confond, au Sud, avec les cimes du Djurdjura. La montagne est partout présente, et la distinction est difficile à établir entre la montagne proprement dite et les hautes collines qu’elle domine. En fait, les Kabyles sont conscients de leur qualité de montagnards qui, en préservant leur isolement, leur a permis de profiter des courants extérieurs, sans modifier leurs structures fondamentales (…). » « La montagne kabyle, par son caractère conjugué de nature sauvage et vide d’hommes, aux rochers escarpés et percés de grottes, fut de tout temps un lieu sacré, résidence de génies ou d’ogresses redoutées en communication avec le monde souterrain. Nombre de ses sommets sont restés des lieux de pèlerinage contre la stérilité, dont les Kabyles défendirent farouchement l’accès aux Turcs, comme le Tamgout des Aït Djennad. (…) D’autres lieux, comme les collines et les rochers, participent au sacré de la montagne. Ils sont surtout des lieux d’invocation. De leur sommet, on pourrait apercevoir le pays des parents dont on se trouve exilé. Leur hauteur peut symboliser la croissance : dans un conte (Le grain magique), le frère de l’héroïne grandit magnifiquement à chaque colline franchie sur laquelle la jeune fille doit faire une invocation », écrit Camille Lacoste Dujardin dans son essai intitulé Le conte kabyle, étude ethnographique, Editions Bouchène, Alger 1991. Voici ce qu’écrit encore l’auteur d’un blog consacré au Djurdjura (voir page Facebook, les Amis du Djurdjura) : « Baignant dans des légendes peuplées d’êtres surnaturels, le Djurdjura ne diffère pas des autres montagnes du monde, telles que les Pyrénées, les Alpes, les Appalaches, l’Himalaya et les Rocheuses, où les peuples autochtones ont érigé, depuis que le monde est monde, toute une mythologie et des rites sacrés qui, depuis l’avènement de la modernité, ont tout de même marqué le pas, pour ne pas dire sont dissous dans un ensemble de nouvelles références uniformes. Ces croyances instaurées par les montagnards, autour de leurs montagnes, sont inspirées par la quiétude et le silence des sommets, ainsi que par les reliefs imposants, parfois impressionnants, mais toujours rassurants. Cette quête renouvelée de spiritualité n’est pas étrangère au fait que les hommes de ces contrées aient pu entretenir, durant plusieurs décades, des rapports privilégiés et équilibrés avec leur environnement. Aujourd’hui, avec un siècle de recul et d’instruction, nous toisons tout ça d’un œil goguenard et paternaliste. Les multiples pressions subies par les peuples dits ‘‘primitifs’’ ont fait reculer et partir en lambeaux ces belles traditions, et des survivances en ont fait des folklores tout juste bons pour l’attrait touristique. » Azrou n’Thour, dit la petite histoire, était un lieu d’ermitage et de réclusion volontairement choisi par un groupe de tolba (moines/étudiants d’une école coranique) pour s’adonner à leurs prières et à l’adoration de Dieu. Un chapelet d’anecdotes, de légendes, sur fond de récits hagiographiques, tient lieu de repères biographiques et historiques et alimente l’aura de puissant thaumaturge, pourvoyeur de grâce et de miracles accordés à Azrou n’Thour, dénomination qui veut dire littéralement le rocher de la deuxième prière du jour. Ce qui est probable, c’est la vocation de lieu d’estivage, de migration des troupeaux qui, en été, montent à partir des maigres pâturages mitoyens des villages vers ceux de la montagne. C’est la vocation ainsi conférée au plateau prolongeant vers le sud la grande pyramide rocheuse.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Une destination touristique de rêve
    Azrou n’Thour et tout le périmètre montagneux qui l’entoure, allant de Tizi Ldjamaâ jusqu’au célèbre col de Tirourda, peut être aussi une destination de rêve pour un tourisme climatique, une halte pour les inconditionnels de la nature et autres amateurs de villégiature et de solitude cosmique. Le décor chaotique et féerique, à la fois, fascine par son panache, qui est un mélange d’éclat sauvage et de hauteur parcourue par une coulée rocailleuse et une maigre végétation, avec, çà et là, quelques cèdres rabougris, genévriers et chênes-lièges. Le rocher, que le rédacteur d’un guide touristique de l’époque coloniale comparait au fameux pic du Midi de la France, est un long cône culminant à 1 900 mètres d’altitude. L’oratoire, qui couronne son sommet où fut érigé un simulacre de mausolée, domine un impressionnant abîme et permet au regard de découvrir un panorama contrasté et compliqué de reliefs vallonnés et accidentés d’une partie de la haute Kabylie et de la vallée de la Soummam. L’esprit est assailli par moult interrogations sur le sens de la célébration par les villages Zoubga, Aït Adella et Takhlidjt Ath Atsou de la fête annuelle appelée Assensi. Un cérémonial durant lequel le grand rocher devient l’espace d’une journée aoûtienne le lieu d’un pèlerinage, mélangeant l’ambiance bigarrée d’une fête foraine et l’atmosphère grave et mystique d’un voyage initiatique et l’éclat solennel d’une cérémonie sacrée… Dès les premières heures de la journée, ce sont les familles du village organisateur qui arrivent sur les lieux déjà occupés depuis la veille par les organisateurs. Vieilles femmes ou mères de famille, escortant des enfants et, surtout, des jeunes filles ouvrent le bal des arrivants et jettent leur dévolu sur des endroits à l’ombre du feuillage léger et maigre des cèdres et des chênes-lièges pour y camper toute la journée, en attendant de se joindre à la foule qui part à l’assaut du pic. Pour aller de la base du rocher à son oratoire, il faut cheminer à travers un sentier escarpé envahi de pierres et bordé par endroits de ronces et d’arbustes sur lesquels, jadis, les femmes accrochaient les fanions et des pièces d’étoffe qui sont des ex-voto, des fétiches à qui elles prêtent une heureuse influence. L’ascension commence, calme et fluide. A mesure que l’affluence augmente entre dix heures et midi, le mouvement de la foule monte alors crescendo. Le spectacle visuel de l’ascension devient des plus prenants, un véritable panache joyeux et animé de mouvements et de couleurs constituées de nuances vives et chatoyantes des vêtements des femmes, où se côtoient les robes traditionnelles des anciennes et les tenues modernes et estivales des jeunes filles à l’élégance qui ne manque pas d’exciter le regard le plus pudique. En bas, au pied du rocher, séquence waâda et couscous pour tous. Sur un côté de l’esplanade aménagée qui donne lieu à un grand pic, c’est le rituel des oboles qui commence. Une véritable farandole de dons et d’offrandes d’argent est effectuée par les visiteurs, surtout les femmes, à qui les sages du village, réunis sous une tente autour de l’imam, prodiguent remerciements et baraka. Mais c’est autour du mausolée, là-haut, presque dans les nuages que se concentre l’essentiel de la journée le moment où la cérémonie dévoile un autre pan de sa liturgie, de son sens et aussi son mystère. Pendant que les hommes, jeunes et moins jeunes contemplent les splendeurs chaotiques qui les entourent et découvrent le moutonnement des collines et des monts qui se dressent au milieu d’étroites vallées, les femmes investissent le temple, une vieille bâtisse presque en ruine qui a servi de poste d’observation aux soldats français et qui fait office de lieu de culte au décor sommaire et dépouillé de toute représentation pieuse ou funéraire : juste un trou dans le mur qui ressemble, à s’y méprendre, à un confessionnal d’église. Sur le sol, un semblant d’autel sur lequel on allume des bougies. C’est le moment où ce rocher a l’étoffe d’un «Aassas», un lieu-dit vénéré et doté de pouvoirs d’oracle capable de miracles et auprès de qui on vient implorer une surhumaine protection et demander la baraka, faire des invocations en tous genres : femme mal mariée, jeune fille inquiétée par un long célibat ou vieille femme éplorée par l’absence trop longue d’un fils, on vient à Azrou n’Thour faire un vœu.
    L’espace d’une journée, Azrou n’Thour devient le lieu où se joue une dramaturgie à l’échelle de l’homme. Sur ces rochers escarpés, d’aucuns n’hésitent à accrocher leurs espérances les plus folles, d’autres leurs phantasmes, comme ces jeunes qui s’adonnent sur le parcours de l’ascension vers le haut du pic au jeu de la séduction. Azrou n’Thour devient, pour ainsi dire, un exutoire, le théâtre pour un exorcisme collectif.

    (1) « Culture populaire, sorcellerie ou magie ? » Dominique Grisoni in Le Magazine littéraire n°174, juin 1981. « Notre passé quotidien », Michel Pierre, Le Magazine littéraire n°179 juillet/août 1979

    Auteur: Sarah A
    REPORTERS.DZ
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      Je suis partie cette année (comme presque chaque année ) !Un coucou à Miss Michelet d'ailleurs ! En tous les cas ,c'est pas lew3adi qui manquent en Kabylie pendant cette période !Il nous est arrivé même de ne rien préparer à la maison trois jours de suite ! Café chez "chikh Belkacem" ,le déjeuner dans notre Zaouia et le diner dans une fête !
      Pour revenir au sujet ; le pèlerinage dont parle le journaliste on l'appelle "Assenssi" (grrrrrrrrrrr faut voir le monde qu'il y avait) !Seulement et faut préciser ; Azrou n'Thour offre un paysage à couper le souffle tout simplement (sens propre et figuré.......les filles oubliez vos talons) !Amateurs de nature sauvage ,rude vous serez gâtés . Pour en finir un kdo aux fainéants qui préfèrent voir que lire !oeilfermé


      رحم الله امرأة اعتصرت عمرها في كأس لتسقي وليدها شهدا

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      • #4
        bonjour

        Pèlerinage festif à la gloire d’un rocher du Djurdjura
        Le moussem, appelé également waada “Taâm” en Algérie, désigne au Maghreb, une fête régionale annuelle qui associe une célébration religieuse (souvent pour honorer un saint) à des activités festives et commerciales.
        ce sont pour la plupart des manifestations culturelles liés à la récolte, aux saints musulmans ou à la nature. Ces fêtes locales sont majoritairement religieuses mais aussi profanes un lieu de recontre familial .
        ces fêtes populaires ancestrales, qui créent une animation exceptionnelle et regroupent des milliers de personnes venues de toutes les régions du pays.

        c’est plutôt la même tradition avec des appellations différentes qu’il s’agit. Des traditions qui se perpétuent depuis l’ère Ottomane et qui ont survécu à l’oppression coloniale. Ces « Waâdates », qui incarne l’identité et les valeurs humanitaires de chaque tribu, sont longuement et minutieusement préparées à même d'assurer une organisation impeccable et un accueil des plus honorables et des plus chaleureux aux invités et touristes.
        dz(0000/1111)dz

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        • #5
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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          • #6
            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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