Histoire de l'Albanie par Encyclopedie Larousse
HISTOIRE
1. Des origines à l'indépendance
Anciennement peuplée par les Illyriens, l'Albanie est englobée dans l'empire romain, puis devient province byzantine. Elle est conquise par les Bulgares en 861 et, en 1041, elle est reprise par les Byzantins sous Basile II. Le pays constitue alors le despotat d'Épire, qui passe sous la domination de la famille Orsini, puis, de 1331 à 1355, fait partie de l'Empire serbe d'Étienne Dušan. En 1366, Balša, noble d'origine serbe, fonde à Shkodër (Scutari) une dynastie, qui durera jusqu'en 1421, date de la conquête de la ville par Venise.
Dès 1431, les Turcs, maîtres de Janina (Ioánnina), menacent le pays, qui s'unit sous la direction de Georges Castriota, dit Skanderbeg. Malgré une résistance acharnée, l'Albanie doit pourtant se soumettre. La moitié de la population se convertit à l'islam et le pays est traité tantôt avec indulgence, tantôt avec dureté, ce qui provoque des révoltes. C'est ainsi qu'en 1760 Mehmet Bushati fait sécession (son petit-fils Mustapha sera à son tour vaincu en 1831). Quant à Ali Pacha, qui s'est rendu indépendant du sultan à Ioánnina, il est vaincu par les Turcs en 1822.
2. L'Albanie indépendante
[B]2.1. L'accès à l'indépendance et la Première Guerre mondiale[/B]
En 1908, espérant obtenir l'autonomie, les Albanais soutiennent les Jeunes-Turcs, mais leur attente est déçue. Ils se révoltent de nouveau en 1912, et Ismaël Kemal proclame l'indépendance, qui est reconnue par les puissances européennes en 1913. Désigné comme souverain en 1914, Guillaume de Wied ne reste en Albanie que quelques mois.
Au cours de la Première Guerre mondiale, le nord du pays est occupé par les Italiens du général Ferrero, qui ne l'évacueront qu'en 1920. En 1921, l'indépendance du pays est confirmée, mais l'Albanie est amputée de territoires au profit de la Yougoslavie et de la Grèce.
2.2. La dictature du colonel puis du roi Zog
Le colonel Ahmed Zog, nommé Premier ministre de la jeune république en 1922, est renversé par les démocrates. En 1924, il écrase à son tour le parti démocrate et restaure sa dictature. Son régime, très répressif et soutenu par les éléments les plus rétrogrades de la population, s'appuie sur la Yougoslavie puis sur l'Italie. C'est ainsi qu'en 1927 le pacte de Tirana est signé avec Mussolini et que les Italiens obtiennent d'importants avantages économiques. Cette influence va aller grandissant après que Zog se soit proclamé roi, sous le nom de Zog Ier (1928), et c'est vainement que les démocrates tentent une insurrection.
Parallèlement, apparaissent quelques cellules communistes (Enver Hoxha dirige clandestinement celle de Korçë).
2.3. La Seconde Guerre mondiale
Le 7 avril 1939, les troupes fascistes envahissent brusquement le pays. Zog s'enfuit, tandis que Victor-Emmanuel III devient roi d'Albanie. Le 28 octobre 1940 débute l'invasion de la Grèce par les Italiens, qui sont rapidement refoulés. Tous les groupes communistes fusionnent en 1941 sous la direction d'Enver Hoxha, et opposent à l'occupant une vigoureuse résistance, qui s'attaque à la fois au « gouvernement Quisling » de Krujë et à une organisation anticommuniste, le Balli Kombëtar. Mehmet Shehu dirige les maquis. Après l'armistice signé entre l'Italie et les Alliés (8 septembre 1943), la Wehrmacht envahit l'Albanie. Elle est chassée par les partisans, en 1944.
3. La république populaire
3.1. Sous la férule d'Enver Hoxha
Enver HoxhaEnver Hoxha
Fort de sa victoire militaire, le parti communiste proclame, le 10 janvier 1946, la République populaire d'Albanie, dont Enver Hoxha devient le président. L'industrie et le commerce sont alors nationalisés, la terre distribuée aux paysans, puis collectivisée. Sur le plan politique, les opposants sont éliminés, et la population encadrée par des organisations de masse liées au parti, rebaptisé parti du Travail albanais (PPSh) en 1948.
Dans l'orbite de l'Union soviétique
Les priorités du régime sont d'assurer l'indépendance et l'industrialisation du pays. La tutelle yougoslave devenant trop pesante, Enver Hoxha profite de la rupture entre Tito et Staline pour se placer en 1949 sous la protection de l'URSS et obtenir une aide économique importante. Admise la même année au sein du Comecon, l'Albanie devient membre du pacte de Varsovie en 1955. Mais la politique de déstalinisation du dirigeant soviétique éloigne l'Albanie de son allié : Enver Hoxha rompt avec l'URSS en 1961.
La rupture avec la Chine
En 1968, après l'invasion de la Tchécoslovaquie, l'Albanie se retire du pacte de Varsovie et resserre les liens avec la Chine. Enfin, après avoir mis fin à cette alliance en 1978, après l'abandon du maoïsme par les dirigeants de Pékin, l'Albanie se retrouve isolée et tente de s'autosuffire économiquement.
La « discipline prolétarienne »
Ces revirements s'accompagnent de purges répétées dans le parti. Plus largement, la police secrète (Sigurimi) maintient la population dans la terreur. Rêvant d'un « homme nouveau », Enver Hoxha est hostile aux « traditions rétrogrades » comme aux « influences étrangères », interdisant ainsi l'usage des voitures individuelles et des vêtements occidentaux. Le régime parvient à renforcer le sentiment national en interdisant les religions (1967) et en unifiant les dialectes guègue et tosque (1972). De même, il modernise la société en luttant contre le droit coutumier, en développant l'instruction et la santé publiques, en faisant accéder les femmes au travail. Mais les vieux clivages claniques se reproduisent au sein même du PPSh : celui-ci est dominé par les Tosques du Sud, et les purges recoupent souvent des luttes entre familles rivales.
3.2. Ramiz Alia
Ramiz Alia, devenu chef de l'État en 1982, succède à Enver Hoxha, mort en avril 1985, à la tête du PPSh. Confronté à de graves pénuries, il lance quelques réformes économiques (rétablissement des lopins de terre privés en 1985), ainsi qu'une timide ouverture diplomatique en direction des pays européens. Mais il cherche surtout à préserver l'Albanie des conséquences de la perestroïka soviétique et de la chute du mur de Berlin, en novembre 1989.
4. Démocratie et instabilité
4.1. Restauration des libertés fondamentales, multipartisme
Boat people albanaisBoat people albanais
En décembre 1990, des manifestations étudiantes, suivies d'émeutes dans plusieurs villes, contraignent Ramiz Alia nommer un gouvernement technique de transition dirigé par le socialiste Fatos Nano. Il est contraint de restaurer les libertés fondamentales : les lieux de culte sont réouverts, une presse indépendante apparaît, le multipartisme est autorisé.
La principale force d'opposition, le parti démocratique d'Albanie (PDSh), fondé par Gramosz Pashko et Sali Berisha, parvient à s'organiser. Les premières élections législatives libres (mars-avril 1991), sont remportées par le PSSh (parti socialiste, successeur du PPSh), qui obtient 168 des 250 sièges à l'Assemblée du peuple, le PDSh en totalisant 75. Cette assemblée adopte l'amendement constitutionnel qui redonne au pays le nom de République d'Albanie et réélit Ramiz Alia à la présidence de la République.
Cependant, la crise économique est si grave que l'Italie doit organiser une aide humanitaire d'urgence (opération « Pelikan »). Par ailleurs, grèves et manifestations poussent le gouvernement à démissionner. Le communiste Ylli Buffi, qui a formé en juin un gouvernement d'union nationale, démissionne à son tour en décembre. En mars 1992, les élections anticipées, organisées à la demande de l'opposition, voient la victoire écrasante du PDSh qui remporte 92 sièges sur les 140 à pourvoir, tandis que le PSSh n'en obtient que 38.
4.2. La présidence de Sali Berisha (1992-1997)
Dès les premiers jours d'avril, Ramiz Alia est remplacé par Sali Berisha, président du PDSh. Le nouveau pouvoir accélère le rythme des réformes, décollectivisant la terre, privatisant le petit commerce et certaines grandes entreprises, ouvrant le pays aux investisseurs étrangers. Engagée en 1991, l'ouverture vers l'extérieur – rétablissement des relations diplomatiques avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, établissement de relations diplomatiques avec la Communauté européenne, adhésion à la CSCE (→ Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et à l'Organisation de la conférence islamique – se confirme et, en 1995, l'Albanie devient membre du Conseil de l'Europe. Toutefois, la montée des tensions aux frontières albano-serbe et albano-grecque et les risques d'explosion au Kosovo l'affectent directement.
À l'intérieur, la crise persiste, ainsi qu'en témoigne le rejet par référendum d'un projet de Constitution en novembre 1994. Les dérives autoritaires de S. Berisha et l'emprisonnement de son principal rival, le socialiste Fatos Nano, pour « corruption » détériorent le climat politique. En mai 1996, les élections législatives sont entachées d'irrégularités et boycottées par le PSSh et d'autres partis d'opposition. Cette situation est d'autant plus grave que le conflit entre démocrates et socialistes recoupe de plus en plus celui entre Guègues du Nord et Tosques du Sud, S. Berisha, originaire du Nord, privilégiant les premiers au détriment des seconds.
4.3. L'insurrection de 1997
En mars 1997, la faillite de sociétés d'épargne à caractère spéculatif provoque une insurrection dans le sud du pays, puis l'effondrement de l'appareil d'État et la multiplication des règlements de comptes. Le pays bascule dans la guerre civile, les sympathisants du PSSh accusant les partisans de S. Berisha d'avoir délibérément plongé le pays dans la crise, alors que tous les partis politiques avaient développé des relations suspectes avec les « pyramides » financières. Par rejet de l'État, accusé de complicité avec les compagnies bancaires, la population s'en prend à tous les symboles : les commissariats de police, les mairies, mais aussi les usines, les écoles, les bibliothèques sont pillés et détruits. Au sortir des émeutes, l'Albanie est un pays ravagé.
Les conséquences de la crise se répercutent également au Kosovo, où de nombreuses armes automatiques volées dans les casernes de l'armée albanaise finissent aux mains des combattants de l'UÇK.
Une intervention militaire internationale (opération « Alba ») permet à un gouvernement transitoire d'organiser de nouvelles élections (juin), remportées par le PSSh, qui obtient la majorité des deux tiers au Parlement. S. Berisha, reconnaissant sa défaite, démissionne en juillet ; il est remplacé par Rexhep Meidani. Acquité et libéré, F. Nano, leader du PSSh, redevient Premier ministre (octobre 1997).
HISTOIRE
1. Des origines à l'indépendance
Anciennement peuplée par les Illyriens, l'Albanie est englobée dans l'empire romain, puis devient province byzantine. Elle est conquise par les Bulgares en 861 et, en 1041, elle est reprise par les Byzantins sous Basile II. Le pays constitue alors le despotat d'Épire, qui passe sous la domination de la famille Orsini, puis, de 1331 à 1355, fait partie de l'Empire serbe d'Étienne Dušan. En 1366, Balša, noble d'origine serbe, fonde à Shkodër (Scutari) une dynastie, qui durera jusqu'en 1421, date de la conquête de la ville par Venise.
Dès 1431, les Turcs, maîtres de Janina (Ioánnina), menacent le pays, qui s'unit sous la direction de Georges Castriota, dit Skanderbeg. Malgré une résistance acharnée, l'Albanie doit pourtant se soumettre. La moitié de la population se convertit à l'islam et le pays est traité tantôt avec indulgence, tantôt avec dureté, ce qui provoque des révoltes. C'est ainsi qu'en 1760 Mehmet Bushati fait sécession (son petit-fils Mustapha sera à son tour vaincu en 1831). Quant à Ali Pacha, qui s'est rendu indépendant du sultan à Ioánnina, il est vaincu par les Turcs en 1822.
2. L'Albanie indépendante
[B]2.1. L'accès à l'indépendance et la Première Guerre mondiale[/B]
En 1908, espérant obtenir l'autonomie, les Albanais soutiennent les Jeunes-Turcs, mais leur attente est déçue. Ils se révoltent de nouveau en 1912, et Ismaël Kemal proclame l'indépendance, qui est reconnue par les puissances européennes en 1913. Désigné comme souverain en 1914, Guillaume de Wied ne reste en Albanie que quelques mois.
Au cours de la Première Guerre mondiale, le nord du pays est occupé par les Italiens du général Ferrero, qui ne l'évacueront qu'en 1920. En 1921, l'indépendance du pays est confirmée, mais l'Albanie est amputée de territoires au profit de la Yougoslavie et de la Grèce.
2.2. La dictature du colonel puis du roi Zog
Le colonel Ahmed Zog, nommé Premier ministre de la jeune république en 1922, est renversé par les démocrates. En 1924, il écrase à son tour le parti démocrate et restaure sa dictature. Son régime, très répressif et soutenu par les éléments les plus rétrogrades de la population, s'appuie sur la Yougoslavie puis sur l'Italie. C'est ainsi qu'en 1927 le pacte de Tirana est signé avec Mussolini et que les Italiens obtiennent d'importants avantages économiques. Cette influence va aller grandissant après que Zog se soit proclamé roi, sous le nom de Zog Ier (1928), et c'est vainement que les démocrates tentent une insurrection.
Parallèlement, apparaissent quelques cellules communistes (Enver Hoxha dirige clandestinement celle de Korçë).
2.3. La Seconde Guerre mondiale
Le 7 avril 1939, les troupes fascistes envahissent brusquement le pays. Zog s'enfuit, tandis que Victor-Emmanuel III devient roi d'Albanie. Le 28 octobre 1940 débute l'invasion de la Grèce par les Italiens, qui sont rapidement refoulés. Tous les groupes communistes fusionnent en 1941 sous la direction d'Enver Hoxha, et opposent à l'occupant une vigoureuse résistance, qui s'attaque à la fois au « gouvernement Quisling » de Krujë et à une organisation anticommuniste, le Balli Kombëtar. Mehmet Shehu dirige les maquis. Après l'armistice signé entre l'Italie et les Alliés (8 septembre 1943), la Wehrmacht envahit l'Albanie. Elle est chassée par les partisans, en 1944.
3. La république populaire
3.1. Sous la férule d'Enver Hoxha
Enver HoxhaEnver Hoxha
Fort de sa victoire militaire, le parti communiste proclame, le 10 janvier 1946, la République populaire d'Albanie, dont Enver Hoxha devient le président. L'industrie et le commerce sont alors nationalisés, la terre distribuée aux paysans, puis collectivisée. Sur le plan politique, les opposants sont éliminés, et la population encadrée par des organisations de masse liées au parti, rebaptisé parti du Travail albanais (PPSh) en 1948.
Dans l'orbite de l'Union soviétique
Les priorités du régime sont d'assurer l'indépendance et l'industrialisation du pays. La tutelle yougoslave devenant trop pesante, Enver Hoxha profite de la rupture entre Tito et Staline pour se placer en 1949 sous la protection de l'URSS et obtenir une aide économique importante. Admise la même année au sein du Comecon, l'Albanie devient membre du pacte de Varsovie en 1955. Mais la politique de déstalinisation du dirigeant soviétique éloigne l'Albanie de son allié : Enver Hoxha rompt avec l'URSS en 1961.
La rupture avec la Chine
En 1968, après l'invasion de la Tchécoslovaquie, l'Albanie se retire du pacte de Varsovie et resserre les liens avec la Chine. Enfin, après avoir mis fin à cette alliance en 1978, après l'abandon du maoïsme par les dirigeants de Pékin, l'Albanie se retrouve isolée et tente de s'autosuffire économiquement.
La « discipline prolétarienne »
Ces revirements s'accompagnent de purges répétées dans le parti. Plus largement, la police secrète (Sigurimi) maintient la population dans la terreur. Rêvant d'un « homme nouveau », Enver Hoxha est hostile aux « traditions rétrogrades » comme aux « influences étrangères », interdisant ainsi l'usage des voitures individuelles et des vêtements occidentaux. Le régime parvient à renforcer le sentiment national en interdisant les religions (1967) et en unifiant les dialectes guègue et tosque (1972). De même, il modernise la société en luttant contre le droit coutumier, en développant l'instruction et la santé publiques, en faisant accéder les femmes au travail. Mais les vieux clivages claniques se reproduisent au sein même du PPSh : celui-ci est dominé par les Tosques du Sud, et les purges recoupent souvent des luttes entre familles rivales.
3.2. Ramiz Alia
Ramiz Alia, devenu chef de l'État en 1982, succède à Enver Hoxha, mort en avril 1985, à la tête du PPSh. Confronté à de graves pénuries, il lance quelques réformes économiques (rétablissement des lopins de terre privés en 1985), ainsi qu'une timide ouverture diplomatique en direction des pays européens. Mais il cherche surtout à préserver l'Albanie des conséquences de la perestroïka soviétique et de la chute du mur de Berlin, en novembre 1989.
4. Démocratie et instabilité
4.1. Restauration des libertés fondamentales, multipartisme
Boat people albanaisBoat people albanais
En décembre 1990, des manifestations étudiantes, suivies d'émeutes dans plusieurs villes, contraignent Ramiz Alia nommer un gouvernement technique de transition dirigé par le socialiste Fatos Nano. Il est contraint de restaurer les libertés fondamentales : les lieux de culte sont réouverts, une presse indépendante apparaît, le multipartisme est autorisé.
La principale force d'opposition, le parti démocratique d'Albanie (PDSh), fondé par Gramosz Pashko et Sali Berisha, parvient à s'organiser. Les premières élections législatives libres (mars-avril 1991), sont remportées par le PSSh (parti socialiste, successeur du PPSh), qui obtient 168 des 250 sièges à l'Assemblée du peuple, le PDSh en totalisant 75. Cette assemblée adopte l'amendement constitutionnel qui redonne au pays le nom de République d'Albanie et réélit Ramiz Alia à la présidence de la République.
Cependant, la crise économique est si grave que l'Italie doit organiser une aide humanitaire d'urgence (opération « Pelikan »). Par ailleurs, grèves et manifestations poussent le gouvernement à démissionner. Le communiste Ylli Buffi, qui a formé en juin un gouvernement d'union nationale, démissionne à son tour en décembre. En mars 1992, les élections anticipées, organisées à la demande de l'opposition, voient la victoire écrasante du PDSh qui remporte 92 sièges sur les 140 à pourvoir, tandis que le PSSh n'en obtient que 38.
4.2. La présidence de Sali Berisha (1992-1997)
Dès les premiers jours d'avril, Ramiz Alia est remplacé par Sali Berisha, président du PDSh. Le nouveau pouvoir accélère le rythme des réformes, décollectivisant la terre, privatisant le petit commerce et certaines grandes entreprises, ouvrant le pays aux investisseurs étrangers. Engagée en 1991, l'ouverture vers l'extérieur – rétablissement des relations diplomatiques avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, établissement de relations diplomatiques avec la Communauté européenne, adhésion à la CSCE (→ Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et à l'Organisation de la conférence islamique – se confirme et, en 1995, l'Albanie devient membre du Conseil de l'Europe. Toutefois, la montée des tensions aux frontières albano-serbe et albano-grecque et les risques d'explosion au Kosovo l'affectent directement.
À l'intérieur, la crise persiste, ainsi qu'en témoigne le rejet par référendum d'un projet de Constitution en novembre 1994. Les dérives autoritaires de S. Berisha et l'emprisonnement de son principal rival, le socialiste Fatos Nano, pour « corruption » détériorent le climat politique. En mai 1996, les élections législatives sont entachées d'irrégularités et boycottées par le PSSh et d'autres partis d'opposition. Cette situation est d'autant plus grave que le conflit entre démocrates et socialistes recoupe de plus en plus celui entre Guègues du Nord et Tosques du Sud, S. Berisha, originaire du Nord, privilégiant les premiers au détriment des seconds.
4.3. L'insurrection de 1997
En mars 1997, la faillite de sociétés d'épargne à caractère spéculatif provoque une insurrection dans le sud du pays, puis l'effondrement de l'appareil d'État et la multiplication des règlements de comptes. Le pays bascule dans la guerre civile, les sympathisants du PSSh accusant les partisans de S. Berisha d'avoir délibérément plongé le pays dans la crise, alors que tous les partis politiques avaient développé des relations suspectes avec les « pyramides » financières. Par rejet de l'État, accusé de complicité avec les compagnies bancaires, la population s'en prend à tous les symboles : les commissariats de police, les mairies, mais aussi les usines, les écoles, les bibliothèques sont pillés et détruits. Au sortir des émeutes, l'Albanie est un pays ravagé.
Les conséquences de la crise se répercutent également au Kosovo, où de nombreuses armes automatiques volées dans les casernes de l'armée albanaise finissent aux mains des combattants de l'UÇK.
Une intervention militaire internationale (opération « Alba ») permet à un gouvernement transitoire d'organiser de nouvelles élections (juin), remportées par le PSSh, qui obtient la majorité des deux tiers au Parlement. S. Berisha, reconnaissant sa défaite, démissionne en juillet ; il est remplacé par Rexhep Meidani. Acquité et libéré, F. Nano, leader du PSSh, redevient Premier ministre (octobre 1997).
Commentaire