Pour aider les troupes à mieux comprendre les missions futures, l'armée canadienne a fait appel à un fournisseur inhabituel, l'an dernier: un auteur de romans de science-fiction. Karl Schroeder a ainsi pondu Crise à Zefra, mettant en vedette des soldats canadiens en patrouille dans une ville fictive et chaotique d'Afrique, en 2025.
Pourquoi utiliser un roman pour enseigner aux soldats canadiens l'art de la guerre?
«C'est une pratique commune, dans les armées du monde, de faire appel au genre romanesque pour expliquer certains concepts plus difficiles aux soldats», a expliqué à La Presse Andrew B. Godefroy, éditeur du roman Crise à Zefra et instructeur au Collège militaire royal du Canada, à Kingston.
Avec Crise à Zefra, l'armée a renoué avec une tradition centenaire, plus ou moins abandonnée dans les années 90, après la fin de la guerre froide: commander des oeuvres de fiction pour enseigner l'art de la guerre aux soldats et aux officiers. La plus vieille, datant de 1905, était campée pendant la guerre des Boers, en Afrique du Sud.
M. Schroeder, un Torontois, est l'auteur de cinq romans futuristes. Son roman de 134 pages est basé sur les recherches d'une équipe de la Direction des concepts stratégiques de l'armée. But: «Servir de point de départ à un examen et à un débat éclairés des futurs concepts de l'Armée et des progrès technologiques», peut-on lire dans la postface de Crise à Zefra.
L'auteur de Lady of Mazes et de Sun of Suns a donc mis en scène les aventures du caporal Michel Marchand et du sergent Leslie Campbell, assistés de Ebun Ishangi, analyste et traductrice du ministère de la Défense nationale, dans la ville en proie à une guerre civile. Mais les véritables héros de Crise à Zefra, ce sont les gadgets et bidules futuristes, tous basés sur de véritables percées technologiques actuelles utilisées par les soldats canadiens. Des joujoux que ne renierait pas Kiefer Sutherland dans la série 24. Il est question de poussière intelligente, d'essaim de capteurs, de logiciels de traduction automatique et de nanotechnologie.
Extraits
Page 9: «(Desai) sourit; son propre visiocasque lui donnait une vue de la ville de très haut. () La ville virtuelle qu'elle surveillait était un amalgame de données en direct émises par un aérostat.»
Page 16: «Plusieurs enfants riaient aux éclats tout en chassant deux drones hélicoptères de la taille de la paume d'une main.»
Page 21: «Le visiocasque avait conservé un souvenir de la trajectoire de la grenade»
Page 28: «Les robots utilisaient un radar Doppler pour repérer la respiration et le battement de coeur des humains» cachés dans un immeuble assiégé par les soldats canadiens.
Karl Schroeder, reconnu pour intégrer la philosophie à ses ouvrages de science-fiction, fait dire à un leader rebelle, Mastan Nouria: «Il est ironique de penser que ce sont des soldats canadiens qui vont être tués. C'est un de leurs philosophes, Marshall McLuhan, qui a affirmé que la politique finirait par être remplacée par l'imagerie. Cet adage va aujourd'hui recevoir confirmation.»
Chaque partie de Crise à Zefra prend fin sur une série de questions soumises aux lecteurs, sur l'environnement politique et technologique des missions canadiennes. Les militaires sont ensuite invités à en discuter sur un site web de l'armée. Crise à Zefra a été imprimé à 2500 exemplaires et est également disponible sur le web, gratuitement. La version web offre une multitude d'hyperliens expliquant les technologies décrites par Karl Schroeder.
Crise à Zefra a beau être campé en 2025, dans une ville fictive, l'action rappelle la situation des soldats canadiens en Afghanistan, aujourd'hui même. Un passage écrit par M. Schroeder pourrait aussi bien décrire la province de Kandahar: «La coalition internationale s'employait à rétablir l'ordre et la loi. Apparemment, la majorité des citoyens souhaitait sa présence. Le problème, c'était une minorité d'insurgés.»
En 1905, The Defence of Duffer's Drift, du capitaine Ernest Swinton, est devenu "le premier ouvrage de fiction à être intégré au développement professionnel militaire", écrit le major Godefroy dans la préface de Crise à Zefra. Pendant les deux guerres mondiales, l'armée canadienne a continué à utiliser la fiction, en roman et en nouvelle, pour faire de l'anticipation. Dans les années 70, l'armée a commandé d'autres oeuvres de fiction pour donner à ses soldats «une image concrète», explique le major Godefroy, de ce dont aurait l'air une guerre OTAN-Pacte de Varsovie en Europe. Exemple: The Third World War: August 1985, du général John Hackett.
Il a été impossible de parler à Karl Schroeder, hier. Mais dans une entrevue récente sur un blogue spécialisé en littérature futuriste, l'auteur de Crise à Zefra a décrit les militaires canadiens comme «certaines des personnes les plus flexibles, à l'esprit le plus ouvert». L'auteur, qui a reçu 7000$ pour ce contrat, selon le ministère de la Défense, affirme aussi que les marines américains «sont de grands fans de Crise à Zefra».
Le major Godefroy décrit ces ouvrages prospectifs comme étant essentiels «pour préparer l'avenir dès maintenant». Au ministère de la Défense nationale, on a indiqué à La Presse que d'autres romans futuristes du genre de Crise à Zefra pourraient être commandés, prochainement.
AFP
Pourquoi utiliser un roman pour enseigner aux soldats canadiens l'art de la guerre?
«C'est une pratique commune, dans les armées du monde, de faire appel au genre romanesque pour expliquer certains concepts plus difficiles aux soldats», a expliqué à La Presse Andrew B. Godefroy, éditeur du roman Crise à Zefra et instructeur au Collège militaire royal du Canada, à Kingston.
Avec Crise à Zefra, l'armée a renoué avec une tradition centenaire, plus ou moins abandonnée dans les années 90, après la fin de la guerre froide: commander des oeuvres de fiction pour enseigner l'art de la guerre aux soldats et aux officiers. La plus vieille, datant de 1905, était campée pendant la guerre des Boers, en Afrique du Sud.
M. Schroeder, un Torontois, est l'auteur de cinq romans futuristes. Son roman de 134 pages est basé sur les recherches d'une équipe de la Direction des concepts stratégiques de l'armée. But: «Servir de point de départ à un examen et à un débat éclairés des futurs concepts de l'Armée et des progrès technologiques», peut-on lire dans la postface de Crise à Zefra.
L'auteur de Lady of Mazes et de Sun of Suns a donc mis en scène les aventures du caporal Michel Marchand et du sergent Leslie Campbell, assistés de Ebun Ishangi, analyste et traductrice du ministère de la Défense nationale, dans la ville en proie à une guerre civile. Mais les véritables héros de Crise à Zefra, ce sont les gadgets et bidules futuristes, tous basés sur de véritables percées technologiques actuelles utilisées par les soldats canadiens. Des joujoux que ne renierait pas Kiefer Sutherland dans la série 24. Il est question de poussière intelligente, d'essaim de capteurs, de logiciels de traduction automatique et de nanotechnologie.
Extraits
Page 9: «(Desai) sourit; son propre visiocasque lui donnait une vue de la ville de très haut. () La ville virtuelle qu'elle surveillait était un amalgame de données en direct émises par un aérostat.»
Page 16: «Plusieurs enfants riaient aux éclats tout en chassant deux drones hélicoptères de la taille de la paume d'une main.»
Page 21: «Le visiocasque avait conservé un souvenir de la trajectoire de la grenade»
Page 28: «Les robots utilisaient un radar Doppler pour repérer la respiration et le battement de coeur des humains» cachés dans un immeuble assiégé par les soldats canadiens.
Karl Schroeder, reconnu pour intégrer la philosophie à ses ouvrages de science-fiction, fait dire à un leader rebelle, Mastan Nouria: «Il est ironique de penser que ce sont des soldats canadiens qui vont être tués. C'est un de leurs philosophes, Marshall McLuhan, qui a affirmé que la politique finirait par être remplacée par l'imagerie. Cet adage va aujourd'hui recevoir confirmation.»
Chaque partie de Crise à Zefra prend fin sur une série de questions soumises aux lecteurs, sur l'environnement politique et technologique des missions canadiennes. Les militaires sont ensuite invités à en discuter sur un site web de l'armée. Crise à Zefra a été imprimé à 2500 exemplaires et est également disponible sur le web, gratuitement. La version web offre une multitude d'hyperliens expliquant les technologies décrites par Karl Schroeder.
Crise à Zefra a beau être campé en 2025, dans une ville fictive, l'action rappelle la situation des soldats canadiens en Afghanistan, aujourd'hui même. Un passage écrit par M. Schroeder pourrait aussi bien décrire la province de Kandahar: «La coalition internationale s'employait à rétablir l'ordre et la loi. Apparemment, la majorité des citoyens souhaitait sa présence. Le problème, c'était une minorité d'insurgés.»
En 1905, The Defence of Duffer's Drift, du capitaine Ernest Swinton, est devenu "le premier ouvrage de fiction à être intégré au développement professionnel militaire", écrit le major Godefroy dans la préface de Crise à Zefra. Pendant les deux guerres mondiales, l'armée canadienne a continué à utiliser la fiction, en roman et en nouvelle, pour faire de l'anticipation. Dans les années 70, l'armée a commandé d'autres oeuvres de fiction pour donner à ses soldats «une image concrète», explique le major Godefroy, de ce dont aurait l'air une guerre OTAN-Pacte de Varsovie en Europe. Exemple: The Third World War: August 1985, du général John Hackett.
Il a été impossible de parler à Karl Schroeder, hier. Mais dans une entrevue récente sur un blogue spécialisé en littérature futuriste, l'auteur de Crise à Zefra a décrit les militaires canadiens comme «certaines des personnes les plus flexibles, à l'esprit le plus ouvert». L'auteur, qui a reçu 7000$ pour ce contrat, selon le ministère de la Défense, affirme aussi que les marines américains «sont de grands fans de Crise à Zefra».
Le major Godefroy décrit ces ouvrages prospectifs comme étant essentiels «pour préparer l'avenir dès maintenant». Au ministère de la Défense nationale, on a indiqué à La Presse que d'autres romans futuristes du genre de Crise à Zefra pourraient être commandés, prochainement.
AFP