Interview de Ségolène Royal dans Le Parisien
Le 4 mai 2007, par Désirs d’Avenir,
Au lendemain de son débat télévisé musclé avec Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal a reçu « le Parisien » et « Aujourd’hui en France ». Elle explique ce qu’elle fera si elle est élue dimanche soir.
AU LENDEMAIN de son face-à-face télévisé avec Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal apparaît hier matin, dans son quartier général du boulevard Saint-Germain à Paris (VIIe arrondissement), tranquille et déterminée. Tranquille comme une candidate qui, non contente d’avoir le 22 avril accédé au second tour, a fait mercredi soir devant tous la démonstration de sa pugnacité, elle que beaucoup jugeaient incompétente et d’abord fragile. Déterminée comme une femme qui se sent, au final, poussée par une « vraie ferveur populaire » et croit toujours, n’en déplaise aux sondages, qu’elle peut gagner sur le fil dimanche. Alors que François Bayrou a confirmé hier qu’il ne voterait pas Sarkozy, elle rêve de disposer à l’Assemblée, au-delà des clivages habituels, de « la majorité la plus large possible ». « Avec moi, martèle-t-elle, visant implicitement son rival, il n’y a aucun risque. Vous avez tout à gagner... » Réponse dimanche à 20 heures.
Quel est, chez vous, le sentiment dominant après le débat télévisé de jeudi soir ? Ségolène Royal. J’ai défendu mes idées.
Vous n’avez aucun regret ? On a toujours des regrets après un débat, parce qu’on n’a pas dit tout ce qu’on aurait voulu dire. Mais, globalement, ce débat a été éclairant sur le choix qui s’offre dimanche aux Français entre deux projets de société, deux visions de la France.
Comment vous est apparu Nicolas Sarkozy ? Sur la défensive. Et, parfois, j’ai eu l’impression qu’il était en difficulté. Je pense notamment à nos échanges sur la sécurité, l’environnement, le nucléaire, la scolarisation des enfants handicapés. Ce dernier sujet est, pour moi, révélateur d’un certain comportement politique dont les Français ne veulent plus.
Nicolas Sarkozy dit qu’il vous a trouvée agressive... C’est son habitude de se sentir agressé dès qu’on n’est pas d’accord avec lui. Or, c’est simplement le débat politique qui doit être mené avec conviction et passion. Car je crois profondément à la politique.
Vous, vous n’estimez pas avoir été agressive ? Non, j’ai rempli mon rôle. Avec la volonté qu’on comprenne qu’avec moi, les intérêts des Français seront bien défendus et que je ne me laisserai pas faire.
Votre stratégie était, à vos yeux, la bonne ? Je voulais que ce débat montre clairement quel est l’enjeu de dimanche et notamment en quoi Nicolas Sarkozy est responsable du bilan du gouvernement actuel. Je voulais aussi montrer la démagogie de certaines de ses propositions. Ainsi, après avoir visité un foyer de femmes battues sans papiers, il leur a promis la régularisation. Comme je n’imagine pas que le propos ne valait que pour ce foyer-là - ou alors l’impartialité de l’Etat serait remise en cause - ,vous imaginez jusqu’où sa promesse peut conduire ! D’autant qu’il a promis aussi un autre jour la nationalité française à toutes les femmes martyrisées du monde. Ce qui doit représenter au moins 200 millions de personnes ! Soit Nicolas Sarkozy promet n’importe quoi, soit il n’est pas responsable. Combien de promesses, en réalité, pourrait-il tenir ? Sûrement pas ses promesses d’allègements fiscaux, qui dépassent de loin ce que Margaret Thatcher a fait en dix ans de pouvoir et qui conduirait à la ruine des services publics. Et puis son programme est rempli d’injustices. Je ne citerai que le bouclier fiscal, qui consiste à rembourser une partie de l’impôt des plus riches contribuables, comme cette riche héritière qui vient de récupérer plus de 7 millions d’euros.
Un échange a beaucoup frappé. Nicolas Sarkozy vous a reproché de perdre vos nerfs et vous lui avez répondu qu’il y a des indignations, même pour un chef d’Etat, sincères et saines...
C’était un temps fort, oui. Je porte des convictions. Je ne suis pas dans le calcul. Le sort réservé aux élèves handicapés à l’école ne peut laisser personne indifférent. J’avais imposé l’accueil des enfants trisomiques à l’école maternelle et, aujourd’hui, le gouvernement est revenu en arrière et on ne veut plus d’eux : est-ce que cette situation scandaleuse, cette souffrance des familles ne méritent pas du coeur et de l’indignation ?
« On n’imposera pas d’en haut, par la loi, une extension des 35 heures »
Mercredi soir, l’échange sur le nucléaire a été plutôt confus...
J’apporte une précision : le pourcentage de 17 % que j’ai évoqué représente la part du nucléaire dans la totalité de l’énergie consommée, et non la part de l’électricité produite par le nucléaire. Quant aux 50 % que Nicolas Sarkozy a cités, cela ne correspond à rien. Sur le fond, il ne sait ni que l’EPR, c’est la troisième génération du nucléaire, ni que les gisements d’uranium risquent d’être épuisés d’ici quelques dizaines d’années. Même sur le nucléaire iranien, il n’a pas maîtrisé le sujet, car, aujourd’hui, ce n’est pas le nucléaire militaire qui est en cause : la prolifération s’organise à partir du nucléaire civil.
Sur les 35 heures, vous avez dit qu’il n’y aurait pas généralisation automatique...
Une des révélations du débat a été l’acceptation par Nicolas Sarkozy de ce que les 35 heures constituent désormais en France la durée légale du travail, sur laquelle il ne reviendrait pas. Soit les 35 heures sont nocives à l’économie, comme le disent le Medef et le candidat sortant, et il faut qu’il ait le courage politique de les supprimer. Soit c’est un acquis social et une mesure qui a créé de l’emploi, comme je le crois, et il faut les défendre, même s’il faut tirer des leçons pour mieux faire.
Vous, vous avez admis que la deuxième loi sur les 35 heures avait été, pour le moins, brutale...
J’ai dit que la deuxième loi avait été précipitée et qu’il n’y aurait pas demain de généralisation des 35 heures aux PME sans accord des partenaires sociaux, branche par branche.
Cela veut dire quoi ?
Cela veut dire que le débat sera ouvert et que, s’il n’y pas d’accord, on n’imposera pas d’en haut, par la loi, une extension des 35 heures.
Y a-t-il encore aujourd’hui un vrai clivage droite-gauche sur les 35 heures ?
Non, puisque Nicolas Sarkozy s’est aligné sur ma position !
Vous avez aussi indiqué qu’il n’y aurait pas de régularisation systématique des sans-papiers...
Je le confirme. Les régularisations auront lieu sur des critères. Mais dans des conditions honnêtes : nous ne dirons pas, nous, avant l’examen des dossiers, combien il y aura, à l’arrivée, de personnes régularisées en créant autant de drames humains. Avec moi, les règles seront claires.
« J’ai trouvé Nicolas Sarkozy désinvolte »
Le 4 mai 2007, par Désirs d’Avenir,
Au lendemain de son débat télévisé musclé avec Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal a reçu « le Parisien » et « Aujourd’hui en France ». Elle explique ce qu’elle fera si elle est élue dimanche soir.
AU LENDEMAIN de son face-à-face télévisé avec Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal apparaît hier matin, dans son quartier général du boulevard Saint-Germain à Paris (VIIe arrondissement), tranquille et déterminée. Tranquille comme une candidate qui, non contente d’avoir le 22 avril accédé au second tour, a fait mercredi soir devant tous la démonstration de sa pugnacité, elle que beaucoup jugeaient incompétente et d’abord fragile. Déterminée comme une femme qui se sent, au final, poussée par une « vraie ferveur populaire » et croit toujours, n’en déplaise aux sondages, qu’elle peut gagner sur le fil dimanche. Alors que François Bayrou a confirmé hier qu’il ne voterait pas Sarkozy, elle rêve de disposer à l’Assemblée, au-delà des clivages habituels, de « la majorité la plus large possible ». « Avec moi, martèle-t-elle, visant implicitement son rival, il n’y a aucun risque. Vous avez tout à gagner... » Réponse dimanche à 20 heures.
Quel est, chez vous, le sentiment dominant après le débat télévisé de jeudi soir ? Ségolène Royal. J’ai défendu mes idées.
Vous n’avez aucun regret ? On a toujours des regrets après un débat, parce qu’on n’a pas dit tout ce qu’on aurait voulu dire. Mais, globalement, ce débat a été éclairant sur le choix qui s’offre dimanche aux Français entre deux projets de société, deux visions de la France.
Comment vous est apparu Nicolas Sarkozy ? Sur la défensive. Et, parfois, j’ai eu l’impression qu’il était en difficulté. Je pense notamment à nos échanges sur la sécurité, l’environnement, le nucléaire, la scolarisation des enfants handicapés. Ce dernier sujet est, pour moi, révélateur d’un certain comportement politique dont les Français ne veulent plus.
Nicolas Sarkozy dit qu’il vous a trouvée agressive... C’est son habitude de se sentir agressé dès qu’on n’est pas d’accord avec lui. Or, c’est simplement le débat politique qui doit être mené avec conviction et passion. Car je crois profondément à la politique.
Vous, vous n’estimez pas avoir été agressive ? Non, j’ai rempli mon rôle. Avec la volonté qu’on comprenne qu’avec moi, les intérêts des Français seront bien défendus et que je ne me laisserai pas faire.
Votre stratégie était, à vos yeux, la bonne ? Je voulais que ce débat montre clairement quel est l’enjeu de dimanche et notamment en quoi Nicolas Sarkozy est responsable du bilan du gouvernement actuel. Je voulais aussi montrer la démagogie de certaines de ses propositions. Ainsi, après avoir visité un foyer de femmes battues sans papiers, il leur a promis la régularisation. Comme je n’imagine pas que le propos ne valait que pour ce foyer-là - ou alors l’impartialité de l’Etat serait remise en cause - ,vous imaginez jusqu’où sa promesse peut conduire ! D’autant qu’il a promis aussi un autre jour la nationalité française à toutes les femmes martyrisées du monde. Ce qui doit représenter au moins 200 millions de personnes ! Soit Nicolas Sarkozy promet n’importe quoi, soit il n’est pas responsable. Combien de promesses, en réalité, pourrait-il tenir ? Sûrement pas ses promesses d’allègements fiscaux, qui dépassent de loin ce que Margaret Thatcher a fait en dix ans de pouvoir et qui conduirait à la ruine des services publics. Et puis son programme est rempli d’injustices. Je ne citerai que le bouclier fiscal, qui consiste à rembourser une partie de l’impôt des plus riches contribuables, comme cette riche héritière qui vient de récupérer plus de 7 millions d’euros.
Un échange a beaucoup frappé. Nicolas Sarkozy vous a reproché de perdre vos nerfs et vous lui avez répondu qu’il y a des indignations, même pour un chef d’Etat, sincères et saines...
C’était un temps fort, oui. Je porte des convictions. Je ne suis pas dans le calcul. Le sort réservé aux élèves handicapés à l’école ne peut laisser personne indifférent. J’avais imposé l’accueil des enfants trisomiques à l’école maternelle et, aujourd’hui, le gouvernement est revenu en arrière et on ne veut plus d’eux : est-ce que cette situation scandaleuse, cette souffrance des familles ne méritent pas du coeur et de l’indignation ?
« On n’imposera pas d’en haut, par la loi, une extension des 35 heures »
Mercredi soir, l’échange sur le nucléaire a été plutôt confus...
J’apporte une précision : le pourcentage de 17 % que j’ai évoqué représente la part du nucléaire dans la totalité de l’énergie consommée, et non la part de l’électricité produite par le nucléaire. Quant aux 50 % que Nicolas Sarkozy a cités, cela ne correspond à rien. Sur le fond, il ne sait ni que l’EPR, c’est la troisième génération du nucléaire, ni que les gisements d’uranium risquent d’être épuisés d’ici quelques dizaines d’années. Même sur le nucléaire iranien, il n’a pas maîtrisé le sujet, car, aujourd’hui, ce n’est pas le nucléaire militaire qui est en cause : la prolifération s’organise à partir du nucléaire civil.
Sur les 35 heures, vous avez dit qu’il n’y aurait pas généralisation automatique...
Une des révélations du débat a été l’acceptation par Nicolas Sarkozy de ce que les 35 heures constituent désormais en France la durée légale du travail, sur laquelle il ne reviendrait pas. Soit les 35 heures sont nocives à l’économie, comme le disent le Medef et le candidat sortant, et il faut qu’il ait le courage politique de les supprimer. Soit c’est un acquis social et une mesure qui a créé de l’emploi, comme je le crois, et il faut les défendre, même s’il faut tirer des leçons pour mieux faire.
Vous, vous avez admis que la deuxième loi sur les 35 heures avait été, pour le moins, brutale...
J’ai dit que la deuxième loi avait été précipitée et qu’il n’y aurait pas demain de généralisation des 35 heures aux PME sans accord des partenaires sociaux, branche par branche.
Cela veut dire quoi ?
Cela veut dire que le débat sera ouvert et que, s’il n’y pas d’accord, on n’imposera pas d’en haut, par la loi, une extension des 35 heures.
Y a-t-il encore aujourd’hui un vrai clivage droite-gauche sur les 35 heures ?
Non, puisque Nicolas Sarkozy s’est aligné sur ma position !
Vous avez aussi indiqué qu’il n’y aurait pas de régularisation systématique des sans-papiers...
Je le confirme. Les régularisations auront lieu sur des critères. Mais dans des conditions honnêtes : nous ne dirons pas, nous, avant l’examen des dossiers, combien il y aura, à l’arrivée, de personnes régularisées en créant autant de drames humains. Avec moi, les règles seront claires.
« J’ai trouvé Nicolas Sarkozy désinvolte »
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