"Qui sont les Zouaves Paris, ce groupuscule ultraviolent présent au meeting de Zemmour ?
Au cours des divers incidents qui ont rythmé le premier meeting d’Éric Zemmour, dimanche 5 décembre à Paris, des membres des Zouaves Paris ont été identifiés. Un groupuscule d’extrême droite, très violent, sans pensée politique réellement structurée.
Les incidents qui ont ponctué le premier meeting de Zemmour, candidat à la présidentielle, dimanche 5 décembre 2021 à Paris, ont mis en lumière un groupuscule d’ultradroite baptisé les Zouaves Paris.
Plusieurs de ses membres ont été identifiés par des journalistes, autour et dans le Parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis) où se déroulait l’événement qui a rassemblé 13 000 personnes selon les organisateurs. Marc de Cacqueray-Valmenier, le chef présumé des Zouaves, était notamment au cœur de la mêlée avant qu’une douzaine de militants de SOS Racisme soit exfiltrée du hall d'exposition.
Un premier meeting violent
En parallèle à l’appel à manifester partout en France lancé par les syndicats et les associations antiracistes, les militants de SOS Racisme étaient entrés dans la salle du meeting pour un happening. Ensemble, ils se sont levés et ont soulevé leurs t-shirts afin de dévoiler des lettres qui formaient le slogan « Non au racisme ».
Cette opération s’est finie dans un immense chahut, avec bagarre et jets de chaises. Les militants de SOS Racisme ont été exfiltrés à l’extérieur par le service d’ordre du candidat. « Ils vont déposer plainte », a déclaré Dominique Sopo, le président de l’association.
Au cours de ce même meeting, des journalistes de l'émission Quotidien de TMC ont été pris à partie, tandis que le candidat était agrippé par un homme.
Le Parquet de Bobigny a ouvert une enquête « sur les faits de violence commis à l’intérieur du meeting », confié à la sûreté territoriale 93.
Les Zouaves identifiés par des journalistes
Parmi les nombreux membres de groupes d’extrême ou d’ultradroite qui assistaient au meeting du candidat, le journal Libération notamment a identifié « des membres du groupuscule de hooligans néonazi des Zouaves Paris ».
« Les Zouaves, précise Jean-Yves Camus, politologue et codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean Jaurès, c’est un groupuscule de quelques dizaines d’individus qui, de temps en temps, sortent de la zone urbaine parisienne pour participer à des opérations coups de poing. Ce sont avant tout des ultraviolents de l’ultradroite, dont le contenu idéologique est réduit à sa plus simple expression. »
Le politologue rappelle que ce groupuscule n’a jusqu’ici diffusé qu’un unique tract, pendant le mouvement des Gilets jaunes. « Et il ne comprenait qu’un recto… Leur seule raison d’être, c’est la bagarre. Contre les antifas, les gauchistes en général, tout ce qui peut être féministe, LGBT, pro migrants… Bref, toutes les détestations habituelles de l’extrême droite. »
Qui sont ces Zouaves Paris ?
Héritiers du GUD (Groupe union défense), les Zouaves Paris font effectivement le coup de poing très régulièrement. Le site Mediapart recense ainsi des actions « contre des supporters avec des drapeaux algériens lors de la Coupe du monde de football en 2018 ; contre des militants du NPA dans le cadre d’une manifestation des Gilets jaunes en janvier 2019 ; contre un journaliste de France Inter en marge d’un défilé de La Manif pour tous, en janvier 2020 ; contre un soutien du comité Adama Traoré dans le métro en juin 2020 et, quatre jours plus tôt, contre le bar Le Saint-Sauveur, QG des antifascistes parisiens ».
Cette attaque a d’ailleurs fini devant un tribunal pour 5 de ses membres en novembre 2021. Le parquet a requis six et dix mois de prison ferme contre deux des prévenus pour violences et dégradations en réunion. La décision du tribunal est attendue en janvier.
« Ils ont de loin l’un des pedigrees les plus violents dans l’ensemble des groupes d’extrême droite, poursuit Jean-Yves Camus. Ce ne sont pas des apprentis terroristes, de ceux dont la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure N.D.L.R.) déjoue régulièrement des projets dangereux. Leur forme de violence, c’est celle de la rue, exactement celle que l’on a pu voir dimanche. Un peu old school. La bagarre militante comme lorsqu’ils descendent en province donner des coups de main à des petits camarades contre des bars d’antifas par exemple. Mais ce jeu reste dangereux, pour les deux côtés. Les bagarres tournent parfois mal. ».
Qui est Marc de Cacqueray-Valmenier, leur chef présumé ?
Âgé de 23 ans, Marc de Cacqueray-Valmenier a déjà participé à de multiples actions des Zouaves et est connu des services de police. Le site Street Pressle décrit comme un « milicien, néonazi et royaliste ».
Marc de Cacqueray-Valmenier est issu d’une famille de catholiques traditionalistes de l’ouest de la France. « Il a pris le parti de l’Ukraine contre la Russie dans le conflit du Dombass, raconte Jean-Yves Camus. Mais il s’agit d’affinité personnelle. Ce n’est pas théorisé. Chez certains groupes, comme les Zouaves, le contenu s’arrête à peu près là. Il n’existe pas de références précises, ni de production intellectuelle. C’est la bagarre pour défendre l’identité française, point. ».
Un défaut de maîtrise en matière de sécurité ?
Avec ces entrées et sorties clairement identifiées et ces murs d’enceinte, le parc des expositions de Villepinte est un endroit facile à sécuriser pour un service d’ordre formé. Du coup, ce qui s’est passé dimanche interroge le politologue : « Que le service d’ordre qui encadre la première réunion politique d’un candidat à la présidentielle dans un endroit facile à sécuriser soit déjà dépassé, cela pose question. L’erreur a été de les accepter. Car avec les Zouaves, on est sûr que cela va déraper. Il y a eu au minimum un défaut de maîtrise. »
L’observateur spécialisé rappelle que l’engouement de l’ultradroite pour Zemmour est extraordinaire. « Il apparaît comme le candidat le plus antisystème et le plus radical. Pour eux, Marine Le Pen est quasiment insérée dans le système. Donc ils se tournent vers Éric Zemmour. Et celui-ci ne s’est pas vraiment montré regardant sur les soutiens que ce milieu lui apporte. On aurait pu attendre a minima une déclaration, pas forcément du candidat mais de son équipe, pour regretter ces incidents. C’est inquiétant. Que pourrait-il se passer ailleurs, éventuellement en cœur de ville en province, plus difficile à sécuriser ? Ce n’est pas un climat de campagne. »
Une menace pour l’ordre public ?
Selon un rapport de l’Assemblée Nationale de 2019, « environ 3 000 personnes en France seraient rassemblées sous la bannière de divers groupes aux idées ultradroite ». Un chiffre stable semble-t-il depuis 2005. Mais leur surveillance par les autorités s’est renforcée car leur mode d’action violent inquiète dans le climat actuel.
« Les groupuscules ultras représentent, avant tout, une menace pour l’ordre public, ces dernières années ayant été marquées par une résurgence des actions violentes en marge des manifestations », indique la DGSI sur son site.
Elle précise ne pas s’intéresser « à l’extrême droite et l’extrême gauche, qui sont des courants politiques sur le suivi desquels les services de renseignement n’ont aucune compétence. Mais peut en revanche être amenée à suivre des individus qui, au nom d’idéologies extrêmes, sont susceptibles d’avoir recours à la violence physique avec, pour certains, la volonté d’attenter à la forme républicaine des institutions ou à ses représentants ».
Leur réapparition est à mettre en parallèle avec les attentats islamistes ayant eu lieu en France. Les manifestations contre le mariage pour tous, puis les Gilets jaunes et ensuite contre le passe sanitaire constituent aussi des moments pour fédérer ces défenseurs de l’Europe blanche et chrétienne.
« Dans le cas des Zouaves, conclut Jean-Yves Camus, il s’agit d’un groupement de fait et non pas d’une association déclarée en préfecture. Ce qui n’empêche pas une éventuelle dissolution selon le code L212 1 du code de la sécurité intérieure. »"
ouest-france.fr 07 12 2021
Au cours des divers incidents qui ont rythmé le premier meeting d’Éric Zemmour, dimanche 5 décembre à Paris, des membres des Zouaves Paris ont été identifiés. Un groupuscule d’extrême droite, très violent, sans pensée politique réellement structurée.
Les incidents qui ont ponctué le premier meeting de Zemmour, candidat à la présidentielle, dimanche 5 décembre 2021 à Paris, ont mis en lumière un groupuscule d’ultradroite baptisé les Zouaves Paris.
Plusieurs de ses membres ont été identifiés par des journalistes, autour et dans le Parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis) où se déroulait l’événement qui a rassemblé 13 000 personnes selon les organisateurs. Marc de Cacqueray-Valmenier, le chef présumé des Zouaves, était notamment au cœur de la mêlée avant qu’une douzaine de militants de SOS Racisme soit exfiltrée du hall d'exposition.
Un premier meeting violent
En parallèle à l’appel à manifester partout en France lancé par les syndicats et les associations antiracistes, les militants de SOS Racisme étaient entrés dans la salle du meeting pour un happening. Ensemble, ils se sont levés et ont soulevé leurs t-shirts afin de dévoiler des lettres qui formaient le slogan « Non au racisme ».
Cette opération s’est finie dans un immense chahut, avec bagarre et jets de chaises. Les militants de SOS Racisme ont été exfiltrés à l’extérieur par le service d’ordre du candidat. « Ils vont déposer plainte », a déclaré Dominique Sopo, le président de l’association.
Au cours de ce même meeting, des journalistes de l'émission Quotidien de TMC ont été pris à partie, tandis que le candidat était agrippé par un homme.
Le Parquet de Bobigny a ouvert une enquête « sur les faits de violence commis à l’intérieur du meeting », confié à la sûreté territoriale 93.
Les Zouaves identifiés par des journalistes
Parmi les nombreux membres de groupes d’extrême ou d’ultradroite qui assistaient au meeting du candidat, le journal Libération notamment a identifié « des membres du groupuscule de hooligans néonazi des Zouaves Paris ».
« Les Zouaves, précise Jean-Yves Camus, politologue et codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean Jaurès, c’est un groupuscule de quelques dizaines d’individus qui, de temps en temps, sortent de la zone urbaine parisienne pour participer à des opérations coups de poing. Ce sont avant tout des ultraviolents de l’ultradroite, dont le contenu idéologique est réduit à sa plus simple expression. »
Le politologue rappelle que ce groupuscule n’a jusqu’ici diffusé qu’un unique tract, pendant le mouvement des Gilets jaunes. « Et il ne comprenait qu’un recto… Leur seule raison d’être, c’est la bagarre. Contre les antifas, les gauchistes en général, tout ce qui peut être féministe, LGBT, pro migrants… Bref, toutes les détestations habituelles de l’extrême droite. »
Qui sont ces Zouaves Paris ?
Héritiers du GUD (Groupe union défense), les Zouaves Paris font effectivement le coup de poing très régulièrement. Le site Mediapart recense ainsi des actions « contre des supporters avec des drapeaux algériens lors de la Coupe du monde de football en 2018 ; contre des militants du NPA dans le cadre d’une manifestation des Gilets jaunes en janvier 2019 ; contre un journaliste de France Inter en marge d’un défilé de La Manif pour tous, en janvier 2020 ; contre un soutien du comité Adama Traoré dans le métro en juin 2020 et, quatre jours plus tôt, contre le bar Le Saint-Sauveur, QG des antifascistes parisiens ».
Cette attaque a d’ailleurs fini devant un tribunal pour 5 de ses membres en novembre 2021. Le parquet a requis six et dix mois de prison ferme contre deux des prévenus pour violences et dégradations en réunion. La décision du tribunal est attendue en janvier.
« Ils ont de loin l’un des pedigrees les plus violents dans l’ensemble des groupes d’extrême droite, poursuit Jean-Yves Camus. Ce ne sont pas des apprentis terroristes, de ceux dont la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure N.D.L.R.) déjoue régulièrement des projets dangereux. Leur forme de violence, c’est celle de la rue, exactement celle que l’on a pu voir dimanche. Un peu old school. La bagarre militante comme lorsqu’ils descendent en province donner des coups de main à des petits camarades contre des bars d’antifas par exemple. Mais ce jeu reste dangereux, pour les deux côtés. Les bagarres tournent parfois mal. ».
Qui est Marc de Cacqueray-Valmenier, leur chef présumé ?
Âgé de 23 ans, Marc de Cacqueray-Valmenier a déjà participé à de multiples actions des Zouaves et est connu des services de police. Le site Street Pressle décrit comme un « milicien, néonazi et royaliste ».
Marc de Cacqueray-Valmenier est issu d’une famille de catholiques traditionalistes de l’ouest de la France. « Il a pris le parti de l’Ukraine contre la Russie dans le conflit du Dombass, raconte Jean-Yves Camus. Mais il s’agit d’affinité personnelle. Ce n’est pas théorisé. Chez certains groupes, comme les Zouaves, le contenu s’arrête à peu près là. Il n’existe pas de références précises, ni de production intellectuelle. C’est la bagarre pour défendre l’identité française, point. ».
Un défaut de maîtrise en matière de sécurité ?
Avec ces entrées et sorties clairement identifiées et ces murs d’enceinte, le parc des expositions de Villepinte est un endroit facile à sécuriser pour un service d’ordre formé. Du coup, ce qui s’est passé dimanche interroge le politologue : « Que le service d’ordre qui encadre la première réunion politique d’un candidat à la présidentielle dans un endroit facile à sécuriser soit déjà dépassé, cela pose question. L’erreur a été de les accepter. Car avec les Zouaves, on est sûr que cela va déraper. Il y a eu au minimum un défaut de maîtrise. »
L’observateur spécialisé rappelle que l’engouement de l’ultradroite pour Zemmour est extraordinaire. « Il apparaît comme le candidat le plus antisystème et le plus radical. Pour eux, Marine Le Pen est quasiment insérée dans le système. Donc ils se tournent vers Éric Zemmour. Et celui-ci ne s’est pas vraiment montré regardant sur les soutiens que ce milieu lui apporte. On aurait pu attendre a minima une déclaration, pas forcément du candidat mais de son équipe, pour regretter ces incidents. C’est inquiétant. Que pourrait-il se passer ailleurs, éventuellement en cœur de ville en province, plus difficile à sécuriser ? Ce n’est pas un climat de campagne. »
Une menace pour l’ordre public ?
Selon un rapport de l’Assemblée Nationale de 2019, « environ 3 000 personnes en France seraient rassemblées sous la bannière de divers groupes aux idées ultradroite ». Un chiffre stable semble-t-il depuis 2005. Mais leur surveillance par les autorités s’est renforcée car leur mode d’action violent inquiète dans le climat actuel.
« Les groupuscules ultras représentent, avant tout, une menace pour l’ordre public, ces dernières années ayant été marquées par une résurgence des actions violentes en marge des manifestations », indique la DGSI sur son site.
Elle précise ne pas s’intéresser « à l’extrême droite et l’extrême gauche, qui sont des courants politiques sur le suivi desquels les services de renseignement n’ont aucune compétence. Mais peut en revanche être amenée à suivre des individus qui, au nom d’idéologies extrêmes, sont susceptibles d’avoir recours à la violence physique avec, pour certains, la volonté d’attenter à la forme républicaine des institutions ou à ses représentants ».
Leur réapparition est à mettre en parallèle avec les attentats islamistes ayant eu lieu en France. Les manifestations contre le mariage pour tous, puis les Gilets jaunes et ensuite contre le passe sanitaire constituent aussi des moments pour fédérer ces défenseurs de l’Europe blanche et chrétienne.
« Dans le cas des Zouaves, conclut Jean-Yves Camus, il s’agit d’un groupement de fait et non pas d’une association déclarée en préfecture. Ce qui n’empêche pas une éventuelle dissolution selon le code L212 1 du code de la sécurité intérieure. »"
ouest-france.fr 07 12 2021

Commentaire