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En Essonne, les procédures de regroupement familial se transforment en calvaire

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  • En Essonne, les procédures de regroupement familial se transforment en calvaire

    Nejma Brahim

    De nombreuses familles souffrent de voir leur demande traîner pendant des années, au point qu’un collectif d’une centaine de personnes s’est créé. Deux rassemblements ont déjà été organisés devant la préfecture à Évry-Courcouronnes, afin d’interpeller les autorités.


    Il y a des combats qui se mènent dans l’ombre. Depuis des mois, un collectif réunissant plus de cent personnes, ayant toutes lancé une demande de regroupement familial dans le département de l’Essonne, lutte pour obtenir une réponse de la préfecture. Le plus souvent, ses membres attendent depuis plusieurs années. « Regroupement familial Essonne 91 : 36 à 44mois d’attente sans réponse », pouvait-on lire sur l’une des pancartes à l’occasion du dernier rassemblement organisé par le collectif, mardi 18juillet. « Délivrez nos familles, libérez les avis », clamait une autre.

    Qui pourrait imaginer, hormis les personnes directement concernées et les associations qui les accompagnent, qu’il faut aujourd’hui attendre des années pour pouvoir retrouver un proche – un ou une conjointe, un enfant – resté dans son pays d’origine. Alors que le regroupement familial ne cesse d’être remis en cause par la droite et l’extrême droite, comme s’il s’agissait d’une faveur, et non d’un droit ? « Ça devient très difficile psychologiquement et financièrement », pointe Mouhammad, installé en France depuis 2013, qui a déposé sa demande le 27octobre2020.

    Agrandir l’image : Illustration 1Le 18 juillet, un collectif s’est rassemblé pour la deuxième fois devant la préfecture de l’Essonne. © Photo Collectif Regroupement familial 91

    Habitant de Chilly-Mazarin et responsable logistique dans un magasin de bricolage, le trentenaire attend que son épouse puisse le rejoindre en région parisienne. « La fréquence de délivrance des avis est très, très faible. » Mouhammad est contraint de se rendre régulièrement au Sénégal, consacrant une partie de son budget aux billets d’avion. Sa femme est tombée enceinte à deux reprises, mais a perdu le premier bébé après une fausse couche.

    « En mars dernier, notre fils est né suite à sa seconde grossesse. Je suis allé le voir mais à mon retour en France, il n’arrêtait pas de pleurer. Alors que je lui parlais en visio un jour, il a voulu que je le prenne dans mes bras. Ça m’a achevé », relate-t-il, expliquant limiter depuis les appels pour leur épargner trop de peine.

    Drames familiaux


    Mouhammad, comme beaucoup d’autres, a pourtant respecté toutes les étapes de la procédure de regroupement familial : le dossier doit d’abord être déposé à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), chargé d’étudier chaque cas et d’organiser une visite du logement censé accueillir le ou les proches. Une fois validé, le dossier est transféré à la préfecture concernée. Celle-ci dispose de six mois à compter du dépôt du dossier complet pour rendre le fameux avis.

    Dans les faits, la procédure ne se déroule pas toujours ainsi. Cheikh, un Comorien âgé de 60 ans ayant déposé une demande en 2018 par l’intermédiaire d’un avocat, a dû instruire une nouvelle demande en 2020 parce que son dossier avait été perdu. « Mon dossier a été transféré à la préfecture en décembre 2021, mais je n’ai toujours rien reçu. »

    L’homme attend lui aussi que son épouse puisse les rejoindre, lui et leurs enfants, venus en France grâce à un visa d’études. Leur mère bénéficie d’un visa multi-entrées et vient leur rendre visite quand elle le peut. « Mais à chaque fois qu’elle doit rentrer, c’est un déchirement pour les enfants. Ils ont besoin de leur mère et c’est normal. On a même déjà été tentés de la faire rester, mais la mettre en situation irrégulière occasionnerait d’autres ennuis… »

    Je considère que j’ai perdu un temps précieux que j’aurais pu passer à ses côtés.
    Meriem, qui vient de perdre sa fille


    Pour d’autres, la situation est encore plus critique : Meriem, une Algérienne installée à Brétigny-sur-Orge, devait faire venir sa fille âgée de trois ans et demi, confiée aux grands-parents en attendant l’avis de la préfecture. La fillette a récemment perdu la vie dans un accident de voiture. « C’est le destin, elle n’est pas morte à cause de la préfecture. Mais je considère que j’ai perdu un temps précieux que j’aurais pu passer à ses côtés. De ce point de vue-là, les autorités françaises ont une part de responsabilité. »

    Sa demande avait été lancée en février 2020, et son dossier a été transféré à la préfecture de l’Essonne en octobre 2021. Ensuite, Meriem avait tout tenté pour obtenir une réponse de la préfecture : lettre à Emmanuel Macron, dont le cabinet a répondu qu’il transmettait au ministère de l’intérieur, saisine du Défenseur des droits, entrevue avec le maire de sa commune…


    Agrandir l’image : Illustration 2Des manifestants venus réclamer des réponses à la préfecture de l’Essonne, à Évry le 18 juillet 2023. © Photo Collectif Regroupement familial 91

    « J’ai même pris un avocat, qui a écrit à la préfecture. Elle m’a recontactéeune semaine plus tard pour me demanderun complément de dossier, mais c’était un document que j’avais déjà communiqué deux fois ! » Elle se sent presque obligée de le préciser : elle et son mari travaillent et « gagnent bien [leur] vie », ont un logement adapté, dont ils sont propriétaires.

    « Je ne comprends pas pourquoi ça bloque. Il y a un problème au niveau de la préfecture, mais lequel ? Je ne sais pas… » Deux couples ont déjà divorcé « à cause de la lenteur du traitement des demandes en Essonne », regrette l’un des représentants du collectif. Sollicités par Mediapart, les services de la préfecture n’ont pas répondu à nos questions.

    Plus de mille dossiers en attente


    « Des familles se déchirent », complète Mohamed, un autre représentant du collectif et responsable du dernier rassemblement organisé devant la préfecture d’Évry-Courcouronnes. « Dans mon cas, ça fait 30 mois qu’on attend. Ça devient trop compliqué, j’en suis devenu malade. Ça crée un manque de confiance avec ma femme, qui va jusqu’à se demander si je n’ai pas des ennuis avec les autorités. » Son dossier, poursuit-il, devrait être « l’un des plus simples » à traiter pour la préfecture. Mohamed a pu évoquer son cas, le 18juillet dernier, auprès du directeur de la branche immigration et intégration et d’une cheffe de service. Il n’a pas vu sa conjointe depuis dix mois.

    « Ils nous ont reçus, nous étions six. On a compris qu’il y avait un problème de sous-effectif et que cet été, l’un des deux agents serait absent », rapporte-t-il. D’après leurs échanges, plus de mille dossiers seraient aujourd’hui en attente à la préfecture de l’Essonne et un « retour à la normale » serait envisagé en janvier 2024.

    S’il leur a été indiqué que 309avis avaient été délivrés cette année, ils restent sceptiques. « Nous, on compte seulement 23 réponses délivrées depuis la liste qu’on leur a communiquée lors du premier rassemblement en mai, dont deux avis défavorables », récapitule l’un des représentants du collectif, qui a lui-même reçu un avis favorable récemment.

    Une situation incompréhensible pour certains, car ce dernier avait « seulement » déposé son dossier en janvier 2022, soit un an et demi plus tôt – des délais de traitement déjà trop longs au regard de la loi. Cheikh, le Comorien, explique aussi avoir constaté que certains dossiers déposés bien après le sien ont déjà eu une réponse de la préfecture : « On voit bien que ce n’est pas traité dans l’ordre. Ce n’est pas normal à mes yeux et c’est inquiétant pour nous. » « Il y a des avis favorables qui sont tombés depuis le décès de ma fille, ajoute Meriem, y compris pour des personnes qui avaient déposé leur demande plus récemment. Je me dis que je n’ai pas eu de chance. »

    Mouhammad a contacté à maintes reprises la préfecture, qui n’a répondu qu’une fois. « Mon dossier serait toujours en cours d’instruction. Sauf qu’à cause de leurs délais, l’ambassade de France au Sénégal a préféré restituer son passeport à ma femme, considérant que sans réponse de la préfecture, il y avait refus implicite. C’est le flou total. »

    Cette année, un autre ressortissant sénégalais a fait face à une situation ubuesque : il a reçu un avis favorable de la préfecture de l’Essonne en avril 2022, mais l’ambassade de France à Dakar a refusé de délivrer le visa nécessaire un an plus tard, prétextant avoir des doutes quant à l’authenticité des documents d’état civil présentés.

    Soutenus par le Défenseur des droits et des parlementaires


    Face à ce calvaire, elles et ils sont nombreux à avoir saisi l’antenne locale du Défenseur des droits, qui a multiplié les courriers en direction de la préfecture. Dans des échanges que nous avons pu consulter, l’institution explique avoir été saisie, depuis plusieurs semaines, « de très nombreuses réclamations faisant état des problèmes récurrents que peuvent rencontrer les ressortissants étrangers dans le cadre de leurs démarches administratives », soulignant le « caractère extrêmement préjudiciable de ces blocages ».

    À de nombreuses reprises, les délégués du Défenseur des droits répondent aux intéressé·es n’avoir eu aucune réponse de la part des autorités, et ce malgré leurs relances. Sauf dans le cas de Meriem, pour lequel le délégué explique, dans une réponse formulée par mail en octobre2022, que « la préfecture a validé [sa] demande de regroupement familial » et qu’« une décision lui sera communiquée prochainement ». Sa fille décèdera quelques mois plus tard, sans qu’elle ait jamais reçu l’avis de la préfecture.


    La France nous a montré tellement d’humanité que je ne peux pas croire qu’elle puisse accepter de séparer ainsi des familles.
    Cheikh, habitant de Vigneux-sur-Seine




    En désespoir de cause, d’autres se sont aussi tournés vers les parlementaires de leur circonscription, comme les député·es Farida Amrani ou Jérôme Guedj. Ce dernier a adressé, le 8mars dernier, un courrier au préfet de l’Essonne, mettant en avant la situation de Mohamed et les « conséquences importantes sur sa vie personnelle et celle de son couple depuis maintenant presque deux ans ».

    « Le préfet a répondu qu’il transférait mon dossier au directeur de l’immigration, mais j’attends toujours des nouvelles depuis », relate Mohamed. Présent en France depuis 2009 et en CDI dans un centre commercial en tant qu’agent d’incendie et d’assistance aux personnes, l’Algérien s’est vu délivrer une attestation justifiant d’un « engagement actif » lors de la crise sanitaire liée au Covid-19.

    l avait tenté, à l’époque, de déposer une demande de naturalisation exceptionnellement facilitée pour les travailleuses et travailleurs en première ligne – plus de 12 000personnes en avaient bénéficié en 2021. « Mon dossier était prêt mais on m’avait dit que ça n’était pas possible si ma femme résidait à l’étranger. » Mohamed a donc choisi de lancer une procédure de regroupement familial d’abord.

    « Aujourd’hui, je n’ai ni l’un ni l’autre. Je me retrouve coincé. » Pour Meriem, ces blocages viennent renforcer les inégalités. « Si j’avais été française, j’aurais pu faire un visa et ramener ma fille en l’espace de quelques jours. » « La France nous a montré tellement d’humanité que je ne peux pas croire qu’elle puisse accepter de séparer ainsi des familles, réagit quant à lui Cheikh. On vit ici, on travaille, on a besoin de nos proches à nos côtés. »
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2

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    • #3
      « La France nous a montré tellement d’humanité que je ne peux pas croire qu’elle puisse accepter de séparer ainsi des familles, réagit quant à lui Cheikh. On vit ici, on travaille, on a besoin de nos proches à nos côtés. »
      lool
      Arrêtes ton char ..Hypocrite

      sacrécoeur Laisse moi piocher ds ton pot de pop-corn
      "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

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