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Reportage. Sous les dorures de l’hôtel Roosevelt, le centre d’accueil pour les migrants qui affluent à New York

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  • Reportage. Sous les dorures de l’hôtel Roosevelt, le centre d’accueil pour les migrants qui affluent à New York

    Certains le comparent déjà au centre d’immigration historique d’Ellis Island, une petite île toute proche de la statue de la Liberté. Dans ce grand hôtel défraîchi de Manhattan, les autorités municipales ont bien du mal à faire face à l’afflux actuel des demandeurs d’asile, souligne “The New York Times”.
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    Au cœur de Manhattan, dans un grand hôtel qui a connu des jours meilleurs, ils sont des dizaines d’immigrants à attendre, sous des lustres grandioses. Ils doivent répondre à des questions (pays d’origine, destination) et se déshabiller pour se soumettre à un examen médical. Ils se reposent et serrent leurs enfants dans leurs bras.

    Sauf qu’au Roosevelt Hotel, le “nouvel Ellis Island”, comme l’appelle un responsable municipal, les fenêtres ne donnent pas sur la statue de la Liberté mais sur le grand magasin Men’s Wearhouse, de l’autre côté de la rue. Ici, pas de drapeau américain géant pour accueillir les migrants, comme c’était le cas dans le grand hall du centre d’immigration historique d’Ellis Island. Juste un portrait tout sourire de Guy Lombardo, musicien jadis célèbre qui fut à la tête de l’orchestre de cet hôtel autrefois fastueux.

    Une crise migratoire


    Le Roosevelt Hotel, où le candidat républicain Thomas Dewey a concédé la victoire à Harry Truman à la présidentielle de 1948, est aujourd’hui un symbole de l’ampleur de la crise migratoire aux États-Unis, et des difficultés des autorités à y faire face.

    C’est en mai dernier que la ville de New York a commencé à diriger les nouveaux arrivants vers l’hôtel, où a lieu leur enregistrement auprès de la municipalité. En juillet, l’hôtel a fermé ses portes plusieurs nuits durant et les candidats à l’immigration ont dû dormir sur le trottoir devant l’établissement. La ville n’arrivait plus à répondre à l’augmentation des arrivées.

    Pour Ted Long, qui codirige la gestion de la crise migratoire à la municipalité [et organisait la récente visite guidée de l’hôtel pour les journalistes], le Roosevelt n’en est pas moins un symbole d’espoir. “Nous avons créé un nouvel Ellis Island pour la ville de New York”, se félicitait-il, alors qu’un nouveau groupe de migrants venait tout juste d’arriver : un Syrien avec une casquette de base-ball à l’envers et une valise rouge à roulettes, une famille de quatre personnes venue d’Angola, un couple de Vénézuéliens qui hésitait entre rester à New York et mettre le cap sur l’État de Washington, et des dizaines d’autres.


    Rechel Rondon Flores, originaire du Venezuela, attend pour la vaccination de ses deux enfants, dans une salle de l’hôtel Roosevelt, à New York, le 20 septembre 2023. PHOTO TODD HEISLER/THE NEW YORK TIMES

    Mais Eric Adams, le maire démocrate de New York, entend limiter les arrivants et les bénéficiaires du droit à l’hébergement d’urgence que garantit la ville, légalement tenue d’offrir un toit à toute personne sans domicile cherchant où passer la nuit. Les autorités estiment aujourd’hui que cela crée un “appel d’air” en direction des migrants qui arrivent aux États-Unis sans rien ni personne pour les accueillir. Pour faire face à l’afflux, l’encadrement de ce droit est donc aujourd’hui l’une des mesures sur lesquelles planchent la ville et l’État de New York.

    “Nous n’avons pas les capacités pour loger la terre entière”


    Dans un récent entretien sur la chaîne CNN, la gouverneure démocrate de l’État de New York, Kathy Hochul, évoquait une victoire : la décision du gouvernement Biden d’offrir un titre de séjour et de travail à des centaines de milliers de Vénézuéliens, qui représentent le premier contingent d’arrivants à New York [ce qui doit leur permettre de trouver du travail, de gagner de l’argent et de sortir des dispositifs d’accueil d’urgence]. La gouverneure a par ailleurs exprimé son soutien à la volonté du maire Eric Adams de restreindre le cadre du droit à l’hébergement d’urgence.

    “Nous n’avons pas les capacités suffisantes, a-t-elle martelé, il n’a jamais été envisagé comme un droit illimité, universel, ni comme une obligation faite à la municipalité de loger la terre entière.”

    La porte d’entrée des néo-New-Yorkais


    Les autorités ont longtemps rechigné à ouvrir les portes de l’hôtel Roosevelt à la presse. Dans l’air moite et renfermé du hall de l’hôtel, d’innombrables migrants attendent des heures avant de se voir attribuer un lit, soit dans l’une des 850 chambres de l’hôtel, qui sont rarement vacantes, soit dans des centres d’hébergement, pour certains sans douches, répartis dans New York.

    Comme Ellis Island, le centre d’immigration situé sur une petite île du port de New York qui a vu passer quelque 12 millions de personnes [entre 1892 et sa fermeture en 1954], le Roosevelt Hotel est aujourd’hui la porte d’entrée de tous les néo-New-Yorkais.


    Des migrants patientent sous le grand lustre du hall de l’hôtel Roosevelt, à New York, le 20 septembre 2023. PHOTO TODD HEISLER/THE NEW YORK TIMES

    Mais les différences ne manquent pas. L’envergure, pour commencer. Les candidats à l’immigration accueillis au Roosevelt se comptent en dizaines de milliers. Et alors qu’Ellis Island était géré par l’État fédéral, l’hôtel Roosevelt est géré par la municipalité de New York, et son personnel recruté en sous-traitance.

    Les immigrants traversent ce qu’on appelait autrefois la Palm Room, avec ses ciels peints au plafond, puis une vaste salle de banquet où ont lieu les examens médicaux. Ils sont alors soumis à un dépistage de diverses pathologies, de la tuberculose à la dépression, avant d’être invités à se déshabiller derrière des paravents pour un examen cutané sur l’ensemble du corps, qui permet de détecter la rougeole et la varicelle.

    Le jour de notre passage, une Vénézuélienne patientait avec sa fille et son fils qui devaient recevoir le vaccin rougeole-oreillons-rubéole. L’air boudeur, la petite semblait se demander si elle devait protester pendant que son frère jouait au ballon.

    Non loin, une Ouzbèke au visage stoïque berçait un nourrisson âgé de 3 jours. Son mari, Komiljon Doniyorov, 31 ans, affichait un sourire fier à tout personne se tournant vers eux : “C’est mon premier, c’est mon fils.”

    Le voyage a été long pour tous


    Mais les autres ne cherchaient guère son regard. Ici, les familles restent entre elles. Le voyage a été long pour tous, et les enfants sont plutôt silencieux.

    Ce jour-là, un couple de Vénézuéliens devait prendre une importante décision : choisir entre rester chez une sœur à New York ou rejoindre un autre membre de leur famille, à l’autre bout du pays, dans l’État de Washington, qui leur proposait du travail dans l’agriculture, s’ils pouvaient faire le voyage. Dans ce genre de cas, la ville propose aux migrants de leur payer les billets, en avion, en train ou en bus.

    À une table du bar de l’hôtel, des sous-traitants de la mairie étaient justement là pour aider les migrants dans leurs réservations de billets. Sur le mur, quelqu’un avait jugé bon de scotcher une citation vaguement rassurante : “Tout ira bien, peut-être pas aujourd’hui, mais un jour, pour sûr.”

    Le couple vénézuélien a finalement décidé de partir vers l’ouest.

    Ted Long estime qu’environ un quart des nouveaux arrivants repartent pour un autre endroit aux États-Unis dans les vingt-quatre heures qui suivent leur arrivée à New York, souvent pour y retrouver des proches ou des amis, ou des perspectives plus engageantes.

    Mais chaque jour, ils sont des centaines à arriver à New York et à vouloir y rester. Les familles sont installées dans des chambres au Roosevelt ou ailleurs, pas les hommes seuls. Ce jour-là, à 17 heures, les hommes seuls qui attendaient dans le hall ont été invités à se mettre en rang pour quitter l’hôtel et embarquer à bord d’un bus.

    Joseph Goldstein

    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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