c’est amorcer une pompe inépuisable»
GRAND ENTRETIEN - Pour l’ex-directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure, le projet de loi immigration présenté par Gérald Darmanin ne changera en rien la donne sur le défi migratoire, à ses yeux vital pour notre nation. Il fait ses propositions pour changer drastiquement nos politiques publiques.
Pierre Brochand a été directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 2002 à 2008, ainsi qu’ambassadeur de France, notamment, en Hongrie et en Israël. Il est intervenu lors d’un colloque de la Fondation Res Publica sur le thème : « Pour une véritable politique de l’immigration ».
LE FIGARO. - Que vous inspire le projet de loi sur l’immigration actuellement en débat au Sénat ?
Pierre BROCHAND. - Sans m’immiscer dans un débat politique qui n’est pas le mien, je dois constater que le projet s’inscrit, pour l’instant, dans le prolongement des 29 précédents, sous bannière du même oxymore : assouplir et durcir.
Les assouplissements sont spectaculaires, puisqu’ils prévoient de régulariser les « clandestins qui travaillent » et faire accéder à l’emploi certains « demandeurs d’asile » : soit, dans un cas, récompenser la fraude et, dans l’autre, rendre encore plus difficile la mise en œuvre d’éventuelles OQTF. S’y ajoute, pour faire bonne mesure - CEDH oblige -, l’interdiction du placement des mineurs en détention.
En regard, les restrictions sont réelles, mais marginales. Çà et là, on s’efforce, par petites touches, de simplifier et d’accélérer les procédures d’expulsion, de renforcer les conditions d’attribution des titres de séjour ou du regroupement familial, de réintroduire une forme de double peine, d’imposer des tests de connaissance de la langue et des « valeurs de la République », etc. Mais on continue d’ignorer « l’éléphant dans le magasin » : rien ou presque sur l’immigration légale, la nature du droit d’asile, l’accès à la nationalité, les sanctions de la triche, l’attractivité du modèle français (sauf une demi-suppression de l’aide médicale d’État, avancée récemment). Le tout, cinq ans après l’adoption d’une loi sobrement intitulée « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » (sic). C’est que le péché est toujours le même : faute d’admettre que les flux sont formatés par des traités et des jurisprudences supranationaux, on légifère à « État de droit » constant, c’est-à-dire en se bornant à une gestion administrative, qui donne indûment à croire que le problème est réglé.
L’article 3 sur les régularisations dans les métiers en tension fait particulièrement débat…
C’est au fond la mesure la plus concrète du texte. Elle signifie que nos flux ne sont pas seulement calibrés par les juges, mais aussi par les restaurateurs et autres professions. Ce qui n’est pas davantage admissible : si la survie du pays est en jeu, les intérêts particuliers doivent céder. Cette disposition est aussi néfaste, en ce qu’elle crée un cercle vicieux, qui gratifie et encourage l’illégalité : l’emploi d’une main-d’œuvre clandestine dégrade les conditions de travail et de salaire dans certains métiers, les natifs rechignent à les exercer, d’où l’afflux de nouveaux clandestins, qui, une fois régularisés, renâcleront de même. Une pompe inépuisable est amorcée.
De plus, en engageant les rémunérations à la baisse, le processus les rapproche des minima sociaux et affaiblit encore l’incitation des natifs, légaux et régularisés, à prendre ces emplois, même si, hors métropoles, l’hésitation paraît moindre.
Quant au fameux financement des retraites, ce qui importe, davantage que la pyramide des âges, ce sont les taux d’emploi, d’activité et de productivité, dont l’accroissement peut compenser le déficit démographique. Or, en attirant des immigrés à très faible qualification, nous abaissons tous ces ratios, signes de la tiers-mondisation du pays. Plus généralement, d’ailleurs, l’argument économique falsifie le réel, car la mécanique ne profite qu’à des catégories particulières - immigrés, employeurs, pays de départ -, alors que tous les autres y perdent, à commencer par le contribuable (au moins 50 Mds par an) et l’économie dans son ensemble, tirée vers le bas.
Donc, selon vous, ce projet de loi est largement insuffisant. Que faudrait-il faire ? Comment aller plus loin ?
Je fais partie de ceux, qualifiés d'« obsédés », pour qui l’immigration met en jeu le pronostic vital de la France. Il ne faut, donc, reculer devant rien pour y parer. Et j’estime aussi - c’est mon côté optimiste - qu’un renversement est faisable, à condition d’y mettre le prix, à l’instar du réchauffement climatique, autre phénomène gouverné par des seuils. Car, hélas, alors qu’approchent ces points de non-retour, la modération n’est plus de mise : entre « gentils » et « méchants », l’heure est passée de faire le tri.
Deux préalables. D’une part, autoriser les statistiques ethniques et religieuses, ainsi que le décompte des binationaux. D’autre part, et surtout, se libérer de la terreur qu’inspire l'« antiracisme » à spectre illimité : en bref, renouer avec le courage. Plusieurs pistes se présentent, étant attendu que, si nous ne maîtrisons pas les départs, nous pouvons décourager les arrivées. Je propose, donc, la démarche suivante, et peu me chaut si elle coïncide avec celle de tel ou tel parti :
1. Diffuser urbi et orbi, via des smartphones, le message que la France ne sera plus un pays d’accueil.
2. Le confirmer, en réduisant l’immigration légale - cette grande oubliée - à sa plus simple expression, parce qu’elle est la plus massive et que notre capacité à agir sur elle est immédiate. Donc, la diviser au moins par 10 (de 300.000 à 30.000) et en faire autant pour l’acquisition de la nationalité, privée de toute automaticité (de 100.000 à 10.000).
3. Mettre le holà aux flux illégaux en récupérant les marges politiques, annulées par les cours suprêmes. À cette fin, renégocier et, probablement, dénoncer les traités obsolètes, que sont la convention européenne des droits de l’homme, la convention de Genève sur les réfugiés et les accords de Schengen, tous incapables de nous prémunir. Dans le même esprit, retrouver notre autonomie législative vis-à-vis de nos propres cours, en leur imposant par référendum la volonté - réitérée - du Parlement. Dans la foulée, restituer à l’administration les politiques de l’asile et des étrangers, de sorte que l’entrée et le séjour ne soient plus des droits, mais des faveurs.
4. Transmuer la France, pôle d’attraction, en son contraire. Dans ce but, d’abord, punir la fraude en interdisant, à jamais, les régularisations et, a fortiori, la présentation de demandes d’asile sur notre sol. Ensuite, dénier toute prestation non contributive aux étrangers (logement compris) et toute aide, quelle qu’elle soit, aux clandestins.
5. Traiter les États de départ comme ils nous traitent, en divisant par 30 les visas, y compris étudiants, accordés au pays à risque.
6. Dégonfler les diasporas, elles-mêmes génératrices d’immigration, par aspiration juridique. Pour cela, diminuer le nombre et la durée des titres de séjour, et faire de leur non-renouvellement un principe, souffrant exceptions.
7. Revenir à une politique nataliste, sans s’effaroucher du « qu’en-dira-t-on ». Pour ma part, j’insisterais sur une très forte revalorisation des allocations familiales, limitées à trois enfants, de sorte que leur coût en soit annulé.
Cela impliquerait un retournement à 180 degrés de toutes nos politiques publiques. N’est-ce pas trop ambitieux ?
Je ne suis pas complètement insensé : ce que j’avance se situe à des années-lumière du « cercle de la raison » qui nous enferme depuis si longtemps et ne semble pas vouloir se desserrer. Du coup, mon pessimisme se hausse en alarmisme. Si vous me permettez une allégorie vulgaire, je me sens comme le passager d’un camion, assis à la « place du mort », qui, connaissant la route, crie au conducteur qu’il va droit dans un ravin et que celui-ci fait la sourde oreille, quand il ne m’insulte pas. Mais, après tout, c’est à nos compatriotes, autres voyageurs embarqués, de décider s’ils veulent continuer à rouler, c’est-à-dire vivre dans un pays, où, a minima, la vie ne vaudra pas d’être vécue, ou, a maxima, ils ne pourront plus vivre du tout.
Comment expliquez-vous que, malgré les lanceurs d’alerte, et les évidences qui se multiplient, certains persistent à être dans le déni sur la question migratoire ?
J’ai du mal à l’expliquer. Pourquoi des hommes et des femmes, soucieux de l’avenir du pays, ne « voient-ils pas ce qu’ils voient » ? Naïveté, cynisme, incantation ? J’opterai pour le manque de courage.
Car tous ou presque ont avalisé, sans résister, le passage fatal à la « société des individus ». Ils ne pouvaient, pourtant, ignorer qu’en se soumettant au règne des droits fondamentaux et à l’obligation d’universalité qui va avec, ils jetaient par-dessus bord l’État national, politique et régalien, et, par là, les défenses accumulées, au fil des siècles, pour nous protéger. À cette aune, en effet, tout se résume à un jeu de curseurs : là où l’individu avance, le citoyen recule, là où prime la règle, la décision disparaît, là où refluent les institutions, fleurissent les ONG. En un mot, nos représentants ont délibérément scié la branche sur laquelle ils étaient assis.
C’est ainsi que l’oligarchie des « serviteurs de l’État » a cédé la place à celle des magistrats et des médias, nouveau clergé d’une nouvelle religion, qui s’est approprié le monopole nucléaire de l’excommunication des hérétiques. Étrange configuration, où nos « dirigeants », conscients de l’impopularité de l’immigration, mais asservis au dogme, ne peuvent que faire semblant de lutter contre elle.
En fait, ce que nous avons minutieusement organisé, depuis cinquante ans, c’est notre aboulie publique, au nom du principe onirique de la fraternité humaine. Utopie dont nos dirigeants sont d’autant plus comptables que le reste du monde ne la partage pas.
D’où ces 29 lois, alliant « humanité et fermeté » : une « humanité » qui va de soi, mais une « fermeté » qui n’en est pas une, puisqu’elle refuse de sortir du périmètre de « l’État de droit », présenté comme sacré, alors qu’il n’est qu’un certain « état du droit ». En fait, ce que nous avons minutieusement organisé, depuis cinquante ans, c’est notre aboulie publique, au nom du principe onirique de la fraternité humaine. Utopie dont nos dirigeants sont d’autant plus comptables que le reste du monde ne la partage pas. Soit une forme de désarmement unilatéral, face à des gens qui n’ont d’autre souci que de l’exploiter. Une recette pour un désastre.
Tout ce que vous proposez n’est-il pas rendu impossible par la seule appartenance à l’Union européenne ?
Je suis d’accord. À mon avis, l’Europe rend insoluble une équation, déjà complexe. Je m’en tiendrai à une réflexion générale, au-delà des symptômes : débarquement calamiteux de l’Ocean Viking , péripéties surréalistes de Lampedusa, négociations ésotériques du pacte migration et asile, aseptisation de Frontex, etc.
En fait, nous sommes confrontés à une tromperie sur la marchandise. Nos élites nous ont « vendu » la construction européenne comme un multiplicateur de puissance, qui allait permettre au pays de garder son rang parmi les mastodontes. De plus, parce que, malins, nous allions prendre la barre de cette « plus grande France ». D’où le refrain « l’Europe est la solution » et une perpétuelle fuite en avant, dont Schengen est l’archétype.
Mais la promesse n’a pas été tenue. Car, loin de nous préserver, à la manière d’une superpuissance respectée, le processus européen est devenu l’amplificateur et l’accélérateur de la démission individualiste. Dévoiement, d’ailleurs, conforme à son ADN - le « plus jamais ça » - dirigé contre les États et leurs frontières, coupables désignés des guerres mondiales, qu’une idéologie de la libre circulation devait guérir de leurs penchants.
GRAND ENTRETIEN - Pour l’ex-directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure, le projet de loi immigration présenté par Gérald Darmanin ne changera en rien la donne sur le défi migratoire, à ses yeux vital pour notre nation. Il fait ses propositions pour changer drastiquement nos politiques publiques.
Pierre Brochand a été directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 2002 à 2008, ainsi qu’ambassadeur de France, notamment, en Hongrie et en Israël. Il est intervenu lors d’un colloque de la Fondation Res Publica sur le thème : « Pour une véritable politique de l’immigration ».
LE FIGARO. - Que vous inspire le projet de loi sur l’immigration actuellement en débat au Sénat ?
Pierre BROCHAND. - Sans m’immiscer dans un débat politique qui n’est pas le mien, je dois constater que le projet s’inscrit, pour l’instant, dans le prolongement des 29 précédents, sous bannière du même oxymore : assouplir et durcir.
Les assouplissements sont spectaculaires, puisqu’ils prévoient de régulariser les « clandestins qui travaillent » et faire accéder à l’emploi certains « demandeurs d’asile » : soit, dans un cas, récompenser la fraude et, dans l’autre, rendre encore plus difficile la mise en œuvre d’éventuelles OQTF. S’y ajoute, pour faire bonne mesure - CEDH oblige -, l’interdiction du placement des mineurs en détention.
En regard, les restrictions sont réelles, mais marginales. Çà et là, on s’efforce, par petites touches, de simplifier et d’accélérer les procédures d’expulsion, de renforcer les conditions d’attribution des titres de séjour ou du regroupement familial, de réintroduire une forme de double peine, d’imposer des tests de connaissance de la langue et des « valeurs de la République », etc. Mais on continue d’ignorer « l’éléphant dans le magasin » : rien ou presque sur l’immigration légale, la nature du droit d’asile, l’accès à la nationalité, les sanctions de la triche, l’attractivité du modèle français (sauf une demi-suppression de l’aide médicale d’État, avancée récemment). Le tout, cinq ans après l’adoption d’une loi sobrement intitulée « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » (sic). C’est que le péché est toujours le même : faute d’admettre que les flux sont formatés par des traités et des jurisprudences supranationaux, on légifère à « État de droit » constant, c’est-à-dire en se bornant à une gestion administrative, qui donne indûment à croire que le problème est réglé.
L’article 3 sur les régularisations dans les métiers en tension fait particulièrement débat…
C’est au fond la mesure la plus concrète du texte. Elle signifie que nos flux ne sont pas seulement calibrés par les juges, mais aussi par les restaurateurs et autres professions. Ce qui n’est pas davantage admissible : si la survie du pays est en jeu, les intérêts particuliers doivent céder. Cette disposition est aussi néfaste, en ce qu’elle crée un cercle vicieux, qui gratifie et encourage l’illégalité : l’emploi d’une main-d’œuvre clandestine dégrade les conditions de travail et de salaire dans certains métiers, les natifs rechignent à les exercer, d’où l’afflux de nouveaux clandestins, qui, une fois régularisés, renâcleront de même. Une pompe inépuisable est amorcée.
De plus, en engageant les rémunérations à la baisse, le processus les rapproche des minima sociaux et affaiblit encore l’incitation des natifs, légaux et régularisés, à prendre ces emplois, même si, hors métropoles, l’hésitation paraît moindre.
Quant au fameux financement des retraites, ce qui importe, davantage que la pyramide des âges, ce sont les taux d’emploi, d’activité et de productivité, dont l’accroissement peut compenser le déficit démographique. Or, en attirant des immigrés à très faible qualification, nous abaissons tous ces ratios, signes de la tiers-mondisation du pays. Plus généralement, d’ailleurs, l’argument économique falsifie le réel, car la mécanique ne profite qu’à des catégories particulières - immigrés, employeurs, pays de départ -, alors que tous les autres y perdent, à commencer par le contribuable (au moins 50 Mds par an) et l’économie dans son ensemble, tirée vers le bas.
Je me sens comme le passager d'un camion, assis à la « place du mort », qui, connaissant la route, crie au conducteur qu'il va droit dans un ravin et que celui-ci fait la sourde oreille, quand il ne m'insulte pas
Pierre Brochand
Pierre Brochand
Je fais partie de ceux, qualifiés d'« obsédés », pour qui l’immigration met en jeu le pronostic vital de la France. Il ne faut, donc, reculer devant rien pour y parer. Et j’estime aussi - c’est mon côté optimiste - qu’un renversement est faisable, à condition d’y mettre le prix, à l’instar du réchauffement climatique, autre phénomène gouverné par des seuils. Car, hélas, alors qu’approchent ces points de non-retour, la modération n’est plus de mise : entre « gentils » et « méchants », l’heure est passée de faire le tri.
Deux préalables. D’une part, autoriser les statistiques ethniques et religieuses, ainsi que le décompte des binationaux. D’autre part, et surtout, se libérer de la terreur qu’inspire l'« antiracisme » à spectre illimité : en bref, renouer avec le courage. Plusieurs pistes se présentent, étant attendu que, si nous ne maîtrisons pas les départs, nous pouvons décourager les arrivées. Je propose, donc, la démarche suivante, et peu me chaut si elle coïncide avec celle de tel ou tel parti :
1. Diffuser urbi et orbi, via des smartphones, le message que la France ne sera plus un pays d’accueil.
2. Le confirmer, en réduisant l’immigration légale - cette grande oubliée - à sa plus simple expression, parce qu’elle est la plus massive et que notre capacité à agir sur elle est immédiate. Donc, la diviser au moins par 10 (de 300.000 à 30.000) et en faire autant pour l’acquisition de la nationalité, privée de toute automaticité (de 100.000 à 10.000).
3. Mettre le holà aux flux illégaux en récupérant les marges politiques, annulées par les cours suprêmes. À cette fin, renégocier et, probablement, dénoncer les traités obsolètes, que sont la convention européenne des droits de l’homme, la convention de Genève sur les réfugiés et les accords de Schengen, tous incapables de nous prémunir. Dans le même esprit, retrouver notre autonomie législative vis-à-vis de nos propres cours, en leur imposant par référendum la volonté - réitérée - du Parlement. Dans la foulée, restituer à l’administration les politiques de l’asile et des étrangers, de sorte que l’entrée et le séjour ne soient plus des droits, mais des faveurs.
4. Transmuer la France, pôle d’attraction, en son contraire. Dans ce but, d’abord, punir la fraude en interdisant, à jamais, les régularisations et, a fortiori, la présentation de demandes d’asile sur notre sol. Ensuite, dénier toute prestation non contributive aux étrangers (logement compris) et toute aide, quelle qu’elle soit, aux clandestins.
5. Traiter les États de départ comme ils nous traitent, en divisant par 30 les visas, y compris étudiants, accordés au pays à risque.
6. Dégonfler les diasporas, elles-mêmes génératrices d’immigration, par aspiration juridique. Pour cela, diminuer le nombre et la durée des titres de séjour, et faire de leur non-renouvellement un principe, souffrant exceptions.
7. Revenir à une politique nataliste, sans s’effaroucher du « qu’en-dira-t-on ». Pour ma part, j’insisterais sur une très forte revalorisation des allocations familiales, limitées à trois enfants, de sorte que leur coût en soit annulé.
Cela impliquerait un retournement à 180 degrés de toutes nos politiques publiques. N’est-ce pas trop ambitieux ?
Je ne suis pas complètement insensé : ce que j’avance se situe à des années-lumière du « cercle de la raison » qui nous enferme depuis si longtemps et ne semble pas vouloir se desserrer. Du coup, mon pessimisme se hausse en alarmisme. Si vous me permettez une allégorie vulgaire, je me sens comme le passager d’un camion, assis à la « place du mort », qui, connaissant la route, crie au conducteur qu’il va droit dans un ravin et que celui-ci fait la sourde oreille, quand il ne m’insulte pas. Mais, après tout, c’est à nos compatriotes, autres voyageurs embarqués, de décider s’ils veulent continuer à rouler, c’est-à-dire vivre dans un pays, où, a minima, la vie ne vaudra pas d’être vécue, ou, a maxima, ils ne pourront plus vivre du tout.
Comment expliquez-vous que, malgré les lanceurs d’alerte, et les évidences qui se multiplient, certains persistent à être dans le déni sur la question migratoire ?
J’ai du mal à l’expliquer. Pourquoi des hommes et des femmes, soucieux de l’avenir du pays, ne « voient-ils pas ce qu’ils voient » ? Naïveté, cynisme, incantation ? J’opterai pour le manque de courage.
Car tous ou presque ont avalisé, sans résister, le passage fatal à la « société des individus ». Ils ne pouvaient, pourtant, ignorer qu’en se soumettant au règne des droits fondamentaux et à l’obligation d’universalité qui va avec, ils jetaient par-dessus bord l’État national, politique et régalien, et, par là, les défenses accumulées, au fil des siècles, pour nous protéger. À cette aune, en effet, tout se résume à un jeu de curseurs : là où l’individu avance, le citoyen recule, là où prime la règle, la décision disparaît, là où refluent les institutions, fleurissent les ONG. En un mot, nos représentants ont délibérément scié la branche sur laquelle ils étaient assis.
C’est ainsi que l’oligarchie des « serviteurs de l’État » a cédé la place à celle des magistrats et des médias, nouveau clergé d’une nouvelle religion, qui s’est approprié le monopole nucléaire de l’excommunication des hérétiques. Étrange configuration, où nos « dirigeants », conscients de l’impopularité de l’immigration, mais asservis au dogme, ne peuvent que faire semblant de lutter contre elle.
En fait, ce que nous avons minutieusement organisé, depuis cinquante ans, c’est notre aboulie publique, au nom du principe onirique de la fraternité humaine. Utopie dont nos dirigeants sont d’autant plus comptables que le reste du monde ne la partage pas.
D’où ces 29 lois, alliant « humanité et fermeté » : une « humanité » qui va de soi, mais une « fermeté » qui n’en est pas une, puisqu’elle refuse de sortir du périmètre de « l’État de droit », présenté comme sacré, alors qu’il n’est qu’un certain « état du droit ». En fait, ce que nous avons minutieusement organisé, depuis cinquante ans, c’est notre aboulie publique, au nom du principe onirique de la fraternité humaine. Utopie dont nos dirigeants sont d’autant plus comptables que le reste du monde ne la partage pas. Soit une forme de désarmement unilatéral, face à des gens qui n’ont d’autre souci que de l’exploiter. Une recette pour un désastre.
Tout ce que vous proposez n’est-il pas rendu impossible par la seule appartenance à l’Union européenne ?
Je suis d’accord. À mon avis, l’Europe rend insoluble une équation, déjà complexe. Je m’en tiendrai à une réflexion générale, au-delà des symptômes : débarquement calamiteux de l’Ocean Viking , péripéties surréalistes de Lampedusa, négociations ésotériques du pacte migration et asile, aseptisation de Frontex, etc.
En fait, nous sommes confrontés à une tromperie sur la marchandise. Nos élites nous ont « vendu » la construction européenne comme un multiplicateur de puissance, qui allait permettre au pays de garder son rang parmi les mastodontes. De plus, parce que, malins, nous allions prendre la barre de cette « plus grande France ». D’où le refrain « l’Europe est la solution » et une perpétuelle fuite en avant, dont Schengen est l’archétype.
Mais la promesse n’a pas été tenue. Car, loin de nous préserver, à la manière d’une superpuissance respectée, le processus européen est devenu l’amplificateur et l’accélérateur de la démission individualiste. Dévoiement, d’ailleurs, conforme à son ADN - le « plus jamais ça » - dirigé contre les États et leurs frontières, coupables désignés des guerres mondiales, qu’une idéologie de la libre circulation devait guérir de leurs penchants.
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