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Au Maroc, la ruée des parents vers le privé commence dès la crèche

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  • Au Maroc, la ruée des parents vers le privé commence dès la crèche


    « Darons d’ailleurs ». Chaque semaine, un de nos journalistes à l’étranger explore la parentalité hors de nos frontières. Face à une école publique marocaine en crise, l’enseignement privé est en pleine croissance et les parents, pas toujours aisés, sont soumis à tous les sacrifices.

    Par Alexandre Aublanc (Casablanca, correspondance)


    « Taux de réussite record », annonce en français et en arabe une banderole sur laquelle est inscrit en gros « 100 % ». Non, il ne s’agit pas d’un lycée affichant tout fier ses résultats au baccalauréat, ni d’un collège s’honorant de son score au brevet. La bannière, tirée entre deux poteaux plantés à la hâte, barre l’entrée d’une villa reconvertie en « crèche-maternelle-élémentaire » au cœur d’un quartier central de Casablanca.

    Bienvenue aux Cocons, un établissement privé comme il en existe des dizaines dans la capitale économique marocaine. Pour environ 4 000 dirhams marocains (370 euros) de frais d’inscription et une mensualité de 2 000 dirhams en moyenne, les enfants peuvent y entrer dès l’âge de 4 ans. Certains en ressortiront huit ans plus tard pour plonger dans le grand bain du secondaire, l’entrée au collège s’effectuant à 12 ans.

    Mais la plupart partiront avant. Direction les écoles privées étrangères, synonymes d’ascension sociale. A la condition, bien sûr, que les petits réussissent leur test d’entrée : aptitude en langue, maîtrise des fondamentaux… Aux Cocons, c’est tout l’objectif. Chaque fin d’année scolaire, la banderole est déployée pour rappeler aux parents le principal argument de vente de l’établissement : transformer leur enfant-chenille en un joli papillon prêt à prendre son envol.

    Toute cette poésie associée à la réussite scolaire prend, à Casablanca, des allures de système : pas un quartier de la ville qui n’abrite ces structures privées, dont le nombre croît année après année. Au Maroc, ces établissements étaient un peu moins de 4 000 en 2010. Ils sont près de 7 000 aujourd’hui, dont les deux tiers dans les grandes villes. Une hausse de 80 %, alors que, sur la même période, le nombre des établissements dans le secteur public n’a augmenté que de 15 %. Au total, 1,3 million d’élèves fréquentent le privé sur un total de 8,8 millions,un secteur dont le chiffre d’affaires est estimé à 20 milliards de dirhams.

    « Une forme de reproduction sociale »


    Les raisons qui poussent les parents à fuir l’école publique, jugée « défaillante », sont légion : mauvaise qualité de l’enseignement, formation insuffisante des enseignants, classes surchargées… Pour les familles aisées, le choix du privé ne se fait même plus en réaction à la crise du public – elles ont tiré une croix sur cette filière il y a longtemps. « Mon père et ma mère ont fait la Mission [laïque] française [association implantée au Maroc au début du XXe siècle]. J’ai moi-même fait la Mission et je ne me voyais pas faire autrement avec ma fille », explique Ismaïl, qui travaille dans le secteur audiovisuel (il témoigne sous le couvert de l’anonymat, comme tous les parents interrogés). Aurait-il agi autrement si l’école publique était de qualité ? « Je ne pense pas. C’est sans doute une forme de reproduction sociale, mais c’est surtout l’assurance de savoir où mon enfant met les pieds. »
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    Pour les familles recomposées, avec plusieurs enfants, le choix du privé relève aussi d’une forme d’égalitarisme. « Mon mari a eu une fille d’un précédent mariage et il a choisi de l’envoyer à l’école française. J’ai longuement réfléchi à savoir où inscrire notre fils. Mais comme sa demi-sœur a fait la Mission, ça m’aurait semblé injuste de lui imposer un autre choix. Pourquoi elle et pas lui ? », se justifie Lilia, cadre dans une entreprise publique.

    Les parents qui ont une double nationalité sont plus enclins à s’orienter vers l’école espagnole, belge, italienne ou française. Pour cette dernière, les binationaux sont exemptés de tests et peuvent prétendre à des bourses scolaires. Encore cantonné au privé, car l’école n’est obligatoire qu’à partir de 6 ans au Maroc et que le préscolaire public est peu développé, l’accès à la maternelle est un autre facteur décisif dans le choix des parents, qui travaillent souvent tous les deux. « C’était ça, le faire garder à la maison ou le mettre dans une crèche, mais à un prix qui n’est pas loin de ce que l’on paie pour l’école », confie Fatima-Zohra, maman d’un petit garçon en petite section, qui travaille dans une agence de marketing.

    Les tarifs du privé ont explosé ces dernières années, allant de 10 000 dirhams l’année à plus de 100 000, même davantage dans certains cas. « Ces crèches et ces écoles fonctionnent comme les hôtels. Vous allez choisir un établissement deux étoiles, trois étoiles, quatre étoiles, peut-être cinq, voire un palace, tout ça en fonction de votre bourse », souligne Azeddine Akesbi, économiste qui aenseigné au Centre d’orientation et de planification de l’éducation, auteur d’Education et développement au Maroc (Afrique Orient, 2023). Des groupes aux mains de fonds d’investissement, parfois propriétés de la famille royale ou de capitaux étrangers, ont fortement investi dans le secteur ces dernières années.

    Plus de familles des classes populaires


    Le boom du privé, au Maroc, ne résulte pas d’une simple logique de marché. Il a été encouragé par l’exécutif, dès le début des années 2000, le privé ayant vocation à devenir le « partenaire principal » de l’Etat. L’objectif était d’y scolariser, dès 2015, un élève sur cinq, mais le ministère de l’éducation précise qu’ils ne sont que 15 % actuellement. Une part relativement stable depuis 2016, mais dont la composition sociale évolue : si les familles aisées optent systématiquement pour le privé, les classes populaires y ont aussi recours.

    « Je veux que mon fils ait les meilleures dispositions pour réussir », témoigne Naima, qui a scolarisé son garçon dans une école privée marocaine. Cette ancienne employée de maison payée au noir officie, depuis cinq ans, dans les cuisines d’un restaurant. Une activité déclarée qui lui permet de bénéficier de la Sécurité sociale et d’un salaire qu’elle juge « bon ». Pour régler les quelque 10 000 dirhams que lui coûte la scolarité de son fils chaque année, elle a contracté un crédit auprès de sa patronne qu’elle rembourse petit à petit.

    Naima a, elle, quitté l’école après le primaire et s’est sortie de son milieu familial, pauvre et rural, à force de travail et de privation. Alors elle s’accroche à un rêve : que Simohamed, son fils, décroche son baccalauréat puis un travail qui lui permette d’être indépendant. Avec de la chance, il pourra se retrouver dans une grande entreprise qui « paie bien », dit-elle.

    Marchandisation de l’éducation


    Les « sacrifices » auxquels de plus en plus de familles se soumettent, de l’aveu même des associations de parents d’élèves, sont reconnus jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. « Pourquoi sont-ils si nombreux à inscrire leurs enfants dans les établissements des missions étrangères et les écoles privées, malgré leurs coûts exorbitants ? », faisait mine de s’interroger, dans son discours annuel de la Fête du trône en 2015, le roi Mohammed VI, qui précisait aussitôt, comme si la réponse allait de soi : « C’est parce qu’ils cherchent un enseignement qui permette à leurs enfants d’accéder au marché du travail et de s’insérer dans la vie active. »

    Près d’une décennie a passé et la pression financière sur les parents n’a fait qu’empirer. Dans un avis rendu il y a deux ans, le Conseil de la concurrence, une autorité administrative indépendante, relevait une forme de marchandisation de l’éducation, allant jusqu’à qualifier les établissements privés de « prestataires de services d’enseignement ». Les élèves constituent des « clients apprenants » et la relation d’échange entre les deux parties est soumise à « une logique d’offre et de demande », regrettait l’institution.

    La crise liée au Covid-19 n’a rien arrangé. Beaucoup de parents n’ayant pu régler à temps les frais de scolarité de leurs enfants, « près de 80 000 élèves ont été obligés de quitter le privé pour rejoindre le public durant la pandémie », indique Azeddine Akesbi. Pour alléger le fardeau des mensualités qui pèsent sur les familles, un contrat type a été signé, à l’été 2023, entre les représentants des parents d’élèves et les écoles privées marocaines, sous l’égide du ministère. Le document stipule que ces établissements ne pourront plus refuser la délivrance des certificats de départ ou des diplômes en cas de retard des familles dans le paiement de l’école. Une pratique courante dénoncée par la Fédération nationale des associations des parents d’élèves du Maroc.

    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    une mensualité de 2 000 dirhams en moyenne
    ce n'est pas cher.

    ce sont ces écoles privées qui aident à la médiocrité du secteur public.

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