La géographie du bonheur

[Someday]

Islande(Iceland)

Les Islandais ont une culture dynamique et un paysage magnifique pour alimenter leur bonheur.

Lorsque vous fermez les yeux et que vous pensez au bonheur, quel type de paysage vous vient à l'esprit ? Un ciel bleu et ensoleillé, une prairie ou une plage de sable ?

Ces images typiques du bonheur sont loin d'être le quotidien des Islandais, et pourtant leur pays est souvent en tête de liste lorsqu'il s'agit de bonheur.

Mais ce qui manque à l'Islande en termes de climat agréable, elle le compense en termes de créativité. Dans la capitale Reykjavík, un bâtiment sur deux est une librairie, un magasin de disques, une galerie d'art ou un café rempli de poètes et de peintres.

Une blague locale dit même qu'un jour, une statue sera érigée dans le centre de Reykjavík en l'honneur du seul Islandais qui n'a jamais écrit de poème. Mais pour l'instant, ils continuent d'attendre que ce jour arrive. Ce n'est pas vraiment une surprise, car l'écriture est l'un des meilleurs moyens de rester occupé pendant les interminables étendues de l'hiver sombre. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles les chauffeurs de taxi, les pêcheurs et les employés d'hôtel islandais sont tous des écrivains.

L'Islande est un autre pays au paysage inspirant, grâce à ses geysers spectaculaires, ses sources d'eau chaude, ses glaciers et ses roches volcaniques. En regardant autour de soi, on comprend parfaitement pourquoi cette terre a donné naissance au peuple qui a imaginé pour la première fois les créatures d'un autre monde que sont les nains et les elfes.

Si les Islandais sont si enclins à travailler dans le domaine artistique, c'est en partie parce que leur culture accepte la naïveté et l'échec. Personne en Islande ne vous découragera de vous essayer à la peinture, à la sculpture ou à l'écriture ; au contraire, on vous encouragera à essayer et à voir ce qui se passe.

Les Islandais admettent volontiers que leur pays produit beaucoup de mauvaises œuvres d'art, mais dans leur esprit, elles ont été réalisées avec de bonnes intentions, et c'est ce qui compte vraiment. Et si cela échoue ? Demain est un autre jour pour tout recommencer.

Du livre : The Geography of Bliss by Eric Weiner

[Someday]

Qatar

Le Qatar est riche, mais en raison d'un manque de culture et d'un environnement impitoyable, il n'y a que très peu de bonheur.

Notre prochaine étape est un détour sur la route du bonheur, vers un pays qui contraste fortement avec les Bhoutanais sans le sou. Il s'agit du Qatar, un exemple de la vieille leçon selon laquelle le bonheur ne s'achète pas.

Jusqu'au boom pétrolier relativement récent des années 1980, le Qatar n'était qu'une étendue de terre déserte, avec une route et quelques maisons. Bien que l'on ait découvert depuis qu'il abritait certaines des plus grandes réserves de pétrole et de gaz naturel au monde, le pays est encore désertique à 98 %, un environnement généralement associé au malheur.

Mais contrairement à d'autres nations riches, le Qatar a utilisé cet argent pour créer l'État-providence par excellence. L'eau, l'électricité, les soins de santé et l'éducation sont gratuits et personne ne paie d'impôts. En outre, lorsqu'il se marie, chaque époux qatari reçoit un lopin de terre et quelque 7 000 dollars par mois.

Malgré tous ces efforts, les Qataris se plaignent souvent d'être malheureux. Les riches citoyens du pays estiment que le gouvernement n'en fait pas assez pour leur faciliter la vie. Et s'il est question de créer une nouvelle taxe, la désapprobation est toujours grande.

La richesse a été un fardeau pour le Qatar, à l'instar des gagnants de la loterie qui s'attristent de la perte de leurs amis et du changement de mode de vie qu'entraîne une telle somme d'argent. Faire du shopping n'est plus le plaisir spécial que l'on s'accordait autrefois. Et comme la plupart des Qataris n'ont pas de travail, la satisfaction que l'on ressent après une dure journée de labeur leur manque également.

Il y a aussi le manque de culture : parmi les objets exposés au musée national du Qatar, on trouve les rognures d'ongles de pied d'un chameau, ce qui résume l'intérêt de la ville pour l'art.

Mais le plus troublant, c'est la difficulté qu'éprouvent les Qataris avec le concept même de bonheur.

À la question "Êtes-vous heureux ?", un Qatari s'est montré irrité et ne comprenait pas pourquoi on lui posait une telle question. Du point de vue des Qataris, que l'on soit heureux ou malheureux, c'est la volonté de Dieu et cela échappe au contrôle des humains.

Mais la véritable leçon que nous pouvons tirer du Qatar, c'est que le bonheur ne peut exister sans un malaise occasionnel auquel le comparer.

Du livre : The Geography of Bliss by Eric Weiner