TRIBUNE - Le directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie dresse un bilan comparatif des chiffres de l’immigration en Europe. Les migrants accueillis en France sont moins intégrés aussi bien culturellement que sur le marché du travail, souligne-t-il.
« Il y a toujours le sentiment que les frontières sont des passoires, que les flux migratoires ne sont pas maîtrisés. Nous allons donc les maîtriser avec des mesures concrètes. » Dans son premier entretien accordé vendredi dernier, au lendemain de sa nomination à Matignon, Michel Barnier a entendu fixer un cap clair à la politique d’immigration de son gouvernement en formation, qui pourrait s’incarner dans la recréation d’un « ministère de l’Immigration » de plein exercice.
Parmi l’ensemble des questions associées à cet enjeu devenu majeur pour la société française, celle de son bilan économique et budgétaire fait certainement partie des plus débattues. Tandis que les enquêtes sondagières attestent d’un souhait de réduction des flux migratoires largement majoritaire dans l’opinion publique, nos compatriotes apparaissent plus partagés sur cet aspect spécifique du sujet : 38 % des Français considéraient ainsi que « l’immigration rapporte plus à la France qu’elle ne lui coûte », selon une étude Ifop-Fiducial parue l’an dernier.
Un taux d’emploi parmi les plus faible en Europe
À cette aune, de précieuses bases de données ont été rendues publiques par l’OCDE, dans le cadre de sa plus récente publication sur « les indicateurs de l’intégration des immigrés ». Leur analyse comparative permet de dresser un constat frappant : l’immigration accueillie en France est globalement moins intégrée au marché du travail et plus « pauvre » qu’ailleurs en Europe. Le taux d’emploi des personnes nées à l’étranger est l’un des plus faibles en France parmi l’ensemble des pays de l’UE : seules 61 % d’entre elles occupaient un emploi dans leurs classes d’âge de 15 à 64 ans en 2021, soit 7 points de moins que les natifs du territoire.
Une analyse fondée sur la nationalité plutôt que le lieu de naissance fait ressortir des constats encore plus saillants : seule la moitié (51,7 %) des étrangers extraeuropéens en âge de travailler occupaient un emploi en France en 2020, soit un taux inférieur de 14 points à celui des citoyens français - mais aussi 15 points de moins que les étrangers extraeuropéens au Royaume-Uni, 9 points de moins qu’au Danemark, 6 points de moins qu’en Allemagne.
Un autre angle de vue porte sur le taux d’activité : les « actifs » - qui occupent ou recherchent un emploi - ne comptaient que pour 64 % des étrangers extraeuropéens en âge de travailler, soit le 3e taux le plus faible de toute l’UE (« suivi » seulement par la Belgique et les Pays-Bas). Le taux de chômage des étrangers extraeuropéens en France était, quant à lui, plus du double de celui des Français : 19,5 % contre 8 %. Non sans rapport avec les données précédentes, le taux de pauvreté relative (calculé par rapport au salaire médian de chaque pays) des ressortissants extraeuropéens vivant en France est le plus élevé d’Europe, à égalité avec l’Espagne : 47,6 % d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté en 2020, soit une part quatre fois supérieure à celle des citoyens français (11,5 %) avec un intervalle de 36 points par rapport à eux - ce qui représente un écart record dans la zone.
Niveau d'éducation « faible »
Pour mieux comprendre ces constats saisissants, plusieurs éclairages méritent d’être pris en compte. Le premier réside dans la répartition des raisons légales d’installation sur le territoire : la part des entrées d’immigrés (toutes origines confondues) effectuées sur le fondement d’un motif « famille » est la plus élevée en France parmi toute l’Europe de l’Ouest. Elle a représenté 41,2 % des entrées d’immigrés permanents sur la période 2005-2020, soit un taux trois fois supérieur à celui constaté en Allemagne, contre 10,5 % pour le motif « travail ».
La seconde clé de compréhension réside dans la forte prévalence de profils immigrés au niveau d’éducation « faible », selon la classification opérée par l’OCDE : en 2020, 33 % des personnes nées à l’étranger, âgées de 15 à 64 ans, vivant en France et sorties du système éducatif n’avaient qu’un niveau de qualification inférieur ou égal au brevet des collèges, soit un taux deux fois supérieur à celui des personnes nées en France (16 %). En optant pour une vue centrée sur la nationalité, le constat de cette dissymétrie est plus fort encore : 42,6 % des étrangers extraeuropéens des mêmes classes d’âge n’avaient aucun diplôme ou seulement un niveau brevet, proportion supérieure de 26 points à celle des Français (16,7 %).
Un troisième facteur d’explication pourrait avoir trait à une plus grande « distance » culturelle avec la société d’accueil, liée aux origines des flux reçus dans notre pays. La France accueille l’immigration la plus africaine parmi tous les pays développés, avec un différentiel très marqué par rapport à nos voisins : 61 % des immigrés de 15 à 64 ans vivant en France en 2020 étaient originaires du continent africain (Maghreb et hors Maghreb), soit une part trois fois supérieure à la moyenne de l’UE. Au Portugal, qui compte la deuxième plus forte proportion d’immigrés africains après la nôtre, cette part n’était que de 35 % - soit 26 points de moins qu’en France.
La structure particulière de l’immigration dans l’Hexagone se retrouve dans les indices de fécondité dissemblables sur notre territoire, qui reflètent les habitudes à l’œuvre dans les pays d’origine. En 2019, les femmes nées hors de l’Union européenne et vivant en France avaient 3,27 enfants en moyenne au cours de leur vie : il s’agissait de l’indice de fécondité le plus élevé de toute l’Europe de l’Ouest, deux fois supérieur à celui des femmes nées en France (1,66). Or les difficultés de la « deuxième génération » issue de l’immigration apparaissent plus marquées dans notre pays qu’ailleurs : la part des jeunes nés en France de parents immigrés qui ne sont ni en emploi, ni en scolarité ni en formation (24 %) se trouve être la deuxième plus élevée d’Europe - et même du monde occidental. Seule la Belgique connaît des chiffres plus mauvais dans ce champ.
Profils surbénéficiaires et sous-contributeurs
L’ensemble de ces données concordantes dessine un diagnostic clair : celui de l’inquiétant bilan économique, budgétaire et social de la politique d’immigration menée dans notre pays, aujourd’hui comme depuis plusieurs décennies. Si les réussites individuelles issues de cette immigration sont nombreuses et qu’une approche différenciée mérite d’être déployée selon les origines géographiques (dont les trajectoires d’intégration varient très sensiblement), il n’en demeure pas moins que l’analyse rationnelle dessine une réalité marquée par une forte prévalence des profils de « consommateurs fiscaux nets », surbénéficiaires et sous-contributeurs des dispositifs de solidarité collective. Lesdits profils ne se résument pas aux chômeurs et aux inactifs : un immigré ou un étranger qui travaille dans un emploi peu qualifié - et rémunéré - a toutes les chances de consommer plus de dépenses publiques qu’il n’y contribue.
Afin de rétablir les grands équilibres en la matière, il importerait enfin de considérer l’immigration comme n’importe quelle autre politique publique, ayant pour objectif de minimiser les coûts et de maximiser les bénéfices pour la société française. La tâche d’engager cette révolution copernicienne incombe désormais au gouvernement de Michel Barnier.
Par Nicolas Pouvreau-Monti
Nicolas Pouvreau-Monti, Directeur de l'Obsrvatoire de l'Immigration et de la Démographie (OID).
« Il y a toujours le sentiment que les frontières sont des passoires, que les flux migratoires ne sont pas maîtrisés. Nous allons donc les maîtriser avec des mesures concrètes. » Dans son premier entretien accordé vendredi dernier, au lendemain de sa nomination à Matignon, Michel Barnier a entendu fixer un cap clair à la politique d’immigration de son gouvernement en formation, qui pourrait s’incarner dans la recréation d’un « ministère de l’Immigration » de plein exercice.
Parmi l’ensemble des questions associées à cet enjeu devenu majeur pour la société française, celle de son bilan économique et budgétaire fait certainement partie des plus débattues. Tandis que les enquêtes sondagières attestent d’un souhait de réduction des flux migratoires largement majoritaire dans l’opinion publique, nos compatriotes apparaissent plus partagés sur cet aspect spécifique du sujet : 38 % des Français considéraient ainsi que « l’immigration rapporte plus à la France qu’elle ne lui coûte », selon une étude Ifop-Fiducial parue l’an dernier.
Un taux d’emploi parmi les plus faible en Europe
À cette aune, de précieuses bases de données ont été rendues publiques par l’OCDE, dans le cadre de sa plus récente publication sur « les indicateurs de l’intégration des immigrés ». Leur analyse comparative permet de dresser un constat frappant : l’immigration accueillie en France est globalement moins intégrée au marché du travail et plus « pauvre » qu’ailleurs en Europe. Le taux d’emploi des personnes nées à l’étranger est l’un des plus faibles en France parmi l’ensemble des pays de l’UE : seules 61 % d’entre elles occupaient un emploi dans leurs classes d’âge de 15 à 64 ans en 2021, soit 7 points de moins que les natifs du territoire.
Une analyse fondée sur la nationalité plutôt que le lieu de naissance fait ressortir des constats encore plus saillants : seule la moitié (51,7 %) des étrangers extraeuropéens en âge de travailler occupaient un emploi en France en 2020, soit un taux inférieur de 14 points à celui des citoyens français - mais aussi 15 points de moins que les étrangers extraeuropéens au Royaume-Uni, 9 points de moins qu’au Danemark, 6 points de moins qu’en Allemagne.
Un autre angle de vue porte sur le taux d’activité : les « actifs » - qui occupent ou recherchent un emploi - ne comptaient que pour 64 % des étrangers extraeuropéens en âge de travailler, soit le 3e taux le plus faible de toute l’UE (« suivi » seulement par la Belgique et les Pays-Bas). Le taux de chômage des étrangers extraeuropéens en France était, quant à lui, plus du double de celui des Français : 19,5 % contre 8 %. Non sans rapport avec les données précédentes, le taux de pauvreté relative (calculé par rapport au salaire médian de chaque pays) des ressortissants extraeuropéens vivant en France est le plus élevé d’Europe, à égalité avec l’Espagne : 47,6 % d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté en 2020, soit une part quatre fois supérieure à celle des citoyens français (11,5 %) avec un intervalle de 36 points par rapport à eux - ce qui représente un écart record dans la zone.
Niveau d'éducation « faible »
Pour mieux comprendre ces constats saisissants, plusieurs éclairages méritent d’être pris en compte. Le premier réside dans la répartition des raisons légales d’installation sur le territoire : la part des entrées d’immigrés (toutes origines confondues) effectuées sur le fondement d’un motif « famille » est la plus élevée en France parmi toute l’Europe de l’Ouest. Elle a représenté 41,2 % des entrées d’immigrés permanents sur la période 2005-2020, soit un taux trois fois supérieur à celui constaté en Allemagne, contre 10,5 % pour le motif « travail ».
La France accueille l’immigration la plus africaine parmi tous les pays développés, avec un différentiel très marqué par rapport à nos voisins : 61 % des immigrés de 15 à 64 ans vivant en France en 2020 étaient originaires du continent africain, soit une part trois fois supérieure à la moyenne de l’UE
Nicolas Pouvreau-Monti
Nicolas Pouvreau-Monti
La seconde clé de compréhension réside dans la forte prévalence de profils immigrés au niveau d’éducation « faible », selon la classification opérée par l’OCDE : en 2020, 33 % des personnes nées à l’étranger, âgées de 15 à 64 ans, vivant en France et sorties du système éducatif n’avaient qu’un niveau de qualification inférieur ou égal au brevet des collèges, soit un taux deux fois supérieur à celui des personnes nées en France (16 %). En optant pour une vue centrée sur la nationalité, le constat de cette dissymétrie est plus fort encore : 42,6 % des étrangers extraeuropéens des mêmes classes d’âge n’avaient aucun diplôme ou seulement un niveau brevet, proportion supérieure de 26 points à celle des Français (16,7 %).
Un troisième facteur d’explication pourrait avoir trait à une plus grande « distance » culturelle avec la société d’accueil, liée aux origines des flux reçus dans notre pays. La France accueille l’immigration la plus africaine parmi tous les pays développés, avec un différentiel très marqué par rapport à nos voisins : 61 % des immigrés de 15 à 64 ans vivant en France en 2020 étaient originaires du continent africain (Maghreb et hors Maghreb), soit une part trois fois supérieure à la moyenne de l’UE. Au Portugal, qui compte la deuxième plus forte proportion d’immigrés africains après la nôtre, cette part n’était que de 35 % - soit 26 points de moins qu’en France.
La structure particulière de l’immigration dans l’Hexagone se retrouve dans les indices de fécondité dissemblables sur notre territoire, qui reflètent les habitudes à l’œuvre dans les pays d’origine. En 2019, les femmes nées hors de l’Union européenne et vivant en France avaient 3,27 enfants en moyenne au cours de leur vie : il s’agissait de l’indice de fécondité le plus élevé de toute l’Europe de l’Ouest, deux fois supérieur à celui des femmes nées en France (1,66). Or les difficultés de la « deuxième génération » issue de l’immigration apparaissent plus marquées dans notre pays qu’ailleurs : la part des jeunes nés en France de parents immigrés qui ne sont ni en emploi, ni en scolarité ni en formation (24 %) se trouve être la deuxième plus élevée d’Europe - et même du monde occidental. Seule la Belgique connaît des chiffres plus mauvais dans ce champ.
Profils surbénéficiaires et sous-contributeurs
L’ensemble de ces données concordantes dessine un diagnostic clair : celui de l’inquiétant bilan économique, budgétaire et social de la politique d’immigration menée dans notre pays, aujourd’hui comme depuis plusieurs décennies. Si les réussites individuelles issues de cette immigration sont nombreuses et qu’une approche différenciée mérite d’être déployée selon les origines géographiques (dont les trajectoires d’intégration varient très sensiblement), il n’en demeure pas moins que l’analyse rationnelle dessine une réalité marquée par une forte prévalence des profils de « consommateurs fiscaux nets », surbénéficiaires et sous-contributeurs des dispositifs de solidarité collective. Lesdits profils ne se résument pas aux chômeurs et aux inactifs : un immigré ou un étranger qui travaille dans un emploi peu qualifié - et rémunéré - a toutes les chances de consommer plus de dépenses publiques qu’il n’y contribue.
Afin de rétablir les grands équilibres en la matière, il importerait enfin de considérer l’immigration comme n’importe quelle autre politique publique, ayant pour objectif de minimiser les coûts et de maximiser les bénéfices pour la société française. La tâche d’engager cette révolution copernicienne incombe désormais au gouvernement de Michel Barnier.
Par Nicolas Pouvreau-Monti
Nicolas Pouvreau-Monti, Directeur de l'Obsrvatoire de l'Immigration et de la Démographie (OID).