Faute de pouvoir leur proposer des habitations à des tarifs raisonnables, la prestigieuse université francilienne pousse les étudiants à se tourner vers l’hôtellerie à des prix prohibitifs et les hébergements d’urgence.
Lucie Delaporte
C’est un message qui en dit long sur l’état de saturation – à tout point de vue – des résidences universitaires. Un message que beaucoup d’étudiants et d’étudiantes ont reçu ces dernières semaines comme un uppercut.
Alors que les cours vont bientôt commencer, Magali*, étudiante au campus Paris-Saclay, est toujours en attente d’une réponse du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Versailles pour trouver une solution de logement.
Cette brillante étudiante s’est adressée au guichet unique du campus Paris-Saclay qui regroupe facs, IUT et des écoles prestigieuses comme l’École normale supérieure de Cachan (ENS), Centrale, Polytechnique… Un campus qui vise le haut du podium au classement de Shanghai, lequel recense au niveau mondial les meilleurs établissements du supérieur. « Paris-Saclay est magique ! Jamais une université française n’avait été si bien classée dans le prestigieux classement de Shanghai : douzième au monde », s’était félicité le 15 août 2024 Emmanuel Macron sur X.
Agrandir l’image : Illustration 1Un étudiant dans une des bibliothèques de l’université Paris-Saclay, à Saclay, le 17 septembre 2021. © Photo Alain Jocard / AFP
Les parents de Magali vivent en Ardèche et ont de faibles revenus. Pour elle, se loger dans le parc privé est donc quasi impossible, si tant est qu’elle trouve d’ailleurs des offres dans un parc pris d’assaut chaque année.
Boursière échelon 5, l’un des plus élevés, elle est prioritaire pour obtenir une place par l’intermédiaire du Crous. La réponse que ses camarades et elle ont reçue du guichet unique de Paris-Saclay (GUPS) l’a laissée sans voix.
« Concernant les demandes de logement via le Gups, elles sont en cours de traitement et ce jusqu’au 15 septembre. De ce fait, nous ne pouvons pas vous fournir de dates précises quant à une acceptation ou à un refus de notre part », annonce d’emblée le message, qui préfère ne pas entretenir trop d’espoirs. « Il est important de noter que peu de logements sont disponibles. Continuez donc à réaliser un maximum de recherches »,conseille le guichet du Crous. Le texte est complété d’une liste renvoyant vers des plateformes privées Roomlala ou Lokaviz, où les logements sont au prix fort, largement inaccessibles aux étudiants.
Le Gups renvoie aussi vers l’hôtellerie classique et vers Airbnb, avec des nuitées à 70-80 euros dans le secteur, ce qui revient à louer un studio à 2 400 euros par mois…
« Si vous êtes dans une situation d’urgence, vous pouvez prendre contact avec l’abbaye de la Clarté-Dieu (95 rue de Paris, 91400 Orsay) qui propose des solutions d’hébergement d’urgence, temporaire et à bas coût »,indique également le message. Les étudiants qui n’auraient pas les moyens de se loger aux tarifs démentiels des meublés de tourisme peuvent donc toujours frapper à la porte des institutions catholiques qui accueillent les personnes sans domicile fixe. Tout espoir n’est pas perdu, et la dépose d’un cierge à l’abbaye permettra peut-être de débloquer le dossier du Crous…
L’excellence, sauf pour les étudiants pauvres
Au campus Paris-Saclay, on assume. « Ce mail émane effectivement des services de la direction de la vie étudiante et égalité des chances. […] L’objectif de ce mail est d’apporter aux étudiants très rapidement l’assistance la plus concrète possible dans leur recherche de logement temporaire dans ce laps de temps », répond l’université. Elle indique que la plateforme de l’université Paris-Saclay répertorie 12 000 logements, dont 6 000 dans le parc privé.
« On nous propose des appartements à des coûts impossibles. On se demande vraiment si le campus a envie d’accueillir les étudiants pauvres », souligne avec amertume Magali.
Comme beaucoup d’étudiants, elle a eu ses résultats sur Parcoursup très tardivement, au mois d’août. « C’est pratiquement impossible, à cette date, de trouver un logement »,commente-t-elle. Avant son année à l’étranger, obligatoire dans son cursus, Magali avait eu la « chance » de trouver une chambre à louer dans une des résidences du campus, La Pacaterie, qui a défrayé la chronique par son insalubrité. Cafards, punaises de lit, moisissures : le Crous s’est engagé l’an dernier à faire des travaux de remise aux normes.
Dans un rapport récent sur le logement étudiant, la fondation Jean-Jaurès rappelle que moins de 2 % des jeunes vivent en résidence universitaire. Les Crous ne parviennent à loger qu’un quart des étudiants boursiers.
« Alors que la démocratisation des études supérieures visait à partager la connaissance au plus grand nombre et à limiter la reproduction des inégalités sociales, les jeunes interrogés dans les plus récentes enquêtes expriment leur sentiment de vivre moins bien que leurs parents, au point qu’il peut être permis de parler de “descenseur social” en lieu et place d’“ascenseur social” », pointe le rapport. La face sombre d’un campus d’excellence et de la « magie » du classement de Shanghai.
Lucie Delaporte
C’est un message qui en dit long sur l’état de saturation – à tout point de vue – des résidences universitaires. Un message que beaucoup d’étudiants et d’étudiantes ont reçu ces dernières semaines comme un uppercut.
Alors que les cours vont bientôt commencer, Magali*, étudiante au campus Paris-Saclay, est toujours en attente d’une réponse du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Versailles pour trouver une solution de logement.
Cette brillante étudiante s’est adressée au guichet unique du campus Paris-Saclay qui regroupe facs, IUT et des écoles prestigieuses comme l’École normale supérieure de Cachan (ENS), Centrale, Polytechnique… Un campus qui vise le haut du podium au classement de Shanghai, lequel recense au niveau mondial les meilleurs établissements du supérieur. « Paris-Saclay est magique ! Jamais une université française n’avait été si bien classée dans le prestigieux classement de Shanghai : douzième au monde », s’était félicité le 15 août 2024 Emmanuel Macron sur X.

Les parents de Magali vivent en Ardèche et ont de faibles revenus. Pour elle, se loger dans le parc privé est donc quasi impossible, si tant est qu’elle trouve d’ailleurs des offres dans un parc pris d’assaut chaque année.
Boursière échelon 5, l’un des plus élevés, elle est prioritaire pour obtenir une place par l’intermédiaire du Crous. La réponse que ses camarades et elle ont reçue du guichet unique de Paris-Saclay (GUPS) l’a laissée sans voix.
« Concernant les demandes de logement via le Gups, elles sont en cours de traitement et ce jusqu’au 15 septembre. De ce fait, nous ne pouvons pas vous fournir de dates précises quant à une acceptation ou à un refus de notre part », annonce d’emblée le message, qui préfère ne pas entretenir trop d’espoirs. « Il est important de noter que peu de logements sont disponibles. Continuez donc à réaliser un maximum de recherches »,conseille le guichet du Crous. Le texte est complété d’une liste renvoyant vers des plateformes privées Roomlala ou Lokaviz, où les logements sont au prix fort, largement inaccessibles aux étudiants.
Le Gups renvoie aussi vers l’hôtellerie classique et vers Airbnb, avec des nuitées à 70-80 euros dans le secteur, ce qui revient à louer un studio à 2 400 euros par mois…
« Si vous êtes dans une situation d’urgence, vous pouvez prendre contact avec l’abbaye de la Clarté-Dieu (95 rue de Paris, 91400 Orsay) qui propose des solutions d’hébergement d’urgence, temporaire et à bas coût »,indique également le message. Les étudiants qui n’auraient pas les moyens de se loger aux tarifs démentiels des meublés de tourisme peuvent donc toujours frapper à la porte des institutions catholiques qui accueillent les personnes sans domicile fixe. Tout espoir n’est pas perdu, et la dépose d’un cierge à l’abbaye permettra peut-être de débloquer le dossier du Crous…
L’excellence, sauf pour les étudiants pauvres
Au campus Paris-Saclay, on assume. « Ce mail émane effectivement des services de la direction de la vie étudiante et égalité des chances. […] L’objectif de ce mail est d’apporter aux étudiants très rapidement l’assistance la plus concrète possible dans leur recherche de logement temporaire dans ce laps de temps », répond l’université. Elle indique que la plateforme de l’université Paris-Saclay répertorie 12 000 logements, dont 6 000 dans le parc privé.
« On nous propose des appartements à des coûts impossibles. On se demande vraiment si le campus a envie d’accueillir les étudiants pauvres », souligne avec amertume Magali.
Comme beaucoup d’étudiants, elle a eu ses résultats sur Parcoursup très tardivement, au mois d’août. « C’est pratiquement impossible, à cette date, de trouver un logement »,commente-t-elle. Avant son année à l’étranger, obligatoire dans son cursus, Magali avait eu la « chance » de trouver une chambre à louer dans une des résidences du campus, La Pacaterie, qui a défrayé la chronique par son insalubrité. Cafards, punaises de lit, moisissures : le Crous s’est engagé l’an dernier à faire des travaux de remise aux normes.
Dans un rapport récent sur le logement étudiant, la fondation Jean-Jaurès rappelle que moins de 2 % des jeunes vivent en résidence universitaire. Les Crous ne parviennent à loger qu’un quart des étudiants boursiers.
« Alors que la démocratisation des études supérieures visait à partager la connaissance au plus grand nombre et à limiter la reproduction des inégalités sociales, les jeunes interrogés dans les plus récentes enquêtes expriment leur sentiment de vivre moins bien que leurs parents, au point qu’il peut être permis de parler de “descenseur social” en lieu et place d’“ascenseur social” », pointe le rapport. La face sombre d’un campus d’excellence et de la « magie » du classement de Shanghai.
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