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De Sfax à Salakta, une cohabitation délicate entre migrants et Tunisiens

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  • De Sfax à Salakta, une cohabitation délicate entre migrants et Tunisiens


    Les autorités estiment à 20 000 le nombre de migrants vivant dans les camps qui ont essaimé aux alentours d’El Amra, petite commune du centre-est de la Tunisie.

    Par Mustapha Kessous (Sfax, El Amra, Salakta, Tunisie, envoyé spécial)



    Des migrants fuient alors que la police arrive pour démanteler un camp de fortune de subsahariens à El Amra, à la périphérie de la ville portuaire tunisienne de Sfax, le 5 avril 2025. FETHI BELAID / AFP

    Il n’a pas été tenté – comme d’autres – de gonfler ses prix. Pour Ala Cherif, gérant de la supérette Mamix d’El Amra, un client est un client, qu’il soit du coin ou « Africain ». Le temps d’une course, les migrants subsahariens échouésdans cette modeste commune du centre-est de la Tunisie peuvent avoir l’impression d’être traités comme des gens ordinaires. « Ici, il n’y a pas de tarifs “pour les Blacks”, constate Mouctar Thiam, un jeune Sénégalais. Ailleurs, on nous augmente tout et quand on demande un ticket à la caisse, on refuse de nous le donner. »

    A la sortie de la supérette, de jeunes Tunisiens proposent de charger les provisions sur leurs vieilles mobylettes : à partir de 10 dinars (quelque 3 euros) – un montant exagéré – pour une livraison jusqu’à l’un des camps informels, posés dans les champs d’oliviers qui ceinturent la cité agricole. « Comme les Africains consomment, commerçants et habitants gagnent beaucoup d’argent grâce à eux », explique Ala Cherif. On raconte même qu’une marchande sans le sou a fait fortune rien qu’en prélevant des commissions sur l’argent envoyé aux migrants par leur famille.

    Dans les rues, certains les appellent « les Noirs » ou les hèlent en criant « mon ami ». « Ils ne disent pas “mon frère”, à croire qu’on ne vient pas du même continent, c’est une façon de nous rabaisser », souligne Aboubacar Bary, un Guinéen de 25 ans qui patiente dans les environs depuis des années dans l’espoir de rallier un jour l’île italienne de Lampedusa. Pourtant, dans les travées du marché du dimanche, tout le monde cohabite devant et derrière les étals. « Un de mes amis travaille ici, il est payé 5 dinars la journée, raconte Mouctar Thiam. Mais d’autres patrons rémunèrent au prix juste [entre 15 et 20 dinars]. »

    Entre Subsahariens et Tunisiens, une ambivalence s’est installée : entre solidarité et rejet, bonnes affaires et discours complotistes. Même le député anti-migrants Tarek Mahdi, élu de la région de Sfax – dont dépend El Amra – admet qu’ils peuvent représenter « un mal nécessaire », puisqu’ils permettent à certaines familles « pauvres » d’amasser quelques dinars. En Tunisie, le salaire minimum mensuel plafonne à 448 dinars (131 euros).

    2023, année charnière


    « Mais il faut qu’ils partent du pays. Ils sont trop nombreux », répète M. Mahdi. Les autorités estiment à 20 000 le nombre de migrants vivant dans les camps aux alentours – pour une ville de 30 000 habitants. Au niveau national, les chiffres oscillent entre 60 000 et plus de 100 000, selon le député. « C’est la catastrophe, glisse sans colère Imen Hosni, une commerçante de 36 ans, qui vend stylos et cahiers à deux pas de la supérette Mamix. Ils sont clandestins, et beaucoup sont des clochards et des voleurs. Ils sont devenus agressifs. »

    L’activiste Zied Mallouli, président du collectif citoyen « Sayeb Trottoir » (« Libérez le trottoir ») – créé il y a près de dix ans sans rapport avec le problème migratoire – note « un sentiment paradoxal » qui tiraille les Tunisiens. « Les gens ne comprennent pas pourquoi la Tunisie joue les gardes-côtes de l’Europe, tout en voyant que les migrants restent coincés chez nous alors qu’ils veulent partir, note-t-il. Ils sont fatigués de subir un blocus qui ne dit pas son nom. »

    En juillet 2023, la Tunisie a signé un accord avec l’Union européenne (UE) : 260 millions d’euros d’aides pour renforcer, entre autres, les garde-côtes tunisiens. Depuis, la route maritime s’est refermée. Au 1er janvier, seuls 432 exilés sont parvenus à rejoindre l’Europe, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ils étaient plus de 18 000sur la même période, il y a deux ans.

    C’est également en 2023 que le président Kaïs Saïed a parlé de « hordes de migrants clandestins ». « Il existe, avait-il affirmé le 21 février, un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie. » Certains y croient toujours, persuadés que cette « horde » a été délibérément envoyée en Tunisie pour « renverser » le chef de l’Etat ou « déstabiliser » le pays. Par qui ? Ils ne le savent pas. « Il y a danger : c’est le début du changement démographique pour notre petit pays de 12 millions d’habitants », martèle le député Tarek Mahdi évoquant « 6 000 naissances dans une période courte ».

    « C’était ingérable »


    Début avril, à Salakta, un riverain, qui souhaite conserver l’anonymat, a filmé un départ avorté d’une embarcation sur une plage. Alors que la police était présente, des jeunes du quartier sont venus caillasser le bateau. Quelques nuits plus tard, dans les environs, une rumeur disait que la police allait « rafler » les étrangers. Certains se sont cachés dans des maisons en construction ou chez des Tunisiens qui les ont accueillis.

    Zied Mallouli souhaite que l’Etat trouve « une solution humaine » pour ces migrants sans attiser racisme ou théories du complot. Professeur de français, il a cependant manifesté contre la présence des exilés à Sfax, en juin 2023.A l’époque, la cohabitation était de plus en plus difficile. « C’était ingérable, atteste Riadh Haj Taieb, ancien directeur général des services techniques à la municipalité de Sfax. Quand ils ont commencé à arriver [à partir de 2015], tout le monde les aidait en leur donnant de la nourriture, des vêtements, en offrant du travail. Mais après le Covid, on a réalisé qu’ils étaient vraiment nombreux. »

    Les deux hommes racontent « la panique » des Sfaxiens en découvrant que leur logement, loué à trois ou quatre migrants, était en réalité occupé par « une vingtaine de personnes, parfois plus ». Ils évoquent « la peur » face aux violentes rixes – « la guerre » – entre « Subsahariens » ; ou encore des agressions. « Des gens racontaient que les chats de la ville avaient disparu, c’est dire l’irrationalité de la peur », se remémore M. Mallouli. Le député Tarek Mahdi va plus loin en multipliant les détails sordides : selon lui, des migrantes se prostituaient devant les lycées, proposant leurs faveurs aux jeunes Tunisiens « sans protection » ; des bagarres « entre Africains » se terminaient en « meurtre »

    Hausse des « retours volontaires »


    Dans son téléphone, l’élu dit recevoir des témoignages en tout genre, de personnes violentées avec « des sabres »,de jeunes filles abusées, et montre des images de vidéosurveillance du meurtre de Nizar Amri, « égorgé » par un migrant en juillet 2023. « Je travaillais à côté et je lui avais porté assistance. En lui faisant du bouche-à-bouche, je sentais l’air sortir de sa gorge, prétend-il. Dans les quartiers chauds, les habitants avaient décidé de chasser les migrants. » Face à une population excédée, la police avait expulsé des milliers de Subsahariens. Les mêmes qui ont trouvé refuge dans les oliviers autour d’El Amra.

    Ils s’y abritent encore par peur de la prison pour « séjour irrégulier », ou pire – disent-ils – d’être « déportés » dans le désert, près des frontières algériennes et libyennes. Ils ont en assez d’être mal perçus, de voir des Tunisiens se pincer le nez à leur passage, de peiner à trouver du travail. Au point de mettre une croix sur leur rêve d’Europe ? L’OIM confirme au Monde que l’organisation a aidé plus de 2 000 personnes à rentrer volontairement dans leur pays d’origine, depuis la Tunisie,entre le 1er janvier et le 17 avril. Les autres restent déterminés à monter sur une barque pour rejoindre Lampedusa.


    Lire le reportage | Article réservé à nos abonnés Tunisie : dans les camps de migrants près de Sfax, « l’enfer sous les oliviers »

    Le député Tarek Mahdi veut aller plus vite. Il plaide pour la mise en place d’« un pont aérien » entre la Tunisie et les pays d’origine des exilés afin d’« accélérer » leur retour et pour une réévaluation à la hausse des aides de l’UE. « Nous ne pouvons pas jouer les gardes-côtes pour des cacahuètes, clame-t-il. Il faut plus d’argents sinon, il faut qu’on réouvre la frontière pour les laisser partir. Ces migrants ne sont pas notre problème, mais celui de l’Europe. »
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    Si ils continuent sur cette lancée , bientôt ils seront plus nombreux que les Tunisiens


    "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

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    • #3
      Si ils continuent sur cette lancée , bientôt ils seront plus nombreux que les Tunisiens
      tu veut dire qu'ils vont ce faire "grand remplacer" ??
      tu tombe je tombe car mane e mane
      après avoir rien fait ...on a souvent le sentiment d'avoir faillie faire ....un sentiment consolateur

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      • #4
        Oui oui , ils vont les remplacer un par un si ça continue ...par contre je sais pas ce qu'ils vont faire avec l'énorme stock qui va leur rester sur les bras !

        "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

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        • #5
          tu veut dire qu'ils vont ce faire "grand remplacer" ??
          C'est un concept d'extrême droite et il ne faut surtout pas l'évoquer en France, sous peine d'être traité de facho.
          Disons, pour la Tunisie que ce sera la joie du métissage et du vivre ensemble.

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          • #6
            En France les migrants n' arrivent pas par vague et par milliers tous les jours pour squatter les terrains agricoles des Français , la population Française dépasse les 68 Millions , les migrants représentent à peine 1% au total sur l'ensemble de cette population Donc cette théorie du grand remplacement n'a aucun sens et injustifiable , contrairement à la Tunisie qui est un petit pays dont la population ne dépasse même pas les 12 millions d'habitants , si ils se laissent envahir par ses migrants , ils peuvent entrainer leur disparition !
            Disons, pour la Tunisie que ce sera la joie du métissage et du vivre ensemble.
            Les Tunisiennes , ne s'appellent pas Ginette
            ça se voit que tu ne connais pas les Tunisiennes

            "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

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