EXCLUSIF - Ciblé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par l’Algérie et par de multiples plaintes, mais aussi par les attaques de la presse de gauche, l’écrivain brise le silence.
« J’ai l’impression qu’on me reproche de ne pas être un “bon Arabe”, c’est-à-dire un Arabe victimaire, qui vit dans la haine de la France », lance-t-il d’emblée. Kamel Daoud s’exprime calmement, mais on devine chez lui une rage contenue. Il nous a donné rendez-vous tôt le matin dans un café parisien, mais il aurait préféré ne pas avoir à répondre à nos questions. Cela fait des mois qu’il refuse nos demandes d’entretien, à l’exception de celles qui portent sur la littérature. L’écrivain avait choisi de rester à distance de l’affrontement politico-diplomatique qui oppose son pays natal et son pays d’adoption, sauf pour défendre son ami Boualem Sansal, embastillé en Algérie.
De s’astreindre à la sphère littéraire, de ne pas s’étendre dans l’espace médiatique. Pour ne pas réveiller les radicalités. Pour ne pas s’enfermer dans un rôle de polémiste ou de militant. Daoud a toujours veillé à ne pas se laisser définir par ses origines ou son statut d’exilé. Avant d’être algérien ou français, avant d’être exilé, il est écrivain. Sa vraie carte d’identité reste la littérature. C’est pourquoi, il a d’abord choisi de s’exprimer à travers un « tract », Il faut parfois trahir, publié ce 8 mai chez Gallimard. Mais la pression du régime algérien et du tribunal médiatique français était telle qu’il a finalement choisi de briser le silence en exclusivité pour notre journal : « C’en était trop. Les attaques sont si lourdes qu’elles m’obligent à rétablir la vérité. »
La veille de notre rencontre, Daoud a appris qu’il était visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par l’Algérie. C’est la première fois qu’un récipiendaire du prix Goncourt - dont Kamel Daoud a été le lauréat en 2024 pour son roman Houris - fait l’objet de mandats d’arrêt internationaux pour son œuvre. « Ils ont été lancés par les autorités algériennes pour des considérations politiques », explique son avocate Me Jacqueline Laffont. Selon elle, ils s’inscrivent « dans un ensemble de procédures menées pour réduire au silence un écrivain dont le dernier roman évoque les massacres de la décennie noire en Algérie ». Plongée sans concession dans la guerre civile algérienne, qui durant les années 1990 a opposé le gouvernement algérien à des groupes islamistes et fait environ 200.000 morts, Houris, est considéré par le gouvernement algérien comme une trahison.
Le livre, interdit en Algérie et qui s’est déjà écoulé à plus de 400.000 exemplaires en France, violerait les lois de « Concorde civile » et de « Réconciliation nationale » adoptées dans les années 2000 par Abdelaziz Bouteflika. Ces lois d’amnistie et d’amnésie, critiquées par de nombreuses associations humanitaires, assurent l’impunité aux islamistes ayant commis des atrocités et imposent aux Algériens de rester muets sur cette période sanglante. « Il faut réaliser que ceux qui ont tué en Algérie vivent librement, tiennent des commerces, bénéficient des pensions d’État, quand ceux qui écrivent des livres sont pourchassés ou emprisonnés », résume Daoud.
Multiples plaintes
Outre ces mandats d’arrêt internationaux, l’écrivain fait l’objet de multiples plaintes depuis la parution de son roman. Il ne suffit pas de mettre en accusation le citoyen algérien, il faut aussi disqualifier l’écrivain. S’appuyer sur la tension qui, depuis le XIXe siècle, existe en France entre littérature et vie privée pour lancer la charge contre le romancier et abîmer son œuvre. Jeter le soupçon sur celui qui crée comme au bon vieux temps de l’Union soviétique. Quelques jours après la remise de son prix Goncourt, une jeune femme, Saada Arbane, a assigné l’écrivain en Algérie et en France, l’accusant de s’être inspiré de son histoire, sans son consentement, pour écrire Houris.

Fatma Benbraham (à gauche), l’avocate de Saada Arbane (à droite), s’exprime lors d’une conférence de presse sur les plaintes déposées contre Kamel Daoud et son épouse thérapeute, à Alger le 21 novembre 2024
Au cours d’un entretien accordé en décembre 2024 à une radio nationale algérienne, son avocate, Fatiha Benbraham, une proche du régime, a soutenu qu’Emmanuel Macron avait commandé Houris à Gallimard, puis fait pression sur le jury du Goncourt pour que le prix soit attribué à Kamel Daoud… « dans le but de nuire à l’Algérie » ! L’écrivain nie ces accusations et affirme avoir écrit une fiction inspirée notamment par sa propre expérience de la guerre civile lorsqu’il était reporter au Quotidien d’Oran. Enfin, une plainte pour diffamation a été déposée par la même plaignante à la suite d’un entretien accordé par Kamel Daoud au Figaro le 3 avril 2025. Les propos visés apparaissent anodins : « Alger peut déposer plainte contre Kamel Daoud en France ; la France ne peut même pas envoyer son avocat à Alger », avait déclaré l’écrivain dans nos colonnes.
Daoud voit dans ces multiples poursuites « une forme de persécution judiciaire », « une façon de l’enfermer dans un labyrinthe de procédures ». Cet acharnement n’a rien de surprenant de la part d’un régime algérien qui ne veut pas entendre parler de la guerre civile et dont la paranoïa a été exacerbée par le prix Goncourt. Plus incroyable, à ses yeux, est le traitement qui lui est réservé par une partie de la presse française. « Certains médias s’acharnent sur moi, portent atteinte à mon image et mon intégrité, tout en fermant les yeux sur les arrestations en Algérie », lâche-t-il. Face à un régime totalitaire comme celui d’Alger, devant les menaces qui pèsent sur Daoud, et à travers lui sur la liberté d’expression, on aurait pu s’attendre à un soutien unanime et inconditionnel de la presse de gauche. D’autant que l’écrivain, visé par une fatwa, est aussi la cible des islamistes. Il n’en est rien. Du Monde à Mediapart en passant par Libération, la presse de gauche s’attarde longuement sur les accusations d’atteintes à la vie privée dont il est l’objet en éludant, voire en niant leur caractère politique. « Kamel Daoud face à la justice, accusé d’avoir pillé l’histoire d’une rescapée de “la décennie noire” en Algérie » titre ainsi le quotidien du soir. « “Kamel Daoud a volé mon histoire” » : révélations sur le prix Goncourt 2024 », peut-on lire dans Mediapart qui interroge complaisamment la plaignante.
Attaques d’une certaine gauche
Dans un autre papier publié par le journal en ligne, le sociologue Nedjib Sidi Moussa explique que Kamel Daoud comme Boualem Sansal « sont promus de manière stratégique pour mener les guerres culturelles à la française » et pointe « la tendance lourde du milieu littéraire français à promouvoir les auteurs du Maghreb seulement lorsque ceux-ci réhabilitent le colonialisme français ». Dans une « contre-enquête » consacrée à l’écrivain, Libération pointe sa « proximité idéologique avec le bloc réactionnaire » et l’accuse de reprendre à son compte dans ses chroniques les « thèmes récurrents de la droite dure, voire de l’extrême droite ». Ce n’est pas la première fois que Daoud est victime des attaques d’une certaine gauche. Après la publication d’une tribune sur les viols de Cologne le 31 décembre 2016 dans lequel il interrogeait le rapport aux femmes du monde arabo-musulman, Daoud est visé par une quinzaine d’universitaires dans Le Monde qui le taxent d’« islamophobie » et l’accusent de « recycler les clichés orientalistes les plus éculés », de « banaliser le racisme » et même de faire preuve de « paternalisme colonial » !
Pour l’écrivain, les procédures qui le visent et la campagne de presse qui les accompagne dépassent son cas personnel et révèlent une double tragédie collective : algérienne d’abord, française ensuite. Une tragédie qui, en Algérie, trouve sa source dans la référence omniprésente à la colonisation et à la guerre d’indépendance devenue, selon lui, une tromperie. Elle permet de faire oublier les crimes perpétrés durant la guerre civile, mais aussi la réalité actuelle du pays. Elle empêche de penser le présent et l’avenir, occulte le nécessaire combat pour une autre libération : celle de l’individu, face à la dictature du régime, face à la dimension globalisante de l’islam, à la logique du groupe, aux archaïsmes sociaux. Ces dernières années le récit anti-français s’est encore radicalisé car le régime apparaît de plus en plus contesté. Les premiers mandats de Bouteflika sont intervenus à la sortie de la guerre civile alors que le pays avait besoin d’ordre et de sécurité tandis qu’aujourd’hui la jeunesse algérienne aspire à plus de liberté. D’où la nécessité pour Tebboune d’instrumentaliser la mémoire de la guerre et de ressusciter l’ennemi français pour ressouder la nation autour de lui. Dans cette logique de propagande, Kamel Daoud, écrivain binational exilé en France, incarne, comme Sansal, la figure du traître, du suppôt de la France.

Boualem Sansal et Kamel Daoud, le 20 novembre 2018 à Paris. François BOUCHON/Le Figaro
Dialectique du colonisé et du colonisateur
« La fabrique du traître est essentielle pour la consolidation du régime. Et il faut ajouter à cela que je suis un transfuge social, né dans un village, n’appartenant pas au milieu intellectuel de l’hypercentre d’Alger. Tout cela fait de moi une cible », observe l’écrivain. Daoud, contrairement à ce que lui reprochent ses détracteurs des deux côtés de la Méditerranée, n’a jamais nié la réalité des crimes de la colonisation. Pour autant, il considère que la France n’est pas responsable de tous les maux et refuse que l’Algérie se complaise dans un statut de victime éternelle. « L’Algérie a été colonisée par la France. Mais en faire le pain quotidien, cela veut dire que nous n’arrivons pas à fabriquer du vrai pain, analyse l’écrivain. J’ai compris tardivement qu’il y a une terreur globale face à la notion de liberté. Nous nous sommes battus pour la libération, mais nous ne voulons pas de la liberté. Car la liberté implique le risque, l’aventure, l’ouverture au monde et la construction d’une vraie souveraineté intime. Où est la liberté algérienne quand la France est pour elle un objet obsessionnel ? Un pays anciennement colonisé qui est obnubilé par son ex-colonisateur dépend de ce dernier », conclut-il.
Selon l’écrivain, la dialectique du colonisé et du colonisateur empoisonne l’Algérie, mais aussi dans une moindre mesure la France. Une partie du monde universitaire, médiatique et politique est acquise aux thèses décolonialistes au point de reprendre à son compte la propagande d’Alger, ou pire celle des islamistes. Cette gauche décoloniale attaque aujourd’hui Daoud parce qu’il refuse d’épouser une rhétorique victimaire. « Je suis puni par les tribunaux médiatiques parce que je ne suis prétendument pas dans mon rôle. On voit à l’œuvre une stratégie de punition du “mauvais Arabe” dans la veine maoïste d’il y a quelques décennies. Si vous ne jouez pas les damnés de la terre, alors vous êtes damné. »
« J’ai l’impression qu’on me reproche de ne pas être un “bon Arabe”, c’est-à-dire un Arabe victimaire, qui vit dans la haine de la France », lance-t-il d’emblée. Kamel Daoud s’exprime calmement, mais on devine chez lui une rage contenue. Il nous a donné rendez-vous tôt le matin dans un café parisien, mais il aurait préféré ne pas avoir à répondre à nos questions. Cela fait des mois qu’il refuse nos demandes d’entretien, à l’exception de celles qui portent sur la littérature. L’écrivain avait choisi de rester à distance de l’affrontement politico-diplomatique qui oppose son pays natal et son pays d’adoption, sauf pour défendre son ami Boualem Sansal, embastillé en Algérie.
De s’astreindre à la sphère littéraire, de ne pas s’étendre dans l’espace médiatique. Pour ne pas réveiller les radicalités. Pour ne pas s’enfermer dans un rôle de polémiste ou de militant. Daoud a toujours veillé à ne pas se laisser définir par ses origines ou son statut d’exilé. Avant d’être algérien ou français, avant d’être exilé, il est écrivain. Sa vraie carte d’identité reste la littérature. C’est pourquoi, il a d’abord choisi de s’exprimer à travers un « tract », Il faut parfois trahir, publié ce 8 mai chez Gallimard. Mais la pression du régime algérien et du tribunal médiatique français était telle qu’il a finalement choisi de briser le silence en exclusivité pour notre journal : « C’en était trop. Les attaques sont si lourdes qu’elles m’obligent à rétablir la vérité. »
La veille de notre rencontre, Daoud a appris qu’il était visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par l’Algérie. C’est la première fois qu’un récipiendaire du prix Goncourt - dont Kamel Daoud a été le lauréat en 2024 pour son roman Houris - fait l’objet de mandats d’arrêt internationaux pour son œuvre. « Ils ont été lancés par les autorités algériennes pour des considérations politiques », explique son avocate Me Jacqueline Laffont. Selon elle, ils s’inscrivent « dans un ensemble de procédures menées pour réduire au silence un écrivain dont le dernier roman évoque les massacres de la décennie noire en Algérie ». Plongée sans concession dans la guerre civile algérienne, qui durant les années 1990 a opposé le gouvernement algérien à des groupes islamistes et fait environ 200.000 morts, Houris, est considéré par le gouvernement algérien comme une trahison.
Il faut réaliser que ceux qui ont tué en Algérie vivent librement, tiennent des commerces, bénéficient des pensions d’État
Kamel Daoud
Kamel Daoud
Le livre, interdit en Algérie et qui s’est déjà écoulé à plus de 400.000 exemplaires en France, violerait les lois de « Concorde civile » et de « Réconciliation nationale » adoptées dans les années 2000 par Abdelaziz Bouteflika. Ces lois d’amnistie et d’amnésie, critiquées par de nombreuses associations humanitaires, assurent l’impunité aux islamistes ayant commis des atrocités et imposent aux Algériens de rester muets sur cette période sanglante. « Il faut réaliser que ceux qui ont tué en Algérie vivent librement, tiennent des commerces, bénéficient des pensions d’État, quand ceux qui écrivent des livres sont pourchassés ou emprisonnés », résume Daoud.
Multiples plaintes
Outre ces mandats d’arrêt internationaux, l’écrivain fait l’objet de multiples plaintes depuis la parution de son roman. Il ne suffit pas de mettre en accusation le citoyen algérien, il faut aussi disqualifier l’écrivain. S’appuyer sur la tension qui, depuis le XIXe siècle, existe en France entre littérature et vie privée pour lancer la charge contre le romancier et abîmer son œuvre. Jeter le soupçon sur celui qui crée comme au bon vieux temps de l’Union soviétique. Quelques jours après la remise de son prix Goncourt, une jeune femme, Saada Arbane, a assigné l’écrivain en Algérie et en France, l’accusant de s’être inspiré de son histoire, sans son consentement, pour écrire Houris.

Fatma Benbraham (à gauche), l’avocate de Saada Arbane (à droite), s’exprime lors d’une conférence de presse sur les plaintes déposées contre Kamel Daoud et son épouse thérapeute, à Alger le 21 novembre 2024
Au cours d’un entretien accordé en décembre 2024 à une radio nationale algérienne, son avocate, Fatiha Benbraham, une proche du régime, a soutenu qu’Emmanuel Macron avait commandé Houris à Gallimard, puis fait pression sur le jury du Goncourt pour que le prix soit attribué à Kamel Daoud… « dans le but de nuire à l’Algérie » ! L’écrivain nie ces accusations et affirme avoir écrit une fiction inspirée notamment par sa propre expérience de la guerre civile lorsqu’il était reporter au Quotidien d’Oran. Enfin, une plainte pour diffamation a été déposée par la même plaignante à la suite d’un entretien accordé par Kamel Daoud au Figaro le 3 avril 2025. Les propos visés apparaissent anodins : « Alger peut déposer plainte contre Kamel Daoud en France ; la France ne peut même pas envoyer son avocat à Alger », avait déclaré l’écrivain dans nos colonnes.
Certains médias s’acharnent sur moi, portent atteinte à mon image et mon intégrité, tout en fermant les yeux sur les arrestations en Algérie
Kamel Daoud
Kamel Daoud
Attaques d’une certaine gauche
Dans un autre papier publié par le journal en ligne, le sociologue Nedjib Sidi Moussa explique que Kamel Daoud comme Boualem Sansal « sont promus de manière stratégique pour mener les guerres culturelles à la française » et pointe « la tendance lourde du milieu littéraire français à promouvoir les auteurs du Maghreb seulement lorsque ceux-ci réhabilitent le colonialisme français ». Dans une « contre-enquête » consacrée à l’écrivain, Libération pointe sa « proximité idéologique avec le bloc réactionnaire » et l’accuse de reprendre à son compte dans ses chroniques les « thèmes récurrents de la droite dure, voire de l’extrême droite ». Ce n’est pas la première fois que Daoud est victime des attaques d’une certaine gauche. Après la publication d’une tribune sur les viols de Cologne le 31 décembre 2016 dans lequel il interrogeait le rapport aux femmes du monde arabo-musulman, Daoud est visé par une quinzaine d’universitaires dans Le Monde qui le taxent d’« islamophobie » et l’accusent de « recycler les clichés orientalistes les plus éculés », de « banaliser le racisme » et même de faire preuve de « paternalisme colonial » !
Où est la liberté algérienne quand la France est pour elle un objet obsessionnel ?
Kamel Daoud
Kamel Daoud
Pour l’écrivain, les procédures qui le visent et la campagne de presse qui les accompagne dépassent son cas personnel et révèlent une double tragédie collective : algérienne d’abord, française ensuite. Une tragédie qui, en Algérie, trouve sa source dans la référence omniprésente à la colonisation et à la guerre d’indépendance devenue, selon lui, une tromperie. Elle permet de faire oublier les crimes perpétrés durant la guerre civile, mais aussi la réalité actuelle du pays. Elle empêche de penser le présent et l’avenir, occulte le nécessaire combat pour une autre libération : celle de l’individu, face à la dictature du régime, face à la dimension globalisante de l’islam, à la logique du groupe, aux archaïsmes sociaux. Ces dernières années le récit anti-français s’est encore radicalisé car le régime apparaît de plus en plus contesté. Les premiers mandats de Bouteflika sont intervenus à la sortie de la guerre civile alors que le pays avait besoin d’ordre et de sécurité tandis qu’aujourd’hui la jeunesse algérienne aspire à plus de liberté. D’où la nécessité pour Tebboune d’instrumentaliser la mémoire de la guerre et de ressusciter l’ennemi français pour ressouder la nation autour de lui. Dans cette logique de propagande, Kamel Daoud, écrivain binational exilé en France, incarne, comme Sansal, la figure du traître, du suppôt de la France.

Boualem Sansal et Kamel Daoud, le 20 novembre 2018 à Paris. François BOUCHON/Le Figaro
Dialectique du colonisé et du colonisateur
« La fabrique du traître est essentielle pour la consolidation du régime. Et il faut ajouter à cela que je suis un transfuge social, né dans un village, n’appartenant pas au milieu intellectuel de l’hypercentre d’Alger. Tout cela fait de moi une cible », observe l’écrivain. Daoud, contrairement à ce que lui reprochent ses détracteurs des deux côtés de la Méditerranée, n’a jamais nié la réalité des crimes de la colonisation. Pour autant, il considère que la France n’est pas responsable de tous les maux et refuse que l’Algérie se complaise dans un statut de victime éternelle. « L’Algérie a été colonisée par la France. Mais en faire le pain quotidien, cela veut dire que nous n’arrivons pas à fabriquer du vrai pain, analyse l’écrivain. J’ai compris tardivement qu’il y a une terreur globale face à la notion de liberté. Nous nous sommes battus pour la libération, mais nous ne voulons pas de la liberté. Car la liberté implique le risque, l’aventure, l’ouverture au monde et la construction d’une vraie souveraineté intime. Où est la liberté algérienne quand la France est pour elle un objet obsessionnel ? Un pays anciennement colonisé qui est obnubilé par son ex-colonisateur dépend de ce dernier », conclut-il.
On voit à l’œuvre une stratégie de punition du « mauvais Arabe » dans la veine maoïste d’il y a quelques décennies
Kamel Daoud
Kamel Daoud
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