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A la découverte d'Oran

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  • A la découverte d'Oran

    Après le dîner, nous décidons de faire une incursion dans la ville malgré l'heure tardive (22 heures). Oran semble très calme. A chaque coin de rue, la police est omniprésente depuis les derniers évènements marqués par la violence générés par la rétrogradation du club local, le MCO. Nous longeons la rue Khemisti où des grappes de personnes discutent devant leur domicile. Face à nous, l'Hôtel Royal, haut standing, rutilant avec ses lumières.

    Plus bas, le cabaret les «Mille et une Nuits», et les Nuits du Liban, nous nous approchons du fameux Cintra, autrefois un haut lieu de la diaspora française et algérienne. Ce lieu mythique, quoique rabougri par le temps, n'a pas perdu de sa superbe. L'entrée principale où il y avait une véranda en verre a disparu ainsi que les fameux fûts de vin qui décoraient l'intérieur de ce monument où Albert Camus a écrit la Peste. Nous prenions des photos-souvenir lorsque le patron nous invita à entrer dans une ambiance calfeutrée ou la bière et le whisky coulent à flots, mais l’ambiance y est conviviale et sereine, dont seule El-Bahia connaît les secrets. Tandis qu'un orchestre exécute des morceaux de musique orientale. Le propriétaire nous guide vers une table, mais nous déclinons poliment ce geste plein d'hospitalité, une tradition légendaire et ancestrale chez les Oranais.

    A la sortie du Cintra, nous retrouvons un groupe de trois jeunes légèrement éméchés. Très vite, nous entamons une discussion et le fait de nous présenter en qualité de journalistes venus d'Alger a soulevé une vive émotion et de plaisir. «Bienvenue à El-Bahia», nous lança Massinissa en compagnie de son grand frère Omar et Kamel un Algérois qui vit et travaille à Oran depuis déjà quelques années. Massinissa et fier d'être kabyle qui aime beaucoup la JSK mais aussi le MCO. «Je suis né ici à Oran, j'aime mon pays, j'aime l'Algérie et je suis très déçu par le comportement de mes concitoyens qui ont voulu détruire notre charmante ville pour el-bolla (le ballon).» Il enchaîne : «Ce qui s'est passé à Oran durant ces trois derniers jours est indigne mais laissez-moi vous expliquer… Le MCO est descendu en division inférieure, où est le problème ? Notre club a mal joué durant toute la saison et c'est tout à fait normal qu’il rétrograde, c'est clair non ? J'aime le football, mais pas dans ces conditions. Vous voulez savoir vraiment ce qui s'est passé ? Alors sachez que durant ces douloureux événements j'ai constaté de visu que seuls 20% étaient des supporters du club, les autres, soit 80%, c’étaient des voyous venus d'autres quartiers pour voler et terroriser la population.» Son frère Omar intervient : «Il faut que tout le monde sache que notre ville a toujours vécu paisiblement.

    Les Oranais veulent vivre et profiter de la vie au maximum, ce n'est pas dans nos habitudes de casser ou d'agresser les honnêtes citoyens ou nous soulever pour un problème qui n'a rien à voir avec notre éthique et notre hospitalité.» Massinissa interrompt son frère : «Ecoute-moi mon ami, j'aime ce pays mais j'ai besoin de m'éclater à l'étranger, je voudrais voir d'autres visages, d'autres espaces. J'en ai marre d'être cloîtré ! Pourquoi nous les jeunes on nous refuse les visas ? Nous voulons vivre, découvrir d'autres civilisations et apprendre à aimer autrui. Les autorités ont peur que l'on ne revienne pas ; c'est faux, moi je suis un commerçant avec mon frère Omar, j'ai tout ce qu'il faut ici ! Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Ecrit dans ton journal nos revendications, notre ras-le-bol. Nous voulons nous amuser, quoi de plus normal dans ce bas-monde ? »

    Kamel, l'Algérois qui écoutait calmement le débat, demande à intervenir : «C'est vrai ! Il faut que les responsables à un haut niveau nous rendent notre dignité ! Mes parents me parlent du temps de Houari Boumediene dont ils ne disent que du bien. Malgré son austérité, les Algériens étaient libres de circuler à l'étranger et avaient en ce temps-là une honorable réputation ! Le prix du billet était rien qu'en 1983 à 1 600 dinars aller-retour et le change pour 1000 DA on avait 1 750 francs ! Quelle belle époque ! Aujourd'hui, tout est cher en plus des restrictions dans la délivrance des visas. Oui notre réputation s'est effilochée au fil du temps et le coup de grâce est intervenu durant la décennie noire période durant laquelle tout Algérien était considéré comme un terroriste potentiel par la communauté européenne.»

    Cette situation que vit notre jeunesse, car désemparée et non comprise, doit cesser. Il faut améliorer un tant soit peu le quotidien d'une population dépassée par les événements surtout avec l'augmentation des prix des produits de première nécessité. A cela s'ajoute une administration décadente et obsolète, où règnent le clientélisme et le tribalisme.

    La conjoncture actuelle est difficile pour ces millions de ménages qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts tant les embarras vont crescendo. Pourtant l'embellie financière due à l'augmentation du brut ne fait qu'accroître la misère et la désolation.

    Nous avons vu ici à Oran des familles qui tirent leurs subsistance des décharges publiques. En guenilles, les gens attendent très tôt le matin les va-et-vient des camions à benne de la communes. Les uns ramassant du pain rassis, les autres de la viande nauséabonde dans une atmosphère asphyxiante provoquée par la fumée des immondices qui sont brûlés sur place. Il est presque minuit. Nous décidons de quitter nos amis pour regagner notre hôtel. Kamel nous donne ses coordonnées et nous invite à faire une balade à Oran pour le lendemain : «Demain je vous ferai visiter tous les quartiers de la ville en voiture.» Quelle attention pour nous ! Nous déclinons poliment l'invitation, compte tenu que le lendemain nous devions prendre le train à 7 heures 45 mn. «Pas question !» rétorque Kamel. «Prenez le train de 15 heures au moins vous aurez ainsi le temps d'admirer notre coquette ville et ce qu’elle recèle comme monuments historiques et archéologiques.» Nous le regardons avec étonnement et ensemble nous décidons de partir le lendemain à 15 heures.

    Très tôt le matin, le responsable de l'association nous réveille pour prendre le petit déjeuner, il fallait trouver une excuse pour rester mais l'affaire n'était pas aussi facile que cela. En effet, le billet collectif ne nous permettait pas de rester. Alors nous sommes adressés à Kamel, l'adjoint du président de l'association afin de nous faciliter la tâche. Très vite, des pourparlers sont engagés avec les autres responsables qui finalement ont contacté le chef de gare pour nous réserver quatre places avec Kamel qui a opté de partir avec nous.

    Il est 9 heures. Souad téléphone à Kamel l'Algérois en vue de préparer le véhicule. Mauvaise nouvelle, Kamel est totalement dans les nuages suite à la beuverie d’hier. Mais quelle surprise ! Après une heure d'attente, une Clio s'arrête devant l'hôtel El-Kadr situé sur le boulevard Front-de-Mer où nous étions assis en nous délectant d'une vue imprenable qui donne sur la mer. Amine, à peine la trentaine, BCBG, nous invite à prendre place dans son véhicule. «Par où voulez-vous commencer ?» nous lance-t-il tout de go. Eh bien, par Santa-Cruz, sur les hauteur de Sidi-El-Houari. La route est bordée de pins maritimes et difficile d'accès avec ses virages en épingle à cheveux. «Cet endroit s'appelle la forêt des Planteurs, intervient Amine. Les taxis refusent de monter à cet endroit et pour cause plusieurs agressions y ont eu lieu.» «Alors pourquoi toi tu nous y conduis» lui rétorqua mon confrère ? «Moi je suis un kamikaze ! Rien ne me fait peur, je connais tous les recoins de cette forêt.»

    Arrivé en haut du sommet, nous sommes ébahis par la beauté du site où s'exhale un parfum plein d'embruns qui vient de la mer et puis admirer Oran dans toute sa splendeur. Oran, là à nos pieds, s'étale au loin avec son boulevard Front-de-Mer, la Sebkha au sud où brille de mille feux le sel, et à sa gauche le quartier Petit-Lac, très connu pour être très difficile. L'église Sainte-Marie, qui se trouve en bas de la forteresse Santa-Cruz, domine le port d'Oran. Il y a par ailleurs la station du téléphérique qui, ce jour-là, ne fonctionnait pas et cela pour des raisons de sécurité dues essentiellement à la vitesse du vent, d'où le risque de provoquer la chute de ce transport très prisé par les Oranais.

    Nous profitons de cet instant de relâche pour parler avec Amine. «Il paraît que tu es un taxi clandestin, est-ce vrai ?» «Oui ! Pourquoi cette question ?» Avant de devenir chauffeur, que faisais-tu ?» «J'ai eu un parcours très difficile. Je suis marié et père d'une fille adorable. Ma Clio est ma seule source de revenu. J'ai été exclu du système scolaire à 11 ans. J'ai commencé par devenir apprenti cordonnier chez un privé durant dix années où j'ai donné le meilleur de moi-même. ,Finalement j'ai quitté ce métier car l'importation des chaussures à bon prix a tué l'artisanat. Cette voiture appartenait à mon défunt père et c'est ainsi que l'idée m'est venue d'opter pour le taxi clandestin ; est-ce une tare ? Je gagne ma vie honnêtement et el-hamdou lillah. Vous savez, je fais des courses risquées, je vais là où les autres refusent de partir.» «Pourquoi ne pas faire une demande de licence ?» Vous me faites rire ! j'ai déposé ma demande avec un dossier complet à la wilaya d'Oran depuis 2006 et jusqu'à ce jour c'est le black-out total. Je ne fais plus confiance à notre administration qui exige la tchipa tout le temps.»

  • #2
    Au fond de l'esplanade, nous remarquons la présence d'un vieux en compagnie d'un jeune homme. «Bonjour el-hadj. Vous admirer la ville ?» «Oui, mon fils. Je viens ici de temps en temps en compagnie de mon fils aîné Mohamed Ali. J'ai 71 ans. Entre 1950 et 1954, nous étions jeunes à cette époque de notre vie nous aimions escalader la montagne pour admirer cette vue d'une rare beauté et nous relaxer quelques moments dans ce décor de rêve. A notre époque, notre action était dirigée vers l'éducation et le savoir-vivre. Très jeunes, nos parents nous ont inculqué les principes pour aimer la nature et la préserver. Que reste-t-il aujourd'hui ? hélas ! Les temps ont changé, c'est une autre époque, d'autres coutumes. Tout a changé, la pression de la vie est tellement forte.» A propos de l'hospitalité oranaise, il répond fièrement : «L'hospitalité oranaise est digne de la culture arabo-musulmane qui était une règle générale tandis qu'aujourd'hui c'est du n'importe quoi et ainsi va la vie. Pour moi seule Annaba ressemble de plus près à Oran», conclut-il.

    Notre guide et chauffeur Amine nous propose de faire une balade dans les vieux quartiers d'Oran. Sidi-El-Houari, Sidi-El-Hamri, la pêcherie, Sidi Blel, Gambetta, le front de mer, Petit-Lac, rue Didouche-Mourad, Khemisti, des endroits de rêve. Amine nous invite à manger une bonne karentika au cumin, plat des Oranais. C'est succulent. L'heure du départ approche. A 14h30, Amine nous dépose à la gare. L'émotion est grande, Amine se jette dans nos bras, nous lui proposons de le payer mais il refuse. Kamel est son ami, nous insistons alors pour l'essence. 15 heures sonnantes, le train prend le départ, et surprise, nous retrouvons les mêmes contrôleurs qui nous accueillent à bras ouverts. Ali, qui est contrôleur depuis plus de trente ans, s'assied près de nous. «Dites-moi, mes enfants, j'ai quelque chose à vous demander. Pourriez-vous me donner un peu de votre temps ? »

    «Bien sûr !» répondons-nous. «Je suis fils de chahid et ancien cheminot. J'ai donné les plus belles années de ma vie au secteur mais notre entreprise nous a arnaqués ! La dernière loi en faveur des enfants de chouhada oblige toutes les entreprises publiques à faire bénéficier tout fils de chahid de deux catégories qui entrent dans le cadre de sa promotion.

    Malheureusement, nos dirigeants ont toujours refusé d'appliquer cette loi. Le pire, c'est qu'au lieu de nous donner nos droits tel que prévu par la loi, ils se sont contentés de nous avancer de deux sections, soit une augmentation de 190 DA. Est-ce honnête d'agir de cette manière ? Nous avons à plusieurs reprises transmis à qui de droit nos doléances qui sont restées lettre morte.»
    Le voyage sera long, nos paupières s'alourdissent, il est temps de faire un petit somme.

    Oran, merci pour ton hospitalité…

    Par la Nouvelle République

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    • #3
      salut

      merci morjane pour ce petit voyage dans notre belle ville
      La vie comme la respiration, c'est quand elles deviennent pénibles que l'on se rend compte qu'on vit.....Asirem

      Commentaire

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