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Contrefaçon de pièces détachées automobiles en Algérie

lundi 18 avril 2005, par Hassiba

En Algérie, selon des estimations, la contrefaçon concurrence à hauteur de 50% le marché légal des pièces automobiles et constitue aujourd’hui un véritable fléau .

Selon le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INAPI), les pièces de rechange automobiles sont en tête des produits contrefaits commercialisés sur le marché algérien, après les produits cosmétiques.Ce phénomène de la contrefaçon des pièces de rechange automobiles a trouvé, en le marché algérien, un environnement propice à son développement. Les causes sont simples : un outil juridique pas assez restrictif, et des consommateurs affectés par un pouvoir qui fait qu’ils se retrouvent en quête du prix le plus bas. A cela s’ajoute la forte demande sur la pièce de rechange dans un pays où le parc roulant est vieillissant.

Le problème de la pièce détachée contrefaite se pose avec acuité en Algérie, deuxième grand marché en la matière sur le continent après l’Afrique du Sud. La contrefaçon de la pièce de rechange a vu le jour dans notre pays, indiquent les spécialistes, suite à l’ouverture du commerce extérieur au secteur privé. Le phénomène a été constaté par les professionnels qui importaient des produits de qualité, donc d’origine et qui se sont rendu compte que les pièces qu’ils commercialisaient sur le marché national ont été vendues moins chères. Mais il s’avère que ces produits, qui paraissent à première vue d’origine, sont, après vérification, des faux. A signaler dans ce sens que plus de 99% des pièces de rechange commercialisées en Algérie sont importées.

Des importateurs peu scrupuleux ; pour eux, importer des pièces de rechange ou n’importe quel autre produit, c’est la même activité. Pourtant certains produits peuvent porter atteinte à la sécurité du consommateur. La pièce de rechange automobile fait partie de ces produits. En effet, en dehors des accessoires, certaines pièces telles que les freins et les amortisseurs peuvent provoquer des accidents mortels. D’autres pièces dites de friction (plaquettes de freins, disques d’embrayage, mâchoires de freins...) peuvent être cancérigènes, car certaines sont fabriquées à partir d’amiante. Des produits qui auraient été introduits sur le marché national.

Un phénomène mondial
A vrai dire, le marché algérien n’est pas le seul à connaître cette forte présence de la pièce de rechange non homologuée. Des études réalisées par les services des douanes des Etats-Unis et certains pays membres de l’Union européenne sont formelles : la pratique du commerce de la contrefaçon de la pièce automobile s’est élargie géographiquement au point que certains pays sont devenus célèbres dans l’art de fabriquer et d’exporter de grandes quantités. Les experts étrangers qui ont mené ces études ont fait remarquer qu’en général, les contrefacteurs préfèrent activer dans les produits dont la durée de vie est limitée, et dans des pièces standard qui peuvent être vendues en magasin et s’adapter à différents modèles. Ces études révèlent que, selon les estimations des équipementiers, la contrefaçon constituerait 5 à 10% des pièces de rechange en circulation. Carrosserie, embrayages, essuie-glace, plaquettes de frein, alternateurs, démarreurs, filtres à huile, optiques de phare, rien n’échappe à la contrefaçon. L’industrie automobile a évalué qu’elle perdait annuellement près de 12 milliards de dollars du fait de la vente de pièces non homologuées.

La même étude révèle que les fausses pièces détachées produites dans les pays de l’Asie du Sud sont expédiées via les ports de Shenzhen, Shanghai ou Hongkong pour aller transiter généralement par Dubaï avant d’atterrir sur les marchés d’Afrique noire et du Maghreb. Où le risque pour le contrefacteur est quasiment inexistant car il n’y a pas de contrôle de sécurité, souligne encore le même rapport. Dans ce continent, les observateurs estiment qu’une pièce consommable sur deux est contrefaite, voire non homologuée.

Eradiquer le phénomène, une mission difficile
Le marché algérien de la pièce détachée automobile restera encore ouvert à la contrefaçon. La cause principale demeure le manque de moyens de contrôle pour arriver à distinguer les produits contrefaits. Une loi plus restrictive sur l’importation de la pièce détachée serait plus que nécessaire. Le directeur général des douanes, Sid Ali Lebib a évoqué la création d’un observatoire ou d’un comité contre la contrefaçon pour impliquer davantage la société civile dans cette lutte. Ce dernier a annoncé par ailleurs la généralisation, à partir du début de cette année, du système de gestion des risques, institué déjà au port d’Alger, sur l’ensemble du territoire national. Ce système vise à "la facilitation du flux de la marchandise et à contrer la fraude commerciale sous toutes ses formes". Il s’agit en fait de la suppression progressive des taxes douanières, selon les catégories de listes de produits. A ce sujet, les fausses déclarations sur la valeur, l’espèce et l’origine restent les courants de fraude les plus répandus "auxquels nous ne pourrons faire face tant que le marché du change parallèle, qui est un grand problème pour l’économie nationale, n’est pas combattu", a indiqué le premier responsable des douanes algériennes.

Le ministre de l’Industrie, El Hachemi Djaâboub, a annoncé récemment que le gouvernement allait bientôt réviser les conditions d’installation des concessionnaires automobiles en Algérie, afin de réguler une activité dont la croissance rapide a généré des dysfonctionnements. L’enjeu, a-t-il précisé, n’est pas seulement économique, mais concerne également la sécurité. Car un concessionnaire qui n’assure pas la commercialisation de la pièce de rechange laisse le marché libre à d’autres intervenants, multipliant ainsi les risques.

Claude Greslebin (Responsable du service après-vente Renault) :
« Le premier danger de la contrefaçon est lié à la sécurité de l’automobiliste »

Les concessionnaires automobiles sont touchés par la contrefaçon, comment pensez-vous pouvoir lutter contre ce phénomène ?
Pour combattre ce fléau, il faudrait à mon sens que les constructeurs s’organisent et fassent du lobbying. Il est vrai que l’essentiel du travail est déjà fait. Nous sommes présents sur le marché en proposant des pièces de rechange d’origine et certifiées. Nous avons pour distribuer ces pièces un réseau de marques. Nous recommandons aux clients d’acheter une pièce d’origine. Dans le cas où il est tenté, pour des raisons financières, d’acheter ailleurs, ce client s’expose à tout le panorama de ce que l’on peut trouver en matière de pièces adaptables ou de contrefaçon. A ce moment là, le constructeur ne garantit plus rien. Ni en ce qui concerne le bon entretien du véhicule et ni la santé du propriétaire de l’automobile.

Prenez-vous part aux actions des pouvoirs publics dans la lutte contre ce phénomène ?
Il y a une action à laquelle nous prenons part en ce moment et qui consiste à aider les douanes et la police des frontières à détecter les pièces de rechange contrefaites. En cas de doute, l’équipe du magasin après-vente de Renault est sollicitée pour témoigner et contrôler ces produits.
Par ailleurs, les services des douanes nous autorisent à prélever des pièces et à en vérifier l’authenticité.

La raison première qui pousse les citoyens à acheter des pièces en dehors de votre réseau de marque, c’est le fait que vos produits coûtent en général jusqu’à 30% de plus
Nous avons la prétention d’avoir au niveau du magasin Renault de Oued Semar, des pièces garantie d’origine. Par contre, la pièce trouvée chez n’importe quel revendeur peut être dans une boîte estampillée Renault, ce qui n’est pas un certificat de garantie pour autant.Nous sommes, en revanche, capables de reconnaître nos pièces d’origine. Nous prélevons un certain nombre de pièces commercialisées sur le marché local que nous soumettons au contrôle effectué par nos spécialistes.

Est-il vrai que lorsque qu’il s’agit de contrefaçon d’éléments de tôlerie, le risque est moindre pour les automobilistes ?
Pas du tout. Quelle que soit la pièce contrefaite, le risque demeure toujours important. Prenez l’exemple de l’aile. Chez Renault, une aile est fabriquée avec une matière spéciale et protégée. Le capot reste aussi une pièce de sécurité. Certains conducteurs ont été - excusez l’expression - guillotinés durant un accident, parce que le capot contrefait a lâché et a traversé le pare-brise.

Quel appel vous pouvez lancer aux conducteurs pour les sensibiliser à acheter des pièces d’origine ?
Le premier danger de la contrefaçon est lié à la sécurité de l’automobiliste et des passagers. La contrefaçon présente des dommages potentiels importants au niveau de la durabilité du véhicule.
Alors pour l’entretien et la réparation des véhicules, surtout faire confiance aux réseaux de marques. Nous avons un personnel compétent, formé et habilité pour intervenir sur le véhicule. En plus, dans leurs magasins, vous avez la certitude d’avoir de la pièce garantie d’origine. Sans oublier bien évidemment le préjudice qu’induit ce fléau pour l’économie nationale.

Avez-vous à cet effet les moyens matériels et humains pour répondre à la demande de la clientèle ?
La difficulté que nous avons aujourd’hui c’est que notre réseau après-vente est encore faible en matière de capacités de ventes.
Et c’est ce que nous sommes en train de développer en ce moment. Soit en augmentant la taille de nos ateliers soit en créant de nouveaux points. Le but essentiel n’est pas de vendre plus de véhicules mais d’assurer la bonne maintenance du parc automobile

Par Nabila Sadki, horizons-dz.com