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Fraude à l’importation des produits céramiques

samedi 19 juin 2004, par Hassiba

“La filière céramique en Algérie est engagée au cours des dernières années dans une dynamique de développement qui a vu l’entrée en service d’un nombre important de projets neufs : les capacités nationales se sont considérablement renforcées, que ce soit en quantités produites ou en qualité et en diversité des produits mis sur le marché.

Ce développement risque fort d’être remis en question sous la pression d’importations en nette croissance”. C’est ce qui ressort d’un document intitulé : “Pour le besoin d’une protection appropriée, de la filière céramique face à la concurrence déloyale générée par la fraude à l’importation”, élaboré par le Forum des chefs d’entreprise. Les rédacteurs du document soulignent que le problème posé “ne réside pas dans le principe de l’ouverture commerciale. S’appuyant sur les statistiques douanières, ils démontrent que la concurrence est loin de s’exercer dans des conditions loyales”. C’est surtout, les importations des carreaux et dalles émaillés ou vernis (sous position tarifaire 69 08 10 00), ainsi que les autres produits céramiques finis (69 08 90 00) qui inquiètent les producteurs locaux. Les producteurs de la filière, qu’ils soient publics ou privés, reconnaissent que la régulation des importations est tout autant une affaire de règles que de vigilance et de rigueur au moment de leur application sur le terrain.

C’est pourquoi ils préconisent que les autorités publiques mettent en place un ensemble de mesures qui, sans remettre en cause le principe de la liberté d’importation, soit le prélude à la cessation des pratiques actuelles de fraude et à l’assainissement de ces activités.

Ils proposent comme mesures : la centralisation des procédures de dédouanement des importations de produits céramiques dans un lieu unique ; la mise en place de fourchettes de prix raisonnables pour l’encadrement de la surveillance des déclarations de valeurs à l’importation ; la mise en place d’une équipe de douaniers spécialisés en mesure de mieux comprendre la nécessaire corrélation entre la nature des céramiques importées, leur qualité et leur valeur déclarée.

Les professionnels de l’activité sont disposés à leur prodiguer une formation de courte durée sur les différents process de production pour les aider à mieux comprendre les aspects techniques qui régissent l’activité.

Fraude à l’importation

Les professionnels relèvent une grande dispersion dans le niveau des prix unitaires, y compris pour les grands flux d’importation, à partir d’Espagne, d’Italie, de France, de Chine ou de Tunisie. Ce qui les amène à se poser la question sur les conditions de transparence et de loyauté des déclarations faites par les importateurs auprès des services douaniers. Dans le cas particulier de la céramique émaillée, (position tarifaire 69 08 10 00), pris comme exemple, le prix déclaré oscille entre 165 DA et 114 679 DA le mètre carré. Un des cas les plus flagrants de sous-déclaration des prix en douane, cité dans le rapport, est celui des importations massives opérées au cours de cette année 2003 à partir de la Tunisie, “à un prix anormalement bas de 95 DA le mètre carré”.

Ce qui donne, selon les professionnels, un prix du mètre carré de céramique importé de ce pays à 153 DA, après paiement des droits et taxes douaniers. “À ce prix, qui est en réalité très largement sous-évalué et qui n’est ainsi déclaré que pour contourner le poids des taxes douanières normalement dues, aucun producteur algérien ne pourra soutenir longtemps la concurrence importée”, affirment les rédacteurs du document. Si le problème de la sous-estimation des déclarations de valeur à l’importation, par un certain nombre d’importateurs, est l’un des plus ardus et celui dont les conséquences négatives sont les plus apparentes, d’autres aspects interviennent qui faussent l’expression d’une saine concurrence sur le marché national de la céramique.

Les professionnels citent : le problème de la sous- déclaration des quantités importées, des quantités dont la vérification est souvent rendue ardue, pour les services des douanes, par la très grande variété des produits et la variété de leur conditionnement ; le problème de la qualité des produits, aucune norme professionnelle n’étant mise en place pour réguler et contrôler les spécifications des produits avant leur mise sur le marché ; le problème de la fausse déclaration d’origine.

Brusque augmentation des importations des produits finis

Les importations de produits finis de la filière céramique ont connu une augmentation significative entre 2001-2002 et 2003. Cette augmentation a eu lieu essentiellement au cours de l’année 2002 où elle a enregistré un bond de 76% en quantités, exprimées en tonnes. L’évolution de la valeur des importations, quant à elle, reste négative, le prix unitaire moyen (DA le kg) ayant baissé significativement de 29,41 DA à 16,04 DA. “Si elle devait se poursuivre, cette augmentation serait menaçante pour les producteurs nationaux qui disposent à cet égard d’un potentiel important”, souligne-t-on. Pour l’année de référence 2003, l’Espagne est, de très loin, le premier fournisseur de produits finis de la céramique sur le marché national : elle représente plus de 77% des quantités importées avec plus de 84% des valeurs à l’importation. L’Espagne est talonnée immédiatement par la Tunisie, qui fournit les 13,5% des quantités importées, contre seulement 3,7% en valeurs à l’importation.

Production nationale

La filière céramique représente un poids non négligeable avec près d’une trentaine d’unités de production réparties sur l’ensemble du territoire national ; d’importants investissements de création de capacités nouvelles ont été consentis au cours des dernières années, à l’initiative du secteur privé notamment. Les capacités installées au plan national représentent quelque 31,2 millions de mètres carrés.
Elles sont localisées essentiellement au Centre du pays (56%) et dans la région Est (29%). La région de l’Ouest semble insuffisamment couverte avec seulement 8% de la production nationale installée. L’offre de produits mis sur le marché représente, quant à elle, 24,3 millions de mètres carrés, soit 78% de la capacité totale.
La taille globale du marché national, dans sa configuration actuelle, est estimée à 28,3 millions de mètres carrés. Les producteurs nationaux bénéficient d’une protection actuellement significative pour leurs produits finis, à savoir un taux maximal de droits de douane de 30% auquel s’ajoute un droit additionnel temporaire de 24%. Les produits de fabrication nationale sont tout à fait concurrentiels et sont en mesure, en situation normale, de soutenir la concurrence des productions importées, assure-t-on.
Mais, comme cette protection est appelée à se réduire, il y a tout lieu de penser que la concurrence des importations ne manquera pas de s’exacerber, au cours des prochaines années.

Par Meziane Rabhi, Liberté