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Huile de table ou huile de sous-table ?

mercredi 27 octobre 2004, par Hassiba

L’Algérie importe la totalité de ses besoins en huiles brutes. Dans ce sens, elle en a importé 307 653 tonnes entre janvier et août 2004.

Jamais, depuis bien longtemps, l’huile de table n’avait fait parler d’elle autant que ces dernières semaines, au rythme d’une absence des étals qui, le ramadhan aidant, a vite fini par ressusciter la hantise des années pénurie. Du coup, ce produit de toute première nécessité, indispensable pour les ménages, sinon vital, s’est retrouvé, comme au bon vieux temps de la rareté, à couler et s’écouler dans les circuits de la spéculation, s’échangeant, à l’occasion, nettement au-delà de son prix réel, au moment même où le producteur privé et principal pourvoyeur du marché en huile de table qu’est Cevital affiche des réductions sur sa gamme pour le mois du ramadhan.

Situation de paradoxe, parfois frisant le burlesque, lorsqu’on sait qu’il faut d’abord trouver le produit pour ensuite espérer le payer moins cher que d’habitude.Or, si l’huile de table se fait désirer en se convertissant soudainement en huile de « sous-table », avec en sus des promotions pratiquées dans le sens inverse sur le terrain, ce n’est absolument pas pour une question de production insuffisante, mais pour la bonne et simple raison que les spéculateurs continuent à faire leur loi en se permettant d’acheminer une bonne partie des quantités produites par le seul Cevital vers les pays voisins de l’Algérie.

Et, lorsqu’on évoque les quantités produites par le groupe dirigé par Issaad Rebrab, il n’est pas du tout difficile de conclure que nul besoin d’un programme spécial ramadhan pour satisfaire tout ce beau monde d’Algériens en ce mois, puisque l’entreprise privée arrive à elle seule à satisfaire la demande du marché national en produisant 550 000 tonnes par an alors que cette demande est de 400 000 tonnes par an. M. Rebrab reconnaît, lors d’une récente rencontre avec la presse, que, pour le mois spécial du ramadhan, la demande connaît une augmentation, mais « cette augmentation ne saurait jamais aller au-delà des 40% de la demande habituelle », précise-t-il, avant de se demander : « Comment peut-on évoquer une pénurie alors que chaque jour, les semi-remorques et les camions de Cevital approvisionnent le marché !? »

Pour M. Rebrab, quelques facteurs pourraient être évoqués pour justifier la perturbation dans la livraison de certaines régions, à l’image d’Alger-centre qui a fait les frais des Jeux arabes lorsque les camions de Cevital ont été empêchés par les autorités concernées d’accéder à certains quartiers. Sauf que le cas d’Alger n’est pas celui de l’Algérie entière et, si pénurie d’huile il y a eu, c’est parce qu’elle a été préfabriquée par les spéculateurs qui écoulent ce produit de l’autre côté de nos frontières, privant le marché national d’une bonne part et générant ainsi la crise qui a été observée dans plusieurs régions du pays.

Dans ce sens, le patron de Cevital cite le cas aussi précis que révélateur de l’ampleur de la spéculation et de la contrebande qui a été vécue dernièrement par les régions de Annaba, Souk Ahras et Tebessa, expliquant que « dernièrement nous avons eu des échos faisant état de pénurie dans ces trois régions. Nous avons alors pris le soin de pallier en urgence cette situation par l’envoi de semi-remorques. Mais, quelques jours seulement après, on nous a signalé que la pénurie persistait toujours dans ces régions. Ce qui nous a permis de conclure qu’une partie de l’huile était passée en Tunisie ». Des cas identiques ont été également observés dans le Sud, confortant ainsi M. Rebrab dans sa thèse.

« Nous soupçonnons le passage d’une bonne partie de l’huile de table que nous livrons de l’autre côté des frontières », insistera-t-il d’ailleurs.Du côté du ministère du Commerce, on refuse également de parler de pénurie, faisant remarquer que des quantités suffisantes sont produites et livrées au marché, même si on reconnaît que la forte demande d’huile de table par les fabricants de pâtisserie orientale et le recours en période de ramadhan au renforcement des stocks domestiques ont « nettement perturbé l’approvisionnement en huile de table », notamment celle conditionnée en bidons de 5 litres.

Selon un représentant du ministère du Commerce, même la rupture des stocks vécue en août dernier par les unités de raffinage de l’Entreprise nationale des corps gras, à Skikda et Annaba, après la grève de la Fédération nationale de l’agroalimentaire, a été rapidement rattrapée. « Notre marché est largement approvisionné en huile raffinée et même pour un mois et demi de couverture », ajoute le même représentant du ministère.A noter que l’Algérie importe la totalité de ses besoins en huiles brutes. Dans ce sens, elle en a importé 307 653 tonnes entre janvier et août 2004.

Par Lyès Ibalitène, La Tribune