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L’économie de l’Algérie, aprés un an du second mandat de Bouteflika

jeudi 7 avril 2005, par Stanislas

Ce 8 avril se clôt la première année du second quinquennat de Bouteflika. Que peut-on dire de ce cinquième de mandat, sinon qu’il fut celui des rattrapages.

Dans moins d’une semaine, est-il utile de rappeler, M. Abdelaziz Bouteflika célébrera six ans de présence au palais d’El-Mouradia. Il est important, de fait, de ne pas perdre de vue que cette première année vient en prolongement d’un mandat durant lequel des résistances à plusieurs programmes jetés en débat ont servi de tremplin pour remporter une nouvelle législature.

Vers la fin de son mandat et durant la campagne électorale, le président Bouteflika avait clairement affirmé qu’il était le seul à pouvoir mener ces projets à leur terme. Ratification de l’accord d’association avec l’UE, parachèvement de l’adhésion à l’OMC, relance de la croissance, privatisations, réformes, ainsi que la promulgation d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures ont été les sujets centraux de l’examen d’économie.

Entre 1999 et 2004, c’était plutôt le round de la préparation psychologique et des révisions. La copie remise à la fin de ses cinq premières années n’était pas totalement sèche, mais il manquait de la précision dans les réponses. La note éliminatoire n’a été évitée qu’aux faveurs d’un professeur providentiel nommé « cours du pétrole ». Il aura fallu, inévitablement, une session de rattrapage. C’est chose faite. A peine réélu, l’équipe Bouteflika se remet au travail et dégèle tout les dossiers. L’unanimité préélectorale autour de la candidature de Bouteflika ne pouvant plus être remise en cause, c’était, désormais, le tapis rouge qui se déployait devant l’ensemble de ces projets.

En l’espace de deux sessions parlementaires, la copie est seulement relookée, mais suffisamment pour être approuvée. A l’inverse, c’est le correcteur qui a revu sa façon d’apprécier les copies.

 PSRE II : un plan qui n’arrive toujours pas
Au controversé plan de soutien à la relance économique
 (PSRE), les autorités annonçaient, en septembre dernier, le lancement d’un nouveau plan, seconde génération, destiné, cette fois, à la consolidation de la croissance économique.

Pluriannuel et doté de 50 milliards de dollars à raison de 10 milliards par an, ce plan projettera de transcrire le développement durable pour aboutir enfin à une économie autonome, se prenant en charge elle-même, loin de l’intervention de l’Etat qui se consacrera à sa mission de régulateur.

Neuf mois après son annonce, le plan tarde à venir et n’est pas près d’arriver. En fait, pour retrouver la trace de ce nouveau plan, il faut relire entre les lignes les différentes conclusions des conseils des ministres. En réalité, il n’est question que d’un jeu de mots. En d’autres termes, il ne s’agissait que de donner un nouveau nom à quelque chose qui existait déjà (?!).

OMC : l’Algérie au perron
de l’adhésion

2005 marquera-t-elle la conclusion de l’interminable processus d’adhésion ? Rien n’est sûr, mais le ministre du Commerce, M. Noureddine Boukrouh, affirme, sur un ton sûr, que le neuvième round des négociations prévu en juin prochain sera le dernier et... le bon. De plus en plus insistantes, des informations font état de la préparation d’une loi de finances complémentaire que d’aucuns adossent aux exigences des nations négociantes de remédier à certaines mesures décidées auparavant par les députés algériens. En fait, c’est le lot de concessions faites lors du 8e round qui a accéléré le processus. Mais gardons-nous de plonger dans l’euphorie, les économistes avertis osent à peine imaginer le contenu du texte final. Le peu de marge de manœuvre en la possession des négociateurs algériens fait craindre le pire.

Accord Algérie - UE :
une ratification
et des appréhensions

Signé le 22 février 2002 à Valence, l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne a mis trois ans pour récolter les faveurs des députés. Sur les quinze membres de l’Union européenne (UE) concernés par la ratification de l’accord d’association avec l’Algérie, quatorze ont rempli leur engagement. En mai 2005, l’accord d’association sera exécutoire.

Cette ratification ne fait qu’amplifier les appréhensions des patrons nationaux. Cumulant un retard considérable, les hommes d’affaires algériens, jusque-là entretenus par la rente pétrolière, se rendent compte qu’il faut revoir le fonctionnement de toute la machine sous peine de disparaître à jamais. Mais face à tant d’hésitations, la mise en application de l’accord risque de se révéler fatale pour des pans entiers de l’économie nationale.

Privatisations : ça ne carbure
pas au bon régime

Rouvert publiquement le 1er novembre 2004, le dossier des privatisations avance tant bien que mal. En effet, à l’euphorie du début, a succédé la tempérance des ardeurs. Le rythme qu’ont voulu insuffler les pouvoirs publics aux privatisations a cédé à la lenteur. Le ministre de la Participation puis le FMI ont reconnu la lourdeur du processus. Sur les 1 200 entités proposées à la vente, seulement 111 ont trouvé preneurs. Les privatisations sont en marche sauf qu’on ne sait pas selon quels critères elles s’opèrent, ni les délais, ni combien de temps elles prendront.

La loi Khelil approuvée ou quand l’amont rejoint l’aval
24 février 2002, l’UGTA de Sidi Saïd exigeait le retrait définitif de l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures. 24 février 2005, la même UGTA applaudissait le texte de Chakib Khelil. Il aura fallu trois ans pour que le projet de loi sur les hydrocarbures atteigne l’aval. Il a été adopté à une large majorité par l’APN. La loi de Chakib Khelil est passée « sans peine » à la chambre basse. Aucun amendement n’a été apporté au texte initial soumis à débat. La commission économique de l’APN a rejeté les 83 propositions d’amendement. Même fluidité du côté du Sénat. L’Etat se limitera dorénavant à la régulation des activités et au contrôle des activités commerciales et industrielles des entreprises publiques et étrangères. Une vraie révolution. Pour le promoteur de la loi, M. Chakib Khelil, ministre de l’Energie et des Mines, cette loi permettra à l’Algérie d’avoir beaucoup plus de capitaux et de créer des emplois ainsi que l’augmentation des revenus de l’Etat, et ce, par l’accroissement des investissements tant en amont que dans l’aval pétrolier.

Saga des augmentations : l’interminable procession
C’est au moment où le simple citoyen commençait à prévoir avec sérénité les retombés de l’embellie économique du pays que le pouvoir exécutif le surprend avec une série d’augmentations des prix tout aussi mal perçues les unes que les autres. Relativement faibles dans cette première phase, ces révisions à la hausse du carburant, du gasoil, de l’eau, de l’électricité... augurent d’une nouvelle ère où le consommateur devra s’acquitter en même temps du prix économique du produit consommé et de son vieux réflexe du « tout-subventionné ».
La sacro-sainte règle du marché voudrait que la « perte » soit bannie du dictionnaire.

Seulement voilà, il n’est pas de pays de par le monde qui n’ait pas deux ou trois secteurs sous sa coupe justement pour raison de service public que l’opérateur privé se refuserait à assumer à cause des pertes justement. Mais lorsqu’on commence par réduire l’aide destinée à l’eau et à l’électricité, il est évident que l’orientation choisie est extrêmement libérale. Soit. Il y a quand même un hic. Pour garantir l’adhésion et l’acceptation de ces révisions par les classes laborieuses, il est nécessaire de consentir un effort en leur direction. Les pouvoirs publics auraient gagné en commençant par respecter les conclusions des différentes bipartites.

Pour preuve, le gouvernement continue de se retrancher derrière le 87 bis pour éviter de débourser une effective revalorisation des salaires.

Ouyahia en personne avait reconnu, lors de sa dernière conférence de presse, que cet article est né dans une situation de précarité financière de l’Etat algérien qui n’arrivait même plus à honorer l’échéancier du service de sa dette vis-à-vis de l’extérieur. C’étaient les années de l’ajustement structurel dicté par le FMI, argumentait-il.
Entre-temps, l’ajustement est passé, la balance rééquilibrée et même rendue excédentaire et les réserves de change en nette augmentation. Des facteurs qui font que le « 87 bis » devienne caduque si l’on se fonde sur le raisonnement qui a sous-tendu sa rédaction. Au lieu de l’amender, la tripartite en rajoute une couche en décidant du transfert du paiement des allocations familiales aux patrons. Cela ferait économiser aux caisses publiques la bagatelle de 30 milliards de dinars par an. S’il est une unanimité que l’acquittement par l’Etat des allocations familiales à la place des autres était une situation franchement anormale, le parachutage de son legs aux employeurs l’est tout autant.

Certes, la législation existe et nul n’est censé l’ignorer, cependant que des employés pourront se voir victimes de patrons qui n’hésiteront pas à abuser du licenciement ne serait-ce que pour réduire les charges. L’hostilité de l’environnement ferait étendre la précarité sociale par l’apparition d’une nouvelle forme de discrimination à l’embauche. Les employeurs rechigneront à recruter des travailleurs avec enfants, ce qui n’est pas sans rendre plus difficile encore l’embauche dans un nouveau poste.

C’est l’amalgame de ces causes qui fait que les augmentations opérées auront un double poids sur le pouvoir d’achat des... consommateurs. Sans consommation, c’est la capacité d’absorption du marché qui s’en retrouve rétrécie. Toute la bonne volonté du monde de stimuler l’investissement dans ce cas serait vaine puisque la finalité est anéantie en amont. C’est ce qui explique, en partie, la réticence des investisseurs à s’engager en dépit d’un incessant défilé depuis l’été 2004. Le premier test a certes été passé, mais la mention reste différemment appréciée. En réalité, c’est le type d’examen que conditionnent les épreuves à venir pour juger de l’exactitude des réponses proposées.
En définitive, le profit n’est pas dans le texte, mais dans l’usage qu’on en ferait.

Par Mehdi Zenta, lanouvellerepublique.com