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Lamiri s’exprime sur les privatisations en Algérie

lundi 2 mai 2005, par nassim

M. Abdelhak Lamiri, P-DG de l’INSIM et Professeur en économie, spécialiste en restructuration-privatisation : “Une institution de stratégie et d’intelligence fait défaut” en Algérie.

Liberté : Comment analysez-vous le processus de privatisation actuel ?
M. Abdelhak Lamiri : C’est une question extrêmement complexe. Il y a des choses qui se déroulent d’une façon positive. D’autres présentent des lacunes. Globalement, la privatisation même si elle est mal menée est préférable au statu quo pour la simple raison que si on ne fait rien, l’économie va déraper et les déficits des entreprises augmenteront davantage. La privatisation est donc inévitable. Aujourd’hui, il y a une meilleure volonté des pouvoirs publics et un consensus de l’ensemble des partenaires sociaux pour mener à bon port cette opération. Il y a, également, certains aspects négatifs qu’il faudrait corriger pour faire une bonne privatisation.

Quelles sont dans ce cas ses limites ?
Les experts en charge de ce dossier doivent concevoir un schéma de privatisation qui s’insère dans une stratégie d’intégration à l’économie mondiale. Ce qui manque en Algérie, c’est une institution d’intelligence et de stratégie, qui regroupe les meilleurs experts, qui fait des études et simulations afin d’éclairer la présidence de la République dans le processus de réformes économiques et de dialogue avec la société civile et les différents ministères impliqués dans ce dossier. Cette institution mettra en place une stratégie de privatisation que les ministères se chargeront d’appliquer. Il faut créer un marché financier dynamique d’abord avant de livrer les entreprises privatisables au marché. Par conséquent, il aurait fallu filialiser puis privatiser les banques pour accroître leur compétitivité. L’État doit améliorer sa capacité de régulation et son système d’information et de contrôle. Le rôle de l’État n’est pas de gérer les banques, mais d’améliorer ces capacités de régulation. Une telle démarche lui permettra d’augmenter les chances de succès des opérations de privatisation. À mon sens, l’État doit favoriser l’émergence d’une classe d’entrepreneurs algériens capables d’exporter et de développer leurs entreprises. Autrement dit, avant de privatiser une entreprise, on doit élaguer un certain nombre d’activités, faire de l’essaimage... Il faudrait aussi mettre en place un programme social d’accompagnement.

Quel serait son contenu ?
Là encore, pourquoi exiger du manager d’une entreprise de reprendre l’effectif si les normes internationales de productivité indiquent qu’il y a un sureffectif ? Or, l’État doit prendre en charge ces sureffectifs en leur donnant des microcrédits, en les formant, en les orientant vers d’autres entreprises ou en les mettant en retraite... Ce plan d’accompagnement social ne doit pas être mis sur le dos des repreneurs, alors qu’il relève de la responsabilité de l’État. Le but de la privatisation est d’améliorer le management et la compétitivité des entreprises publiques, mais si ces dernières sont compétitives alors il ne faut pas les privatiser. Par exemple, on dit que les entreprises de réalisation et de construction ne doivent pas être privatisées car elles sont appelées à réaliser 1 million de logements. Or, si on fait un audit de ces entreprises, on trouve que leur mode d’organisation est plein de dysfonctionnements. 90% d’entre elles sont organisées par fonction, alors qu’elles doivent être organisées par projet. Là encore, aucune entreprise de réalisation ne pourra être efficace en étant organisée par fonction. Très peu d’entreprises de réalisation disposent de chefs de projet bien formés et outillés. Ces entreprises sont pleines de dysfonctionnements qui peuvent être l’une des causes du dérapage du plan de soutien à la relance économique.

Par Meziane Rabhi, liberte-algerie.com