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Les grandes lignes de la loi des finances 2005 expliquées par Benachenhou

mercredi 29 septembre 2004, par Hassiba

Jamais l’Algérie n’a eu autant de possibilités pour conduire son développement », a déclaré le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, au cours de la conférence de presse qu’il a organisée hier au siège de son département pour présenter les grandes lignes de l’avant-projet de loi des finances pour 2005, adopté la veille en Conseil des ministres.

Cependant, la situation actuelle du pays, en bonne santé financière, est telle que l’Algérie se doit de réussir le pari des réformes structurelles qui l’attendent depuis des années.

Le défi reste entier, et le ministre a vite fait de nuancer son propos en admettant que « le statu quo est intenable ». La Banque mondiale, à la faveur de la visite la semaine dernière en Algérie de son vice-président chargé de la région MENA, M. Poortman, a, elle aussi, cru utile et nécessaire de souligner la mise en mouvement des réformes aujourd’hui. Le risque de voir le pays rater l’opportunité que lui offre la situation interne et externe pour la conduite des réformes est ainsi mis en relief. C’est ainsi que l’esprit des réformes s’est déteint largement sur le discours du premier argentier du pays, qui a tant dit sur le programme pluriannuel du gouvernement.

A ce propos, il est intéressant de remarquer que M. Benachenhou a fait de la rationalisation de la dépense budgétaire son cheval de bataille : « La sagesse budgétaire », comme il l’a nommé. Bien plus, se conformant aux préceptes de l’économie de marché, l’orateur a longuement insisté, indirectement certes, sur ce que doit être désormais le rôle de l’Etat, son champ ainsi que le degré de son intervention. Autant préciser tout de suite que l’« innovation » de l’action gouvernementale en matière de restrictions projetées des dépenses publiques emprunte toute sa philosophie à la nouvelle conception du rôle et des missions de l’Etat libéral. « L’année 2005 sera un tournant dans notre politique budgétaire », soulignera-t-il.

L’épineux dossier de la Fonction Publique
Ces mêmes missions dont l’Etat a à peine commencé à se doter, alors que des mesures portant sur son désengagement progressif du champ d’intervention qui était le sien jusqu’ici, seront annoncées à partir de l’an 2005. « Les Algériens sont des citoyens gâtés », a dit le ministre en abordant l’action sociale de l’Etat. Et de poursuivre : « Nous allons accélérer les recettes budgétaires et freiner le taux de croissance budgétaire. » Si en effet, pour l’an 2005, la dépense budgétaire est de 1950 milliards de dinars, soit 37,5% du PIB, à l’horizon 2009, a dit le ministre, « l’Etat ne dépensera pas plus de 30,5% de la richesse nationale ».

M. Benachenhou informera que l’Etat « donne au moins 2,5 milliards de dollars à travers les différentes subventions des produits énergétiques, de l’eau, des transports » en plus des 8,34% du PIB consacrés au total des dépenses sociales. Autre point, le ministre laisse entendre sa volonté de stabiliser le niveau de la masse salariale publique, qui équivaut à 50,25% du budget de fonctionnement. A ce sujet, il indiquera qu’il y a « une divergence de vues au sein du gouvernement ».

Un sujet qui renvoie directement, faut-il le dire, à l’épineux dossier sur la Fonction publique, actuellement en négociation entre le gouvernement et l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Il s’agit en effet de savoir si le gouvernement est prêt à accepter la permanisation des contractuels, très nombreux du reste. « Y aura une discussion sérieuse avec nos partenaires sociaux », a-t-il prévenu. Pour lui, l’argument inattaquable tient au fait que « la masse salariale est supérieure au produit de l’impôt ordinaire ». Et d’enchaîner : « La dépense publique doit servir à équiper le pays et non à financer le fonctionnaire. » Toutefois, est-il utile de préciser ici, le programme du gouvernement 2005-2009 n’existe encore qu’en termes de projets. L’idée est qu’il reste encore au gouvernement de mener à bon port tout le travail fastidieux de la collecte des impôts. Ce même impôt ordinaire sur lequel repose, faut-il en convenir, toute la nouvelle action de l’Etat, notamment dans le domaine social.

L’Etat peut-il se désengager de ses missions habituelles sans s’être acquitté de tout le travail de transformation de notre appareil économique et de son environnement ? Le risque politique paraît de taille si, en effet, dans le même temps, la révision des missions de l’Etat n’est pas accompagnée efficacement de toute la structure inhérente à l’économie de marché. Il en est ainsi de l’environnement des affaires, de la réforme et de la modernisation des banques, de l’administration des impôts, du marché du travail, enfin, tous les éléments constitutifs d’une économie de marché. A ce sujet, il importe de souligner que le gouvernement sera jugé sur ses réalisations et non sur ses intentions.

« La pauvreté est à l’intérieur du pays »
Quand un Etat dépense plus au titre du budget de fonctionnement que pour celui de l’équipement, alertera l’argentier du pays, « cela veut dire qu’il consomme plus qu’il n’investit ». Et d’enchaîner : « Un pays où les dépenses publiques sont excessives ne laisse pas beaucoup de champ à ceux qui font la croissance », en l’occurrence les entreprises et les investisseurs. Mettant ainsi en évidence le caractère injonctif de la politique de rationalisation des dépenses conçue pour le quinquennat 2004-2009, le ministre des Finances notera au demeurant que le budget social prévu pour 2005 reste néanmoins important en étant établi à 436 milliards de dinars, soit « 8,4% des richesses nationales, en plus des diverses subventions indirectes sur les prix de l’eau, du transport, des produits énergétiques et autres ». Dans ce même ordre d’idées, indiquera-t-il, le budget destiné à l’habitat pour l’exercice 2005 (toutes formes de logements confondues) est de l’ordre de 103,5 milliards de dinars. Le président de la république, a-t-il encore fait état, « a donné instruction pour que la politique budgétaire 2005-2009 soit un instrument de rééquilibrage régional ». Il soulignera à cet effet que « la pauvreté est à l’intérieur du pays et qu’il est désormais question d’œuvrer à stabiliser les populations. » Sur les 300 milliards de dollars prévus pour les grands projets (ceux coûtant 5 milliards de dinars et plus), révélera encore le ministre, « 100 milliards sont destinés à la région d’Alger dont la population ne représente pourtant que 10% de la population algérienne ». Et d’affirmer en définitive que « l’Etat sera désormais très vigilant sur la distribution des revenus ».

Ce que vous devez savoir
 Les réserves de changes ont atteint le niveau de 36,8 milliards de dollars à fin août 2004.
 Le fonds de régulation des recettes (soit la somme des excédents des recettes annuelles des hydrocarbures) est actuellement de 525 milliards de dinars. On en a dépensé 545 milliards de dinars pour le remboursement du principal de la dette publique. On a remboursé par anticipation la Banque africaine de développement (BAD) et l’Arabie Saoudite.
 Le chômage est de 23%.
 Commentant la circulaire du chef du gouvernement intimant l’ordre aux opérateurs publics de déposer leur argent au niveau des banques publiques, le ministre des Finances a annoncé qu’il s’agit d’une mesure « utile et provisoire ». Mais pourquoi cette décision ? Selon le premier argentier du pays, « l’affaire Khalifa nous a saignés et blessés ». « Permettez-moi de vous dire que l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie est inculpé. Les acteurs économiques qui se sont aventurés dans cette affaire devront assumer leurs responsabilités », a déclaré le ministre laconique.
 « Il faut qu’on fasse très attention aux équilibres des caisses sociales », a-t-il dit à propos des excédents financiers des caisses de la Sécurité sociale qui devront être placés au Trésor public. Selon lui, « l’Etat est le premier employeur ; il est responsable de l’équilibre des caisses de la Sécurité sociale. Les frais de gestion de ces caisses ont augmenté sensiblement. »
 « Au cours des dernières années, les EPE (mécanique, électrique, textile, agroalimentaire) ont produit en permanence des déficits. La plupart des EPE dont on a accepté le financement par découvert n’ont pas respecté leurs échéanciers. La somme des rachats par le Trésor public des dettes des entreprises publiques est de 26 milliards de dollars. A ce titre, la banque doit prendre ses responsabilités. »
 « Le Parlement doit savoir ce que coûte le déficit des entreprises publiques. On prévoit un article de loi sur la subvention des EPE qui sera inscrit dans la loi de finances pour 2005. »
 « Le parc roulant algérien se « diésélise ». Dans deux ou trois ans, nous serons obligés soit d’importer du gasoil, soit de construire d’autres raffineries... Nous voulons, avec le GPL et l’essence sans plomb, transformer le modèle de consommation des carburants. Il faut réaménager les prix, rendre le gasoil plus coûteux que les autres carburants. Nous sommes en train d’examiner le dossier au niveau du gouvernement. »
 « Un groupe de travail a été mis en place pour la préparation de la loi sur le règlement budgétaire. »

Par A.R. , Ali Benyahia, El Watan