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Quand le capitalisme chinois trébuche

mardi 12 avril 2005, par Hassiba

Suivant de près la Bourse de Londres qui a ouvert un bureau de représentation à Hongkong en octobre, le Nasdaq et la Bourse de New York (Nyse) viennent à leur tour de déposer leur dossier de candidature à Pékin. Objectif : attirer sur leur marché les pépites du capitalisme chinois.

Leurs champs d’investigation sont immenses car en Chine, les entreprises qui ne sont pas d’Etat ont un mal fou à se financer.

Quinze ans après l’ouverture officielle des Bourses de Shanghaï et Shenzhen, respectivement en décembre 1990 et en juillet 1991, la marche vers le capitalisme est encore loin d’être achevée et l’Etat chinois a commis une grosse erreur. Il a utilisé la Bourse comme une béquille financière pour ses entreprises mal gérées.

En déchargeant les banques - publiques - de ce fardeau, l’Etat a transféré les risques et les déconvenues sur les actionnaires. L’engouement suscité par les premières introductions sur le marché est retombé. Aujourd’hui, les Chinois préfèrent garder leur abondante épargne - elle représente environ la moitié de leur revenu disponible - en liquidités.

L’Etat se retrouve donc pris à son propre piège : plus des deux tiers des actions cotées sur les Bourses de Shanghaï et Shenzhen sont composés de titres d’entreprises directement ou indirectement publiques, et ils ne sont pas échangeables. Du coup, si les dernières statistiques parues fin 2004 indiquent que la capitalisation boursière totale de la Chine s’élève à 30% du PIB - un niveau déjà très faible comparé à celui de ses voisins asiatiques -, la réalité est encore plus dramatique. Puisqu’un tiers seulement des titres sont négociables, la capitalisation boursière liquide représente finalement à peine 10% du PIB (9,6%).

Dans ce contexte, la récente réduction par deux de l’impôt sur les transactions boursières n’a pas suffi à ranimer les échanges. Les sociétés en quête d’un marché boursier dynamique vont donc se faire coter à Hongkong, ou même à Londres et New York quand elles répondent aux exigences de transparence financière des gendarmes boursiers locaux. Ce qui est loin d’être systématique.

« Ce manque de liquidité est le problème essentiel des marchés chinois. Il y a quelques années, l’Etat a essayé de vendre des titres publics au fil de l’eau pour débloquer la situation, mais il a suscité un vent de panique », commente Johanna Melka, analyste chez Ixis. « Une des solutions évoquées passe par la privatisation d’entreprises publiques à un prix satisfaisant pour l’Etat et les investisseurs potentiels. Pékin a donc entamé, il y a environ cinq ans, la réforme des sociétés d’Etat en remplaçant progressivement leur management et en coupant dans les sureffectifs. Mais le poids de la corruption ralentit le processus », poursuit-elle.

Les réformes sont aussi lancées afin d’assainir l’industrie financière, autrement dit les courtiers, intermédiaires obligés pour qui veut investir en Bourse. Une bonne partie des quelque 130 courtiers du pays serait au bord de la faillite en raison d’une gestion déplorable. L’objectif est d’accroître le champs d’action du CSRC, l’organisme régulateur des marchés boursiers, afin de l’inciter à plus de vigilance dans ses contrôles.

Pékin tente aussi de stimuler le financement des entreprises privées, qui constituent le terreau des créations d’emplois. Le gouvernement a libéralisé le taux des crédits bancaires afin d’inciter les banques à leur prêter de l’argent. Mais cela n’a pas marché, les banques préférant toujours avoir affaire aux entreprises bénéficiant d’une garantie de l’Etat, constate un observateur.

Résultat : le secteur privé capte toujours à peine 2% de l’encours des crédits à l’économie. Et la lourdeur de la réglementation du marché obligataire empêche les entreprises d’y lever facilement des fonds. Il y a un an, elles représentaient encore moins de 3% du total des émissions...

Par Muriel Motte, lefigaro.fr