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Sonatrach ne finance pas la politique

Entretien du ministre de l’Energie et des Mines

vendredi 19 mars 2004, par Hassiba

Certains disent qu’il y a un rétrécissement de l’offre d’emploi dans le secteur des hydrocarbures lié à la fin des grand chantiers de développement. Faut-il alors attendre d’autres découvertes de pétrole, d’autres projets d’investissement et de développement pour relancer l’emploi ?

Il y a aujourd’hui des programmes d’exploration qui continuent. Des programmes qui utilisent surtout de l’emploi temporaire. Mais nous avons de grands projets de développement . Il y a In Salah qui se termine. Nous avons aussi le grand chantier de Gassi Touil. Il y un projet avec la société Linde pour la production d’hélium à Skikda. Nous avons, entre autres, le projet de construction de la raffinerie d’Adrar et celle du condensat.

D’autres projets de développement verront le jour à Hassi Messaoud, en particulier. Ceci sans oublier la pose de nouveaux gazoducs. Et l’alimentation en gaz naturel des populations algériennes. 200 entreprises algériennes ont été créées pour réaliser le plan national d’alimentation en gaz. Concernant l’électrification rurale, nous avons parfois des difficultés de trouver des entreprises de réalisation. Tous ces projets sont créateurs d’emploi.

A ces projets, nous rajoutons celui de Kahrama (production d’électricité et dessalement d’eau de mer ) à Arzew, en phase de construction. Il y a l’unité de dessalement du Hamma, à Alger. Le contrat a été octroyé et l’unité fournira à l’avenir 200 000 m3 d’eau. D’autres unités sont inscrites à Skikda, Oran et Aïn Témouchent. Nous avons aussi les centrales électriques. En plus du projet de Skikda, il y a celui de Hadjeret Ennous avec 1 200 mégawatts et celui de Berrouaghia de 400 Mw. Tous ces chantiers vont créer de l’emploi.

Mais il n’y a pas que l’énergie. Le secteur des mines est en train de vivre une nouvelle dynamique. Rien que dans le secteur des carrières et des mines, nous avons octroyé plus de 600 permis. Et chaque trois mois, nous octroyons une trentaine de permis de carrière. Chaque carrière a la possibilité de créer une vingtaine d’emplois. Nous avons créé pendant cette période autant d’emplois dans le secteur privé qu’il en existait dans le secteur public. Concernant les investissements, nous avons attiré 8 milliards de dollars dans le secteur des hydrocarbures sur quatre ans. Ce sont des investissements directs étrangers qui ne concernent pas la Sonatrach. Cette dernière investit seule près de 3 milliards de dollars par an. Dans le secteur de l’électricité, nous avons attiré 800 millions de dollars d’investissements directs. Ce qui représente une injection d’argent dans notre économie. Ce n’est pas des prêts que nous seront obligés de rembourser à l’avenir.

Pour le secteur des mines, nous avons attiré 30 millions de dollars d’investissements. L’Enor s’est associée avec une société australienne pour produire de l’or dans le Hoggar. Les prévisions de production sont actuellement de 50 kg d’or par mois, depuis 2 ans. Ce qui a permis la création de 300 emplois uniquement pour la mine d’or de Tirek Amesmassa. C’est une performance comme même raisonnable durant ces quatre dernières années où on a eu aussi beaucoup de difficultés à aller de l’avant avec les lois. La loi sur les mines, qui a été adoptée en février 2001, et celle sur l’électricité et le gaz, en février 2002, nous ont permis d’avancer.

Mais le problème n’est pas tellement de faire passer les lois mais de mettre en place tout le système qui vient après les lois. Il faut cinq ans pour mettre en place le système d’information, la formation du personnel, la création de banques de données, former des gens dans des créneaux qui n’existent pas en Algérie. Je peux vous dire, par exemple, dans le secteur des hydrocarbures, il faut former des gens dans le marketing. Vous savez que nous n’avons pas de spécialistes dans la passation de marchés. Nous n’avons pas de spécialistes dans le financement de projets, y compris à Sonatrach. Nous avons des experts comptables, des comptables, des gens qui savent chercher des financements. Mais mener des opérations tel que nous l’avons fait à Arzew dans le Built on Operate (BOP), système d’investissement direct des sociétés étrangères avec ses garanties... c’est difficile.

On est en train de former actuellement quelques jeunes qu’on a pris de la Sonelgaz. Cela a pris du temps mais maintenant nous disposons d’une équipe. Comme vous pouvez le constater, si la loi sur les mines et la loi sur le gaz et l’électricité n’avaient pas été adoptées par le Parlement, on n’en serait pas là. C’est grâce à la loi sur les mines qu’il y a eu la privatisation d’El Hadjar. C’est grâce aussi à cette loi aussi que le projet de la cimenterie d’Orascom de M’sila a vu le jour. C’est grâce encore à la loi sur l’électricité et le gaz naturel que nous avons pu faire la centrale couplée au dessalement d’Arzew et l’investissement avec SNC Lavalin pour la réalisation de la centrale électrique de Skikda.

L’Algérie a demandé à plusieurs reprises une augmentation de son quota au sein de l’Opep. Où en est la
démarche ?

En 1999, on avait une capacité de production qui équivalait à notre quota de 800 000 barils par jour. En quatre ans, on a fait passer notre production à 1 250 000 bj. Comme vous le savez, il y a plus de deux ans, on avait demandé officiellement l’augmentation de notre quota. Entre temps, il y a eu des évènements qui nous ont permis de produire au maximum de notre capacité. Il y a eu la grève au Venezuela, au début de 2003 qui a entraîné une baisse de la production de 3 millions bj. Il y a eu aussi le Nigeria avec une chute de la production de 1 million bj. Et enfin, la guerre en Irak. Au total, le marché mondial avait un besoin de 4 millions de barils. Maintenant, nous demandons un quota de 1,5 million bj. C’est la production attendue en 2005. Mais, comme je l’ai dit à maintes reprises, on est membre de l’Opep, donc on est discipliné. Lorsqu’il y a une demande de réduire la production, on le fait. Parce qu’il faut choisir entre être membre et ne pas l’être. Un prix du pétrole élevé influe positivement sur nos exportations de gaz naturel. Le pétrole représente 40% de nos exportations et le gaz naturel, 60%. Nous ne cachons pas notre production à l’Opep.

Concernant les prix, ces derniers sont soutenus par la demande mondiale. Je pense que le phénomène que nous vivons aujourd’hui vient du fait que la demande a été sous-estimée par l’Agence international de l’énergie. L’année dernière, la Chine représentait 37% de la demande mondiale. Cette année, peut-être un peu plus. Il y a aussi le rôle des spéculateurs qui jouent de plus en plus un rôle important sur le marché. Ce sont eux qui font en sorte que les prix restent élevés. Ces facteurs vont-ils persister ? On ne le sait pas. Mais en avril, nous allons évaluer la situation pour voir ce qu’il faut faire. Et dans tous les cas de figure, je pense que la décision que nous allons prendre fera en sorte que les prix se stabiliseront entre 22 et 28 dollars le baril.

Votre déplacement en Espagne et l’inauguration de l’usine de propylène est-il un tournant dans le redéploiement international de la Sonatrach ?

Nous allons inaugurer cette unité de propylène lancée en association avec Basf. Le contrat a été signé en novembre 1999 et le démarrage des travaux a été donné au début de l’an 2000. Les essais de production ont commencés l’année passée. On est actuellement en phase de commercialisation. Les avantages de ce projet, c’est d’abord d’avoir un marché pour notre propane. Comme vous le savez, nous sommes un grand producteur de GPL. Ce dernier est une combinaison de butane et de propane. Le butane est largement consommé en Algérie, tandis que le propane est exporté. Sonatrach a une participation de 49% dans ce projet. Ce dernier va nous permettre d’apprendre à travailler avec un partenaire prestigieux tel que Basf qui est l’une des plus grande compagnies de pétrochimie de par le monde ; et avec les Allemands nous avons d’excellentes relations.

Nous avons un autre projet avec l’allemand Linde. Il s’agit de la construction d’une usine d’hélium à Skikda. Le partenariat reste le mot d’ordre à Sonatrach. Un partenariat qui touche à tous les domaines comme l’exploration, la liquéfaction, le raffinage, l’hélium, la pétrochimie. Le partenariat apporte beaucoup de choses dans le capital, la discipline de réalisation d’un projet, l’exploration, l’évaluation du marché.

Toute cette dynamique nous a permis d’entrer dans un créneau que nous ne connaissons pas (hélium). Contrairement au passé, où le risque était assumé par Sonatrach seule, aujourd’hui et avec le partenariat, le risque est partagé, équitablement

M. Chermat, La Nouvelle République