ABDELMAJID BELGHZAL
MILITANT ASSOCIATIF
“Mohammed VI est respecté à Tindouf ”
Smyet bak ?MILITANT ASSOCIATIF
“Mohammed VI est respecté à Tindouf ”
Ahmed Belghzal.
Smyet Mok ?
Hlima Dzaria.
Nimirou d’la carte ?
M 84828.
Vous êtes enseignant, militant associatif, membre du Corcas, 3roubi et Sahraoui à la fois. Qu’est-ce que vous préférez qu’on écrive sur votre fiche ?
Je suis un citoyen marocain, ni plus ni moins. Je suis établi au Sahara depuis 1988. 24 ans, ce n’est pas rien. Je suis attaché à ce territoire et les gens me considèrent comme un des leurs. Souvent, ils s’amusent à nous trouver des appartenances tribales communes. Je leur dis que ce n’est pas la peine. La culture 3roubie qui est la mienne n’est pas très différente de la culture sahraouie.
24 ans au Sahara ont-ils fait de vous un notable local ?
Absolument pas. Sociologiquement parlant, les notables sahraouis ont disparu depuis longtemps. Les leaders historiques ont été marginalisés au profit de néo-notables plus opportunistes. Les anciens, ceux que la société sahraouie appelle “les grandes tentes”, protégeaient leurs tribus. L’Etat a malheureusement détruit ces structures traditionnelles de médiation que ni les partis ni les associations n’ont pu remplacer. Je n’appartiens donc ni aux notables d’hier ni à ceux d’aujourd’hui.
Les négociations avec le Polisario ne mènent à rien. Pourquoi continuer ?
Il ne faut pas oublier que nous avons commencé par nier l’existence même du Front Polisario, avant d’accepter de négocier avec ses représentants autour de la même table. Nous revenons donc de loin. Aujourd’hui, ce processus doit se poursuivre. Le Maroc a besoin d’asseoir légitimement, via les mécanismes onusiens, sa souveraineté sur le Sahara. Mais ces mécanismes sont souvent lourds et bureaucratiques, et le Sahara n’est pas une priorité pour la communauté internationale.
Et que propose Sidi le spécialiste ?
Il faut, à mon sens, encourager des circuits parallèles au niveau associatif ou intellectuel pour créer le dialogue. Le roi dispose également d’une grande marge de manœuvre. Il est extrêmement respecté par les Sahraouis à Tindouf. Hassan II avait bien reçu des membres du Polisario en pleine guerre avec le Front. Mohammed VI, en tant que chef de l’Etat et Commandeur des croyants, pourrait le faire également pour mettre la pression sur l’actuelle direction.
Il l’a peut-être déjà fait …
C’est possible et c’est tant mieux. Ces initiatives doivent rester secrètes.
Entre nous, vous voyez les gars de Tindouf venir tranquillement s’installer à Laâyoune, Smara et Boujdour ?
Ils viendraient dans un cadre prédéfini et validé par les deux parties. Ce qui me fait peur, c’est plutôt notre incapacité à appliquer l’autonomie aujourd’hui. Si, demain, le Polisario nous surprenait en acceptant le plan proposé par le Maroc, on se rendrait très vite compte que nous n’avons ni les ressources humaines ni techniques pour protéger et appliquer ce plan.
Pour se divertir, un jeune Casablancais va au stade ou au cinéma. A Laâyoune, ça se passe comment ?
C’est le néant. On a pu faire des routes, des ports et des aéroports mais aucune institution culturelle digne de ce nom. Laâyoune compte 240 000 habitants, dont 60 000 élèves. En tout, la ville ne dispose que de quatre maisons de jeunesse. Deux sont fermées et l’une est squattée par la police depuis les évènements de Gdeim Izik. ça dit tout.
Où sont passés les Ali Salem Tamek, Aminatou Haïdar et les autres ?
Je crois que viendra un temps où on les regrettera. Nous sommes en face d’une nouvelle génération de protestataires. Une génération livrée à elle-même, plus violente et plus anarchique. C’est, en partie, cette génération qui a été derrière les évènements de Gdeim Izik ou de Dakhla. Et c'est elle qui risque d’embraser la région une nouvelle fois.
Vous n’en faites pas un peu trop, là ?
Pas du tout. Le calme actuel, nous ne le devons qu’à la présence militaire et sécuritaire dans la région. Les blessures de Gdeim Izik ne sont pas pansées. Ces évènements ont creusé davantage le fossé entre Sahraouis et non-Sahraouis. Je crains que les personnes arrêtées au lendemain des violences ne soient pas toutes responsables des atrocités commises. Il faut donc rendre justice aux personnes injustement arrêtées et poursuivre les vrais criminels. Il faut sortir les gens qui ont été jetés en prison pour des raisons politiques.
A quoi aurait ressemblé votre vie si vous aviez été muté à Tanger plutôt que Laâyoune ?
J’ai été un militant de l’OADP (ndlr : parti de gauche, ancêtre de l’actuel PSU) avant d’être muté à Laâyoune. A Tanger ou ailleurs, je me serais donc investi dans l’action associative et la gestion de la chose publique. J’ai ça dans le sang.
Etrange pour quelqu’un qui vient de la campagne …
Je suis né dans une famille qui respire la politique. Mes grands frères en ont tous fait pratiquement. Nos parents s’intéressaient beaucoup au monde qui les entourait. Petit, j’ai par exemple toujours cru que ma mère avait fait des études alors qu’elle était une paysanne analphabète. C’est elle qui a tenu tête à mon père pour que nous fassions des études, alors qu’à la campagne, les enfants étaient plutôt considérés comme des outils de travail.
Pourquoi vous n’avez pas viré islamiste ?
Je n’aurais jamais pu être islamiste, pour la simple raison que je n’ai pas découvert la religion sur le tard mais qu’elle a toujours été une composante naturelle de ma vie. Et puis, surtout, les valeurs qui m’ont été transmises par mes parents me rédisposaient sans doute à être de gauche.
Que faites-vous quand vous voulez oublier le Sahara, les droits de l’homme, la gauche et le Polisario ?
Je lis de la poésie à voix haute. Des vers de Mahmoud Darwish par exemple. Jeune, j’avais même publié quelques textes dans les journaux de l’époque.
Des textes d’amour ?
Non, des textes engagés sur la terre et sur la patrie. J’ai dû commettre quelques textes romantiques, mais rien de bien flatteur.
On dit que vous êtes un intime de Mohamed Yassine Mansouri, le patron des renseignements extérieurs. Est-ce vrai ?
Au Sahara, la collaboration avec les services secrets est une étiquette facile à coller. Je milite pour une cause et non pour des privilèges personnels. J’ai connu Yassine Mansouri du temps où il était au ministère de l’Intérieur, quand j’avais été injustement muté à Azilal. C’est simplement un homme qui a le sens de l’écoute et une bonne connaissance du dossier Sahara.
Antécédents :
- 1963. Naît dans la région d’El Jadida
- 1987. Obtient sa licence en littérature arabe à Casablanca
- 1988. S'installe à Laâyoune, où il enseigne
- 1990. Intègre le Conseil national de l’OADP
- 1999. Devient membre du Conseil national de l’OMDH
- 2005. Nommé membre du Corcas
TelQuel
Commentaire