Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Benachnou revient sur la mort de Amirouche et Si Elhaouès

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • #61
    À Propos de l’ouvrage de Saïd Sadi, Amirouche, une vie, 2 morts, un testament
    Par M. Hassani Abdelkrim*


    À la lecture de certains passages du livre de M. Saïd Sadi et des commentaires qu’il a suscités auprès de quelques lecteurs dont des compagnons d’armes, je me suis surpris par la tentation combien forte de porter à mon tour, permettez l’expression, mon grain de sel. Non que je sois propulsé par quelque plaisir de me joindre au débat autour d’un sujet qui a soulevé autant de polémiques, d’invectives, d’opinions contradictoires, notamment sur le parcours du chahid Amirouche, mais principalement pour d’autres raisons que j’estime plus objectives.
    La première est motivée par le respect que l’on doit à l’auteur de l’ouvrage pour avoir effectué des recherches, prospecté, et livré au lecteur des témoignages, souvent de première main et cela quelles que soient ses convictions personnelles, que tout le monde, bien sûr, y compris moi ne partage pas en totalité. L’essentiel est que Sadi ait écrit et exprimé son avis. À notre tour d’intervenir pour éventuellement rectifier, démentir, ou confirmer les faits livrés par le récit. À ce titre, que M. Sadi me permette d’apporter quelques témoignages personnels, en ma qualité d’ex-responsable au sein du Commandement des Transmissions, donc d’acteurs autour de certains faits se rapportant au sujet. En premier lieu, je tiens à exprimer ma plus vive réprobation sur les conditions dans lesquelles les dépouilles du colonel Amirouche et de son compagnon Si El Haouès ont été traitées avec autant de désinvolture. Ma perplexité est d’autant plus vive que je ne trouve aucune motivation rationnelle justifiant cette décision de séquestration qui découlerait plutôt d’un geste morbide, que d’une attitude que la raison pourrait saisir, je dirais même déchiffrer et cela quel que soit le motif politique ou autre qui le justifierait. Ceci étant, il reste qu’en revanche, il faille démontrer, comme on le prétend, que Boussouf ou Boumediène soient directement impliqués dans cette relégation de mauvais aloi. Oh ! que M. Sadi ne m’en veuille pas outre mesure, je ne fais partie d'aucun noyau dur du MALG, ni suis membre d’un quelconque cabinet noir. Je suis membre d’une association civile où je siège avec mes compagnons d’armes, au gré du hasard de l’Histoire, sans tirer aucun profit, encore moins une quelconque prébende autre que le rappel de certains souvenirs communs. Ces compagnons me connaissent parfaitement bien pour quelqu’un qui s’exprime au grand jour au prix bien souvent de risques que j'assume et que j’assumerai toujours. Pour les besoins de la manifestation de la vérité, ou pour la défense des droits légitimes. Je n’en attends rien d’autre. En revanche, je me garde autant que faire se peut de verser dans l’amalgame ; à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César... Pour revenir aux deux responsables précédemment cités, j’informerais de la façon la plus fraternelle M. Sadi que d'une part, Boussouf, a cette époque, c'est-à-dire depuis 1962, n’était ni de près, ni de loin mêlé aux affaires politiques du pays. Et je l’affirme avec conviction qu’il n’avait rien à voir avec le transfert des cendres des deux martyrs ni encore moins de leur tribulation d’un caveau à un autre. À partir du dernier congrès de Tripoli, Si Boussouf avait compris que l’heure de son départ a sonné. Il s’est retiré, sans crier gare, je dirais aussi sans tambour ni trompette. J’ajouterais que son tempérament aigre-doux et son penchant instinctif pour la raillerie à l’égard des choses de la vie ont dû le conduire à observer avec une bonne dose de philosophie le grand spectacle qui se déroulait en Algérie depuis l’indépendance, teinté d’agitations burlesques où le vaudeville se le disputait aux quelques pincées de folklore. Il devait, désarçonné devant le chamboulement qui déployait à ciel ouvert, clamer avec le poète français du Moyen-Âge : Mais où sont les neiges d’antan ? Quant à Si Boumediène, j’ai cru ouïdire à cette époque qu’il projetait de donner un éclat particulier au transfert des cendres des deux héros devant reposer au cimetière El-Alia, accompagné d’une cérémonie officielle digne du rang, du courage et de l'exemple que les deux martyrs ont administrés sur le champ de bataille. Cette hypothèse que j’avance, encore une fois par ouï-dire, reste à confirmer. Cependant, il me semble qu’il existe à présent quelques témoins vivants de cette péripétie bien plus triste que nécrologique, lesquels témoins pourraient apporter quelque éclairage nécessaire à la manifestation de la vérité. Les autres raisons que j’invoquerais pour justifier ma contribution sont les suivantes :
    1. Les services spéciaux ainsi que ceux des Transmissions ont été créés à partir de juin 1956 par la Wilaya 5 et sur ses fonds propres pour les besoins de la Wilaya. Ils n’étaient pas à l'origine destinés à l’ensemble du territoire. Du reste, Si Boussouf, qui était responsable de la Wilaya de l’Ouest, n'avait ni les prérogatives ni l'autorité hiérarchique le qualifiant pour ce faire. Ce n’est qu’une fois cette arme éprouvée sur le terrain et s'imposant en tant qu'instrument de guerre nécessaire, voire vitale pour les besoins de la coordination qu’il fut décidé, en accord avec Si Boudiaf chargé de la coordination, que les autres wilayas en soient dotées. Le témoignage du colonel Amirouche qui insistait sur la nécessité de disposer d'un équipement complet avec une structure de dépannage est suffisamment éloquent quant à la contribution du service des Transmissions en tant que moyen de la plus haute importance. Il reste que pour ce qui est attribué au colonel Amirouche quant à ses appréciations sur la dotation de la Wilaya III qu'il estime insuffisantes, des questions se posent. Le chef de la Wilaya III aurait déclaré : «C'est une question qui nous tient à cœur car cette carence tend à faire croire à une volonté de négliger la Wilaya III ou à du régionalisme de la part tout au moins des responsables des Transmissions...» (Amirouche, page 126, paragraphe 4). Il m'est difficile de croire que le colonel Amirouche ait pu avancer une telle déclaration tant tout le monde sait que la formation de dépanneurs exige du temps et de l'expérience. Cependant, j’affirme en tant que responsable du service et j’atteste que hormis la Wilaya V, génitrice des services spéciaux et des Transmissions et qui disposait de quelques embryons aux frontières pour les besoins de la formation et de relais pour les autres régions du pays, seule la Wilaya III, à l'exclusion de toutes les autres, était dotée d'une structure de dépannage conduite par le jeune Omar, au niveau de la station affectée à cette dernière (la Wilaya III) et dirigée par les deux chefs de station, les jeunes Ladjali Mohammed Lahbib et Aït Hammi Tayeb. Cette affectation préférentielle est du reste largement méritée en ce sens que la Wilaya, outre qu’elle avait souffert péniblement des opérations militaires ennemies, devait être en contact avec Krim Belkacem, son ex-responsable, et donc devait bénéficier d’un statut préférentiel largement mérité. L’aura et la considération dont bénéficiait le chahid Amirouche étaient tellement partagées, que son nom fut donné à la 7e promotion de l’Est, hommage que le chef de la Wilaya III avait largement mérité. J’ai eu l'honneur de présider à la formation de ces jeunes opérateurs qui, au moment de leur affectation, avaient à peine l’âge de I'adolescence. J’ai aujourd'hui les larmes aux yeux quand je vois ces gamins ouvrant les yeux sur le monde qui les entoure, ne percevant que le sacrifice qui les attend en tant que prix pour la liberté et la dignité et quelquefois l’incompréhension de la part de certains responsables de Wilaya qui ne voyait comme moyens de combat que le fusil. Quant aux autres armes modernes telles que les télécommunications ou le renseignement, elles n’avaient pas à leurs yeux la même priorité. Aussi, j’aurais souhaité que Si Sadi manifestât quelque sensibilité à l’endroit de ces héros sans visage, qui, à peine sortis de l’école et du foyer natal, se sont lancés dans un combat tout à la fois cruel et inégal comme je m’attendais à ce qu’il (Sadi) évite par une sorte d'amalgame fait de clins d’œil, pouvant susciter dans l’esprit de certains revanchards l'achèvement dans une deuxième mort non seulement d’Amirouche, mais des centaines d'autres, dont I’héroïsme sur le champ de bataille n’a d’égal que la pureté de leur âme.
    2. Vous voyez M. Sadi que les combattants de l’ombre n’ont fait qu’obéir aux ordres de la Révolution. Ils ont rejoint la Révolution pour prendre le fusil. On leur a demandé, compte tenu des circonstances de la guerre et peut-être de leur niveau relativement élevé, de mettre leur intelligence au service de la Révolution. Ils I’ont fait sans discussion, ni murmure, obéissant à leur conscience, emportant avec eux et le fusil et l’émetteur. Que peut-on leur reprocher, si Boussouf et Boumediène se trouvaient là au moment du rendez-vous pour le sacrifice. Et en supposant même que pour des raisons qui vous importent et que je m’interdis de discuter, ces deux responsables soient condamnables, Aït Hammi qui est mort au moment où il allait transmettre son message, fait-il partie du noyau dur ou du cabinet noir ?
    3. Enfin, j’aurais beaucoup de choses à dire au sujet de ce que j’ai observé avec ces hommes, j’allais dire des imberbes qui se sont lancés à l’assaut de Goliath. Eux, des David, souvent pieds nus et ventre vide et bien souvent malaimés par un entourage porté hélas souvent sur ce qui est perceptible dans l'immédiat et qui voyait l’émetteur comme une charge supplémentaire dont l’efficacité n’apparaissait pas à l’évidence. À mon sens, ils constituent la quintessence de notre composante humaine parce qu’ils étaient tout simplement animés d’un rêve. Un rêve, et là je suis d’accord avec vous, réalisé à moitié.
    Lire le témoignage d’un des officiers de l’ALN, en l’occurrence le frère Debah, paru dans El Watan le 18/8/2008
    * Officier de l’ALN, responsable national de la formation des opérateurs radio, durant la guerre de Libération, commandant de la base nationale Didouche- Mourad.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #62
      Le Colonel Amirouche N A Pas Ete Victime D Une Negligence Du Service De Transmission De L Ouest Algerien Contrairement A Ce Qu A Pretenduble Commandant Adjoint Des Transmissions Mais Plutot D Une Action Voulue.
      Des Son Depart De La Kabylie Amirouche Par L Intermediaire De Son Operateur Radio Entrait En Contact Avec Le Fln De L Exterieur.
      La Veille De Sa Mort Les Chiffreurs De La Base De L Ouest Les ''freres''
      nacef Amar Et Benarab Rachid
      Utiliserent Un Code Deja Connu De L Ennemi.
      Recurent Ils Un Ordre Dans Ce Sens Ou Agirent Ils D Eux Meme?
      Une Enquete Serieuse N Aurait Pas Manque De Le Demontrer.
      Toujours Est Il Que L Armee Ennemie Dechiffra Le Code-connut La Teneur Des Messages Et Par La Meme La Position D Amirouche Dans Les Minutes Qui Suivirent .
      Les Services D Ecoute Aux Destinees Desquels Presidait
      safer Khaled Et Ali Lalmani
      Firent Savoir A Leurs Superieurs Que L Ennemi Avait Dechiffre Les Messages Adresses Au Colonel Amirouche,qu Il Avait Repere La Position ,qu Il Avait Ordonne De Prendre Ce Dernier Vivant.
      Rien Ne Fut Fait Pour Avertir Amirouche.
      Plus Encore.
      Pour Avoir Voulu Denoncer Cette Trahison
      Ali Lalmani Purgea Un An De Prison.
      Quand On Saura Que Les Services De Transmission De 60 Codes Non Encore Utilises On Ne Peut S Empecher De Crier Au Risque De Passer Un An De Prison Comme Ali Lalmani
      "vous Avez Tue Le Colonel Amirouche Comme Vous Avez Assassine Abbane Ramdane"
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

      Commentaire


      • #63
        Réponse à M. Hassani

        2. Vous voyez M. Sadi que les combattants de l’ombre n’ont fait qu’obéir aux ordres de la Révolution. Ils ont rejoint la Révolution pour prendre le fusil. On leur a demandé, compte tenu des circonstances de la guerre et peut-être de leur niveau relativement élevé, de mettre leur intelligence au service de la Révolution. Ils I’ont fait sans discussion, ni murmure, obéissant à leur conscience, emportant avec eux et le fusil et l’émetteur. Que peut-on leur reprocher, si Boussouf et Boumediène se trouvaient là au moment du rendez-vous pour le sacrifice.
        M. Hassani Abdelkrim qui veut se démarquer des mauvais malgaches est discalifié étant lui même responsable du corps des transmissions confortablement installé dans "les maquis" du Maroc. Il ne va tout de même pas avouer sa culpabilité! Il reconnait par contre "faire parti (malgré lui ?) des "combattants de l'ombre" compte tenu des circonstances de la guerre et peut être de leur niveau relativement élevé"(par rapport évidemment à la plebe qui se fait tuer dans les maquis de l'intérieur) feignant d'ignorer que des intellectuels, médecins, licenciés, bacheliers ont préferés partager le sort de leur peuple et verser leur sang pour l'indépendance nationale que de d'aller au Maroc ou en Tunisie attendre patiemment l'indépendance. C'est pour cela que nous ne pouvons pas vous croire et tout ce que vous dirait n'est pas crédible...

        Commentaire


        • #64
          TOUT CE QUI EST EXCESSIF EST INSIGNIFIANT
          Réponses à Nordine Aït Hamouda
          Par Ali Mebroukine

          «Ceux qui écrivent clairement ont des lecteurs ;
          ceux qui écrivent obscurément ont des commentateurs. »
          (Albert Camus)
          Je ne vais pas répondre ici à toutes les outrances de Nordine Aït Hamouda (ci-après N. A. H.), d’autant plus que l’intéressé est connu pour ses dérapages verbaux et orfèvre en matière de fariboles et autres sornettes. Je lui dirais seulement ceci qui concerne mon itinéraire personnel. Si j’avais été réellement condamné pour intelligence avec l’ennemi (quel ennemi ?) et si cette condamnation eût reposé sur un fondement sérieux, je me serais interdit d’intervenir jusqu’à la fin de mes jours dans le débat public national et j’aurais quitté depuis longtemps l’Algérie pour me faire oublier. A fortiori, je n’aurais pas pu, comme je le fais régulièrement depuis 2006, disserter sur l’histoire récente et passée de notre pays avec la liberté de ton qui a toujours été la mienne. Tout le monde sait bien, à commencer par les gens très initiés du RCD, que les déboires que j’ai pu avoir, à un moment donné, résultent d’une odieuse cabale menée contre moi par des personnes aujourd’hui disparues et qui ont cru bon circonvenir la religion du premier magistrat du pays. Ils sont aujourd’hui soumis au jugement de Dieu ; qu’il leur accorde toute sa clémence et sa miséricorde. À cet égard, je ne peux que m’affliger des procédés vils et ignobles utilisés par S. Sadi et N. A. H. pour diaboliser un contradicteur qui a toujours été, ne leur en déplaise, un électron libre, très loin de toute attache clanique ou partisane ; ce sont ces procédés que l’un et l’autre reprochent aux gouvernements successifs de l’Algérie d’avoir usé pour conquérir et conserver le pouvoir. Je frémis même à l’idée que S. Sadi et N. A. H. puissent un jour présider aux destinées de ce pays car ils pourraient nous faire regretter les pages sombres, selon eux, que l’Algérie aurait connues sous H. Boumediène.
          Sur le prétendu souci d’écrire objectivement l’histoire
          Le récit hagiographique du colonel Amirouche par S. Sadi ne me semble pas avoir été motivé par le souci de restituer les évènements douloureux de l’histoire de notre pays dans une trame intelligible pour les jeunes générations. Cela fait 48 ans que l’histoire n’est pas enseignée ni aux écoliers ni aux lycéens. Et il est douteux que l’exhumation de l’itinéraire du colonel Amirouche, tout d’un coup, en 2010, avec le souci qui court tout au long des 442 pages qui lui sont consacrées, de jeter dans un même opprobre, l’armée coloniale et les combattants algériens (qu’ils fussent de l’intérieur ou de frontières), permette en quoi que ce soit aux Algériens de porter un regard lucide et adulte sur l’histoire de leur pays. Il nous faut bien admettre que le récit du président du RCD est encombré d’arrière-pensées et que celui-ci cherche délibérément à instrumentaliser l’Histoire à des fins qui n’ont strictement rien à voir avec le souci d’écrire objectivement et scrupuleusement certaines des pages les plus tumultueuses de notre passé. Si réellement l’objectif de S. Sadi était de contribuer à une relecture critique et roborative de l’histoire, que le RCD n’a-t-il mis à profit ses 20 ans d’existence pour entreprendre des actions de sensibilisation en direction des jeunes, comme le font avec une persévérance exemplaire (état d’urgence ou pas) les octogénaires qui animent l’Association historique et culturelle du 11 Décembre 1960 qui a déjà rendu l’hommage qu’ils méritent à Mohamed Belouizdad, Hocine Lahoual, Hocine Asselah ou Rachid Amara et d’autres qui ont pensé la Révolution algérienne bien avant le 1er Novembre 1954.
          Houari Boumediène et le colonel Amirouche
          Le colonel H. Boumediène ne connaissait pas le colonel Amirouche et il n’existait aucune relation entre eux. La Révolution algérienne a démarré dans l’émiettement des forces qui étaient censées lui donner sa vigueur et elle a pris fin dans la division de tous ses segments et sous-segments. Comme le dit, à juste titre, Mourad Benachenhou (et aucun historien ne peut le contester), toutes les structures de la révolution étaient compartimentées. À cet égard, il est inexact de laisser entendre que le MALG aurait été une machine de guerre contre les wilayas de l’intérieur. C’est une injustice commise à l’égard de toutes les recrues du MALG qui ont trouvé la mort en essayant de franchir la ligne Morice et qui ignoraient tout des révolutions de palais qui se concoctaient dans certains cercles de décision du FLN/ALN. Mohamed Lemkami, moudjahid authentique, s’il en est, a bien décrit dans son ouvrage tous les sacrifices consentis par les jeunes du MALG et leur complète adhésion au combat libérateur contre l’armée coloniale (V. Les hommes de l’ombre, Mémoires d’un officier du Malg, Anep, Alger, 2004). Et on ne peut, sans ignominie, accréditer la thèse que Mourad Benachenhou n’est pas un vrai moudjahid ou qu’il aurait cautionné le déviationnisme de ses chefs, d’autant moins d’ailleurs qu’il n’a guère été associé à l’élaboration de décisions prises dans les sommets de l’appareil. S’agissant de la séquestration des restes du colonel Amirouche, il est évident que le président Boumediène n’en a jamais été informé et qu’il ignorait tout de leur emplacement. Le seul témoignage digne de foi est celui du général-major Mustapha Cheloufi, ancien commandant de la Gendarmerie nationale et ancien SG du MDN, grand commis de l’État, honnête et scrupuleux qui disculpe complètement le président Boumediène. L’ancien chef de l’État algérien était beaucoup trop accaparé par les questions du développement et du remembrement d’une société dont les cadres traditionnels avaient volé en éclats pendant la période coloniale, pour se permettre d’ordonner la séquestration des ossements des colonels Amirouche et Si Haouès. Il est invraisemblable que H. Boumediène ait requis du colonel Bencherif, alors patron de la Gendarmerie nationale, l’enfouissement des restes des deux anciens maquisards dans les caves de la Gendarmerie nationale. Quel intérêt aurait-il eu à le faire ? En quoi la célébration d’un valeureux combattant par ses partisans et coreligionnaires kabyles pouvait le gêner ? H. Boumediène ne pouvait ignorer qu’une telle infamie le discréditerait à jamais devant l’Histoire et c’est pourquoi il n’a pas pu y recourir. Il n’y a aucune raison de douter de la véracité du témoignage du G-M Cheloufi dont la sagesse et la pondération, encore une fois, sont de notoriété publique.
          Le colonel Amirouche, le GPRA et les conflits de légitimité GPRA/EMG
          Comment comprendre que S. Sadi et N. A. H. n’aient pas pris conscience de la contradiction dirimante dans laquelle ils s’enferrent en soutenant à la fois que le colonel Amirouche avait entrepris de décapiter le GPRA, coupable à ses yeux d’avoir complètement abandonné les wilayas de l’intérieur, et présenter la prise du pouvoir par l’EMG, en 1962, comme un coup d’État contre le GPRA ? Le GPRA serait illégitime lorsqu’il est mis en cause par le colonel Amirouche mais légitime lorsqu’il affronte l’EMG. Curieuse conception de la légitimité. Celle-ci se mesurerait à l’aune de l’identité des protagonistes. Un simple rappel pour l’histoire : l’EMG n’existe pas encore lorsque les colonels Amirouche, Si Haouès, Si M’hamed et Hadj Lakhdar contestent ouvertement la vocation du GPRA à diriger la Révolution algérienne et envisagent son élimination. Il y avait un commandement Ouest, sous le patronage du colonel Boumediène et un commandement Est dirigé par le fantasque et primitif colonel Nasser (Mohammedi Saïd). Si le GPRA était devenu, aux yeux des chefs de wilayas de l’intérieur, illégitime, quelques mois seulement après sa création, quel titre pouvait-il avoir à diriger l’Algérie indépendante ? Et au nom de quel principe contester à l’EMG le droit de prendre la relève de l’État colonial, étant entendu qu’il n’existe plus, au lendemain du cessez-le-feu, quelque institution que ce soit pouvant se prévaloir d’une légitimité supérieure à celle des autres (qu’on ne prétende pas, en tout cas, que l’exécutif provisoire avait les moyens de coopter les futures élites dirigeantes de l’Algérie).
          Houari Boumediène n’était pas un putshiste mais un homme d’État
          Nous venons de voir qu’il est intellectuellement incohérent d’approuver le combat du colonel Amirouche contre le GPRA et de voler au secours de ce même GPRA (lequel était, soit dit au passage, loin de constituer une entité soudée et homogène), lorsque l’EMG refuse de s’incliner devant lui. C’est le GPRA qui avait décidé unilatéralement la dissolution de l’EMG, prérogative qui appartenait au seul CNRA et non pas à l’EMG qui avait cherché à délégitimer le GPRA. Prière de ne pas confondre. En 1962, c’est l’institution la plus puissante, la mieux organisée, la mieux soudée, la plus dégagée des relents du wilayisme, du népotisme, du clientélisme qui prend la direction des affaires de l’État, non sans chercher à associer tous les protagonistes du conflit contre le colonialisme, y compris le premier président du GPRA, Ferhat Abbès. Le colonel Boumediène, dont l’obsession a toujours été l’unité du pays, comme me le rappelait encore, il y quelques jours, l’ancien ministre de l’Enseignement, Abdelkrim Benmahmoud (auquel le président Boumediène allait confier de très importantes responsabilités en 1978), avait tendu la main à Krim, Boudiaf, Aït Ahmed, Ben Khedda qui ne voulaient pas la saisir, dès lors qu’ils étaient assurés de ne plus pouvoir jouer les premiers rôles dans l’Algérie indépendante. Mais H. Boumediène n’avait, a priori, exclu personne. Quant à l’héritage de Boumediène, je prendrais un seul exemple. L’école et l’université algériennes de H. Boumediène n’étaient pas sinistrées mais rayonnantes. Le baccalauréat algérien valait largement le baccalauréat français et les diplômes délivrés par les universités et instituts algériens étaient tous reconnus à l’étranger, ce qui a permis à des milliers d’Algériens de se former et de se perfectionner dans les plus prestigieuses universités et centres de recherche du monde. Aujourd’hui, la migration hautement qualifiée algérienne qui exerce à l’étranger et dont on bat le rappel avec force insistance, mais hélas en vain, est issue de l’école et de l’université qui ont été voulues par H. Boumediène. S. Sadi a pu connaître le cursus universitaire prestigieux qui est le sien, grâce à la démocratisation de l’enseignement décrétée par le même H. Boumediène, au milieu de la circonspection générale.
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

          Commentaire


          • #65
            Sur l’éviction d’Ahmed Ben Bella
            L’auteur de ces lignes persiste à affirmer que l’éviction d’A. Ben Bella, le 19 juin 1965, n’est pas un coup d’État. C’est, au contraire, une tentative largement aboutie de rétablissement de l’autorité de l’État, systématiquement bafouée par le premier président de la République algérienne. Là aussi, il faut rétablir la vérité historique. L’éviction d’Ahmed Ben Bella a-t-elle été le seul fait de H. Boumediène ? Etait-ce la manœuvre du seul groupe d’Oujda ? Comment expliquer qu’officiaient au sein du Conseil de la Révolution, les colonels Saïd Mohammedi, Mohand Oulhadj, Salah Boubnider, Tahar Zbiri, Saïd Abid, Salah Soufi (ancien patron de la Zone Sud), Youcef Khatib, tous anciens responsables des wilayas de l’intérieur. S. Sadi va même jusqu’à louer certains d’entre eux et accréditer leur témoignage (notamment celui de Salah Boubnider). Voilà des anciens chefs de wilayas qui non seulement adoubent le «coup d’État», mais y participent, en parfaite connaissance de ses tenants et aboutissants. De deux choses l’une, ou l’éviction de A. Ben Bella constitue un véritable putsch, et dans ce cas, il faudrait condamner tous les auteurs et complices sans discrimination et pas le seul H. Boumediène ou bien il faut admettre que c’est A. Ben Bella qui violait la Constitution de 1963 (mise entre parenthèses dès le 3 octobre de la même année, le président légiférant par ordonnances et exerçant les pleins pouvoirs en vertu de l’article 59) et dans ce cas, le sursaut du 19 Juin 1965 a constitué un acte salvateur qui est à mettre au crédit du président Boumediène et de ses compagnons de route ; il ne peut dès lors ressortir à la catégorie (au demeurant non scientifique, au sens de la science politique) des coups d’État. Pour le surplus, la déposition d’A. Ben Bella a été accueillie par un véritable soulagement populaire, tandis que les premières réformes institutionnelles et politiques obtenaient un large appui de la part des couches moyennes de la population.
            Il est absurde de nier l’existence des purges
            Plutôt que de s’obstiner à nier l’existence de purges dans la Wilaya III, il serait de meilleure méthode et de plus parfaite rigueur d’expliquer en quoi les Wilayas III et IV ont été le siège d’épurations dans les rangs des moudjahidine et pour quelle raison la Wilaya II a été épargnée. Il ne s’agit pas de décerner un brevet d’honorabilité aux responsables qui se sont montrés capables de séparer le bon grain de l’ivraie et d’accabler, sans ménagement, ceux qui, sur la foi d’indications sommaires ou de témoignages controuvés, ont ordonné la liquidation de milliers de jeunes Algériens. Le colonel Amirouche a été un grand chef de guerre et un des plus valeureux combattants de la Révolution algérienne. Son courage, son abnégation, son opiniâtreté resteront légendaires. Sa perspicacité et ses scrupules dans la recherche de la vérité sur la Bleuite sont, à l’inverse, sujets à caution. Laissons les historiens professionnels (dont je ne suis pas) nous éclairer davantage sur des épisodes sanglants dont notre révolution, il s’en faut de beaucoup, n’a pas l’exclusivité. Du reste avant que le colonel Amirouche ne prenne les rênes de la Wilaya III, des épurations sanglantes et non justifiées truffaient déjà la trajectoire de la Wilaya III : le 13 avril 1956, à proximité d’Oued Amizour, des centaines d’habitants de la dechra Trifraten sont égorgés pour prix de leur soutien au MNA, le 29 mai 1957, dans le Hodna, quelque 300 habitants de sexe masculin de la mechta Casbah, dans le douar Béni Illmane, sont massacrés, parce qu’eux également soutenaient le MNA, mais sans hostilité déclarée au FLN. On ne peut passer par pertes et profits de telles tragédies qui ont porté un sérieux coup à la crédibilité du FLN/ALN et entretenu de nombreux Algériens dans une attitude de défiance à l’égard des proclamations de la Révolution algérienne. Bien sûr que des purges ont également été commises en W I, W IV, W V et W VI. Mais il s’agit ici de répondre au récit du Dr Sadi qui cherche à occulter l’ampleur du phénomène en Wilaya III, alors que ses contradicteurs ne prétendent nullement que les autres wilayas en auraient été indemnes. Mais c’est lui qui a ouvert le débat, c’est lui qui a déterré la hache de guerre, en remettant au goût du jour les griefs jadis invoqués contre Amirouche à propos de la disproportion entre le phénomène de la Bleuite et l’ampleur de la répression qu’il avait ordonnée. En revanche, les W III et IV peuvent se prévaloir de circonstances atténuantes (mais non évidemment exonératoires) qui tiennent à leur harcèlement par les services français, pour lesquels la forteresse armée la plus inexpugnable était tout entière dans l’Algérois et la Kabylie.
            Sur l’ostracisme à l’égard des Kabyles
            C’est un thème récurrent sur lequel brode sans cesse N. A. H. Il faut d’abord rappeler pour l’histoire que ni le colonel Amirouche, ni Belkacem Krim, ni Hocine Aït Ahmed ni a fortiori Ramdane Abane n’ont, à aucun moment, donné une coloration régionaliste à leur combat contre le colonialisme. Pour eux, seule comptait l’Algérie. En revanche, A. Ben Bella n’a eu de cesse de vouloir discréditer le Congrès de la Soummam, redoutant qu’un jour le pouvoir suprême vienne à échoir à un Kabyle et avait mis en garde les Égyptiens contre un tel danger. Honte à lui, à ses méthodes et à son anti-berbérisme primaire. Ceci dit, N. A. H. serait mieux avisé de réfléchir aux divisions entre Kabyles qui constituent quasiment, comme l’a rappelé dans son ouvrage Ali Yahia Abdenour ( La dignité humaine, Inas Editions, Alger, 2007), une loi d’airain, et il n’est nul besoin d’un complot arabe pour semer la discorde entre les Kabyles. L’autoflagellation et l’autodestruction constituent la marque de fabrique de cette région, pourtant la première pourvoyeuse de l’élite intellectuelle du pays. Ceci posé, l’émiettement du mouvement national a eu peu à voir avec les divisions régionales. Lorsqu’Abane Ramdane proclame la supériorité du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur, il s’aliène tous les chefs militaires sans exception (y compris les chefs kabyles, à commencer par Krim) et tous les membres de la délégation extérieure (dont H. Aït Ahmed). Les plus fidèles collaborateurs de Abane ne sont pas kabyles (Larbi Ben M’hidi, Benyoucef Benkheda et Saâd Dahlab), cependant qu’un des plus proches alliés de Boussouf contre Abane est issu de la Kabylie profonde, à savoir Krim. Il faut donc cesser d’opposer Kabyles et Arabes, tant il est vrai que cette opposition avait été très largement transcendée pendant le combat libérateur par les enjeux de pouvoir ainsi que par les préoccupations claniques et clientélistes qui sont venues se superposer aux affinités strictement locales ou tribales. Abane a échoué dans son projet de constitution d’un État puissant, multiethnique, multilingue, multiconfessionnel (nous ne disposons pas malheureusement de la place pour en parler), non parce qu’il était kabyle mais parce que sa vision de l’organisation des pouvoirs publics, dans la perspective de l’indépendance, prenait à revers non seulement les ambitions de tous les chefs militaires et ceux de la délégation extérieure mais ambitionnait de tuer dans l’œuf la dérive prétorienne qui se dessinait, bien avant que le colonel Boumediène ne fit son entrée dans la scène politique.
            Il faut revisiter l’Histoire d’une main tremblante
            Contrairement à ce qu’a pu écrire G. Meynier dans l’avant-propos à son ouvrage : L’Algérie des origines. De la préhistoire à l’avènement de l’Islam (Barzakh, Alger, 2007), «l’histoire officielle de l’Algérie n’a pas été plombée par les préoccupations dirigeantes de la bureaucratie». C’est infiniment plus compliqué que cela. H. Boumediène avait pour unique objectif l’unification des Algériens et le souci de les réconcilier avec eux-mêmes. Il pensait, de bonne foi, que le rappel d’une histoire convulsive et sanglante à laquelle le chercheur algérien disposait de peu de ressources pour accéder et plus encore pour enseigner était encore prématuré. Il était suffisant de dire aux Algériens, tout au moins durant la période post-traumatique de l’indépendance, que leurs ancêtres avaient souffert de la colonisation qui fut une nuit pour la majorité des Algériens et que leurs parents avaient pris les armes pour libérer le pays. Si l’on prend l’exemple de la France, à travers Vichy, on sera édifié sur les turbulences que le dévoilement de certaines vérités mettant en cause l’État français lui-même dans la déportation des Juifs a provoquées çà et là. Plus près de nous, le film de Rachid Bouchareb : Hors-la-loi, témoigne cruellement que les blessures nées des évènements de Mai 1945 ne sont pas encore cicatrisées, et qu’en les exhumant à travers la fiction cinématographique, on ouvre une boîte de Pandore dont le pire vient déjà de sortir.
            A. M.
            [email protected]
            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

            Commentaire


            • #66
              Le MALG sort de l’ombre

              ontribution : AMIROUCHE : DAHOU OULD KABLIA, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION, S’EXPRIME
              Le MALG sort de l’ombre

              Le livre du Dr Saïd Sadi intitulé Amirouche : une vie, deux morts, un testament, paru dernièrement, a suscité, plus peut-être que beaucoup d’autres livres traitant de la lutte de Libération nationale, débats et polémiques auxquels ont participé jusqu’à présent, acteurs, témoins, analystes politiques ou historiens. Les débats ont moins porté sur la personne ou le parcours du colonel Amirouche, difficilement contestable, que sur le sens que l’auteur donne à certains de ses actes ou de ses paroles ainsi que les supputations sur ses relations avec ses pairs de l’intérieur et ses responsables de l’extérieur pour arriver à des accusations graves, impossibles à étayer, contre ceux qu’il désigne comme étant les responsables indirects ou directs de sa mort, qu’il nomme Boussouf et Boumediène.
              Ce livre a donc interpellé les membres du Bureau de l’Association des anciens du MALG, acteurs historiques accusés outrageusement, tant en la personne de leur ex-responsable, le colonel Abdelhafidh Boussouf, que de la structure qu’il dirigeait et à laquelle ils appartenait, dans une affaire qui ne les concernait nullement. En l’étudiant, ils ont relevé de nombreuses entorses à la vérité. Ils ne cherchent pas la polémique avec l’auteur et encore moins à l’amener à se déjuger, car ils pensent bien que son opinion est définitivement arrêtée et de longue date. Le portrait du colonel Amirouche qu’il présente, lui servant, à leurs yeux, de ligne directrice pour un procès politique bien ciblé bien que totalement décalé. Le Bureau du MALG, qui a préparé cette intervention, en attend une contribution forte à l’endroit des lecteurs et des historiens, qui à la faveur de sa lecture, pourront se faire leur propre opinion sur des faits et des événements qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets. C’est à ce titre qu’ils se proposent d’apporter des clarifications, des critiques ou des démentis, selon le cas, à des arguments, analyses, jugements, écrits rapportés et autres témoignages largement énoncés tout au long de l’ouvrage.
              Parmi ceux-ci :
              l’environnement politique général prévalant en Wilaya III ;
              la réunion projetée à Tunis et les raisons qui la fondaient ;
              l’épineux problème des communications radio ;
              la préparation du déplacement du colonel Amirouche ;
              le registre des doléances du Conseil de wilaya ;
              le déplacement qui lui coûtera la vie : la réalité historique et les supputations de l’auteur quant aux interférences qui auraient influé sur cet épisode ;
              enfin une conclusion pour présenter une image du MALG plus conforme à la réalité.
              I/ L’environnement politique : En cette deuxième moitié de l’année 58, plusieurs événements majeurs ont marqué l’histoire de la lutte de libération en général avec leurs incidences sur la Wilaya III.

              En premier lieu : la formation du GPRA, le 19 septembre 1958, avec la désignation du colonel Krim Belkacem, premier chef de la Wilaya III en qualité de ministre des Forces armées et du colonel Mohammedi Saïd deuxième colonel de la même wilaya, en qualité de chef de l’état-major Est, qui assurait, il faut le rappeler, la tutelle sur les trois Wilayas de l’Est I, II, et III, autant dire que la Wilaya III bénéficiait, de ce fait, d’un soutien politique et moral de poids.

              En second lieu : le «Complot» Lamouri où ce colonel de la Wilaya I ainsi que les colonels Nouaoura et Aouacheria et quelques-uns des officiers de leur entourage a tenté de destituer le GPRA naissant à la mi-novembre 1958 pour des raisons subjectives et partisanes sur lesquelles il est superflu de revenir, l’essentiel ayant été dit de longue date.

              En troisième lieu : la situation matérielle de la Wilaya III, au regard du manque d’équipement matériel, armement, munitions et ce, suite à l’achèvement, à cette période, d’une ligne défensive électrifiée, minée et supérieurement protégée, la ligne Morice qui empêchait pratiquement tout acheminement d’hommes et de matériel vers l’intérieur.

              En quatrième lieu : il s’agit évidemment de l’engagement militaire de l’armée ennemie qui menait une action brutale et soutenue contre la Wilaya III qu’elle considérait comme un bastion stratégique important, qu’il fallait réduire par tous les moyens.
              Toutes les actions multiformes menées par les responsables de cette armée visaient principalement le colonel Amirouche, moteur de la résistance. L’échec militaire devenant patent, il a été fait recours, pour la première fois depuis le déclenchement de Novembre 1954, à un plan diabolique de déstabilisation par l’intoxication et la désinformation semant le doute dans les rangs de la Wilaya III. Ce plan était ce qui a été baptisé la «Bleuite». Celle-ci a réussi au-delà de toute espérance. Le colonel Amirouche tout comme n’importe quel autre responsable conscient du poids de ses responsabilités pour la protection et le sauvetage de son œuvre, n’a pas échappé à la manœuvre. Dès qu’il en prit connaissance à l’été 1958, sa réponse a été rapide, vigoureuse, totale et brutale. Il en assume la responsabilité dans sa lettre du 3 août 1958 adressée à tous les chefs des wilayas de l’intérieur et au C.C.E. Le malheur est que ceux qui ont pris en charge la mission d’y faire face, forts des instructions du chef, ont traqué avec le plus grand zèle et la plus grande barbarie les cibles qui leur ont été indiquées dans cette même lettre-circulaire, à savoir les «intellectuels, les lycéens issus de la grève des étudiants, les déserteurs de l’armée française, les personnes venant de Tunisie, du Maroc ou d’autres régions». Cette traque a duré des mois et s’est traduite par une hécatombe au sujet de laquelle il serait malséant de dresser des statistiques. Pour illustrer le zèle des exécutants de cette sinistre besogne, nous nous permettons de rapporter le témoignage d’un ex-officier de la Wilaya III M. A. M. qui, au lendemain de l’indépendance, a posé la question suivante à l’un des bourreaux de la wilaya, A. M. «Comment as-tu été capable de torturer et tuer autant de moudjahidine» ? «Si je ne l’avais pas fait, Si Amirouche m’aurait tué» ! me répondit-il : (sans commentaire). Toujours dans le chapitre de l’environnement politique, la réunion interwilayas initiée par le colonel Amirouche, du 6 au 12 décembre 1958 et groupant autour de lui les chefs des Wilayas IV, VI et I respectivement Si M’hamed, Si El Haouès et Hadj Lakhdar qui partageaient des préoccupations identiques aux siennes en ce qui concerne le tarissement du soutien extérieur, considéré, à tort ou à raison, comme un lâchage, avait pour but avoué d’unifier les rangs des chefs de l’intérieur, coordonner les actions à mener contre l’ennemi – continuer la chasse aux traîtres, tout en se présentant aux yeux du GPRA et de l’état-major comme un front uni et solidaire dont les avis et suggestions devraient être entendus. La défection de dernière minute du colonel Ali Kafi à cette réunion, qui se tenait sur son territoire, sur ordre supérieur certainement, a rompu l’unanimité souhaitée et infléchi la position des chefs de wilaya vers une attitude plus modérée en les amenant à se limiter aux seules questions militaires et organisationnelles internes, comme en témoigneront les différents P.V. de cette réunion adressés au GPRA dès le 1er janvier de l’année 1959. Bien plus à l’issue de cette réunion et en lieu et place d’une motion de défiance, c’est une motion de confiance et de soutien qui a été adressée le 1er janvier 1959 «au gouvernement de la jeune république», (cf. copie annexée au livre).
              The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

              Commentaire


              • #67
                La réunion projetée à Tunis et les raisons qui la fondaient

                L’ordre du jour relatif à cette réunion a été inscrit dans le message de convocation adressé aux colonels concernés. Il est signé du chef du COM Est Mohamed Saïd et vise les trois Wilayas la I, la II et la III, placées sous sa tutelle. Nous n’avons pas connaissance qu’un télégramme de même nature ait été transmis aux Wilayas IV, V, VI et si cela a été fait, il ne pouvait émaner que du COM Ouest. Le fait que le chef de la Wilaya VI, Si El Haouès, a décidé de s’y rendre malgré le désistement du chef de la Wilaya IV, Si M’hamed qui a reporté son départ, en raison des opérations du Plan Challe «Couronne et Etincelles» qui se déroulaient sur son territoire, depuis décembre 1958, confirme bien la réalité et l’importance de ce rendez-vous. Cependant, le projet d’ordre du jour qui ne mentionnait que des sujets traditionnels et habituels : situation militaire, politique, économique, financière, etc. sans perspective d’un examen de vision future important quant à l’organisation et la stratégie à mettre en œuvre dans la nouvelle phase de la lutte, laisse penser que les vraies questions à débattre étaient volontairement occultées. Nous pouvons avancer sans risque de nous tromper que les liens qui commençaient à se distendre entre l’intérieur et l’extérieur, les critiques non dissimulées, allant dans le sens d’une rupture de confiance, illustrée par la réunion interwilayas sus-évoquée, ainsi que la dramatique question de la Bleuite qui continuait à s’étendre et à décimer des cadres de niveau de plus en plus élevé, en Wilaya IV. Enfin la dissidence interne qui s’éternisait en W.I si bien qu’elle menaçait cette wilaya d’implosion. Tout cela indiquait qu’il ne pouvait s’agir que d’une réunion de mise au point d’une autre dimension où la confrontation n’était pas à exclure.

                L’épineux problème des communications radio

                Les débats ont également porté sur cette fameuse convocation à la réunion «de Tunis». Le Dr Sadi en présente une copie annexée à son livre. Le colonel Kafi parle d’un autre message qui lui est parvenu pour sa transmission au colonel Amirouche, ce que lui conteste le premier cité. Au MALG nous vous apportons la preuve qu’il y en avait trois, comme en témoigne le message signé de la main de Amirouche et ainsi libellé :
                Exp. Sagh Thani Si Amirouch
                Aux armées le 1er mars 1959
                Destinataire : C.O.M. Tunis
                Reçu 1er message date du 25 janvier en Nord Constantinois - remis 16 février
                Reçu 2e message 39-70 le 18-2 par Wilaya I.
                Reçu 3e message n° 47-77 - le 27-2 par Wilaya I.
                Vers 20 avril, serons parmi vous.
                Ce message, dont la copie est jointe en annexe, signé le 1er mars, a été envoyé par porteur au P.C. de la Wilaya I pour sa transmission à partir de la station locale, à COM. Tunis. Il n’est arrivé à ce P.C. que le 30 mars soit le lendemain du décès des deux colonels Si Amirouche et Si El Haouès. Le chef de station de la Wilaya I, Saïd Ben Abdellah, n’a pas jugé utile de lui donner suite comme il l’affirme dans ses mémoires. Une pause s’avère maintenant nécessaire pour expliciter la situation des équipements radio à travers les différentes wilayas à cette époque. Dès la mi-57 après la réception par le colonel Boussouf d’un quota de postes radio, de grande qualité ANGRC/9, toutes les wilayas ont été dotées de deux appareils servis par deux opérateurs chacun. C’est ainsi que la Wilaya III disposait de deux appareils et de quatre opérateurs dont les noms suivent : Belkhodja Nourredine, Aït Hami Tayeb, Laâredj Abdelmadjid et Amar «Dépanneur». Un des deux postes est tombé rapidement en panne et les quatre opérateurs ont été affectés à la station en fonction. Les choses ont marché normalement jusqu’à cette date fatidique du 9 décembre 1958 où l’explosion de la batterie nouvellement installée, après sa récupération opérée quelque temps auparavant sur le théâtre des opérations, a provoqué outre la destruction du poste radio, la mort des trois opérateurs cités en premier et des blessures plus ou moins graves au commandant Mohand Ou L’hadj et Abdelhafidh Amokrane, présents sur les lieux. Cet attentat criminel visait sûrement le colonel Amirouche qui, par chance, se trouvait ce jour-là hors de sa wilaya (réunion du Nord-constantinois). Après la destruction de cet appareil, le Commandement de la Wilaya III s’est trouvé privé de tout moyen radio et avait recours aux services des Wilayas I et II. Sur le plan régional à l’exception de la Wilaya III démunie, la Wilaya VI disposait d’une station dans sa région sud et la Wilaya IV, sous la pression des opérations Challe, avait réduit, sur ordre du colonel Si M’hamed, sa radio au silence total. Dans un paragraphe suivant, nous parlerons des mesures prises par les services du MALG pour remédier en faveur de la Wilaya III à cet important déficit.

                Les préparatifs du déplacement

                Avant que le colonel Amirouche ne prenne son départ vers la frontière, le Dr Sadi nous retrace les décisions organisationnelles prises par lui pour la direction de la wilaya durant son absence ainsi que ses dernières recommandations. Amirouche avait notamment chargé une commission spéciale afin de préparer un mémorandum de doléances à exposer à la réunion projetée en avril à Tunis. Ce mémorandum daté du 2 mars 1959, annexé à l’ouvrage du Dr Sadi, comprenait trente et un points. Sa lecture laisse à penser que le colonel Amirouche n’a pas participé à sa rédaction, parce que le document reprenait un certain nombre de considérations générales et que les points les plus importants de son contenu ne cadraient pas avec la réalité vécue en dehors de la Wilaya III ou bien que la solution avait été apportée auparavant.
                Nous analysons quelques-uns de ces points

                Point n° 3 : «Demandons offensive coordonnée et efficace de la ligne Morice pour attirer des forces ennemies en masse et soulager la pression sur l’intérieur, l’offensive doit surtout permettre le passage de matériel et de munitions. » Cette pétition de principe laisse croire que la Wilaya III ignorait ce qui se passait au niveau des frontières. En effet, après la réunion du 2e CNRA au Caire en août 1957, l’accent avait été mis sur l’effort de guerre et sur instruction du responsable des forces armées, au sein du CCE, une action d’envergure avait été projetée et mise en œuvre tout au long du premier semestre 1958. Sous la conduite du colonel Mohammedi Saïd, dix-sept grandes opérations de franchissement en masse du barrage ont été opérées. Ces actions étaient si violentes qu’elles ont provoqué les mesures de représailles que l’on connaît, avec l’agression de l’aviation française contre la ville tunisienne de Sakiet Sidi Youcef le 8 février. Ces actions ont provoqué des dégâts importants au niveau du barrage et des accrochages dantesques ont eu lieu, dont la bataille de Souk Ahras du 29 avril au 3 mai 1958 qui a opposé un millier de combattants de l’ALN, dont deux compagnies destinées à la Wilaya III à côté du bataillon de Mohamed Lakhdar Sirine. Les renforts pré-installés sur le barrage dès le début de l’année ont mobilisé trois divisions la 2e à Annaba, la 11e à Souk Ahras et la 7e à Tébessa, soit plus de 40 000 hommes auxquels il y a lieu d’ajouter les moyens blindés, aériens et l’artillerie lourde.
                Ces accrochages ont causé des pertes considérables à l’ennemi compte tenu de l’armement moderne des combattants de l’ALN, mais aussi des pertes tout aussi considérables du côté ami, soit plus d’un millier de chouhada en six mois. Malgré ces demi-succès, les actions de harcèlement et les tentatives de franchissement n’ont jamais cessé.

                Point n° 5 : «Réclamons rentrée des cadres et djounoud vivant à l’extérieur.» Cette question sera reprise lors de la réunion des dix colonels et du CNRA des mois de septembre et décembre de l’année suivante. Elle se concrétisera par le retour en Algérie du colonel Lotfi : W.V et pas moins de sept commandants : Abderrahmane Oumira : W. III ; Ali Souai : W. I ; Ahmed Bencherif : W. IV ; Ali Redjai : W. I ; tombé au champ d’honneur sur le barrage ; Faradj : W. V ; tombé au champ d’honneur en même temps que Lotfi ; le commandant Benyzar, tombé également au champ d’honneur sur le barrage et enfin le commandant Tahar Z’biri : W. I.

                Point n° 6 : «Voulons répartition des postes, matériel et personnel des transmissions équitable.» Les services du MALG n’ont pas attendu cette requête, qui ne leur est jamais parvenue d’ailleurs, pour décider et organiser des envois de postes-radio et des opérateurs aux wilayas qui en étaient dépourvues. C’est ainsi que dès que la station-radio de la Wilaya III a été mise hors d’état de fonctionner, dans les conditions que l’on sait, deux envois ont été programmés quelques semaines après : trois postes-radio et six opérateurs, Khentache Abdelouahab, Aïssaoui Rachid, Chebira Amor, Drici Abdelaziz, Maâzouz Mohamed-Salah et Rezzoug Abdelouahab ont été adjoints au lieutenant Hidouche en partance pour la Wilaya III à la tête d’une compagnie. Après mille et une péripéties, le barrage a été traversé et à leur arrivée aux portes de Bône, précisément à Sidi Salem, la Seybouse en crue n’a pas permis leur avancée. Repérés dans la matinée, dans une orangeraie peu couverte, ils ont été pris à partie par l’aviation ennemie ce qui se traduira par la mort, le 24 juin 1959, de 47 djounoud dont les six opérateurs et la capture du reste des combattants blessés. Avant leur mort, les opérateurs avaient jeté leurs postes dans la rivière d’où ils seront retirés, quelques jours plus tard, par les hommes grenouilles de l’armée française. La deuxième opération destinée à la Wilaya III a été engagée à partir de la frontière ouest, au nord de Béchar. Deux opérateurs, Harouni Bouziane et Ladjali Mohamed, munis d’un poste-radio, ont pris la route vers la mi-avril en direction de la Wilaya III. Plus d’un mois plus tard, ils arriveront au PC de la Wilaya IV d’où ils attendront leur acheminement vers le lieu de leur affectation. Ils arriveront finalement à bon port juste avant le déclenchement de l’opération «Jumelles» et resteront silencieux, pendant toute la période de l’opération, pour éviter toute interception.
                The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                Commentaire


                • #68
                  Point n° 16 : «Manquons cruellement matériel et munitions.» La réponse à ce point à été évoquée au point n° 3. Les membres du Conseil de Wilaya font abstraction des barrages électrifiés dont ils sous-estimaient l’efficacité. Les choses allaient beaucoup mieux avant la réalisation de cette ligne fortifiée. Les compagnies d’acheminement se dirigeaient régulièrement de la base de l’est vers la Wilaya III, notamment la célèbre compagnie de «Slimane l’assaut». Un bataillon a également quitté la Wilaya I à la mi-57 transportant plus de trois cents armes à la Wilaya III, ce qui réfute toute idée de discrimination ou d’ostracisme.

                  Point n° 17 : «Proposition d’installation d’une radio nationale à l’intérieur. » Proposition insensée compte tenu de l’équipement complexe, lourd et non maniable exigé, ce qui le rend vulnérable dès sa mise en route.

                  Point n° 23 : «Il est nécessaire de dépasser le stade de la guerilla et de passer le plus vite possible au stade de la guerre par la formation de grosses unités de type régiment ou division pour affronter avec de meilleurs résultats l’ennemi.» Proposition tout aussi insensée. La mise en œuvre du Plan Challe avec de très gros moyens, au contraire, a poussé l’ALN au pragmatisme par l’éclatement des katibas et des sections en unités de plus en plus petites.

                  Point n° 26 : «Aimerions que relations radio soient directes entre wilayas afin de régler problèmes urgents.» Rien n’interdisait les relations interwilayas si ce n’est l’intérêt sécuritaire. En effet, un code de chiffrement ne pouvait concerner que deux intervenants, la Wilaya et le Centre des transmissions national. Un code commun à plusieurs wilayas peut constituer un danger potentiel important en cas de sa récupération par l’ennemi à l’insu des autres parties utilisantes. En conclusion, ces quelques points du mémorandum, considérés sensibles et analysés objectivement, soulignent le caractère imparfait de la connaissance de la situation nouvelle créée par l’évolution de la guerre avec la nouvelle stratégie des grandes opérations «Challe», adossée à un système défensif aux frontières quasiment hermétiques. C’est cette méconnaissance et le manque de communication qui ont alimenté les rancœurs et accru les malentendus entre intérieur et extérieur. Les dirigeants extérieurs ne sont pas, non plus, exempts de tout reproche. Des solutions techniques appropriées pouvaient être envisagées par les commandants des frontières, dont le ravitaillement en armes, la formation et l’envoi de troupes vers l’intérieur constituaient la mission exclusive.
                  The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                  Commentaire


                  • #69
                    Le déplacement fatal

                    Pour son déplacement vers la frontière, le colonel Amirouche n’avait, comme à son habitude, soufflé mot sur le choix de son itinéraire. Sa légendaire prudence et son extrême vigilance faisaient qu’il était impossible pour l’ennemi de le localiser par les voies classiques y compris celles du maillage de plus en plus serré des réseaux d’informateurs locaux dont il avait perfectionné, en liaison avec les S. A. S., le modus operandi. La question de l’indiscrétion des messages radio est à exclure totalement puisque ni lui ni son compagnon ne disposaient de ce moyen et les stations principales en disposant étaient à l’arrêt volontaire ou forcé. L’allusion ici au rôle de Boussouf et de Boumediène, que l’auteur cherche à impliquer avec une énergie décuplée, ne peut résister à la critique. La vérité est que l’ennemi savait que des responsables de haut niveau, c'est-à-dire des chefs de wilaya, devaient se rendre à Tunis pour une réunion dans une période de temps qui se comptait en semaines ou en mois, mais la question des itinéraires restait toujours une inconnue. Il est utile de rappeler qu’en ce début d’année 1959, l’état-major de la 10e Région militaire avait mis en œuvre depuis la fin de l’année 1958 un vaste plan «d’éradication de la rébellion» selon les propos du général de Gaulle, que le général Challe lui-même devait encadrer et piloter. Partant de l’Oranie à l’ouest, de vastes opérations de ratissage avaient été menées et se concentraient en ce premier trimestre 1959 sur l’Ouarsenis et le Titteri. Des troupes nombreuses et suréquipées étaient à l’affût de la moindre information pour intervenir en n’importe quel point du territoire ciblé. Les opérations de recherche étaient donc nombreuses et les accrochages fréquents. C’est ce qui s’est passé dans la région de Bou Saâda où, d’approche en approche, ces troupes sont tombées tout à fait par hasard sur l’équipée des deux colonels sur le djebel Thamer, ce qui est confirmé par de nombreux cadres de l’ALN ayant vécu l’événement et consigné leur témoignage y compris dans le débat en cours. Beaucoup de rumeurs ont été propagées pour affirmer que l’encerclement en question fait suite à des aveux de djounoud arrêtés aux abords du djebel Thameur ou celui du djebel Zemra et ce suite à des opérations de routine d’unités du secteur. Cette éventualité est à écarter puisque le commandant de la 20e Division d’Infanterie, le général Roy, souligne dans son «rapport détaillé sur l’opération Amirouche», que la sous-zone Sud dont il avait le commandement s’étalait sur 30 000 km2 et qu’une série d’opérations y a été envisagée en «fonction de synthèses de renseignements établies par les 2e Bureau des secteurs de Djelfa et de Bou Saâda». Ce rapport du général Roy a été annexé par le Dr Sadi à son livre, pour bien montrer que le renforcement et la concentration de troupes dans cette sous-zone avaient été décidés par le général Massu suite à des renseignements parvenus à celui-ci (comment ?) indiquant le passage par le Hodna du colonel Amirouche. Malheureusement pour le Dr Sadi, ce rapport ne peut lui être d’aucun secours, parce que profane sur les questions militaires. Il en fait donc une très mauvaise lecture. Premièrement, la liste des unités composant la 20e DI citée dans le rapport n’indique en rien le renforcement. Bien au contraire, par rapport à la composition classique de la 20e DI telle qu’elle figure dans les organigrammes des 16 divisions existant en Algérie et présentée dans le livre de François Porteu de la Morandière Histoire de la Guerre d’Algérie page 364, la 20e DI installée à Médéa le 5 février 1957 comptait un nombre d’unités plus important à cette date, puisqu’il lui manque trois régiments importants qui ont été déplacés : le 2e RI, le 6e RI et le 19e Régiment de chasseurs. Le régiment parachutiste dont il est fait mention, comme unité de renfort, n’est que le 6e RPIMA qui préexistait dans l’organigramme. La seule unité nouvelle engagée dans l’action est le 2e Régiment étranger de cavalerie (Légionnaires) qui a été affecté aux réserves générales et opérait avec celles-ci dans le nord-ouest de la zone Sud, c'est-à-dire sur le territoire de la Wilaya IV. De plus le rapport, pourtant demandé par le Premier ministre français, n’indique nullement que l’objectif visé dans ces opérations, celle du djebel Zemra comme celle du djebel Thameur éloignées quand même de 80 km l’une de l’autre, concernait personnellement le colonel Amirouche. D’autres versions officielles existent, dont celle contenue dans le livre La Guerre en Algérie de l’historien militaire Georges Fleury que le Dr Sadi a dû lire puisqu’il le cite dans la bibliographie de son ouvrage. Georges Fleury rapporte que l’identité des hauts responsables n’a été déterminée qu’à l’issue de la bataille, ce qui a fait arriver en grande vitesse, ajoute-t-il, tout le gratin des «généraux étoilés». Il est facile d’en conclure que si les deux colonels avaient été localisés avant l’assaut, les mêmes «généraux étoilés », dont Massu, se seraient trouvés sur place à portée de fusil du théâtre des combats. Alors pourquoi ces accusations récurrentes contre Boumediène et Boussouf ? Nous pouvons comprendre que le démocrate Saïd Sadi n’a pas, d’atomes crochus avec Boumediène parce qu’il ne partage absolument pas, et c’est son droit, les idées et la conception de l’exercice du pouvoir tel que pratiqué par celui-ci durant de très longues années. Ce n’est pas le cas de Boussouf qui a volontairement quitté l’arène politique à la veille de l’Indépendance quand il a vu l’inclination des nouvelles alliances à s’orienter vers un pouvoir autoritaire d’exclusion et de déni des principes, dont il s’est nourri avec des militants de la trempe de Ben M’hidi durant leurs dures années de militantisme clandestin. Ces principes d’intégrité morale, de don de soi, de patriotisme sans concession, il les a appliqués à la lettre durant l’exercice de ses responsabilités durant la Révolution. Oui il a été dur et rigoureux avec ses pairs lorsque les circonstances l’exigeaient, mais il a agi, il a construit, il a laissé un bilan. De tout ce bilan : liaisons, transmissions, radio, logistique de meneur d’hommes, pourvoyeur d’armes, formateur dans les disciplines militaires basiques et dans les disciplines spécialisées, ambitieux pour la Révolution autant que pour ses cadres qu’il voulait élever au plus haut niveau de leurs possibilités et il y est arrivé puisqu’il a laissé à l’Algérie indépendante des centaines de cadres intégrés, engagés, immédiatement utilisables. On oublie donc tout ce bilan pour s’accrocher au Boussouf responsable des services de renseignement de la Révolution. Il faut pénétrer dans le secret de ces services pour constater que ce n’est pas du tout l’image qu’en donnent leurs détracteurs. Les services de renseignement de Boussouf étaient orientés exclusivement vers l’ennemi dont il fallait connaître les intentions et les moyens d’action que ce soit dans le domaine militaire prioritaire, politique, économique, ou diplomatique. Ces informations, Boussouf les mettait au service de la Révolution et au service de la lutte. Si les cadres qui ont travaillé avec lui, et ils sont plus de deux mille comparativement aux quelques dizaines de cadres qui faisaient tourner les autres secteurs ministériels, lui témoignent aujourd’hui respect et reconnaissance c’est encore et à cause de son bilan qui est aussi le leur. Boussouf n’avait aucun problème avec Abane, Krim ou Amirouche. Leurs chemins se sont très peu croisés. Arrivera un moment où toutes ces questions seront éclaircies. Par ailleurs, Boussouf n’a joué aucun rôle dans ce qui s’est passé après l’indépendance, et les tenants du pouvoir en place lui vouaient une inimitié incompréhensible. Ses «hommes», si souvent montrés du doigt, ont, grâce à la compétence acquise, occupé effectivement des postes importants dans les rouages de l’Etat naissant, dans le secteur minoritaire de l’armée, dans ceux de l’administration et de la diplomatie, mais les analystes éclairés, et le Dr Sadi doit en faire partie, savent que ni eux ni les autres cadres à la tête de rouages stratégiques de l’État ne constituaient le pouvoir, propriété exclusive de la tête de la pyramide. Aujourd’hui les membres de l’Association du MALG, membres à part entière de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), ne sont pas un parti ou un lobby politique et encore moins une secte. Il s’agit tout simplement d’une Amicale d’anciens compagnons issus de toutes les parties du territoire national dont une grande partie de la région que certains veulent singulariser à tout prix et leur ambition a été et demeure d’apporter les témoignages de ce qu’ils savent sur la lutte de libération tout en renforçant les liens de fraternité qui devraient prévaloir partout et toujours pour la préservation de l’image sacrée de la grande Révolution.
                    P./le bureau du MALG
                    D. O. K.
                    lesoirdalgerie
                    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                    Commentaire


                    • #70
                      L’Histoire, la panse et la folie

                      Je suis avocat et citoyen. Le premier aurait pu trouver matière à une belle plaidoirie si le débat devait avoir lieu dans un tribunal, le second est désespéré devant tout ce que révèlent comme menace sur le pays les attaques qui ont suivi un livre qui invitait à une lecture non officielle de notre histoire. Comment rester serein et si possible constructif dans un environnement hystérique ? Difficile quand les protagonistes décident de ne pas parler de ce qui a motivé l’ouvrage : la séquestration des restes de deux héros de la guerre de Libération nationale.
                      Les contradictions, les dissimulations de preuves et les procès d’intention pour cause d’origine régionale de l’auteur signent une stratégie de diversion qui n’invite pas, c’est le moins qu’on puisse dire, à échanger. La démarche pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Mais comme laisser le lynchage se perpétrer dans l’indifférence constitue un encouragement pour un pouvoir repu aux abus, j’ai fini par me hasarder dans ce non-débat en m’interrogeant sur les intentions de leurs auteurs et en osant, non pas les mettre face à leurs incohérences, mais en leur rappelant leur parcours et responsabilités dans le drame algérien ; car après tout, c’est bien autour de cela que tourne cette levée de boucliers. Au risque de paraître vouloir alimenter la polémique, j’ai choisi d’adopter, moi aussi, un style direct car je sais que pour l’instant il est vain d’en appeler à la raison. Le livre de Saïd Sadi a eu l’avantage de lever les lièvres. La réaction des planqués des frontières ou de leurs complices, qui sont dans leur rôle, n’est pas intéressante en elle-même, Ali Kafi n’ayant même pas lu le livre est même allé jusqu’à désigner à l’assassinat Saïd Sadi et Nordine Aït Hamouda, le fils du colonel Amirouche. C’est dire que les atavismes ont la vie dure chez nos chefs ! Les répliques des élites asservies constituent, par contre, un danger pour l’Histoire et la cohésion nationale : c’est le segment soft du segment hard malgache. La toute récente intervention de M. Mebroukine est une véritable offre de service ; le seul reproche qu’il adressa à M. Ali Kafi est son ingratitude envers Boumediène qui en avait fait un ambassadeur. C’est dire que la seule préoccupation de M. Mebroukine est promotionnelle. Une ambassade n’est pas destinée à représenter la nation mais à calmer des appétits. A charge pour celui qui en bénéficie de comprendre et d’appliquer la loi du milieu : tu as mangé, il faut te taire : on ne parle pas la bouche pleine. Nous avons tous compris que Saïd Sadi a pris l’exemple du colonel Amirouche, trahi pendant la guerre et séquestré après, pour susciter le véritable débat, longtemps occulté, sur la genèse du pouvoir en Algérie et, dans la foulée, éclairer le rôle des forces des frontières qui engrangent actuellement les dividendes d’une guerre qu’ils n’ont jamais livrée ! Le sujet est celui-là. Il n’est pas interdit d’en parler sauf à vouloir maintenir coûte que coûte le même système. Il n’y aurait que deux raisons pour justifier une telle option : soit on a un intérêt évident pour reproduire et faire durer les choses, soit la formule est efficace. Regardons de près ce qui nous arrive depuis plusieurs décennies. Le rappel, j’en conviens risque d’être fastidieux, mais ce n’est pas parce que les fautes sont anciennes qu’il faut s’en accommoder ou qu’elles en deviennent moins dangereuses.
                      - La corruption est érigée en institution ; elle est légalement protégée puisque les détournements de milliers de milliards relèvent de la simple correctionnelle et le maximum de la peine encourue est 10 ans.
                      - Les terres agricoles de l’Algérois, de l’est et de l’ouest sont loties et bétonnées au point où le ministre du Commerce nous annonce l’importation du citron pour le Ramadhan.
                      - Notre jeunesse garde les murs pendant que des Chinois posent notre carrelage et nos pavés.
                      - Avec plus de 200 milliards de réserves de changes, nous avons 30% de chômeurs. Certains diplômés des hautes études n’ont pas encore leur première attestation de travail à l’âge de 40 ans.
                      - Fait unique dans l’histoire du monde pédagogique, nous allons avoir une promotion de mini-bacheliers qui ne franchiront pas le seuil de la première année de l’université et le ministre reste indéboulonnable.
                      - L’autoroute Est-Ouest et la pêche sont livrées en quartiers entiers aux corrupteurs et aux corrompus.
                      - Les chefs-lieux de wilaya sont infestés de bidonvilles dont les occupants sont intégrés dans les statistiques de l’emploi.
                      - Selon le défunt fondateur de l’Institut national de l’agronomie, l’Algérie n’est plus un pays agricole avec l’avancée du désert et du béton ; la Mitidja s’est mise à la production de la fraise.
                      - Nous importons plus de 90% de notre facture alimentaire et nous nous enorgueillissons d’une équipe nationale entièrement importée après avoir insulté les binationaux.
                      - Sonatrach, l’unique mamelle d’une économie mono-productive, est livrée à la rapine.
                      - Une justice rongée par l’incompétence et la corruption qui ne trouve que les lampistes, les journalistes et les guerriers de la liberté à incarcérer.
                      - Pis encore, pour la gouvernance, nous avons des exorcistes adeptes de la roqia au gouvernement.
                      - Sur la scène internationale, nous apparaissons alternativement comme des clowns diplomatiques ou, dans le meilleur des cas, en tant que supplétifs des services de renseignement occidentaux.
                      En vérité, mon intervention pourrait s’arrêter là. Qui nous a menés à cette situation, comment et pourquoi ? D’où l’intérêt de trouver un temps pour jeter un regard sur notre histoire. La liste des désastres peut être rallongée à l’infini. Pour moins que cela, c’est tout le gouvernement qui mettrait la clé sous le paillasson. Sous d’autres cieux, un Premier ministre s’est suicidé avec panache pour quelques milliers de francs empruntés sans intérêt. C’est dire qu’ailleurs l’honneur et le respect de soi ne sont pas de vains mots, surtout lorsque l’on prétend à la représentation populaire. Mais à qui parlons-nous ? Actionnés avant d’être synchronisés, MM. Mebroukine et Benachenhou ont ouvert le feu avec une indigence intellectuelle qui ne les a toujours pas amenés à un minimum de retenue. Nous avons mal à notre Algérie. Le chanteur kabyle Aït Menguellet a résumé en quelques mots les compromissions et les trahisons en temps de guerre et en temps de paix : wara yghelten tagara? (qui va engranger à la fin ?). Le même poète a fini sa chanson, excusez- moi d’emprunter à votre registre, en tirant la chasse. Le ridicule ne tue pas, il assassine : Abane, Krim, Khider et Boudiaf en live sur une télévision d’Etat. Aucun de ceux-là n’a eu les faveurs de votre rétroviseur, si vous en avez un. Vous avez fixé les règles qui régissent le pouvoir et vous voulez imposer votre logique à l’opposition. On ne parle que de ce qui vous agrée. Oui mais le pouvoir en Algérie est construit sur le crime : physique, symbolique, économique… Nous n’avons que le choix de débattre de notre pays pendant qu’il est encore temps pour sauver quelques débris. Il faut être aveugle politiquement ou fou ou les deux pour continuer à hurler, en espérant brouiller les pistes. Il n’y a plus de pistes. Vous avez bouché tous les chemins. Je ne viens pas à la rescousse de Saïd Sadi, il en a vu d’autres ; et vos agitations, esquivant le débat, ne constituent de toute façon en rien des réponses aux sujets qu’il traite. L’Histoire retiendra la pertinence et la prémonition des idées qu’il a souvent engagées dans le désertique champ politique national. Sans trop y croire, je vous invite quand même à vous demander ce que l’Histoire retiendra de vous.
                      Maître Mezil Saïd,
                      avocat agréé à la Cour suprême,
                      barreau de Tizi-Ouzou
                      lesoirdalgerie
                      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                      Commentaire


                      • #71
                        Nous appartenons à une sphère
                        culturelle et religieuse qui,
                        historiquement, magnifie le «puissant»
                        et méprise le «faible». Le faible n’a que
                        le droit pour lui, tandis que le puissant
                        est réputé jouir de tous les droits, dès
                        lors qu’il possède les attributs de sa
                        volonté de puissance : sa seule et
                        suffisante légitimité réside dans sa
                        capacité de violence à l’égard de ceux
                        qu’il a soumis ou entend soumettre. Peu
                        importe les moyens brutaux, immoraux
                        ou cruels qui lui ont permis d’accéder à
                        sa position de puissance : celui qui veut
                        se hisser au sommet sait que, dans nos
                        pays, si on gagne, alors on est paré de
                        toutes les vertus. La force sans mesure,
                        sans limitation par un quelconque
                        contrat politique, tient lieu de règle de
                        fonctionnement de nos communautés
                        et, même, au fond, de morale.
                        J’appellerais cela le syndrome Saddam
                        Hussein, si répandu dans nos
                        contrées…
                        Cette morale de la jungle où l’on
                        n’hésite pas à se débarrasser de ses
                        compagnons-adversaires (au besoin en
                        les assassinant) a été trop souvent la
                        règle dans les rangs des dirigeants
                        algériens (ou aspirant à l’être), que ce
                        soit durant le conflit contre la puissance
                        coloniale pour l’indépendance du pays
                        ou dans la période qui a suivi le 5 juillet
                        1962, quand on a assisté au
                        déchaînement des appétits de pouvoir
                        et de prédation des anciens libérateurs,
                        civils et militaires, oublieux du jour au
                        lendemain de la promesse faite aux
                        martyrs de toujours de s’incliner en
                        dernier ressort devant la volonté du
                        peuple algérien, peuple que les uns et
                        les autres se targuaient si
                        orgueilleusement d’avoir libéré.
                        ON OUBLIE
                        Ce vieux tropisme d’admiration sidéré
                        pour la force subvertit en profondeur
                        notre inconscient social. Il affecte
                        encore lourdement le regard de
                        l’intellectuel de nos régions, même
                        autoproclamé «démocrate», quand il lui
                        vient à l’idée de participer aux débats
                        (ou, plutôt, ce qui en tient lieu chez
                        nous : les échanges d’insultes
                        ordurières…) autour de notre histoire
                        en général et, en particulier, d’une de
                        ses pointes extrêmes : la guerre de
                        Libération.
                        L’exemple du «débat» autour
                        d’Amirouche en est une illustration
                        frappante. Ce qui me frappe dans ces
                        «échanges» est le mépris absolu dans
                        lequel sont tenues les victimes de la
                        «bleuïte» : on oublie, de manière
                        épouvantablement «facile», qu’il s’agit
                        de lycéens et d’étudiants algériens
                        pleins d’idéal, montés au maquis à
                        l’appel du FLN et torturés et assassinés
                        par ce même FLN. Je précise bien :
                        FLN et non pas seulement Amirouche,
                        car le FLN n’ayant jamais condamné
                        les crimes de guerre d’Amirouche et de
                        ses adjoints contre ces jeunes gens, il
                        les a de facto cautionnés et repris à son
                        compte ! J’ai lu et entendu bien des
                        justifications plus ou moins
                        embarrassées sur le comportement
                        sanguinaire du chef de la Wilaya III, du
                        type : c’était la guerre, on n’avait pas le
                        temps de finasser, de discerner entre les
                        traîtres et les innocents, toute guerre
                        entraîne des dégâts «collatéraux», la
                        balance entre les faits d’armes
                        d’Amirouche et ses crimes penche du
                        côté positif, on doit pardonner
                        l’impardonnable aux héros parce que le
                        pays a besoin de héros, la fin veut les
                        moyens, etc.
                        ANIMAUX NUISIBLES
                        Je soutiens, quant à moi, que la guerre
                        de Libération était indispensable, mais
                        que les crimes commis en son nom ne
                        l’étaient pas. Si ceux-ci ne sont pas
                        reconnus comme tels, alors ils
                        imprégneront pendant longtemps la
                        substance du présent et du futur du pays
                        et les tueries de Bentalha et de Raïs
                        continueront de tirer une partie de leurs
                        monstrueuses justifications de leurs
                        homologues des années cinquante.
                        Ce même mépris pour les victimes des
                        purges sanglantes, je l’ai rencontré lors
                        de la préparation de mon roman Le
                        Rapt portant sur le massacre de
                        Mellouza : j’ai eu l’impression
                        insupportable que les malheureux
                        habitants du village de Beni Ilemane
                        tués sur ordre du colonel Mohammedi
                        Saïd n’étaient que des animaux
                        nuisibles, de l’espèce du rat ou du
                        serpent venimeux, tant personne ne
                        semble éprouver ou, du moins, exprimer
                        le moindre remords ni envers eux ni
                        envers leurs descendants. Je ne parle
                        évidemment pas du FLN officiel,
                        puisque celui-ci, jusqu’à présent, ne
                        tarit pas d’éloges sur son colonel
                        meurtrier ; je parle du reste du pays, des
                        journalistes, des intellectuels, des
                        hommes de religion…
                        Les puissants comme Amirouche et
                        Mohammedi Saïd m’indiffèrent
                        totalement, il s’en trouvera toujours
                        quelqu’un pour s’affranchir à bon
                        compte du principe du caractère sacré
                        de la vie humaine et défendre
                        l’indéfendable. Seul m’intéresse le
                        destin des gens ordinaires, à quelque
                        côté qu’ils appartiennent, pris dans les
                        rets funestes de la grande Histoire.
                        Mettre ces inconnus sous la lumière de
                        la mémoire collective et leur restituer
                        cette dignité d’être humain qui leur a
                        souvent été refusée lors de leur mise à
                        mort, telle a été l’ambition (insensée,
                        probablement) qui m’a guidé pendant
                        l’écriture du Rapt, et de manière
                        générale, de mes autres romans. Nous
                        ne disposons pas de portraits individuels
                        des martyrs de la «bleuïte» et de
                        Mellouza. Pourquoi, selon vous ?
                        Serait-ce que nous ne saurions supporter
                        leur regard de reproche ?
                        Anwar Benmalek sur Elwatan
                        ******
                        Traduit en dix langues, plusieurs fois
                        primé, Anouar Benmalek est l’auteur,
                        entre autres, des Amants désunis
                        (1998) et de L’Enfant du peuple ancien
                        (2002), ou encore Ô Maria (2006). Le
                        Rapt est sorti chez Fayard en 2009.
                        Ancien professeur à l’université des
                        sciences et de la technologie (USTHB)
                        d’Alger, il fut secrétaire général du
                        Comité algérien contre la torture
                        (CACT) de 1989 à 1991.
                        .
                        .
                        .
                        .

                        Commentaire


                        • #72
                          Ce qui me frappe dans ces
                          «échanges» est le mépris absolu dans
                          lequel sont tenues les victimes de la
                          «bleuïte» : on oublie, de manière
                          épouvantablement «facile», qu’il s’agit
                          de lycéens et d’étudiants algériens
                          pleins d’idéal, montés au maquis à
                          l’appel du FLN et torturés et assassinés
                          par ce même FLN.


                          Voila comment on devient intoxiqué par la propagande des services spéciaux français qui ont désignés l'ALN coupable d'assassinats de lycéens et d'étudiants. Alors qu'elle fut victime d'un vaste complot de noyautage et d'infiltration opéré depuis le démentellement de la zone autonome d'alger et le retournement de la majorité de ses membres. Selon les témoins encore en vie qui ont écrit sur ce sujet (voir les livres de Attoumi Djoudi, Hamou Amirouche, Abdelmadjid Azzi etc..) au contraire, l'ALN à réussi à déjour ce vaste complot qui aurait eu raison de son organisation et même de son existance. Il faut être prudent dans la façon d'aborder le sujet, car l'exagération n'a pas d'autres but que de discréditer les forces qui ont combattu pour l'indépendance. Informez vous auprès des témoins avant de lancer des accusations grattuites....

                          Commentaire


                          • #73
                            c'est pas nouveau qu'on assiste depuis l'indépendance à un travail de sape visant à évincer la Kabylie des glorieuses pages d’histoire de ce pays.

                            Depuis toujours des supplétifs du pouvoir se sont toujours acharnent contre Aït-Ahmed en voulant réduire son rôle durant la guerre de libération. maintenant que l'occasion leur est offerte c'est les attaques contre le défunt colonel Amirouche par le biais de ce benachenhou .

                            Commentaire


                            • #74
                              Alors qu'elle (l'ALN)fut victime d'un vaste complot de noyautage et d'infiltration opéré depuis le démentellement de la zone autonome d'alger et le retournement de la majorité de ses membres. Selon les témoins encore en vie qui ont écrit sur ce sujet (voir les livres de Attoumi Djoudi, Hamou Amirouche, Abdelmadjid Azzi etc..)
                              Les victimes de la bleuite sont bel et bien des lycéens, quelques étudiants et beaucoup d'autres jeunes recrues de tous les milieux sociaux, et non de prétendus"retournés de la ZAA.
                              par ailleurs, il est tout à fait normal que les livres écrits par les militants du RCD ne viendront pas contredire celui de leur presdent S.Saadi mais abonderont dans le même sens.

                              Le capitaine Léger décide de noyauter l’organisationddu FLN.
                              Son supérieur hiérarchique, le colonel Godard, lui-même ancien de la Résistance, des troupes du 11e choc et du renseignement en Indochine, approuve son projet. Le GRE (Groupe de Renseignement et d’Exploitation) est né.

                              Le principe de la bleuite est simple et diabolique. Quand un rebelle est identifié et arrêté, il est interrogé, souvent torturé, toujours compromis ou piégé. On lui offre de changer de camp. Brisé, retourné ou acquis à sa nouvelle cause, il rejoint les Bleus. Une fois remis en liberté, il reprend le chemin de sa willaya,on l’aide en secret à gravir un à un les échelons de l’Armée de Libération nationale. Le jeu est terriblement dangereux. De son bureau à Alger, le capitaine Léger met à profit le moindre renseignement et document saisi, confectionne de faux cachets et rédige des lettres signées des «frères d’Alger» qu’il fait parvenir par des boîtes aux lettres clandestines aux vrais «frères du maquis».
                              Au fil des mois, ses hommes s’infiltrent, le renseignent et tissent une vaste toile d’araignée. Un soir, quand un de ses émissaires revient de la montagne en lui mettant sous les yeux une lettre officielle surchargée de cachets du FLN, le capitaine Léger se frotte les yeux: «Le porteur de cet ordre de mission est habilité au nom de la willaya III à représenter l’armée et le Front de Libération nationale au sein de la zone autonome d’Alger.»

                              En clair, ce sont désormais les services français qui ont pris la direction politico-militaire de la région d’Alger, toute une partie du maquis. Et c’est le capitaine Léger qui décide du choix des armes et du lieu des attentats antifrançais! Evidemment, les nuits d’Alger redeviennent calmes et il ne se passe plus grand-chose en dehors d’une voiture brûlée et d’une escarmouche sans conséquences. L’opération «double jeu» va durer six mois, pendant lesquels le FLN se demandera, stupéfait, pourquoi les activités terroristes des «frères d’Alger» sont quasi nullesFin 1958, la manipulation se transforme en intoxication meurtrière quand Léger introduit au sein du maquis le virus de la bleuite, qui va progressivement gagner toute la willaya III du redoutable Amirouche. La méthode consiste à déceler un authentique maquisard, et à faire mine de lui proposer de rejoindre les Bleus. Le capitaine Léger lui explique alors à quel point le maquis est infiltré, lui cite les noms des «traîtres», lui fait lire des faux documents et entendre des pseudo-messages radio à destination de ses soi-disant complices de la willaya III. Il suffit ensuite de faire semblant d’envoyer l’homme en mission non loin d’un maquis FLN pour qu’il s’empresse de s’évader et d’alerter ses chefs sur l’étendue des dégâts présumés.

                              Dans la montagne, le doute s’installe, renforcé par la découverte de cadavres algériens tués dans un simulacre bruyant d’embuscade. Sur les corps abandonnés, les vrais fellaghas accourus découvrent de petits papiers soigneusement roulés, faux ordres de mission français cousus dans la doublure des treillis. Le syndrome aigu de paranoïa politico-militaire va gagner, s’étendre en cercles concentriques à toute la willaya et déboucher sur un nettoyage façon Khmers rouges. [...]
                              Dans la willaya III, Amirouche, son chef, est connu comme un homme intraitable, psychorigide et brutal. Puisqu’il est persuadé que le corps de la rébellion est gangrené, il décide de traiter le mal à sa manière. Son lieutenant Hacène Mayhouz fait installer chaque soir un kanoun, sorte de barbecue à même le sol, et suspendre les premiers suspects par les chevilles et les poignets... C’est la technique de l’«hélicoptère», où le supplicié monte et descend le ventre offert aux braises du kanoun. Au petit matin, ceux qui n’ont pas parlé sont morts; les autres, atrocement brûlés, ont fini par avouer n’importe quoi et à donner d’autres noms. Ils sont exécutés comme le méritent les «traîtres». Fort de ces renseignements, Amirouche ordonne aussitôt d’élargir le champ des investigations. Et l’«hélicoptère» fonctionne à plein régime.
                              Le 3 août 1958, Amirouche adresse une longue mise en garde aux commandants des autres willayas: «Cher frère, j’ai le devoir de vous informer en priant Dieu pour que ce message vous parvienne à temps de la découverte en notre willaya d’un vaste complot ourdi depuis de longs mois par les services français contre la révolution algérienne. Grâce à Dieu, tout danger est maintenant écarté, car nous avons agi très rapidement et énergiquement. Dès les premiers indices, des mesures draconiennes étaient prises en même temps: arrêt du recrutement et contrôle des personnes déjà recrutées, arrestation des goumiers et soldats "ayant déserté", arrestation de toute personne en provenance d’autres willayas, arrestation de tous les djounoud [soldats] originaires d’Alger, arrestation de tous les suspects, de toutes les personnes dénoncées de quelque grade qu’elles soient et interrogatoire énergique de ceux dont la situation ne paraissait pas très régulière.»

                              On estime à 2000 hommes le nombre de «suspects» suppliciés. Dans sa circulaire, Amirouche précise que les traîtres sont surtout des personnes instruites, intellectuels, étudiants, collégiens, médecins et enseignants. L’«hélicoptère» a sans doute brûlé jusqu’à la mort le ventre d’une partie de l’intelligentsia algérienne.

                              J-P MARI Prix Méditérranée 2002
                              .
                              .
                              .
                              .

                              Commentaire


                              • #75
                                Eh ben ! on en apprend des choses ici !!!
                                Allah yarhem tous les chouhadas . je ne peux rien dire de plus ,je suis boulversé.
                                Ce n’est pas parce qu’on a des idées fondées sur la religion qu’on est terroriste, et ce n’est pas parce qu’on se prétend moderniste ou démocrate qu’on ne l’est pas. Mahiou FFS assassiné le 4/11/1994

                                Commentaire

                                Chargement...
                                X