Entretien avec Rachid Oulebsir
Ecrivain, essayiste, ancien journaliste au journal Le Matin, diplômé d’études approfondies en Economie politique des universités Paris Nord et Paris 1 Panthéon Sorbonne, Rachid Oulebsir nous livre une analyse pertinente sur l’ambiance politique qui entoure la préparation des élections législatives du 10 mai prochain. Droit au but, l’auteur expose les contours d’un scrutin qui a pris une tournure carnavalesque et dévoile les enjeux d’une élection programmée.

M. Oulebsir, vous qui êtes un observateur averti de la scène politique locale, quelle lecture faites-vous des prochaines joutes électorales sachant que le nombre de candidats en course pour les 12 sièges est passé du simple au double cette fois-ci ?
Procédons de façon pédagogique : Quel est l’objectif de ces élections ? Dans la forme, c’est renouveler le parlement, dans le fond élire des députés qui rédigeront la prochaine constitution de la RADP ! Au regard des listes pléthoriques et des profils affichés, on peut dire sans risque d’erreur que les candidatures ne répondent pas aux objectifs fondamentaux de cette élection, même si formellement elles feront illusion ! L’assemblée Populaire nationale connaitra un renouvellement de génération qui ne touchera pas au rôle et au fonctionnement de cette dernière, c’est comme si on changeait de chauffeur sans changer de véhicule, si on mettait un jeune conducteur au volant d’un vieux camion.
L’absence de filtre, en termes de niveau intellectuel, dans la loi électorale, permet à tout citoyen d’être élu à la chambre basse ! C’est une porte ouverte au pouvoir de l’argent, au primat de la fortune sur l’intelligence et la compétence ! Nous nous retrouverons avec des bouchers, des mandataires, des maîtres du commerce informel et du change parallèle, des importateurs de Kiwi, qui ont acheté les têtes de listes, qui, sous des couleurs nationalistes, islamistes ou pseudo-démocrates, formeront la majorité de ce pouvoir législatif. On devine aisément la faible influence de cette assemblée face à un pouvoir exécutif omnipotent et omniscient ! Ne restera aux nouveaux députés qu’à apprendre à lever la main , réflexe qu’ils copieront sur les anciens auxquels le Pouvoir a pris le soin de financer la campagne en leur octroyant une prime de sortie de plus de 300 millions de centimes, qui est en fait une prime de retour sans difficulté !
Pour ce qui concerne Bejaia, 42 listes se disputeront 12 sièges ! On peut diviser ces 42 listes en trois groupes : Les listes des anciens partis à ancrage militant transversal qui auront des électeurs dans les 52 communes de la wilaya, il s’agit du FLN ,du FFS ,du RND, et de la liste de l’Alliance verte islamiste, à un degré moindre le PT , le PST , l’ANR. Si les ténors du premier groupe peuvent arracher une moyenne de 2 sièges chacun cela fera 8. Si les petits partis prennent 1 siège chacun nous arriverons à un total de 11, il restera un siège que se disputeront 35 listes constituant le dernier groupe !!! Du jamais vu ! Le candidat indépendant chef des « patriotes », proche des militaires et la tête de la liste indépendante « Fidélité » (extraction du RCD) pourront se disputer ce siège restant ! A moins que quelques nouveaux partis créent la surprise, je pense au MPA d’Amara Benyounès qui a mis une femme comme tête de liste.
Des candidats pour la députation auraient payé rubis sur ongle des chefs de partis pour figurer sur une liste électorale, chose qui vous a dissuadé, croit-on savoir, de vous présenter sous les couleurs du parti AHD 54. Est-ce vrai ?
Je sais que de nombreux candidats ont payé leur participation, information que les partis concernés n’ont pas démentie, et que certains ont même confirmée pour s’enorgueillir comme d’un acte « intelligent ». Pour ce qui est du parti que vous mentionnez, il ne m’a jamais demandé de payer bien au contraire je témoigne que ce parti a plaidé pour un financement public des élections ! Je n’ai pas participé pour des raisons politiques ! Je m’étais préparé à monter une liste indépendante bien avant le vote sur la loi électorale. Avec le rapprochement du FFS avec le pouvoir d’Alger, j’avais parié sur des législatives pour une assemblée constituante, mon analyse a péché par optimisme. Après l’adoption de l’actuelle loi électorale, je me suis retiré, j’ai compris que le pouvoir n’acceptera jamais de changer par les urnes. Même le FFS s’est fait avoir ! Je n’étais pas disposé à apporter ma caution à cette mascarade ! Est-ce que le meneur de la liste dont vous parlez a payé une CHKARA ? ça ne m’intéresse pas !
Croyez-vous que les gens vont se rendre en masse aux urnes le 10 mai prochain ? Et qui en sortira vainqueur ?
Il n’y aura pas de vote massif, la tendance sera vers une forte abstention. L’abstention favorisera bien entendu les vieux partis qui ont leurs militants fidèles ! Plus l’abstention sera forte plus les partis comme le FLN et le FFS auront un nombre élevé de sièges. Ce qui intéresse le pouvoir central, que cette élection confortera quelque soit son résultat, c’est le fort taux de participation à faire valoir à l’opinion internationale en premier chef et à l’opinion nationale comme gage de la nature moderniste et démocratique du pouvoir. L’abstention constitue la hantise pour le pouvoir central qui a mis tous les moyens pour mobiliser l’électorat. Le RCD et des personnalités locales ont appelé au boycott actif. L’aile abstentionniste du FFS, agglomérée autour de Djamal Zenati, fait un gros travail de proximité pour faire payer au cabinet noir d’Ait Ahmed dirigée par les frères Baloul, sa « capitulation » et sa participation à ces joutes que la crise sociale marquée par la flambée des prix des biens et des services a totalement éclipsées. A Béjaïa, la population historiquement politisée et marquée par une forte densité de lettrés, le taux d’abstention battra tous les records et cette tendance déteindra sur les wilayas limitrophes, malgré la pléthore de listes qui mobilisera un électorat familial et tribal !
Il faudra signaler que la jeunesse qui inscrit sa vision à l’échelle planétaire grâce à l’Internet et au fétichisme de la marchandise (effets de la circulation des biens de consommation venant de l’Occident et des valeurs qu’ils portent) est désintéressée par la politique qui n’a pas de lien avec sa vie quotidienne dramatique ! Des milliers de jeunes ne sont même pas inscrits sur le fichier électoral ! Et l’élection législative va reconstruire une assemblée dont l’activité est justement caractérisée par une grande distance avec les tracas quotidiens des citoyens, d’où le peu d’intérêt accordé par la jeunesse à ces élections !
Un autre paramètre plaide en faveur de l’abstention. Les profils des candidats et tout le commerce qui a entouré l’octroi des agréments aux nouveaux partis, et la vente et l’achat des premières places sur les listes ne sont pas faits pour redorer le blason terni d’une assemblée qualifiée de parlement croupion qui, de l’aveu du premier ministre, n’a pas proposé une seule loi en 5 ans !
La lutte des clans du régime pour un repositionnement des pièces centrales du pouvoir réel et la stérilisation du pouvoir apparent, en l’occurrence l’APN, a été illustrée par le propos de Bouteflika qui a comparé ces élections à Novembre 54 ! En ce temps là, nos parents qui avaient pris les armes connaissaient leur ennemi, mais aujourd’hui je suis tenté de demander au président « Qui est l’ennemi monsieur le président ? Est-ce le consortium des importateurs alliés aux tenants de la finance nationale, est-ce le DRS ou enfin l’OTAN et les USA avec leur projet GMO !? »
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Ecrivain, essayiste, ancien journaliste au journal Le Matin, diplômé d’études approfondies en Economie politique des universités Paris Nord et Paris 1 Panthéon Sorbonne, Rachid Oulebsir nous livre une analyse pertinente sur l’ambiance politique qui entoure la préparation des élections législatives du 10 mai prochain. Droit au but, l’auteur expose les contours d’un scrutin qui a pris une tournure carnavalesque et dévoile les enjeux d’une élection programmée.

M. Oulebsir, vous qui êtes un observateur averti de la scène politique locale, quelle lecture faites-vous des prochaines joutes électorales sachant que le nombre de candidats en course pour les 12 sièges est passé du simple au double cette fois-ci ?
Procédons de façon pédagogique : Quel est l’objectif de ces élections ? Dans la forme, c’est renouveler le parlement, dans le fond élire des députés qui rédigeront la prochaine constitution de la RADP ! Au regard des listes pléthoriques et des profils affichés, on peut dire sans risque d’erreur que les candidatures ne répondent pas aux objectifs fondamentaux de cette élection, même si formellement elles feront illusion ! L’assemblée Populaire nationale connaitra un renouvellement de génération qui ne touchera pas au rôle et au fonctionnement de cette dernière, c’est comme si on changeait de chauffeur sans changer de véhicule, si on mettait un jeune conducteur au volant d’un vieux camion.
L’absence de filtre, en termes de niveau intellectuel, dans la loi électorale, permet à tout citoyen d’être élu à la chambre basse ! C’est une porte ouverte au pouvoir de l’argent, au primat de la fortune sur l’intelligence et la compétence ! Nous nous retrouverons avec des bouchers, des mandataires, des maîtres du commerce informel et du change parallèle, des importateurs de Kiwi, qui ont acheté les têtes de listes, qui, sous des couleurs nationalistes, islamistes ou pseudo-démocrates, formeront la majorité de ce pouvoir législatif. On devine aisément la faible influence de cette assemblée face à un pouvoir exécutif omnipotent et omniscient ! Ne restera aux nouveaux députés qu’à apprendre à lever la main , réflexe qu’ils copieront sur les anciens auxquels le Pouvoir a pris le soin de financer la campagne en leur octroyant une prime de sortie de plus de 300 millions de centimes, qui est en fait une prime de retour sans difficulté !
Pour ce qui concerne Bejaia, 42 listes se disputeront 12 sièges ! On peut diviser ces 42 listes en trois groupes : Les listes des anciens partis à ancrage militant transversal qui auront des électeurs dans les 52 communes de la wilaya, il s’agit du FLN ,du FFS ,du RND, et de la liste de l’Alliance verte islamiste, à un degré moindre le PT , le PST , l’ANR. Si les ténors du premier groupe peuvent arracher une moyenne de 2 sièges chacun cela fera 8. Si les petits partis prennent 1 siège chacun nous arriverons à un total de 11, il restera un siège que se disputeront 35 listes constituant le dernier groupe !!! Du jamais vu ! Le candidat indépendant chef des « patriotes », proche des militaires et la tête de la liste indépendante « Fidélité » (extraction du RCD) pourront se disputer ce siège restant ! A moins que quelques nouveaux partis créent la surprise, je pense au MPA d’Amara Benyounès qui a mis une femme comme tête de liste.
Des candidats pour la députation auraient payé rubis sur ongle des chefs de partis pour figurer sur une liste électorale, chose qui vous a dissuadé, croit-on savoir, de vous présenter sous les couleurs du parti AHD 54. Est-ce vrai ?
Je sais que de nombreux candidats ont payé leur participation, information que les partis concernés n’ont pas démentie, et que certains ont même confirmée pour s’enorgueillir comme d’un acte « intelligent ». Pour ce qui est du parti que vous mentionnez, il ne m’a jamais demandé de payer bien au contraire je témoigne que ce parti a plaidé pour un financement public des élections ! Je n’ai pas participé pour des raisons politiques ! Je m’étais préparé à monter une liste indépendante bien avant le vote sur la loi électorale. Avec le rapprochement du FFS avec le pouvoir d’Alger, j’avais parié sur des législatives pour une assemblée constituante, mon analyse a péché par optimisme. Après l’adoption de l’actuelle loi électorale, je me suis retiré, j’ai compris que le pouvoir n’acceptera jamais de changer par les urnes. Même le FFS s’est fait avoir ! Je n’étais pas disposé à apporter ma caution à cette mascarade ! Est-ce que le meneur de la liste dont vous parlez a payé une CHKARA ? ça ne m’intéresse pas !
Croyez-vous que les gens vont se rendre en masse aux urnes le 10 mai prochain ? Et qui en sortira vainqueur ?
Il n’y aura pas de vote massif, la tendance sera vers une forte abstention. L’abstention favorisera bien entendu les vieux partis qui ont leurs militants fidèles ! Plus l’abstention sera forte plus les partis comme le FLN et le FFS auront un nombre élevé de sièges. Ce qui intéresse le pouvoir central, que cette élection confortera quelque soit son résultat, c’est le fort taux de participation à faire valoir à l’opinion internationale en premier chef et à l’opinion nationale comme gage de la nature moderniste et démocratique du pouvoir. L’abstention constitue la hantise pour le pouvoir central qui a mis tous les moyens pour mobiliser l’électorat. Le RCD et des personnalités locales ont appelé au boycott actif. L’aile abstentionniste du FFS, agglomérée autour de Djamal Zenati, fait un gros travail de proximité pour faire payer au cabinet noir d’Ait Ahmed dirigée par les frères Baloul, sa « capitulation » et sa participation à ces joutes que la crise sociale marquée par la flambée des prix des biens et des services a totalement éclipsées. A Béjaïa, la population historiquement politisée et marquée par une forte densité de lettrés, le taux d’abstention battra tous les records et cette tendance déteindra sur les wilayas limitrophes, malgré la pléthore de listes qui mobilisera un électorat familial et tribal !
Il faudra signaler que la jeunesse qui inscrit sa vision à l’échelle planétaire grâce à l’Internet et au fétichisme de la marchandise (effets de la circulation des biens de consommation venant de l’Occident et des valeurs qu’ils portent) est désintéressée par la politique qui n’a pas de lien avec sa vie quotidienne dramatique ! Des milliers de jeunes ne sont même pas inscrits sur le fichier électoral ! Et l’élection législative va reconstruire une assemblée dont l’activité est justement caractérisée par une grande distance avec les tracas quotidiens des citoyens, d’où le peu d’intérêt accordé par la jeunesse à ces élections !
Un autre paramètre plaide en faveur de l’abstention. Les profils des candidats et tout le commerce qui a entouré l’octroi des agréments aux nouveaux partis, et la vente et l’achat des premières places sur les listes ne sont pas faits pour redorer le blason terni d’une assemblée qualifiée de parlement croupion qui, de l’aveu du premier ministre, n’a pas proposé une seule loi en 5 ans !
La lutte des clans du régime pour un repositionnement des pièces centrales du pouvoir réel et la stérilisation du pouvoir apparent, en l’occurrence l’APN, a été illustrée par le propos de Bouteflika qui a comparé ces élections à Novembre 54 ! En ce temps là, nos parents qui avaient pris les armes connaissaient leur ennemi, mais aujourd’hui je suis tenté de demander au président « Qui est l’ennemi monsieur le président ? Est-ce le consortium des importateurs alliés aux tenants de la finance nationale, est-ce le DRS ou enfin l’OTAN et les USA avec leur projet GMO !? »
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