L’Algérie indépendante est née en 1962. Cependant, la Kabylie, en tant que région et socle d’une population ayant des caractéristiques et une organisation sociale propres à celle-ci, est le produit d’une longue histoire. Cette population est le contraire de celle que décrivait La Boétie dans son œuvre « Discours sur la servitude volontaire ».
Le mot Amazigh signifie « Homme libre ». On comprend mieux son sens lorsqu’on se trouve dans l’un de ces villages kabyles perché en haut d’une montagne. La première question qui vient à l’esprit est la suivante : Pourquoi, les premiers habitants arrivés sur les lieux, ont-ils délaissé toutes les plaines fertiles situées dans la vallée pour venir s’installer dans cet endroit si austère et inhospitalier ? La réponse, on la trouvera dans le dicton kabyle : Win is3ane deg adrar ur yatsagwad d-agzaghar : « Qui a les siens dans la montagne, n’a rien à redouter dans la plaine ».
En fait, pour la population kabyle, la montagne constitue un rempart la protégeant des potentiels envahisseurs. Il fut un temps où les villageois descendaient armés de leurs montagnes afin de se rendre à la vallée pour travailler leurs terres dont le relief leur permettait de cultiver des céréales et pratiquer l’arboriculture intensive. Le soir, ils rentraient à leurs villages où leurs femmes et enfants étaient à l’abri de tout danger. Leur organisation sociale est restée la même durant plusieurs siècles.
Chaque village était une sorte d’une petite république laïque et autonome différente, en revanche, de la république athénienne, car elle était égalitaire et ne pratiquait pas l’esclavage. Donc, il n’y avait pas de classes sociales et l’enrichissement personnel était très mal perçu et était même considéré comme illicite et faisait l’objet de suspicion.
Pour les Kabyles de l’époque, la vraie richesse était la procréation, et l’égalitarisme était considéré comme étant le garant de l’homogénéité de la société. Devenant de plus en plus exiguë, l’étendue de leurs terres cultivables ne pouvait leur permettre d’y vivre aisément. Pour cette raison, ils avaient développé des activités artisanales et des techniques guerrières qu’ils arrivaient à vendre à d’autres régions en dehors de la Kabylie.
Amar Boulifa écrivait dans son ouvrage intitulé « Le Djurdjura à travers l’histoire » publié en 1920 : « Le Djurdjura, connu depuis les temps les plus reculés, n’avait jamais été profané par les envahisseurs de la Berbérie, et que ses hautes régions inabordables servirent, au contraire, de lieu de refuge à tous les opprimés de ces conquérants ». Pour comprendre cet esprit frondeur et libertaire de cette région, il est impératif de rappeler certains événements historiques importants ayant touché de près ou de loin la Kabylie, contraignant celle-ci à vivre en état permanent de résistance :
La période romaine : Contrairement aux Carthaginois avec lesquels les populations du Djurdjura entretenaient de bons rapports, la conquête romaine fut brutale. Pour assurer leurs déplacements, les Romains, arrivés en 146 avant notre ère, établirent des routes qui avaient encerclé la Kabylie et privèrent ses habitants d’accéder à certaines de leurs plaines fertiles. Ces premiers envahisseurs nommaient le Djurdjura Mons Ferratus « La Montagne de fer », cela pourrait expliquer en partie leur renoncement à pénétrer dans ces montagnes. En l’an 17 avant notre ère, de retour en Kabylie après avoir servi dans l’armée Romaine, Takfarinas combattit les Romains sept années durant, en essayant de les repousser des plaines kabyles par une tactique de guérilla. Mais, vaincu au siège de la place forte romaine de Tubusuptu (Tiklat située dans la commune d’El-Kseur), comme le relatait C. Lacoste-Dujardin dans son livre « La Kabylie du Djurdjura », la légende rapporte que, plutôt que de se rendre, il se serait jeté sur les lances des légions romaines du haut d’un rocher en un lieu encore nommé Targa Irumyen « la rigole ou le fossé des Romains ».
Lorsque les Romains adoptèrent le christianisme, les ancêtres des Kabyles, qui étaient des adeptes du paganisme, lui préférèrent le donatisme. Les donatistes étaient plus proches des opprimés, car ils étaient eux-mêmes persécutés par l’Empire romain bien avant sa reconversion. Une persécution qui n’avait jamais cessé et était à l’origine d’une longue lutte meurtrière entre Rome et ses nouveaux insurgés. Les habitants du Djurdjura ne courbèrent jamais l’échine devant les envahisseurs romains, jusqu’à leur chute, ils prirent part à plusieurs révoltes, réunissant donatistes et d’autres communautés, dont celle de Firmus fils de Flavius Nubel, Prince berbère romanisé et christianisé, grand propriétaire terrien dans les basses vallées de l’Isser et du Sébaou. En l’an 372, il occupa Cesarea (Cherchell) et incendia Icosium (Alger).
L’Empire romain prit fin avec l’arrivée des Vandales en l’an 439. Ces derniers, au regard de leur nombre et l’étendue des terres qu’ils conquirent, se contentèrent de contrôler uniquement les grandes agglomérations. Ce qui épargnerait les montagnes du Djurdjura. Un siècle plus tard, ils seront délogés par les Byzantins. Il semblerait qu’une partie de la population de ces Vandales, constituée de femmes et d’enfants, fuyant une exécution certaine par les nouveaux conquérants, trouva refuge en Kabylie. Les Kabyles peuvent offrir ce qu’ils appellent « Laânaya », c’est-à-dire la protection, à ceux qui les sollicitent par altruisme et dans un but humanitaire. Cela pourrait expliquer la blondeur et les yeux clairs de certains kabyles. Rappelons que les Vandales sont des populations germaniques.
La période arabe suivie de la période berbère : La première invasion arabe, comme celle des Vandales, n’a pas impacté l’indépendance du Djurdjura. Malgré cela, les Kabyles ne sont pas restés spectateurs des événements se déroulant devant eux. Les nouveaux envahisseurs, constitués principalement de reconvertis Égyptiens, utilisés de la même manière que les Berbères pour conquérir l’Andalousie, et à leur tête la noblesse Omeyyade et celle des Abbassides par la suite, instaurèrent un système esclavagiste et ségrégationniste où les Arabes occupaient le haut de la pyramide sociale, les convertis « Mawali » furent considérés comme des musulmans de niveau inférieur devant s’acquitter d’un impôt foncier : Le Kharâdj, au même titre que les Juifs et les chrétiens bénéficiant du statut de « Dhimmi ». Concernant les polythéistes, ils avaient le choix entre la reconversion et la mort.
C’était dans ce contexte que les premières dynasties berbères musulmanes firent leur apparition au Maghreb. Des Berbères adoptèrent une forme particulière de l’Islam, un schisme nommé Kharedjisme, comme ils l’avaient fait en s’alliant au Donatisme durant la période romaine, celui-ci était plus proche de leurs aspirations égalitaires, s’opposant ainsi à l’Islam sunnite que l’on voulait leur imposer. Cela donna naissance à la dynastie Rostémide (760-909) réputée pour son commerce florissant, son rayonnement culturel et sa tolérance religieuse. Ainsi, la domination arabe de l’Afrique du nord a duré moins d’un siècle.
Vers la fin du VIIIe siècle, un missionnaire musulman, Abou Abdellah, convainquit les Kotama, Kabyles de l’est des Babors, à adopter un autre schisme de l’Islam : le Chiisme, en les sensibilisant à l’idée que les sunnites, détenteur de l’autorité musulmane de l’époque, n’étaient que les représentants des Quraychites ayant combattu les premiers musulmans, des charlatans, des imposteurs et des opportunistes qui avaient trahi le prophète en refusant d’appliquer ses dernières volontés, en empêchant son gendre Ali de devenir Khalife. Les Kabyles du Djurdjura, tout comme leurs frères des Babors, fascinés par ce missionnaire qui leur promettait l’instauration d’un système plus juste qui serait fondé sur la probité et le mérite, joignirent leurs forces à celles des Kotama pour lever une armée en un temps record et effectuer une percée militaire jusqu’en Syrie, chassant sur leur passage tous les représentants des Abbassides et leurs alliés, en commençant par les Aghlabides régnant sur la Tunisie actuelle et une partie de l’Est Algérien. Ce fut ainsi qu’une première dynastie chiite au nom des Fatimides fit son apparition dans l’histoire.
Lorsque les différentes communautés berbères, ayant pris part à cette campagne militaire, décidèrent de se détacher de la dynastie des Fatimides en créant trois dynasties berbères indépendantes : les Zirides, les Hammadites et les Kotama des Babors, ceux qui n’auraient jamais vu le jour dans l’histoire de l’Humanité sans leur concours leur envoyèrent, sans scrupule et sans la moindre reconnaissance des services rendus, les tribus hilaliennes et celles des Banu Sulaym originaires d’Arabie, après les avoir bien sûr équipées en armes, pour piller et semer la désolation en Afrique du Nord. Ces dernières furent maîtrisées et finirent par être mélangées aux populations autochtones dans certaines régions. La majorité des Arabes du Maghreb sont leurs descendants directs.
Le mot Amazigh signifie « Homme libre ». On comprend mieux son sens lorsqu’on se trouve dans l’un de ces villages kabyles perché en haut d’une montagne. La première question qui vient à l’esprit est la suivante : Pourquoi, les premiers habitants arrivés sur les lieux, ont-ils délaissé toutes les plaines fertiles situées dans la vallée pour venir s’installer dans cet endroit si austère et inhospitalier ? La réponse, on la trouvera dans le dicton kabyle : Win is3ane deg adrar ur yatsagwad d-agzaghar : « Qui a les siens dans la montagne, n’a rien à redouter dans la plaine ».
En fait, pour la population kabyle, la montagne constitue un rempart la protégeant des potentiels envahisseurs. Il fut un temps où les villageois descendaient armés de leurs montagnes afin de se rendre à la vallée pour travailler leurs terres dont le relief leur permettait de cultiver des céréales et pratiquer l’arboriculture intensive. Le soir, ils rentraient à leurs villages où leurs femmes et enfants étaient à l’abri de tout danger. Leur organisation sociale est restée la même durant plusieurs siècles.
Chaque village était une sorte d’une petite république laïque et autonome différente, en revanche, de la république athénienne, car elle était égalitaire et ne pratiquait pas l’esclavage. Donc, il n’y avait pas de classes sociales et l’enrichissement personnel était très mal perçu et était même considéré comme illicite et faisait l’objet de suspicion.
Pour les Kabyles de l’époque, la vraie richesse était la procréation, et l’égalitarisme était considéré comme étant le garant de l’homogénéité de la société. Devenant de plus en plus exiguë, l’étendue de leurs terres cultivables ne pouvait leur permettre d’y vivre aisément. Pour cette raison, ils avaient développé des activités artisanales et des techniques guerrières qu’ils arrivaient à vendre à d’autres régions en dehors de la Kabylie.
Amar Boulifa écrivait dans son ouvrage intitulé « Le Djurdjura à travers l’histoire » publié en 1920 : « Le Djurdjura, connu depuis les temps les plus reculés, n’avait jamais été profané par les envahisseurs de la Berbérie, et que ses hautes régions inabordables servirent, au contraire, de lieu de refuge à tous les opprimés de ces conquérants ». Pour comprendre cet esprit frondeur et libertaire de cette région, il est impératif de rappeler certains événements historiques importants ayant touché de près ou de loin la Kabylie, contraignant celle-ci à vivre en état permanent de résistance :
La période romaine : Contrairement aux Carthaginois avec lesquels les populations du Djurdjura entretenaient de bons rapports, la conquête romaine fut brutale. Pour assurer leurs déplacements, les Romains, arrivés en 146 avant notre ère, établirent des routes qui avaient encerclé la Kabylie et privèrent ses habitants d’accéder à certaines de leurs plaines fertiles. Ces premiers envahisseurs nommaient le Djurdjura Mons Ferratus « La Montagne de fer », cela pourrait expliquer en partie leur renoncement à pénétrer dans ces montagnes. En l’an 17 avant notre ère, de retour en Kabylie après avoir servi dans l’armée Romaine, Takfarinas combattit les Romains sept années durant, en essayant de les repousser des plaines kabyles par une tactique de guérilla. Mais, vaincu au siège de la place forte romaine de Tubusuptu (Tiklat située dans la commune d’El-Kseur), comme le relatait C. Lacoste-Dujardin dans son livre « La Kabylie du Djurdjura », la légende rapporte que, plutôt que de se rendre, il se serait jeté sur les lances des légions romaines du haut d’un rocher en un lieu encore nommé Targa Irumyen « la rigole ou le fossé des Romains ».
Lorsque les Romains adoptèrent le christianisme, les ancêtres des Kabyles, qui étaient des adeptes du paganisme, lui préférèrent le donatisme. Les donatistes étaient plus proches des opprimés, car ils étaient eux-mêmes persécutés par l’Empire romain bien avant sa reconversion. Une persécution qui n’avait jamais cessé et était à l’origine d’une longue lutte meurtrière entre Rome et ses nouveaux insurgés. Les habitants du Djurdjura ne courbèrent jamais l’échine devant les envahisseurs romains, jusqu’à leur chute, ils prirent part à plusieurs révoltes, réunissant donatistes et d’autres communautés, dont celle de Firmus fils de Flavius Nubel, Prince berbère romanisé et christianisé, grand propriétaire terrien dans les basses vallées de l’Isser et du Sébaou. En l’an 372, il occupa Cesarea (Cherchell) et incendia Icosium (Alger).
L’Empire romain prit fin avec l’arrivée des Vandales en l’an 439. Ces derniers, au regard de leur nombre et l’étendue des terres qu’ils conquirent, se contentèrent de contrôler uniquement les grandes agglomérations. Ce qui épargnerait les montagnes du Djurdjura. Un siècle plus tard, ils seront délogés par les Byzantins. Il semblerait qu’une partie de la population de ces Vandales, constituée de femmes et d’enfants, fuyant une exécution certaine par les nouveaux conquérants, trouva refuge en Kabylie. Les Kabyles peuvent offrir ce qu’ils appellent « Laânaya », c’est-à-dire la protection, à ceux qui les sollicitent par altruisme et dans un but humanitaire. Cela pourrait expliquer la blondeur et les yeux clairs de certains kabyles. Rappelons que les Vandales sont des populations germaniques.
La période arabe suivie de la période berbère : La première invasion arabe, comme celle des Vandales, n’a pas impacté l’indépendance du Djurdjura. Malgré cela, les Kabyles ne sont pas restés spectateurs des événements se déroulant devant eux. Les nouveaux envahisseurs, constitués principalement de reconvertis Égyptiens, utilisés de la même manière que les Berbères pour conquérir l’Andalousie, et à leur tête la noblesse Omeyyade et celle des Abbassides par la suite, instaurèrent un système esclavagiste et ségrégationniste où les Arabes occupaient le haut de la pyramide sociale, les convertis « Mawali » furent considérés comme des musulmans de niveau inférieur devant s’acquitter d’un impôt foncier : Le Kharâdj, au même titre que les Juifs et les chrétiens bénéficiant du statut de « Dhimmi ». Concernant les polythéistes, ils avaient le choix entre la reconversion et la mort.
C’était dans ce contexte que les premières dynasties berbères musulmanes firent leur apparition au Maghreb. Des Berbères adoptèrent une forme particulière de l’Islam, un schisme nommé Kharedjisme, comme ils l’avaient fait en s’alliant au Donatisme durant la période romaine, celui-ci était plus proche de leurs aspirations égalitaires, s’opposant ainsi à l’Islam sunnite que l’on voulait leur imposer. Cela donna naissance à la dynastie Rostémide (760-909) réputée pour son commerce florissant, son rayonnement culturel et sa tolérance religieuse. Ainsi, la domination arabe de l’Afrique du nord a duré moins d’un siècle.
Vers la fin du VIIIe siècle, un missionnaire musulman, Abou Abdellah, convainquit les Kotama, Kabyles de l’est des Babors, à adopter un autre schisme de l’Islam : le Chiisme, en les sensibilisant à l’idée que les sunnites, détenteur de l’autorité musulmane de l’époque, n’étaient que les représentants des Quraychites ayant combattu les premiers musulmans, des charlatans, des imposteurs et des opportunistes qui avaient trahi le prophète en refusant d’appliquer ses dernières volontés, en empêchant son gendre Ali de devenir Khalife. Les Kabyles du Djurdjura, tout comme leurs frères des Babors, fascinés par ce missionnaire qui leur promettait l’instauration d’un système plus juste qui serait fondé sur la probité et le mérite, joignirent leurs forces à celles des Kotama pour lever une armée en un temps record et effectuer une percée militaire jusqu’en Syrie, chassant sur leur passage tous les représentants des Abbassides et leurs alliés, en commençant par les Aghlabides régnant sur la Tunisie actuelle et une partie de l’Est Algérien. Ce fut ainsi qu’une première dynastie chiite au nom des Fatimides fit son apparition dans l’histoire.
Lorsque les différentes communautés berbères, ayant pris part à cette campagne militaire, décidèrent de se détacher de la dynastie des Fatimides en créant trois dynasties berbères indépendantes : les Zirides, les Hammadites et les Kotama des Babors, ceux qui n’auraient jamais vu le jour dans l’histoire de l’Humanité sans leur concours leur envoyèrent, sans scrupule et sans la moindre reconnaissance des services rendus, les tribus hilaliennes et celles des Banu Sulaym originaires d’Arabie, après les avoir bien sûr équipées en armes, pour piller et semer la désolation en Afrique du Nord. Ces dernières furent maîtrisées et finirent par être mélangées aux populations autochtones dans certaines régions. La majorité des Arabes du Maghreb sont leurs descendants directs.
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