Coronavirus : en Algérie, une augmentation des cas inquiétante
Depuis le début du mois de juillet, le nombre officiel de contaminations frôle les 500 cas par jour, contre 250 fin juin. Un nombre sous-estimé, selon les médecins.
Par Madjid Zerrouky 11 - 07-20
L’épidémie pourrait-elle échapper au contrôle des autorités sanitaires en Algérie, où le bilan du nouveau coronavirus poursuit inexorablement sa progression ? Depuis le début du mois de juillet, le nombre officiel de contaminations frôle les 500 cas par jour, contre 250 fin juin. Un nombre sous-estimé, selon les médecins, qui multiplient les appels de détresse sur les réseaux sociaux, s’alarmant d’une situation catastrophique dans plusieurs hôpitaux.
Le gouvernement algérien, qui tenait jusqu’ici un discours rassurant, a pris jeudi 9 juillet dans la soirée de nouvelles mesures pour enrayer cette flambée, dont l’interdiction de la circulation automobile entre les 29 wilayas (départements) les « plus affectées » pendant une semaine et des reconfinements partiels dans près de 25 communes du pays.
Au total, 17 808 contaminations ont été enregistrées dans le pays et 988 décès depuis le début de l’épidémie, selon les chiffres officiels publiés le 9 juillet. Un décompte ramené à la baisse depuis que les cas détectés présumés positifs par radio des poumons, une méthode longtemps utilisée faute de tests disponibles, ne sont plus pris en compte.
Les chiffres officiels mis à mal
« C’est l’émergence de plusieurs foyers simultanément qui est très inquiétante, avec le risque de débordements sur les régions limitrophes. Et les bilans annoncés par les autorités ne veulent plus rien dire », souligne un médecin algérois. « Le problème, c’est que nous n’avons aucune marge. Les hôpitaux sont saturés, sans moyens et, surtout, il n’y a pas assez de tests », alors que l’Institut Pasteur ne teste que 2 000 personnes par jour.
La réalité des chiffres officiels est régulièrement mise à mal par les remontées du terrain, malgré la volonté des autorités de centraliser les bilans au niveau national – en interdisant la publication de bilans au niveau local et en poursuivant en justice les lanceurs d’alerte au nom de la lutte contre la « diffusion de fausses nouvelles ». A Biskra (nord-est du Sahara), le sociologue et écrivain Farès Cherfeddine Choukri, qui dénonce la situation « déplorable » de la prise en charge des malade à hôpital, a été interpellé et placé sous contrôle judiciaire, son procès renvoyé au 12 juillet.
Faisant état d’une situation épidémiologique « détériorée » et « préoccupante », le préfet de Sétif (dans l’est) a pourtant révélé à l’agence de presse officielle mercredi 8 juillet que « la wilaya enregistre une moyenne quotidienne d’environ 10 décès ». A l’en croire, donc, le bilan quotidien de cette préfecture de 1,5 million d’habitants dépasserait celui avancé par le comité national de suivi de l’épidémie à l’échelle du pays – 42 millions d’habitants –, soit 9 morts… A Constantine, les personnels médicaux estiment à près de 4 000 le nombre de contaminés, contre 600 selon le bilan officiel.
« Ils tuent les gens par négligence »
Les médecins, qui payent au prix fort leur combat contre la maladie, sont de plus en plus nombreux à lancer l’alerte : « L’épidémie flambe », « les patients dorment à même le sol », « il n’y a plus de service Covid, tout l’hôpital est Covid »…
Mardi 7 juillet, Anissa Laissaoui, 25 ans, infirmière dans un hôpital de la préfecture de Bouira (à 100 km au sud-est d’Alger) et enceinte, a succombé après avoir contracté le virus sur son lieu de travail, provoquant la colère de ses collègues, qui ont manifesté leur ras-le-bol à l’entrée de l’hôpital de Sour El-Ghozlane. Le 15 mai, la mort d’une docteure de 28 ans et de l’enfant qu’elle portait depuis huit mois avait déjà soulevé le cœur de nombreux Algériens.
« On n’a rien, il n’y a pas assez d’oxygène. Ils ne nous donnent pas de masques. Les appareils respiratoires sont branchés à tour de rôle sur les patients. Ils tuent les gens par négligence », s’indignait mardi un infirmier de l’hôpital de Biskra où trois docteurs ont succombé de la maladie. Désemparé, un médecin appelait le même jour ses confrères du « public » et du « privé » à porter secours aux équipes du CHU, complètement dépassées.
Mercredi, c’est le chef de service de radiologie des urgences du CHU de Sétif qui est mort après avoir été contaminé par le coronavirus. En l’espace de vingt-quatre heures, quatre médecins et une infirmière sont donc morts des suites de la maladie. Selon les syndicats de médecins, ils sont une quarantaine, au total, depuis le début de la pandémie.
Quelque 1 700 personnels de santé ont été touchés par la pandémie, selon le professeur Abdelkrim Soukhal, membre du comité scientifique chargé du suivi de l’évolution de l’épidémie. « Le jour où l’ensemble des médecins qui sont au front seront dans l’impossibilité de faire leur travail pour cause d’épuisement, il n’y aura plus personne pour soigner les malades », avertit le docteur Mohamed Yousfi, chef du service d’infectiologie de l’hôpital de Boufarik, près d’Alger, joint par l’Agence France-presse.
Théories du complot
« Beaucoup de patients ne croient pas en la réalité de la maladie, qui ne serait qu’un énième mensonge du gouvernement », souligne aussi un médecin algérois. Il décrit des professions médicales aux prises, en plus, avec les théories du complot qui prospèrent sur les réseaux sociaux, et à ce qu’ils qualifient d’inconscience, de déni et de relâchement.
« Il y a une absence de prise en compte de la dimension sociologique dans la gestion de la crise. Avec l’été qui s’installe, il est impossible de faire des enquêtes épidémiologiques et de dire aux gens de rester confinés chez eux », abonde le virologue Hakim Djaballah, ancien président de l’Institut Pasteur de Corée du Sud. Dans un entretien accordé au média 24HDZ, il déplore la marginalisation des épidémiologues algériens par « une administration qui n’a pas changé ». « La commission scientifique [mise en place pour suivre l’évolution du Covid-19] n’a aucune idée de comment gérer une pandémie ».
........
Depuis le début du mois de juillet, le nombre officiel de contaminations frôle les 500 cas par jour, contre 250 fin juin. Un nombre sous-estimé, selon les médecins.
Par Madjid Zerrouky 11 - 07-20
L’épidémie pourrait-elle échapper au contrôle des autorités sanitaires en Algérie, où le bilan du nouveau coronavirus poursuit inexorablement sa progression ? Depuis le début du mois de juillet, le nombre officiel de contaminations frôle les 500 cas par jour, contre 250 fin juin. Un nombre sous-estimé, selon les médecins, qui multiplient les appels de détresse sur les réseaux sociaux, s’alarmant d’une situation catastrophique dans plusieurs hôpitaux.
Le gouvernement algérien, qui tenait jusqu’ici un discours rassurant, a pris jeudi 9 juillet dans la soirée de nouvelles mesures pour enrayer cette flambée, dont l’interdiction de la circulation automobile entre les 29 wilayas (départements) les « plus affectées » pendant une semaine et des reconfinements partiels dans près de 25 communes du pays.
Au total, 17 808 contaminations ont été enregistrées dans le pays et 988 décès depuis le début de l’épidémie, selon les chiffres officiels publiés le 9 juillet. Un décompte ramené à la baisse depuis que les cas détectés présumés positifs par radio des poumons, une méthode longtemps utilisée faute de tests disponibles, ne sont plus pris en compte.
Les chiffres officiels mis à mal
« C’est l’émergence de plusieurs foyers simultanément qui est très inquiétante, avec le risque de débordements sur les régions limitrophes. Et les bilans annoncés par les autorités ne veulent plus rien dire », souligne un médecin algérois. « Le problème, c’est que nous n’avons aucune marge. Les hôpitaux sont saturés, sans moyens et, surtout, il n’y a pas assez de tests », alors que l’Institut Pasteur ne teste que 2 000 personnes par jour.
La réalité des chiffres officiels est régulièrement mise à mal par les remontées du terrain, malgré la volonté des autorités de centraliser les bilans au niveau national – en interdisant la publication de bilans au niveau local et en poursuivant en justice les lanceurs d’alerte au nom de la lutte contre la « diffusion de fausses nouvelles ». A Biskra (nord-est du Sahara), le sociologue et écrivain Farès Cherfeddine Choukri, qui dénonce la situation « déplorable » de la prise en charge des malade à hôpital, a été interpellé et placé sous contrôle judiciaire, son procès renvoyé au 12 juillet.
Faisant état d’une situation épidémiologique « détériorée » et « préoccupante », le préfet de Sétif (dans l’est) a pourtant révélé à l’agence de presse officielle mercredi 8 juillet que « la wilaya enregistre une moyenne quotidienne d’environ 10 décès ». A l’en croire, donc, le bilan quotidien de cette préfecture de 1,5 million d’habitants dépasserait celui avancé par le comité national de suivi de l’épidémie à l’échelle du pays – 42 millions d’habitants –, soit 9 morts… A Constantine, les personnels médicaux estiment à près de 4 000 le nombre de contaminés, contre 600 selon le bilan officiel.
« Ils tuent les gens par négligence »
Les médecins, qui payent au prix fort leur combat contre la maladie, sont de plus en plus nombreux à lancer l’alerte : « L’épidémie flambe », « les patients dorment à même le sol », « il n’y a plus de service Covid, tout l’hôpital est Covid »…
Mardi 7 juillet, Anissa Laissaoui, 25 ans, infirmière dans un hôpital de la préfecture de Bouira (à 100 km au sud-est d’Alger) et enceinte, a succombé après avoir contracté le virus sur son lieu de travail, provoquant la colère de ses collègues, qui ont manifesté leur ras-le-bol à l’entrée de l’hôpital de Sour El-Ghozlane. Le 15 mai, la mort d’une docteure de 28 ans et de l’enfant qu’elle portait depuis huit mois avait déjà soulevé le cœur de nombreux Algériens.
« On n’a rien, il n’y a pas assez d’oxygène. Ils ne nous donnent pas de masques. Les appareils respiratoires sont branchés à tour de rôle sur les patients. Ils tuent les gens par négligence », s’indignait mardi un infirmier de l’hôpital de Biskra où trois docteurs ont succombé de la maladie. Désemparé, un médecin appelait le même jour ses confrères du « public » et du « privé » à porter secours aux équipes du CHU, complètement dépassées.
Mercredi, c’est le chef de service de radiologie des urgences du CHU de Sétif qui est mort après avoir été contaminé par le coronavirus. En l’espace de vingt-quatre heures, quatre médecins et une infirmière sont donc morts des suites de la maladie. Selon les syndicats de médecins, ils sont une quarantaine, au total, depuis le début de la pandémie.
Quelque 1 700 personnels de santé ont été touchés par la pandémie, selon le professeur Abdelkrim Soukhal, membre du comité scientifique chargé du suivi de l’évolution de l’épidémie. « Le jour où l’ensemble des médecins qui sont au front seront dans l’impossibilité de faire leur travail pour cause d’épuisement, il n’y aura plus personne pour soigner les malades », avertit le docteur Mohamed Yousfi, chef du service d’infectiologie de l’hôpital de Boufarik, près d’Alger, joint par l’Agence France-presse.
Théories du complot
« Beaucoup de patients ne croient pas en la réalité de la maladie, qui ne serait qu’un énième mensonge du gouvernement », souligne aussi un médecin algérois. Il décrit des professions médicales aux prises, en plus, avec les théories du complot qui prospèrent sur les réseaux sociaux, et à ce qu’ils qualifient d’inconscience, de déni et de relâchement.
« Il y a une absence de prise en compte de la dimension sociologique dans la gestion de la crise. Avec l’été qui s’installe, il est impossible de faire des enquêtes épidémiologiques et de dire aux gens de rester confinés chez eux », abonde le virologue Hakim Djaballah, ancien président de l’Institut Pasteur de Corée du Sud. Dans un entretien accordé au média 24HDZ, il déplore la marginalisation des épidémiologues algériens par « une administration qui n’a pas changé ». « La commission scientifique [mise en place pour suivre l’évolution du Covid-19] n’a aucune idée de comment gérer une pandémie ».
........
Commentaire