Un anti-islamiste qui est accusé d'appartenir à un groupe terroriste. Ce pouvoir est capable de tout !
La justice n'a pas changé, elle était et elle reste aux ordres du pouvoir militaire
A l'époque, il y avait que 3 journaux qui ont soutenu Ali Bensaad : Le Matin, El- Watan et Al Khabar
Le Soir d'Algérie ne figure pas dans la liste
La justice n'a pas changé, elle était et elle reste aux ordres du pouvoir militaire
A l'époque, il y avait que 3 journaux qui ont soutenu Ali Bensaad : Le Matin, El- Watan et Al Khabar
Le Soir d'Algérie ne figure pas dans la liste
Algérie: une ténébreuse affaire
Anti-islamiste convaincu, Ali Bensaad est condamné à mort pour avoir participé à un attentat... islamiste. En toile de fond, la lutte des clans au sein du pouvoir
C'est une étrange affaire que celle d'Ali Bensaad: ce professeur d'université algérien, réfugié politique en Allemagne, vient de se voir condamner à mort par contumace par la justice algérienne pour avoir participé à un attentat islamiste. Or cet ex-militant communiste est un «éradicateur» connu qui a combattu pendant plusieurs années l'influence islamiste sur le campus de Constantine. En outre, il n'était déjà plus en Algérie au moment des faits. Plus troublant encore: cette erreur judiciaire est devenue l'un des principaux arguments brandis par la presse privée algérienne contre le général Mohammed Betchine, l'un des hommes les plus proches du président Liamine Zeroual, alors que la guerre des clans s'est brusquement intensifiée.
Le 21 septembre 1995, à quelques semaines de l'élection présidentielle, Bensaad prend la parole lors d'un meeting de Redha Malek, l'un des plus anti-islamistes des candidats, alors soutenu au sein de l'armée par les anti- Zeroual. Il y prononce une allocution dans laquelle il proclame son «refus de la république d'Abassi Madani et de celle de Mohammed Betchine». Le lendemain, alors qu'il s'est rendu à Tunis pour un colloque, il apprend que la police est venue perquisitionner chez lui. Puis, quelques jours plus tard, que Betchine a déposé plainte contre lui à cause de la «petite phrase» prononcée lors du meeting. Craignant pour sa sécurité, il décide de ne pas rentrer en Algérie. Il essaie d'abord, sans succès, de se rendre en France. Condamné à six mois de prison pour «diffamation et atteinte à corps constitué», il quitte finalement Tunis le 8 mars 1996 pour l'Allemagne, grâce au visa que lui a obtenu une fondation du Sénat de Hambourg.
Un «appel à l'opinion publique»
Jusque-là, on est dans le domaine du rationnel. La suite, elle, ne l'est plus. «A la fin du mois de juin dernier, raconte Bensaad, un ami me téléphone pour me dire que mon nom figure sur une liste de terroristes islamistes dans un encart publié par le journal An-Nasr et que je suis recherché pour avoir participé à un attentat.» Ce que publie ce journal de l'Est algérien est en réalité le texte d'un arrêt de la chambre d'accusation de la cour criminelle de Constantine du 16 mars 1998. Bensaad y est accusé de faits - un attentat dans un bidonville de Constantine - qui remontent au mois d'août 1996, soit six mois après son installation en Allemagne... Il affirme avoir aussitôt décidé de réagir en adressant à la presse algérienne un «appel à l'opinion publique». Daté du 1er juillet, ce texte sera publié intégralement le 8 juillet, au lendemain de sa condamnation à mort par la cour criminelle de Constantine, dans El-Khabar et El- Watan, les deux plus importants journaux privés algériens. L'universitaire y accuse explicitement Betchine. Interrogé par L'Express, Bensaad se dit en effet convaincu que le conseiller du président «veut sa peau». «Il en a fait, assure-t-il, une affaire personnelle, parce que cela s'est passé à Constantine, la ville dont il a fait son fief et que l'attaque est venue d'un autre fils de Constantine. C'est une logique de caïd mafieux.» Il ne nie pas que l'affaire soit aujourd'hui utilisée par les ennemis de Betchine. Mais, pour lui, c'est «la lutte des clans qui s'est greffée là-dessus».
A Alger, on met en avant une autre hypothèse: il s'agirait d'une opération montée de toutes pièces non par Betchine, mais par les anti- Betchine, dans le dessein de déconsidérer l'ami intime et le bras droit du chef de l'Etat. Ce qui expliquerait les invraisemblances du dossier. Une chose, en tout cas, est sûre: les journaux privés algériens, qui se sont emparés de l'affaire, sont à l'origine d'une campagne médiatique contre Betchine qui a commencé plusieurs semaines avant la publication de l' «appel» de l'universitaire. Une série d'articles de Noureddine Boukrouh, chef du petit Parti du renouveau algérien, l'accusant notamment de corruption, ont été publiés en juin. Or il n'est pas imaginable que ces journaux aient publié ces textes - pas plus d'ailleurs que celui de Bensaad - sans un feu vert de l'autre clan.
Cette campagne anti-Betchine, à laquelle répondent les multiples «motions de soutien» des cellules du Rassemblement national démocratique (RND) - le parti présidentiel - publiées dans les médias officiels, viserait, si l'on en croit la rumeur algéroise, à contrer les ambitions qu'on lui prête dans la perspective de l'élection présidentielle de l'an 2000. Entré en avril au bureau exécutif du RND, Betchine est devenu le véritable patron de ce parti, qui prône aujourd'hui une alliance islamo-conservatrice au nom de la «défense des valeurs de la nation». Une ascension qui inquiète ceux qui refusent toute idée de compromis avec les islamistes et s'insurgent contre la politique d'arabisation forcée.
Il reste qu'un homme a été condamné, par une justice aux ordres, pour des faits qu'il n'a pas commis. «Que cette affaire ait été montée de toutes pièces ou non, souligne pour sa part le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, Boudjema Ghachir, il est inacceptable que la justice se mette au service d'un groupe ou d'un individu et porte atteinte au droit d'une manière si flagrante.»
L'EXPRESS
Par Baki Mina et Lagarde Dominique
Publié le 13/08/1998
Anti-islamiste convaincu, Ali Bensaad est condamné à mort pour avoir participé à un attentat... islamiste. En toile de fond, la lutte des clans au sein du pouvoir
C'est une étrange affaire que celle d'Ali Bensaad: ce professeur d'université algérien, réfugié politique en Allemagne, vient de se voir condamner à mort par contumace par la justice algérienne pour avoir participé à un attentat islamiste. Or cet ex-militant communiste est un «éradicateur» connu qui a combattu pendant plusieurs années l'influence islamiste sur le campus de Constantine. En outre, il n'était déjà plus en Algérie au moment des faits. Plus troublant encore: cette erreur judiciaire est devenue l'un des principaux arguments brandis par la presse privée algérienne contre le général Mohammed Betchine, l'un des hommes les plus proches du président Liamine Zeroual, alors que la guerre des clans s'est brusquement intensifiée.
Le 21 septembre 1995, à quelques semaines de l'élection présidentielle, Bensaad prend la parole lors d'un meeting de Redha Malek, l'un des plus anti-islamistes des candidats, alors soutenu au sein de l'armée par les anti- Zeroual. Il y prononce une allocution dans laquelle il proclame son «refus de la république d'Abassi Madani et de celle de Mohammed Betchine». Le lendemain, alors qu'il s'est rendu à Tunis pour un colloque, il apprend que la police est venue perquisitionner chez lui. Puis, quelques jours plus tard, que Betchine a déposé plainte contre lui à cause de la «petite phrase» prononcée lors du meeting. Craignant pour sa sécurité, il décide de ne pas rentrer en Algérie. Il essaie d'abord, sans succès, de se rendre en France. Condamné à six mois de prison pour «diffamation et atteinte à corps constitué», il quitte finalement Tunis le 8 mars 1996 pour l'Allemagne, grâce au visa que lui a obtenu une fondation du Sénat de Hambourg.
Un «appel à l'opinion publique»
Jusque-là, on est dans le domaine du rationnel. La suite, elle, ne l'est plus. «A la fin du mois de juin dernier, raconte Bensaad, un ami me téléphone pour me dire que mon nom figure sur une liste de terroristes islamistes dans un encart publié par le journal An-Nasr et que je suis recherché pour avoir participé à un attentat.» Ce que publie ce journal de l'Est algérien est en réalité le texte d'un arrêt de la chambre d'accusation de la cour criminelle de Constantine du 16 mars 1998. Bensaad y est accusé de faits - un attentat dans un bidonville de Constantine - qui remontent au mois d'août 1996, soit six mois après son installation en Allemagne... Il affirme avoir aussitôt décidé de réagir en adressant à la presse algérienne un «appel à l'opinion publique». Daté du 1er juillet, ce texte sera publié intégralement le 8 juillet, au lendemain de sa condamnation à mort par la cour criminelle de Constantine, dans El-Khabar et El- Watan, les deux plus importants journaux privés algériens. L'universitaire y accuse explicitement Betchine. Interrogé par L'Express, Bensaad se dit en effet convaincu que le conseiller du président «veut sa peau». «Il en a fait, assure-t-il, une affaire personnelle, parce que cela s'est passé à Constantine, la ville dont il a fait son fief et que l'attaque est venue d'un autre fils de Constantine. C'est une logique de caïd mafieux.» Il ne nie pas que l'affaire soit aujourd'hui utilisée par les ennemis de Betchine. Mais, pour lui, c'est «la lutte des clans qui s'est greffée là-dessus».
A Alger, on met en avant une autre hypothèse: il s'agirait d'une opération montée de toutes pièces non par Betchine, mais par les anti- Betchine, dans le dessein de déconsidérer l'ami intime et le bras droit du chef de l'Etat. Ce qui expliquerait les invraisemblances du dossier. Une chose, en tout cas, est sûre: les journaux privés algériens, qui se sont emparés de l'affaire, sont à l'origine d'une campagne médiatique contre Betchine qui a commencé plusieurs semaines avant la publication de l' «appel» de l'universitaire. Une série d'articles de Noureddine Boukrouh, chef du petit Parti du renouveau algérien, l'accusant notamment de corruption, ont été publiés en juin. Or il n'est pas imaginable que ces journaux aient publié ces textes - pas plus d'ailleurs que celui de Bensaad - sans un feu vert de l'autre clan.
Cette campagne anti-Betchine, à laquelle répondent les multiples «motions de soutien» des cellules du Rassemblement national démocratique (RND) - le parti présidentiel - publiées dans les médias officiels, viserait, si l'on en croit la rumeur algéroise, à contrer les ambitions qu'on lui prête dans la perspective de l'élection présidentielle de l'an 2000. Entré en avril au bureau exécutif du RND, Betchine est devenu le véritable patron de ce parti, qui prône aujourd'hui une alliance islamo-conservatrice au nom de la «défense des valeurs de la nation». Une ascension qui inquiète ceux qui refusent toute idée de compromis avec les islamistes et s'insurgent contre la politique d'arabisation forcée.
Il reste qu'un homme a été condamné, par une justice aux ordres, pour des faits qu'il n'a pas commis. «Que cette affaire ait été montée de toutes pièces ou non, souligne pour sa part le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, Boudjema Ghachir, il est inacceptable que la justice se mette au service d'un groupe ou d'un individu et porte atteinte au droit d'une manière si flagrante.»
L'EXPRESS
Par Baki Mina et Lagarde Dominique
Publié le 13/08/1998
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