et si l’on parlait vrai!
Ce n’est un mystère pour personne, les relations ne cessent de se détériorer entre Rabat et Alger, dès lors que chaque partie campe sur ses positions d’hier sans pouvoir affronter l’autre dans une posture décisive. Une des raisons de cet état de choses, le manque de communication et d’échanges francs et sincères sur tous les dossiers qui fâchent dont la question saharienne n’est que l’aspect visible. Les relations bilatérales n’ont à vrai dire jamais été débattues avec courage et loyauté, depuis l’accession de l’Algérie à l’indépendance en juillet 1962, et la volte-face de Ben Bella à l’encontre des intérêts marocains, et la récupération de ses terres spoliées sous la longue occupation française.
L’Histoire, dit-on, permet de comprendre la géographie, mais un simple regard sur la carte algérienne renseigne à l’évidence sur l’abîme qui sépare les deux pays, en particulier le caractère factice de ce tracé qui scinde un seul peuple de part et d’autre. Faut-il reposer la question des frontières sans faire grincer les dents?
Je crois que la question du non-dit nous pèse très lourd de part et d’autre. L’Algérie a hérité des trois quarts d’un territoire que la France a mis du temps pour confisquer au Maroc, au Niger, et même à la Libye et la Tunisie ; ce fut durant la longue période où l’Algérie était un département français ! Dire que l’OUA a adopté par la suite le principe de l’intangibilité des frontières, est un argument court, d’autant plus court que le Maroc a émis des réserves sur cette disposition du traité, avant de claquer la porte de cette organisation panafricaine.
Ce n’est un secret pour personne que dès le retrait de la France coloniale de l’Algérie, le gouvernement marocain a échoué dans ses tentatives de récupérer ses territoires dépouillés par la France (certes temporairement, et officiellement pour couper la résistance algérienne de ses bases logistiques dans l’Oriental marocain). Sur insistance des leaders de la résistance algérienne, il a été instamment demandé aux Marocains de ne pas engager des négociations sur les territoires du Sahara central avec la France, car cela retarderait inévitablement son accès à l’indépendance. Le Maroc a joué le jeu des sentiments et il le paie chèrement aujourd’hui. Et dire que le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) dignement représenté par Ferhat Abbès, s’était officiellement engagé à respecter le principe de restitution des territoires marocains après l’indépendance du pays !
Le fait que l’Algérie, depuis près de trente ans, contre vents et marées, fait de la question du Sahara un cheval de Troie pour courber l’échine à cette vieille monarchie de l’Ouest, en dit long sur les frustrations, les animosités et remontrances que le pouvoir algérien emmagasine à l’endroit du Maroc et des Marocains.
Entre Rabat et Alger, il y a un lourd passif, une discorde et comble de tout, un déficit de communication qui s’est alourdi au fil des ans, créant un fossé qu’il faille un jour combler par le dialogue, sinon il y a fort à craindre que ce ne soit par d’autres moyens. Les rapports entre ces deux pays voisins relève parfois, plus du registre de la psychanalyse que de l’Histoire ou de la géostratégie. Quand Bouteflika a affirmé lors de son dernier déplacement en Afrique du Sud, qu’il ne «ferait jamais la guerre au Maroc», que faut-il en déduire ? C’est comme si l’état de belligérance était imminent, car s’il n’est pas à la dérive, le bateau algérien est enivré, et il appartient au Maroc de prendre les mesures qui s’imposent pour défendre le peuple et le territoire, contre toute agression probable et désormais potentielle…
Il faut être crédule pour ne pas se rendre à l’évidence, une réalité malheureuse et qui fait tressaillir ; il y a comme une guerre en moins entre l’Algérie et le Maroc !
Une accumulation de mésententes à travers les âges depuis l’ère des Almoravides dont les manuels scolaires escamotent jusqu’à l’origine, alors qu’il y a tout lieu de célébrer ce passé glorieux commun à l’ensemble des peuples maghrébins ; et du Maroc, et de l’Algérie et de la Tunisie.
Il serait fastidieux de remonter aux Fatimides, mais la chronique diplomatique contemporaine suffit à déblayer certains des éléments qui fondent la politique anti-marocaine de l’Algérie. Loin d’être exhaustifs, commençons par les plus reculés et remontons le temps d’un siècle.
- Le soutien massif et inconditionnel du peuple marocain et du Makhzen sultanien à l’Emir Abdelkader nous a coûté la défaite d’Isly et la chute d’Oujda. Des milliers de morts, et une première humiliation face à une armée suréquipée (armes lourdes, canon tractés, etc) face à une troupe de cavaliers essentiellement armés de Bouchfer. Il se trouve aujourd’hui des esprits chagrins qui crient à la trahison ; le Maroc aurait lâché les Algériens quand ils étaient en guerre contre l’occupant!
- Vient ensuite la neutralité que le Maroc a observée (devait-il en être ainsi…) durant la période trouble de la fin des années 50, vis-à-vis de l’imbroglio des longues années de résistance algérienne (UCRA, GPRA, MNA et FLN), notamment les opérations de purge menées par le FLN contre les autres mouvements (et dont beaucoup de maquisards marocains ont été victimes). Par respect à ses «frères» dans l’épreuve, il s’est empêché d’intervenir dans «les règlements de compte» dont il ne saisissait pas l’ampleur à cette époque.
- Le détournement de l’avion transportant les cinq dirigeants historiques à son départ de Rabat (le Maroc n’avait pas encore de compagnie nationale) et leur emprisonnement en France, a été interprétée par des esprits malintentionnés, comme une connivence du Maroc avec la puissance coloniale. Cela nous a valu une brouille malvenue avec la France, et nous a coûté cher en termes d’investissements et de réformes politiques.
- Et, enfin l’appui imprudent du Maroc officiel à Ben Bella, au mépris de la France et du Général De Gaulle, tout cela semble avoir eu dans les rangs du FLN, des réactions inverses que les dirigeants marocains de l’époque n’avaient pas vu venir. Une position de principe qui continue, semble-t-il, d’agiter des esprits, si bien que les acteurs de cette époque sont en vie et à l’œuvre…
Les relations entre le Maroc et l’Algérie ont donc été fondées sur des «non-dits» qui meublent la conscience des responsables de part et d’autre, souffrant d’un débat franc et courageux, pour évacuer les rancœurs. D’un côté, le Maroc croit n’avoir rien à se reprocher en ayant sacrifié ce qu’il a pu et adopté une attitude exemplaire avec «les frères» tout au long de leur combat pour l’émancipation. Bien plus, il ne comprend pas les racines de la haine, de l’intrigue des dirigeants algériens à son égard.
De l’autre, l’Algérie qui a épousé le modèle nassérien à ses débuts, découvre la joie de constituer un Etat, enfin libre, adoptant la «révolution» comme mode de refonte de l’ordre mondial, voit en le Maroc une relique du passé, un voisin qui lui a constamment fait de l’ombre, même en gardant le profil bas.
Issue d’un processus sanglant de décolonisation, l’Algérie indépendante a subitement découvert qu’elle était devenue riche, qu’elle possédait désormais un vaste territoire et une manne pétrolière qu’elle n’a jamais espérée !
Côté marocain, l’émancipation algérienne tant chantée par nos parents s’est finalement réalisée aux dépens de nos propres intérêts. La «guerre des sables» dont on rejette souvent la responsabilité sur le Maroc, est d’abord une réaction à l’agression algérienne contre Hassi Baïda. Ce conflit a été l’annonciateur d’une politique étrangère depuis lors, tournée contre le Maroc et son régime politique réduit de manière inique à la seule personne du Roi Hassan II, alors que la question de la terre demeure aujourd’hui plus qu’hier une affaire de tous les Marocains.
La mission de l’Algérie à son indépendance, comme l’a déclaré en 2004 Ben Bella sur une chaîne arabe, était de faire mobiliser le Tiers-monde contre les forces impérialistes qui détiennent et les ressources et la science et la technologie. Inutile de rappeler que dans ce cas de figure, ni les Marocains ni les Tunisiens, taxés alliés de l’Occident et «valets» de l’impérialisme, n’avaient de place et encore moins de rôle à jouer. Première initiative de Ben Bella arrivé au sommet de l’Etat fut de renier les accords passés avec le Maroc, étape décisive sur le chemin de la discorde que plus rien n’entravait. Depuis cette embrouille réglée à l’africaine, le Maroc a fait toutes les concessions pour calmer l’ardeur des nouveaux voisins. Une attitude pacifique souvent comprise –à tort ou à raison- comme une faiblesse.
Ce n’est un mystère pour personne, les relations ne cessent de se détériorer entre Rabat et Alger, dès lors que chaque partie campe sur ses positions d’hier sans pouvoir affronter l’autre dans une posture décisive. Une des raisons de cet état de choses, le manque de communication et d’échanges francs et sincères sur tous les dossiers qui fâchent dont la question saharienne n’est que l’aspect visible. Les relations bilatérales n’ont à vrai dire jamais été débattues avec courage et loyauté, depuis l’accession de l’Algérie à l’indépendance en juillet 1962, et la volte-face de Ben Bella à l’encontre des intérêts marocains, et la récupération de ses terres spoliées sous la longue occupation française.
L’Histoire, dit-on, permet de comprendre la géographie, mais un simple regard sur la carte algérienne renseigne à l’évidence sur l’abîme qui sépare les deux pays, en particulier le caractère factice de ce tracé qui scinde un seul peuple de part et d’autre. Faut-il reposer la question des frontières sans faire grincer les dents?
Je crois que la question du non-dit nous pèse très lourd de part et d’autre. L’Algérie a hérité des trois quarts d’un territoire que la France a mis du temps pour confisquer au Maroc, au Niger, et même à la Libye et la Tunisie ; ce fut durant la longue période où l’Algérie était un département français ! Dire que l’OUA a adopté par la suite le principe de l’intangibilité des frontières, est un argument court, d’autant plus court que le Maroc a émis des réserves sur cette disposition du traité, avant de claquer la porte de cette organisation panafricaine.
Ce n’est un secret pour personne que dès le retrait de la France coloniale de l’Algérie, le gouvernement marocain a échoué dans ses tentatives de récupérer ses territoires dépouillés par la France (certes temporairement, et officiellement pour couper la résistance algérienne de ses bases logistiques dans l’Oriental marocain). Sur insistance des leaders de la résistance algérienne, il a été instamment demandé aux Marocains de ne pas engager des négociations sur les territoires du Sahara central avec la France, car cela retarderait inévitablement son accès à l’indépendance. Le Maroc a joué le jeu des sentiments et il le paie chèrement aujourd’hui. Et dire que le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) dignement représenté par Ferhat Abbès, s’était officiellement engagé à respecter le principe de restitution des territoires marocains après l’indépendance du pays !
Le fait que l’Algérie, depuis près de trente ans, contre vents et marées, fait de la question du Sahara un cheval de Troie pour courber l’échine à cette vieille monarchie de l’Ouest, en dit long sur les frustrations, les animosités et remontrances que le pouvoir algérien emmagasine à l’endroit du Maroc et des Marocains.
Entre Rabat et Alger, il y a un lourd passif, une discorde et comble de tout, un déficit de communication qui s’est alourdi au fil des ans, créant un fossé qu’il faille un jour combler par le dialogue, sinon il y a fort à craindre que ce ne soit par d’autres moyens. Les rapports entre ces deux pays voisins relève parfois, plus du registre de la psychanalyse que de l’Histoire ou de la géostratégie. Quand Bouteflika a affirmé lors de son dernier déplacement en Afrique du Sud, qu’il ne «ferait jamais la guerre au Maroc», que faut-il en déduire ? C’est comme si l’état de belligérance était imminent, car s’il n’est pas à la dérive, le bateau algérien est enivré, et il appartient au Maroc de prendre les mesures qui s’imposent pour défendre le peuple et le territoire, contre toute agression probable et désormais potentielle…
Il faut être crédule pour ne pas se rendre à l’évidence, une réalité malheureuse et qui fait tressaillir ; il y a comme une guerre en moins entre l’Algérie et le Maroc !
Une accumulation de mésententes à travers les âges depuis l’ère des Almoravides dont les manuels scolaires escamotent jusqu’à l’origine, alors qu’il y a tout lieu de célébrer ce passé glorieux commun à l’ensemble des peuples maghrébins ; et du Maroc, et de l’Algérie et de la Tunisie.
Il serait fastidieux de remonter aux Fatimides, mais la chronique diplomatique contemporaine suffit à déblayer certains des éléments qui fondent la politique anti-marocaine de l’Algérie. Loin d’être exhaustifs, commençons par les plus reculés et remontons le temps d’un siècle.
- Le soutien massif et inconditionnel du peuple marocain et du Makhzen sultanien à l’Emir Abdelkader nous a coûté la défaite d’Isly et la chute d’Oujda. Des milliers de morts, et une première humiliation face à une armée suréquipée (armes lourdes, canon tractés, etc) face à une troupe de cavaliers essentiellement armés de Bouchfer. Il se trouve aujourd’hui des esprits chagrins qui crient à la trahison ; le Maroc aurait lâché les Algériens quand ils étaient en guerre contre l’occupant!
- Vient ensuite la neutralité que le Maroc a observée (devait-il en être ainsi…) durant la période trouble de la fin des années 50, vis-à-vis de l’imbroglio des longues années de résistance algérienne (UCRA, GPRA, MNA et FLN), notamment les opérations de purge menées par le FLN contre les autres mouvements (et dont beaucoup de maquisards marocains ont été victimes). Par respect à ses «frères» dans l’épreuve, il s’est empêché d’intervenir dans «les règlements de compte» dont il ne saisissait pas l’ampleur à cette époque.
- Le détournement de l’avion transportant les cinq dirigeants historiques à son départ de Rabat (le Maroc n’avait pas encore de compagnie nationale) et leur emprisonnement en France, a été interprétée par des esprits malintentionnés, comme une connivence du Maroc avec la puissance coloniale. Cela nous a valu une brouille malvenue avec la France, et nous a coûté cher en termes d’investissements et de réformes politiques.
- Et, enfin l’appui imprudent du Maroc officiel à Ben Bella, au mépris de la France et du Général De Gaulle, tout cela semble avoir eu dans les rangs du FLN, des réactions inverses que les dirigeants marocains de l’époque n’avaient pas vu venir. Une position de principe qui continue, semble-t-il, d’agiter des esprits, si bien que les acteurs de cette époque sont en vie et à l’œuvre…
Les relations entre le Maroc et l’Algérie ont donc été fondées sur des «non-dits» qui meublent la conscience des responsables de part et d’autre, souffrant d’un débat franc et courageux, pour évacuer les rancœurs. D’un côté, le Maroc croit n’avoir rien à se reprocher en ayant sacrifié ce qu’il a pu et adopté une attitude exemplaire avec «les frères» tout au long de leur combat pour l’émancipation. Bien plus, il ne comprend pas les racines de la haine, de l’intrigue des dirigeants algériens à son égard.
De l’autre, l’Algérie qui a épousé le modèle nassérien à ses débuts, découvre la joie de constituer un Etat, enfin libre, adoptant la «révolution» comme mode de refonte de l’ordre mondial, voit en le Maroc une relique du passé, un voisin qui lui a constamment fait de l’ombre, même en gardant le profil bas.
Issue d’un processus sanglant de décolonisation, l’Algérie indépendante a subitement découvert qu’elle était devenue riche, qu’elle possédait désormais un vaste territoire et une manne pétrolière qu’elle n’a jamais espérée !
Côté marocain, l’émancipation algérienne tant chantée par nos parents s’est finalement réalisée aux dépens de nos propres intérêts. La «guerre des sables» dont on rejette souvent la responsabilité sur le Maroc, est d’abord une réaction à l’agression algérienne contre Hassi Baïda. Ce conflit a été l’annonciateur d’une politique étrangère depuis lors, tournée contre le Maroc et son régime politique réduit de manière inique à la seule personne du Roi Hassan II, alors que la question de la terre demeure aujourd’hui plus qu’hier une affaire de tous les Marocains.
La mission de l’Algérie à son indépendance, comme l’a déclaré en 2004 Ben Bella sur une chaîne arabe, était de faire mobiliser le Tiers-monde contre les forces impérialistes qui détiennent et les ressources et la science et la technologie. Inutile de rappeler que dans ce cas de figure, ni les Marocains ni les Tunisiens, taxés alliés de l’Occident et «valets» de l’impérialisme, n’avaient de place et encore moins de rôle à jouer. Première initiative de Ben Bella arrivé au sommet de l’Etat fut de renier les accords passés avec le Maroc, étape décisive sur le chemin de la discorde que plus rien n’entravait. Depuis cette embrouille réglée à l’africaine, le Maroc a fait toutes les concessions pour calmer l’ardeur des nouveaux voisins. Une attitude pacifique souvent comprise –à tort ou à raison- comme une faiblesse.
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