La Sécurité civile évalue un hydravion russe anti-feux
Le successeur des Canadair pourrait être le Beriev-200, en démonstration cette semaine à Biscarosse puis en Corse. Une évaluation aussi technique que politique.

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Par Thierry Vigoureux
Publié le 26/05/2018 à 14h06
Meeting gratuit, le Rassemblement international d'hydravions qui se tient du 7 au 10 juin à Biscarosse, dans les Landes, réunira cette année un parterre d'experts de la Sécurité civile, de gradés des pompiers et d'industriels aéronautiques venus observer le comportement du Beriev-200. Cet hydravion russe offre une version bombardier d'eau très efficace, apte à larguer 12 tonnes de liquide sur un feu, quand un Canadair n'en délivre que la moitié. Ces performances intéressent aussi le marché américain où les gigantesques incendies récents ont montré l'obsolescence des bombardiers d'eau, souvent des avions de la Seconde Guerre mondiale adaptés avec des réservoirs dans les anciennes soutes à bombe. L'échéance en France pour la Sécurité civile, désormais basée à Nîmes au lieu de Marseille-Marignane, approche, car les premiers Canadair ont été livrés il y a 23 ans et ne pourront guère voler au-delà de trente ans.
Une question de moteurs
Outre les démonstrations en vol de Biscarosse, une étape importante avait été franchie ces jours derniers à Saint-Pétersbourg dans le cadre de la rencontre Poutine-Macron. Cette évaluation se joue aussi au plan politique… En effet, les réacteurs Progress D-436 qui équipent le Beriev viennent d'Ukraine, produits par Ivtchenko. Ce sont d'excellents moteurs, de plus marinisés, l'hydravion décollant dans un nuage d'air salin. Mais ils ont le tort d'être produits d'Ukraine et, dans le contexte politique actuel, leurs livraisons et celles de pièces détachées pourraient s'arrêter sans préavis. Une remotorisation a été signée à Saint-Pétersbourg avec l'aide de la France. Le nouveau réacteur existe. C'est le SaM146 franco-russe produit par la coentreprise Safran Aircraft Engines (ex-Snecma) et son partenaire russe UEC (United Engine Corporation). Des centaines d'exemplaires équipent déjà l'avion de ligne régional Sukhoi SuperJet. Une nouvelle version adaptée à l'hydravion va être développée. Toujours sur le plan politique, cet accord va dans le sens des compensations industrielles entre les deux pays, la Russie étant, entre autres, un gros fournisseur d'alliages d'aluminium aéronautiques qui intéressent au premier plan Airbus. « L'avionneur européen suit attentivement le programme Beriev, intervenant en quelque sorte comme caution morale et technique. Airbus avait aidé le constructeur russe à se mettre aux normes occidentales pour obtenir en 2010 la certification de l'Agence européenne de la sécurité aérienne », nous précise un pilote expert du dossier. La chaîne d'assemblage du Beriev-200 est en service et peut accueillir de nouvelles commandes, ce qui n'est pas le cas de celle du Canadair.
Hydravion polyvalent
Le Beriev-200 est parfois considéré comme un mouton à cinq pattes. Amphibie, il décolle d'un plan d'eau, mais possède aussi un train d'atterrissage classique, ce qui lui permet d'utiliser toutes les pistes terrestres existantes d'environ 2 000 mètres. Quand ses réservoirs de liquide sont vides, il peut transporter une soixantaine de passagers, une trentaine de techniciens avec du matériel d'intervention ou encore des civières et vole à près de 700 km/h. La Sécurité civile y voit là un appareil multimissions précieux indépendant des infrastructures terrestres pour apporter de l'aide, par exemple, après un cyclone (Saint-Martin) ou un tremblement de terre (Haïti). Ces soutes peuvent aussi être dédiées au fret. Après Biscarosse, le Beriev va, en effet, voler une dizaine de jours en Corse au départ de Bastia. L'appareil intéresse la compagnie locale Air Corsica qui voit là une double possibilité d'utilisation, en bombardier d'eau le jour puis en avion-cargo la nuit.
Moins connu que les grands constructeurs russes Tupolev, Mig ou Sukhoi, Beriev est depuis 70 ans un spécialiste des avions atypiques produits en peu d'exemplaires. L'avionneur a produit à Taganrog, à l'embouchure du Don près de la mer Noire des hydravions de chasse sous-marine, mais aussi l'A-50, un avion d'alerte et de contrôle, équivalent de l'AWACS occidental. Beriev a également adapté le Tupolev 142 à la patrouille maritime. On lui doit encore l'Ékranoplane, un prototype d'avion amphibie à effet de sol.
LE POINT.
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