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Procès Djamel Bensmail : récit des auditions tantôt choquantes tantôt révélatrices d’une profonde tragédie

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  • #16


    « Je n’étais pas dans mon état »

    Le juge appelle Khoualdi Tahar, lui aussi nie les faits, puis explique : « je n’étais pas loin du commissariat quand j’ai entendu des cris. Je suis venu en courant, et j’ai vu une foule imposante autour du fourgon. Je voulais voir à l’intérieur, mais impossible ? Je regardais de la vitre, et dès qu’une petite place s’est libérée, je suis rentré ». Le président lui montre des photos de la scène, et Khoualdi confirme sa présence. « J’avais un pull noir, une casquette bleue et un short Versacchi », dit-il au juge. « Avez vis vu le corps calciné ? ». L’accusé : « où ? ».

    Le juge : « en Libye….je parle du corps du défunt ». L’accusé affirme ne l’avoir pas vu, mais le juge poursuit son chapelet de questions dont les réponses sont toutes négatives. Le procureur général l’interroge sur son entrée dans le fourgon. « Je voulais savoir qui était ce pyromane. Je l’ai laissé vivant. Après je n’ai rien vu et lorsque j’ai appris qu’ils l’ont brulé, j’ai trouvé cela bizarre ».

    Le magistrat : comment cela bizarre ? Est-ce normal ? Vous étiez présent et vous aviez vu les gens faire sortir le défunt du fourgon». L’accusé nie et le magistrat poursuit ; « et à la placette qu’avez-vous vu ? ». L’accusé : « je n’y étais pas ». Le magistrat : « vous n’avez rien vu et vous diffusez une vidéo dans laquelle, vous justifiez l’assassinat de Djamel et vous le présentez comme l’auteur des incendies ».

    L’accusé : « je n’étais pas dans mon état ». Le magistrat : « qu’avez-vous dit dans la vidéo ? Nous avons tué celui qui brûlait. Il n’a pas été tué pour rien. Nous avons des preuves ». L’accusé : « je n’étais pas dans mon état. Une personne normale ne dira jamais cela ».

    Le magistrat : « prenez-vous des psychotropes ? ». L’accusé : « oui. J’étais à la maison et j’ai demandé à ma tante de me prêter son téléphone pour me connecter. J’ai publié la vidéo. Quelques moments plus tard, elle m’a dit : « qu’as-tu fait ? Tu n’étais pas dans ton état. Tu ne savais même pas que quelqu’un était derrière toi ». J’ai eu de nombreux messages sur Instagram et j’étais étonné. J’ai pris conscience. Après cette vidéo, j’ai tout changé ». L’avocat de la partie civile : « et après cette vidéo avez-vous changé ? ». L’accusé se tourne vers le juge : « puis-je ne pas répondre ? ».

    Le juge : « bien sûr ». L’audience est levée pour une heure. La reprise se fait avec Chaabane Mezari, qui entame son récit : « il y avait une foule dense devant le commissariat. On a entendu parler de l’arrestation des pyromanes. Je suis rentré. J’ai trouvé un policier évanoui, je l’ai pris et je lui ai donné de l’eau. Il s’est réveillé. J’ai vu des gens frapper le défunt. J’ai tenté de dissuader certains mais en vain ». Le juge : « vous teniez une pelle ».

    L’accusé : « je l’ai déposé pour pouvoir pousser la foule. J’ai fini par partir, parce que j’ai un problème de respiration. Je ne pouvais plus tenir. Je me suis éloigné. J’ai laissé la pelle là-bas». Le juge ; « que portiez-vous ? ». L’accusé : « survêtement, pull noir et lunette ». Le juge: « Djamel était vivant ? ». L’accusé : « je ne l’ai pas vu ». Le juge : « pourquoi poussiez-vous les gens ? ». L’accusé : « la foule était devant moi et derrière moi, donc je poussais vers l’avant et vers l’arrière, pour l’éloigner du fourgon ».

    Le juge appelle Said Saadadou, l’homme au pull noir, un Jean et bavette noire, qui avait alimenté les commentaires sur les réseaux sociaux, tantôt présenté comme agents des services de renseignement, tantôt comme policier en civile. Il n’en est rien. Said Saadadou, affirme que ce sont les policiers qui appelaient les gens à l’aide pour empêcher la foule d’entrer dans le fourgon. Le juge : « c’est vous qui aviez demandé de faire sortir le défunt du fourgon ?». L’accusé conteste et précise qu’il était loin au moment où, Djamel a été tiré du véhicule.

    « Vous aviez déclaré que Mohcène Mokrane sautait sur le cadavre…. », lance le président, et l’accusé dément. L’avocat de la partie civile : « avez-vous vu qui était dans le fourgon ? ». L’accusé : « non ». L’avocat : « pourtant vous aviez déclaré avoir vu le défunt ». L’accusé : « j’ai vu juste une ombre. Je suis monté sur le toit du fourgon pour dissuader la foule de le prendre ». Le procureur général : « portiez-vous une bavette noire ? ». L’accusé : « oui ». Le magistrat : « que faisiez-vous sur le toit du fourgon ? » .

    « Je leur disait akhziw echitane »

    L’accusé : « je disais à la foule : arrêtez, akhtiw echitane (NDLR ; éloignez-vous de satan) », mais en vain ». Le juge appelle Ahmed Yaici, qui affirme d’emblée, qu’il était resté loin de la foule, parce qu’il était malade. Il revient sur toutes ses déclarations à l’instruction. Il cède sa place à Mohamed Aliane, qui déclare : « une imposante foule en colère encerclait le fourgon dans laquelle il y avait le défunt. Je suis rentré et je lui parlé. Il avait très peur ».

    Le juge : qui l’a frappé ? » L’accusé : « ils étaient nombreux. Je leur disait d’arrêter mais ils m’ont insulté ». Le juge appelle Tayeb Tarriche qui raconte que 13 jours avant, son fils qui vivait à Larbaa, l’a appelé pour présenter les condoléances à la famille de son épouse, qui a perdu toute sa famille à cause de la Covid-19. Je voulais les prendre avec moi à Tiaret, il y a eu les incendies.

    Le juge le ramène au moment de l’immolation de Djamel. « Ils prenaient tous des photos. J’ai pris des herbes et je les ai mises sur le cops du défunt pour éteindre la braise. Vingt minutes après, j’ai ajouté après un carton pour le couvrir. Des gens m’ont agressé en me reprochant de ne pas avoir laissé le feu ». Le juge : «ce n’est pas ce que vous aviez déclaré. Vous aviez dit : ils ont exigé de mettre un autre carton sinon, en tant qu’arabe, ils me feront subir le même sort. Ils étaient une trentaine ».

    L’accusé, revient sur ses propos et confirme avoir été menacé. « Il m’a dit, pourquoi tu as mis le carton sur lui. Tu es arabe comme lui, tu subiras le même sort. J’ai pris un carton je l’ai mis sur le corps du défunt, mais c’était pour le couvrir. Ils m’ont reproché de vouloir éteindre le feu. J’en était malade ».

    Le procureur général : « on éteint le feu avec de l’eau ou du carton ? ». L’accusé : « le feu était éteint. J’ai mis le carton pour le couvrir mais après ils m’ont dit de le mettre pour rallumer le feu». Le magistrat : « certains accusés affirment que c’est Tiarti, donc toi, qui a mis de l’essence et allumé le feu ». L’accusé : « ce n’est pas moi. Si c’est moi, condamnez-moi à la peine maximum ».

    Le juge appelle Lounis Maaloun qui nie les faits reprochés. Lui aussi, il est parti au commissariat pour voir les auteurs des incendies. « J’ai vu le défunt. Son visage était ensanglanté. Je suis descendu et sorti du commissariat. Après ils l’ont sorti et trainé jusqu’à la placette.

    Le procureur général : « vous avez été entendu par la police ? ». L’accusé : « c’est la première fois que je suis convoqué par la police. Je n’ai jamais mis les pied dans un commissariat». Le président : « si vous êtes entré non seulement dans un commissariat mais aussi dans un fourgon de police ». L’avocat de la partie civile lui demande s’il était présent lorsque le défunt était tiré du fourgon. L’accusé répond par un oui et l’avocat réplique : « donc vous étiez avec eux ? ».

    L’accusé : « non je regardais ». L’avocat : que faisiez-vous dans le fourgon ». L’accusé : «j’étais assis ». Le juge appelle Yazid Yaici et lui demande : « qui a fait sortir le défunt du fourgon ? ».

    L’accusé affirme n’avoir vu personne et le juge lui rappelle ses propos lors de l’instruction. «Vous aviez dit que vous vouliez arracher le défunt de la foule, mais quelques un et vous aviez cité la personne qui portait le pull avec les lettres ART, ont réussi à le prendre ». L’accusé : « non je l’ai vu par terre et le type avec le pull ART lui tenait le pied. J’n’ai pas vu son visage parce qu’il avait la tête vers le bas ». Il cède sa place à Belkacem Hadjali. Il affirme qu’il voulait à tout prix voir celui qui a brulé, la forêt, à travers les vitres du fourgon, mais impossible. J’ai essayé de forcer la porte, il l’a refermé avec violence sur moi ». Le juge : « comment êtes-vous entré ? ».

    L’accusé : « normal. J’ai vu que les gens entraient et sortaient, j’ai fait de même ». Le procureur général : « est-ce normal d’entrer dans un commissariat, et de monter dans un fourgon de police ? ». L’accusé : « ma tante et ses enfants ont été brulées vifs par les flammes, je voulais voir qui est cet homme ». Le magistrat : « pour le frapper ? ». L’accusé : « jamais, c’était pour le voir seulement. J’ai dit la vérité. Si ce n’était pas les gens qui entraient et sortaient du commissariat et du fourgon, je ne serais pas allé ».

    « J’ai fait du bien en repoussant la foule et du mal en montant sur le toit du fourgon »

    L’avocat de la partie civile : « comment avez-vous trouvé le défunt lorsque vous l’avez-vous dans le fourgon ? ». L’accusé : « il était en forme ». Le président : « comment était-il en forme ? Il était blessé ». L’accusé : « je ne l’ai pas vu. Il a fermé la porte sur mn visage ». Le juge appelle Mokrane Boulahcene, qui nie tous les faits et se limite à déclarer que lorsqu’il est arrivé le défunt était allongé par terre devant le commissariat et « tout le monde lui donnait des coups ».

    Il cède sa place à Said Ziane, reconnait être entré au commissariat puis monté sur le toit du fourgon, pour pouvoir entrer à l’intérieur par la fenêtre afin de voir, dit-il, le défunt. Il nie avoir donné des coups à ce dernier et déclare : « j’ai fait du bien en repoussant la foule afin qu’elle ne prenne pas Djamel et j’ai fait du mal en montant sur le toit du fourgon ».

    Le juge appelle Madjid Benyoub, affirme comme une bonne partie des accusés, avoir rejoint le commissariat pour aider le défunt. « J’ai poussé le portail, j’y suis entré, monté sur la terrasse pour dire aux gens de laisser la police faire son travail. Quand je suis descendus, ils avaient déjà sorti le défunt du fourgon et l’ont trainé sur une distance de 100 mètres. Il était déjà mort ». Le juge : « pourquoi êtes-vous monté à la terrasse ? ».

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    • #17
      « Ali Bouzar disait dépèce-le, dépèce-le »

      L’accusé : « pour les dissuader. J’avais peur qu’ils attaquent le commissariat » ; Le juge : « vous défendez le commissariat et vous laissez le cadavre ? ». Le juge : « pourquoi donniez-vous des coups au toit du fourgon ? ». L’accusé : « pour les empêcher de frapper le défunt ». Le juge : « qui a sorti Djamel du fourgon ? ». L’accusé : « c’est celui qui l’a fouillé et lui a pris la carte d’identité ». Le procureur général : « vous avez aidé Gaya Zine à tirer le défunt du fourgon ». L’accusé : « je n’arrive même pas à savoir pourquoi j’ai fait cela ».

      Le juge appelle Iddir Ouardi. Il a facilité la tâche au juge, en vidant tout. Ses déclarations ont glaçantes. Mais avant il affirme : « la foule criait il a tué, il faut l’égorger et lui enlever la tête. Je ne sais pas comment j’ai pu faire cela ». Le juge : « avant de lui enlever la tête, qu’avez-vous fait ? ». L’accusé : « je l’ai égorgé avec un cutter ». Le juge : « Nabila criait égorge le, coupe lui la tête… ».

      L’accusé : « j’ai dit j’entendais une voix féminine dire egorge-le, coupe lui la tête. Je ne l’ai pas vu. Quand je suis parti, on s’est rencontré dans la rue. Elle m’a demandé de lui montrer la route vers Alger. Elle avait très peur. J’étais un peu ivre ». le Juge : « vous étiez ivre, mais vous avez pu lui montrer la route. Continuez ».

      L’accusé : « je n’arrive toujours pas à y croire. Je n’ai pas pu prendre de photos. Je n’étais pas devant le fourgon. Je suis arrivé à la placette entre 20 heure 30 et 21 heures ». Le procureur général : « avez-vous fait des choses pareils ? ». L’accusé : « jamais ». Le magistrat : « pourquoi l’avez-vous fait ce jour-là ? ». L’accusé : « ce jour-là, la population était en colère contre les incendies ». Le magistrat : « est-ce Ali Bouzar qui disait dépèce le, dépèce le ». L’accusé : « oui c’était lui». Le magistrat : « qu’avez-vous fait du cutter et de vos vêtements ?».

      L’accusé : « je m’en suis débarrassé ». L’avocat de la partie civile : « combien de fois avez-vous fait passer le cutter sur le défunt ? ». L’accusé : je ne sais pas. J’ai essayé de lui enlever la tête avec mon pied et à ce jour je n’arrive pas à croire ce que j’ai fait. Ma conscience me fait souffrir. J’ai pensé faire des choses contre ma personne, mais à chaque fois, je revois le visage de ma mère que j’ai laissée malade ». L’avocat : « comment avez-vous laissé le corps ? ». L’accusé : « tout noir calciné. J’ai fait une dépression nerveuse à la prison. Je me fais suivre par un psychiatre… ».

      « L’Arabe qui viendra ici sera brulé »

      L’accusé : « je n’étais pas là-bas ». Il confirme aussi que Djamel était déjà mort, lorsque lui et Nadjib Ayoub, le trainaient par terre jusqu’à la placette. Trois jours après les faits, il affirme être passé chez le coiffeur pour tendre en blond ses cheveux de peur d’être reconnu, étant donné que ses photos et vidéos étaient sur les réseaux sociaux. Les 45 000 DA trouvés sur lui, sont explique-t-il, le fruit de ses activités de plomberie.

      Le procureur général : «vous aviez donné des coups de pieds au défunt à la placette ». L’accusé : « un seul coup ». Il cède sa place à Loucif Chemini, qui revient sur les faits au niveau de la placette après l’immolation du défunt. « Il y avait une foule importante, et tout le monde, les femmes, les enfants, des pompiers et même les vieux, tournait autour et prenaient des photos.

      Je ne comprenais pas. On m’a dit que c’est celui qui a brulé a été brulé. Je ne savais pas qu’il a été pris du commissariat. J’ai fait un selfie avec le cadavre et publié dans une story personnalisée en écrivant celui qui a brulé a été brulé. Mais je l’ai supprimé quelques minutes après les commentaires et les insultes reçus. Le juge ferme les auditions des accusés et passe à celle des parties civiles. Mobilis, Algérie Télécom, mais surtout des policiers et sans oublier les deux passagers de la Clio Campus. D’abord son propriétaire.

      Son témoignage est poignant. « Nous étions sur la route à accompagner le camion qui a ramené des provisions aux sinistrés. En cour de route ont nous appelle pour aller à Tizi Ouzou. On fait demi-tour à Larbaa Nath Iraten, et quelques mètres plus loin, une foule importante criait « arrêtez. J’allais m’exécuter mais lorsque je me suis retourné j’ai vu quelqu’un avec une pelle j’ai eu peur. J’ai accéléré et pris la fuite vers la police. Ils m’ont suivi. Ils criaient donnez les nous, pour les bruler».

      Le juge : « qui vous menacé ? ». Le propriétaire de la Clio : « celui qui a pris les clefs à Bensmain ». Le juge : « pouvez-vous le reconnaitre ? ». Le propriétaire de la Clio passe devant tous les bancs et désigne Ferhat Ferhat, comme celui qui l’a arrêté et qui tenait un bâton dans la main.

      Le juge demande après le 3ème passager, qui selon le propriétaire de la Clio, « a eu tellement peur, qu’il a pris la fuite et rentré chez lui. Moi et mon 2ème accompagnateur, nous avons réussi à atteindre le célibatorium de la police. Ils nous ont caché dans les sanitaires, jusqu’à 2heures du matin, puis ils nous ont mis dans les malles pour nous emmener à Tizi Ouzou. ». Il faut dire que l’audience n’a pas été facile avec un climat électrique entre les avocats. Le procès reprendra samedi prochain.

      /inter-lignes.

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      • #18
        Esperons que tous ceux qui sont impliqués, de pres ou de loin, a cette tragedie recoivent le chatiment qu'ils meritent.
        ثروة الشعب في سكانه ’المحبين للعمل’المتقنين له و المبدعين فيه. ابن خلدون

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        • #19
          Esperons que tous ceux qui sont impliqués, de pres ou de loin, a cette tragedie recoivent le chatiment qu'ils meritent.

          Pourquoi châtiés ceux qui sont loin de cette tragédie? ...

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          • #20
            Procès Djamel Bensmail : récit des plaidoiries de la défense dans un climat électrique

            Entamées depuis mardi dernier, les plaidoiries de la défense des 102 accusés jugés dans l’affaire de l’assassinat de Djamel Bensmail, à Larbaa Nath Irathen, dans la wilaya de Tizi Ouzou, le 11 août 2021, se sont achevées, hier en début de soirée. Après avoir décidé de se passer du dernier mot accordé aux accusés, le président du tribunal criminel de Dar El Beida à Alger, met l’affaire en délibéré.

            Aucune date n’a été avancée pour le prononcé du verdict, mais elle sera donnée aux avocats par le biais de leur conseil de l’ordre. Il faut dire que malgré la maitrise du juge de la gestion du procès, ce dernier s’est déroulé dans un climat très tendu souvent électrique, marqué par des échanges virulents tantôt entre les avocats de la partie civile et ceux des accusés et tantôt entre ces derniers.

            Les tentatives d’incidents d’audience n’ont également pas manqué. Dimanche en début de soirée, une coupure d’électricité est venue ajouter un peu plus de tension. Une coupure d’électricité a mis dans le noir total le tribunal criminel de Dar El Beida, provoquant la panique. En quelques secondes, la salle est envahie par les éléments de la BRI (brigade de recherche et d’intervention) de la police, qui étaient positionnés à l’extérieure de la salle et aux alentours du tribunal.
            Une avocate suspendue


            Dotés de puissantes torches, ils ont immédiatement encerclé les bancs. Pendant que ces équipes organisaient le dispositif, une avocate a été surprise par une policière, en train de prendre, avec son mobile, des photos des accusés. Vite interpelée, son téléphone a été confisqué. Il contenait une série de photos. Après de longs pourparlers entre le procureur général et des membres du conseil de l’ordre, l’avocate a quitté le tribunal.

            Hier matin, elle a fait l’objet, apprend-on de source sure, d’une mesure de suspension en attendant la suite à donner à son cas. La salle d’audience est, quant à elle, envahie par les éléments de la BRI, qui se sont positionnés autour des bancs des accusés et ce durant toute la journée et jusqu’à la levée de l’audience vers 18 heures 30.

            En dépit de cet incident, les plaidoiries, qui avaient commencé mercredi dernier dans l’après-midi, se sont poursuivies. L’écrasante majorité des avocats a plaidé l’acquittement y compris pour ceux qui ont été filmés en train d’immoler Djamel, de le battre, de le traîner du commissariat jusqu’à la place Abane Ramdane et de le décapiter.

            Plusieurs d’entre eux dénoncent les demandes du procureur général, en les qualifiant de « condamnations collectives». Pour eux les vidéos « peuvent être accablantes pour certaines accusations, cependant elles restent infondées lorsqu’il s’agit d complot contre l’état et l’unité nationale et au terrorisme ».

            Pour eux l’accusation d’attroupement non armé ne « réuni pas les éléments constitutifs tel que les appels lancés à se disperser par des hauts parleurs tél que prévu par la loi. » Pour ce qui est des accusés jugés pour leur appartenance au mouvement séparatiste, MAK, déclaré comme une organisation « terroriste » par les autorités, leur défense a déconstruit l’accusation en battant en brèche le contenu de l’enquête préliminaire et celui de l’instruction, qui d’après elles « n’ont pas apporté de preuves suffisantes. »

            Une grande partie des avocats reviennent sur les événements douloureux de de 2001 qui se sont soldés par la mort de 127 manifestants sous les tirs à balles réelles des gendarmes, avant de terminer avec le retrait des troupes de cette force. « Cette longue absence de la gendarmerie de la région a engendré non seulement le non-respect des institutions de l’état mais aussi la défiance au l’égard des forces armées », explique l’un des avocats, ajoutant que « cela a profité au MAK qui était très actifs entre 2013 et 2015 durant lesquelles il a organisé de nombreuses marches à Bejaia et à Tizi Ouzou, encadrées par la police. »

            « Profitant de la situation, le mouvement a pris un peu d’aile à Larbaâ Nath Irathen », soutient-il. La Défense est revenue sur ce qu’elle a qualifié de « crime par hasard ou par curiosité », commis par de nombreux jeunes de Larbaa, qui n’ont pas été au commissariat ni pénétré dans le siège de la sûreté de daïra, ou monté dans le véhicule ni frapper la victime ni encore moins saccagé un quelconque véhicule… ».
            « L’affaire est-elle celle du MAK ou de Djamel Bensamail ? »


            Certains avocats sont revenus sur le contexte dans lequel a eu lieu ce crime à Larbaâ-Nath-Irathen. « La population a perdu son bétail, ses enfants, ses maisons ravagées par les flammes. On leur a fait comprendre, qu’un pyromane a été arrêté. Ils ont agi sous le coup de la colère. Je ne veux pas justifier ce crime, mais je veux juste mettre le tribunal dans ce contexte », lance un avocat.

            La majorité des avocats ont plaidé l’innocence et donc l’acquittement de leurs mandants. La défense des accusés, relève par ailleurs « qu’on ne peut reprocher à toutes les personnes rassemblées à la place Abane Ramdane ou devant le commissariat d’avoir participé à ce crime abjecte juste par parce qu’elles n’ont pas essayé d’aider la police. »

            Un autre avocat, met l’accent sur le rôle joué par les Algériens sur les réseaux sociaux pour rendre visibles tous ceux qui ont pris part à cet assassinat. Il défend l’homme à la bavette noire vêtu d’un pull noire et d’un Jean, qui avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque des faits.

            L’avocat s’adresse aux journalistes et leur demandent d’informer l’opinion publique sur le fait que l’accusé « n’est pas un agent du DRS (services de renseignement militaire) et qu’il est en prison comme tous les autres accusés et ce, contrairement à ce qui a été véhiculé ».
            « pourquoi la police n’a pas protégé le défunt »


            L’avocat plaide pour l’acquittement, en raison du fait que son mandant, affirme-t-il, « a tenté de protéger Djamel ». Plaidant lui aussi l’acquittement, l’avocat de l’accusé qui portait le pull avec trois grandes lettres « ART », que l’on voit sur des vidéos, derrière le défunt lors de son passage sur la web TV Awras, au commissariat et à la place Abbane Ramdane, précise « qu’il n’a pas niée sa présence », lance l’avocat.

            Pour lui, l’accusé « n’a rien planifié ni fomenté un complot ». Il fait remarquer que la police aurait dû recourir aux bombes lacrymogènes pour disperser la foule imposante. Il s’est demandé pourquoi la police n’a pas protégé le défunt, comme elle l’a fait avec les passagers de la Clio et fini par lancer une autre interrogation : quel dossier est devant le tribunal ? est-ce celui du MAK ou celui du défunt Djamel ?

            Un de ses confrère lui emboite le pas, pour déclare à propos de son mandant qu’il n’a été identifié que sur une seule photo, derrière le fourgon de la police au commissariat. « Il était au mauvais endroit et au mauvais moment. Pendant trois jours il n’avait pas fermé l’œil à surveiller sa maison et sa famille menacées par les flammes. Il est parti pour ramener de l’eau et lorsqu’il a vu la foule, on lui a dit un des pyromanes a été arrêté, il a voulu le voire par curiosité ? », explique-t-il. Lui aussi revient sur le contexte des évènements de 2001 pour expliquer ce qui s’est passé à Larbaa Nath Irathen, dix ans après.
            « Djamel tué d’une manière affreuse »


            Un autre avocat lui succède plaide pour cet accusé. Il est venu de Médéa présenter les condoléances à la belle famille de son fils. Il avait perdu cinq membres à cause de la Covid-19, et s’est retrouvé avec une accusation d’appartenance au MAK, « alors qu’il ne connait même pas la langue, et encore moins des gens de la région ». « Son seul tort est qu’il a été pris dans une photo, à côté du fourgon de la police », indique-t-il.

            Lui emboitant le pas, un autre avocat commence sa courte plaidoirie, par faire une déclaration inattendue. « Nous sommes là pour un crime des plus abjectes. Djamel a été tué de manière affreuse devant tous les Algériens, qui ont suivi les évènements sur les réseaux sociaux. Il est mort de manière tragique et depuis le début des plaidoiries j’entends mes confrères plaider tout bonnement l’acquittement y compris pour des accusés vus par tous les Algériens sur la scène du crime en train de torturer, tuer et immoler Djamel », dit-il, avant d’être interrompu par la réaction brutale et bruyante de ses confrères.

            La tension monte entre lui et les avocats. La situation a failli tourner au vinaigre, si ce n’est la suspension de l’audience par le président. Au bout de 30 minutes, celle-ci reprend. L’avocat revient au prétoire et présente ses excuses à ses confrères, en affirmant qu’il n’a jamais été dans ses intentions de leur porter préjudice.
            « Nabila a subi une pression terrible »


            Le calme revient dans la salle et c’est l’avocat de Nassi Ouardia, l’infirmière, venue de Tipaza avec sa copine Nabila Merouane, qui crie l’innocence de l’accusée et plaide son acquittement parce que dit-il, « elle n’est arrivée à Larbaa que vers 21 heures, alors que le corps du défunt était calciné. Elle n’apparait pas sur les photos ou vidéo, parce qu’elle est restée dans la voiture. Pourquoi est-elle en prison ? Ceux qui ont commis ce crime doivent être condamnés, mais les autres ceux qui n’ont rien fait doivent être libérés ».

            La défense de Nabila Merouane, souligne d’emblée : « ce dossier n’est certes pas ordinaire mais nous sommes devant le tribunal criminel où s’applique le droit. Comment expliquer toutes ces accusations ? ».

            L’avocat rappelle que l’accusée n’est pas de la région. « Elle est venue apporter son aide à la population et dès qu’elle est arrivée, elle a trouvé la ville en ébullition. Elle a demandé à un policier ce qui se passait, il lui dit qu’un des pyromanes a été arrêté et tué. Elle a été interpelée par un jeune qui l’a suspectée d’être « étrangère à la région » parce qu’elle ne parlait kabyle.

            Il l’a accusé d’être des services de renseignement. Elle était obligée de lui présenter sa carte professionnelle, afin de sauver sa vie. Il faut revenir au contexte pour comprendre la pression qu’elle a subie.

            L’avocat contes les accusations d’appartenance au MAK, de terrorisme, de complot… ect mais aussi de torture, et de meurtre avec préméditation. « Nabila ne peut pas être accusée de meurtre, parce que Djamel était déjà calciné lorsqu’elle est arrivée à Larbaa. Elle ne peut pas être accusée de torture et mutilation, la victime était déjà carbonisée.»

            « Mais comment peut-elle être accusée de complot, alors qu’elle ne connait personne, et contre qui le complot ? Nabila a subi d’énormes pressions. Elle avait très peur de subir le sort de Djamel. Son comportement est la conséquence de cette pression. L’article 88 du code pénal stipule qu’l n’y a pas de sanction contre un crime commis s’il est la conséquence d’une force impossible d’éloigner », estime-t-il. Selon lui, « Nabila tombe sous cet article, elle doit bénéficier de l’acquittement. »

            Il est 18 h 30 minutes, le président annonce la fin des débats et met l’affaire en délibéré et précise que dès que la décision sera rendue, le conseil de l’ordre sera informée de la date de son prononcée.

            inter-lignes.

            Commentaire


            • #21
              Forcément le procès ne pouvait débouché que sur une procédure bâclée, avec 102 mis en cause à la barre c'était prévisible. En voulant associer au procès qui relève de la cours d'assise pour crime, le jugement et le châtiment des éléments du MAK, on se perd en confusions, qui est responsable de qui, et qui est coupable de quoi?

              Je n'étais pas à Fort National, mais dans cette affaire, les ombres, et les non-dits occupent une place centrale dans les débats...

              A titre d'exemple: comme on le remarque dans le compte rendu d'audience ci dessus: comment expliquer la présence à la barre d'un mis en cause( Youcef Guedache) qui au moment du crime était à des kilomètres de là entrain d'éteindre le feu qui ravage ses oliveraies?Forcément le procès ne pouvait débouché que par une procédure bâclée, avec 102 mis en cause à la barre c'était prévisible. En voulant associer au procès qui relève de la cours d'assise pour crime, le jugement et le châtiment des éléments du MAK, on se perd en confusions, qui est responsable de qui, et qui est coupable de quoi?

              A titre d'exemple: comme on le remarque dans le compte rendu d'audience ci dessus: comment expliquer la présence à la barre d'un mis en cause( Youcef Guedache) qui au moment du crime était à des kilomètres de là entrain d'éteindre le feu qui ravage ses oliveraies?

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