« Je n’étais pas dans mon état »
Le juge appelle Khoualdi Tahar, lui aussi nie les faits, puis explique : « je n’étais pas loin du commissariat quand j’ai entendu des cris. Je suis venu en courant, et j’ai vu une foule imposante autour du fourgon. Je voulais voir à l’intérieur, mais impossible ? Je regardais de la vitre, et dès qu’une petite place s’est libérée, je suis rentré ». Le président lui montre des photos de la scène, et Khoualdi confirme sa présence. « J’avais un pull noir, une casquette bleue et un short Versacchi », dit-il au juge. « Avez vis vu le corps calciné ? ». L’accusé : « où ? ».
Le juge : « en Libye….je parle du corps du défunt ». L’accusé affirme ne l’avoir pas vu, mais le juge poursuit son chapelet de questions dont les réponses sont toutes négatives. Le procureur général l’interroge sur son entrée dans le fourgon. « Je voulais savoir qui était ce pyromane. Je l’ai laissé vivant. Après je n’ai rien vu et lorsque j’ai appris qu’ils l’ont brulé, j’ai trouvé cela bizarre ».
Le magistrat : comment cela bizarre ? Est-ce normal ? Vous étiez présent et vous aviez vu les gens faire sortir le défunt du fourgon». L’accusé nie et le magistrat poursuit ; « et à la placette qu’avez-vous vu ? ». L’accusé : « je n’y étais pas ». Le magistrat : « vous n’avez rien vu et vous diffusez une vidéo dans laquelle, vous justifiez l’assassinat de Djamel et vous le présentez comme l’auteur des incendies ».
L’accusé : « je n’étais pas dans mon état ». Le magistrat : « qu’avez-vous dit dans la vidéo ? Nous avons tué celui qui brûlait. Il n’a pas été tué pour rien. Nous avons des preuves ». L’accusé : « je n’étais pas dans mon état. Une personne normale ne dira jamais cela ».
Le magistrat : « prenez-vous des psychotropes ? ». L’accusé : « oui. J’étais à la maison et j’ai demandé à ma tante de me prêter son téléphone pour me connecter. J’ai publié la vidéo. Quelques moments plus tard, elle m’a dit : « qu’as-tu fait ? Tu n’étais pas dans ton état. Tu ne savais même pas que quelqu’un était derrière toi ». J’ai eu de nombreux messages sur Instagram et j’étais étonné. J’ai pris conscience. Après cette vidéo, j’ai tout changé ». L’avocat de la partie civile : « et après cette vidéo avez-vous changé ? ». L’accusé se tourne vers le juge : « puis-je ne pas répondre ? ».
Le juge : « bien sûr ». L’audience est levée pour une heure. La reprise se fait avec Chaabane Mezari, qui entame son récit : « il y avait une foule dense devant le commissariat. On a entendu parler de l’arrestation des pyromanes. Je suis rentré. J’ai trouvé un policier évanoui, je l’ai pris et je lui ai donné de l’eau. Il s’est réveillé. J’ai vu des gens frapper le défunt. J’ai tenté de dissuader certains mais en vain ». Le juge : « vous teniez une pelle ».
L’accusé : « je l’ai déposé pour pouvoir pousser la foule. J’ai fini par partir, parce que j’ai un problème de respiration. Je ne pouvais plus tenir. Je me suis éloigné. J’ai laissé la pelle là-bas». Le juge ; « que portiez-vous ? ». L’accusé : « survêtement, pull noir et lunette ». Le juge: « Djamel était vivant ? ». L’accusé : « je ne l’ai pas vu ». Le juge : « pourquoi poussiez-vous les gens ? ». L’accusé : « la foule était devant moi et derrière moi, donc je poussais vers l’avant et vers l’arrière, pour l’éloigner du fourgon ».
Le juge appelle Said Saadadou, l’homme au pull noir, un Jean et bavette noire, qui avait alimenté les commentaires sur les réseaux sociaux, tantôt présenté comme agents des services de renseignement, tantôt comme policier en civile. Il n’en est rien. Said Saadadou, affirme que ce sont les policiers qui appelaient les gens à l’aide pour empêcher la foule d’entrer dans le fourgon. Le juge : « c’est vous qui aviez demandé de faire sortir le défunt du fourgon ?». L’accusé conteste et précise qu’il était loin au moment où, Djamel a été tiré du véhicule.
« Vous aviez déclaré que Mohcène Mokrane sautait sur le cadavre…. », lance le président, et l’accusé dément. L’avocat de la partie civile : « avez-vous vu qui était dans le fourgon ? ». L’accusé : « non ». L’avocat : « pourtant vous aviez déclaré avoir vu le défunt ». L’accusé : « j’ai vu juste une ombre. Je suis monté sur le toit du fourgon pour dissuader la foule de le prendre ». Le procureur général : « portiez-vous une bavette noire ? ». L’accusé : « oui ». Le magistrat : « que faisiez-vous sur le toit du fourgon ? » .
« Je leur disait akhziw echitane »
L’accusé : « je disais à la foule : arrêtez, akhtiw echitane (NDLR ; éloignez-vous de satan) », mais en vain ». Le juge appelle Ahmed Yaici, qui affirme d’emblée, qu’il était resté loin de la foule, parce qu’il était malade. Il revient sur toutes ses déclarations à l’instruction. Il cède sa place à Mohamed Aliane, qui déclare : « une imposante foule en colère encerclait le fourgon dans laquelle il y avait le défunt. Je suis rentré et je lui parlé. Il avait très peur ».
Le juge : qui l’a frappé ? » L’accusé : « ils étaient nombreux. Je leur disait d’arrêter mais ils m’ont insulté ». Le juge appelle Tayeb Tarriche qui raconte que 13 jours avant, son fils qui vivait à Larbaa, l’a appelé pour présenter les condoléances à la famille de son épouse, qui a perdu toute sa famille à cause de la Covid-19. Je voulais les prendre avec moi à Tiaret, il y a eu les incendies.
Le juge le ramène au moment de l’immolation de Djamel. « Ils prenaient tous des photos. J’ai pris des herbes et je les ai mises sur le cops du défunt pour éteindre la braise. Vingt minutes après, j’ai ajouté après un carton pour le couvrir. Des gens m’ont agressé en me reprochant de ne pas avoir laissé le feu ». Le juge : «ce n’est pas ce que vous aviez déclaré. Vous aviez dit : ils ont exigé de mettre un autre carton sinon, en tant qu’arabe, ils me feront subir le même sort. Ils étaient une trentaine ».
L’accusé, revient sur ses propos et confirme avoir été menacé. « Il m’a dit, pourquoi tu as mis le carton sur lui. Tu es arabe comme lui, tu subiras le même sort. J’ai pris un carton je l’ai mis sur le corps du défunt, mais c’était pour le couvrir. Ils m’ont reproché de vouloir éteindre le feu. J’en était malade ».
Le procureur général : « on éteint le feu avec de l’eau ou du carton ? ». L’accusé : « le feu était éteint. J’ai mis le carton pour le couvrir mais après ils m’ont dit de le mettre pour rallumer le feu». Le magistrat : « certains accusés affirment que c’est Tiarti, donc toi, qui a mis de l’essence et allumé le feu ». L’accusé : « ce n’est pas moi. Si c’est moi, condamnez-moi à la peine maximum ».
Le juge appelle Lounis Maaloun qui nie les faits reprochés. Lui aussi, il est parti au commissariat pour voir les auteurs des incendies. « J’ai vu le défunt. Son visage était ensanglanté. Je suis descendu et sorti du commissariat. Après ils l’ont sorti et trainé jusqu’à la placette.
Le procureur général : « vous avez été entendu par la police ? ». L’accusé : « c’est la première fois que je suis convoqué par la police. Je n’ai jamais mis les pied dans un commissariat». Le président : « si vous êtes entré non seulement dans un commissariat mais aussi dans un fourgon de police ». L’avocat de la partie civile lui demande s’il était présent lorsque le défunt était tiré du fourgon. L’accusé répond par un oui et l’avocat réplique : « donc vous étiez avec eux ? ».
L’accusé : « non je regardais ». L’avocat : que faisiez-vous dans le fourgon ». L’accusé : «j’étais assis ». Le juge appelle Yazid Yaici et lui demande : « qui a fait sortir le défunt du fourgon ? ».
L’accusé affirme n’avoir vu personne et le juge lui rappelle ses propos lors de l’instruction. «Vous aviez dit que vous vouliez arracher le défunt de la foule, mais quelques un et vous aviez cité la personne qui portait le pull avec les lettres ART, ont réussi à le prendre ». L’accusé : « non je l’ai vu par terre et le type avec le pull ART lui tenait le pied. J’n’ai pas vu son visage parce qu’il avait la tête vers le bas ». Il cède sa place à Belkacem Hadjali. Il affirme qu’il voulait à tout prix voir celui qui a brulé, la forêt, à travers les vitres du fourgon, mais impossible. J’ai essayé de forcer la porte, il l’a refermé avec violence sur moi ». Le juge : « comment êtes-vous entré ? ».
L’accusé : « normal. J’ai vu que les gens entraient et sortaient, j’ai fait de même ». Le procureur général : « est-ce normal d’entrer dans un commissariat, et de monter dans un fourgon de police ? ». L’accusé : « ma tante et ses enfants ont été brulées vifs par les flammes, je voulais voir qui est cet homme ». Le magistrat : « pour le frapper ? ». L’accusé : « jamais, c’était pour le voir seulement. J’ai dit la vérité. Si ce n’était pas les gens qui entraient et sortaient du commissariat et du fourgon, je ne serais pas allé ».
« J’ai fait du bien en repoussant la foule et du mal en montant sur le toit du fourgon »
L’avocat de la partie civile : « comment avez-vous trouvé le défunt lorsque vous l’avez-vous dans le fourgon ? ». L’accusé : « il était en forme ». Le président : « comment était-il en forme ? Il était blessé ». L’accusé : « je ne l’ai pas vu. Il a fermé la porte sur mn visage ». Le juge appelle Mokrane Boulahcene, qui nie tous les faits et se limite à déclarer que lorsqu’il est arrivé le défunt était allongé par terre devant le commissariat et « tout le monde lui donnait des coups ».
Il cède sa place à Said Ziane, reconnait être entré au commissariat puis monté sur le toit du fourgon, pour pouvoir entrer à l’intérieur par la fenêtre afin de voir, dit-il, le défunt. Il nie avoir donné des coups à ce dernier et déclare : « j’ai fait du bien en repoussant la foule afin qu’elle ne prenne pas Djamel et j’ai fait du mal en montant sur le toit du fourgon ».
Le juge appelle Madjid Benyoub, affirme comme une bonne partie des accusés, avoir rejoint le commissariat pour aider le défunt. « J’ai poussé le portail, j’y suis entré, monté sur la terrasse pour dire aux gens de laisser la police faire son travail. Quand je suis descendus, ils avaient déjà sorti le défunt du fourgon et l’ont trainé sur une distance de 100 mètres. Il était déjà mort ». Le juge : « pourquoi êtes-vous monté à la terrasse ? ».
Commentaire