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Littérature et gastronomie

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  • #16
    Alphonse Daudet, "les trois messes basses" in "les lettres de mon moulin".

    Un curé gourmand influencé par le Diable qui a pris pour l'occasion l'apparence de son sacristain "volera" au Seigneur ses messes de la Nativité (Noël) en les expédiant à toute vitesse, pressé qu'il est d'aller se baffrer !


    «Deux dindes truffées, Garrigou?…
    — Oui, mon révérend, deux dindes magnifiques, bourrées de truffes. J’en sais quelque chose, puisque c’est moi qui ai aidé à les remplir. On aurait dit que leur peau allait craquer en rôtissant, tellement elle était tendue…
    — Jésus-Maria! moi qui aime tant les truffes!… Donne-moi vite mon surplis, Garrigou… Et avec les dindes, qu’est-ce que tu as encore aperçu à la cuisine?…
    — Oh! toutes sortes de bonnes choses. Depuis midi nous n’avons fait que plumer des faisans, des huppes, des gélinottes, des coqs de bruyère. La plume en volait partout. Puis de l’étang on a apporté des anguilles, des carpes dorées, des truites, des…
    — Grosses comment les truites, Garrigou?
    — Grosses comme ça, mon révérend… Enormes!…
    — Oh! Dieu! il me semble que je les vois… As-tu mis le vin dans les burettes?
    — Oui, mon révérend, j’ai mis le vin dans les burettes… Mais dame! il ne vaut pas celui que vous boirez tout à l’heure en sortant de la messe de minuit. Si vous voyiez cela dans la salle à manger du château. Toutes les carafes qui flambent pleines de vins de toutes les couleurs!… Et la vaisselle d’argent, les surtouts ciselés, les fleurs, les candélabres!… Jamais il ne se sera vu un réveillon pareil. Monsieur le marquis a invité tous les seigneurs du voisinage.
    «Vous serez au moins quarante à table sans compter le bailli ni le tabellion… Ah! vous êtes bien heureux d’en être, mon révérend!… Rien que d’avoir flairé ces belles dindes, l’odeur des truffes me suit partout. Meuh!…
    — Allons, allons, mon enfant. Gardons-nous du péché de gourmandise, surtout la nuit de la Nativité… Va bien vite allumer les cierges et sonner le premier coup de la messe; car voilà que minuit est proche, et il ne faut pas nous mettre en retard…»

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    • #17
      Sympa ton topic Bertrand !


      Je viens de relire quelques romans de Tonino Benacquista. Ce n'est pas de la littérature (quoique cet écrivain soit vraiment doué!) mais il y a plusieurs passages dans la Commedia des ratés où les pâtes sont mises à l'honneur.

      Je vais voir si je peux retrouver certains de ces passages.

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      • #18
        Recette des penne all'arrabiata, au rythme de la télé italienne (tirée de la Commedia des ratés de Benacquista).


        « Bianca m’a attendu pour dîner. Sans rien dire, bien sûr.
        - Penne alla’arrabbiata ?
        Oui ! j’ai répondu, affamé. Les pennes sont des macaronis courts et taillés en biseau. Avec une sauce « à l’enragée », parce que exécutée à toute vitesse et relevée au piment.

        (...)

        - Vous allumez la télé, s’il vous plait, Antonio ?
        Elle ne peut pas s’en passer. Je crains que sa connaissance du monde ne
        s’arrête à cette boîte à images.
        - A cette heure-ci, il n’y a rien de bien, mais ça m’aide à faire la cuisine.
        - Pardon ?
        - Bien sûr…Tenez, je vais vous apprendre à faire une sauce à l’arrabbiata.
        Il est 19 h 45. Mettez la R.A.I.
        Un jingle qui annonce une série de publicités.
        - Mettez votre eau à bouillir, et au même moment, faites revenir une gousse d’ail entière dans une poêle bien chaude sur le feu d’à côté, jusqu’à la fin des pubs.
        L’odeur de l’ail frémissant arrive jusqu’à moi. Les pubs se terminent. Elle me
        demande de zapper sur la Cinq, où un gars devant une carte de l’Italie nous
        prévoit 35° pour demain.
        Dès qu’il commence la météo vous pouvez enlever la gousse de l’huile. On en a plus besoin, l’huile a pris tout son goût. Jetez vos tomates pelées dans la poêle.
        Quand il a terminé la météo, l’eau bout, vous y jetez les pennes. Mettez la quatre.
        Un présentateur de jeux, du public, des hôtesses, des dès géants, des chiffres qui s’allument, des candidats excités.
        - Quand ils donnent le résultat du tirage au sort, vous pouvez tourner un peu la sauce, et rajouter une petite boîte de concentré de tomates, juste pour donner un peu de couleurs, deux petits piments, pas plus, laisser le feu
        bien fort, éviter de couvrir ? ça va gicler partout mais on dit qu’une sauce
        all’arrabbiata est réussie quand la cuisine est constellée de rouge. Passez
        sur la deux.
        Un feuilleton brésilien tourné en vidéo, deux amants compassés s’engueulent dans un living.
        - A la fin de l'épisode ce sera le journal télévisé, et on pourra passer à table.
        La sauce et les pâtes seront prêtes exactement en même temps. Quinze
        minutes. Vous avez retenu ? »

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        • #19
          Façon originale de minuter la préparation des pennes a l'arrabiatta


          La maîtresse de maison est avertie, elle n'a plus qu'à prévoir large .


          Théophile GAUTIER
          Réponse à une invitation
          Que ce soit poule ou caneton,
          Perdrix aux choux ou miroton,
          Pâté de veau froid ou de thon,
          Nids d'hirondelles de Canton,
          Ou gousse d'ail sur croûton,
          Faisan ou hachis de mouton,
          Pain bis, brioche ou panaton,
          Argenteuil ou Brame-Mouton,
          Cidre ou pale-ale de Burton,
          Chez Lucullus ou chez Caton,
          Je m'emplirai jusqu'au menton,
          Avalant tout comme un glouton,
          Sans laisser un seul rogaton.
          « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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          • #20
            Comment passer à côté de Proust et sa célèbre madeleine?

            Marcel PROUST
            (1871-1922)
            "Du côté de chez Swann"
            "Mais quand d'un passé ancien rien ne subsiste, seules plus frêles, mais plus vivaces,plus immatérielles, plus persistantes, plus fidéles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps".
            Marcel Proust
            La madeleine

            LE TEXTE CELEBRE DE LA MADELEINE
            II y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l'appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m'apporte un peu moins que la seconde. II est temps que je m'arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n'est pas en lui, mais en moi. [...] Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C'est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l'esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. II est en face de quelque chose qui n'est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière. Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui n'apportait aucune preuve logique, mais l'évidence, de sa félicité, de sa réalité devant laquelle les autres s'évanouissaient. Je veux essayer de le faire réapparaître. Je rétrograde par la pensée au moment où je pris la première cuillerée de thé. Je retrouve le même état, sans une clarté nouvelle. Je demande à mon esprit un effort de plus, de ramener encore une fois la sensation qui s'enfuit. Et, pour que rien ne brise l'élan dont il va tâcher de la ressaisir, j'écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j'abrite mes oreilles et mon attention contre les bruits de la chambre voisine. Mais sentant mon esprit qui se fatigue sans réussir, je le force au contraire à prendre cette distraction que je lui refusais, à penser à autre chose, à se refaire avant une tentative suprême. Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s'élever, quelque chose qu'on aurait désancré, à une grande profondeur ; je ne sais ce que c'est, mais cela monte lentement ; j'éprouve la résistance et j'entends la rumeur des distances traversées. Certes, ce qui palpite ainsi au fond de moi, ce doit être l'image, le souvenir visuel, qui, lié à cette saveur, tente de la suivre jusqu'à moi. Mais il se débat trop loin, trop confusément ; à peine si je perçois le reflet neutre où se confond l'insaisissable tourbillon des couleurs remuées ; mais je ne peux distinguer la forme, lui demander, comme au seul interprète possible, de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne, la saveur, lui demander de m'apprendre de quelle circonstance particulière, de quelle époque du passé il s'agit. Arrivera-t-il jusqu'à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l'instant ancien que l'attraction d'un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi ? Je ne sais. Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s'il remontera jamais de sa nuit ? Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui. Et chaque fois la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute oeuvre importante, m'a conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis d'aujourd'hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine. Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.
            Marcel Proust, À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann, 1913.
            « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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            • #21
              Sympa la façon de minuter pour les pennes !

              On pourrait étendre à la cuisson des oeufs, en se calant sur la pub : Sur Arte ça te fait un oeuf coque, et sur M6 ou TF1, tu as un oeuf dur ...

              Et quant à Proust, si ses madeleines sont patisseries légères, sa prose fait un peu parpaing ...

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              • #22
                On pourrait étendre à la cuisson des oeufs, en se calant sur la pub : Sur Arte ça te fait un oeuf coque, et sur M6 ou TF1, tu as un oeuf dur ...
                Avec TF1 ou M6 t'as même le temps de faire cuire les patates et préparer une vinaigrette à côté. Ca fait une bonne salade de pommes de terre et un repas complet

                Et quant à Proust, si ses madeleines sont patisseries légères, sa prose fait un peu parpaing ...
                C'est peut-être pour ça que le texte est si célèbre. La digestibilité du texte étant inversement proportionnelle à celle de la délicate pâtisserie. Les extrêmes s'attirent paraît-il

                Blague à part, c'est vrai que de nos jours, les phrases "proustiennes" sont passées de mode. A vrai dire, je ne suis pas certaine qu'il n'était pas déjà rasoir pour certains de ses contemporains.

                Quand je suis assez concentrée et pour peu que les extraits ne soient pas trop longs, j'apprécie sa maîtrise magistrale de la grammaire française. Je dois à l'honnêteté de dire également que je n'ai jamais pu lire un livre entier ni même un chapitre.
                « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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                • #23
                  Je me suis fait "du côté de chez Swann" en entier, mais lorsque j'étais ado. En fait c'est comme une musique, si tu arrives à "entrer" tu te laisses porter et c'est bien.
                  C'est fort bien écrit, mais je ne crois pas que j'aurais encore le courage.
                  Pis entre nous, il coupe les poils de ... en seize !

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                  • #24
                    J'y ai coupé, je l'ai refilé à une cousine accommodante qui l'avait déjà lu

                    Faut dire que les lectures imposées n'étaient pas tristes ! Je me suis retrouvée avec "Germinal" "Eugénie Grandet" "Les caractères" et pour rendre le tout encore plus sexy aux yeux d'une ado, une sorte d'essai sur la douceur de vivre à Irtkousk en URSS (suis plus certaine de l'ortho tant ça m'a passionnée...) . Nous avions une prof gauchiste qui vénérait l'URSS. Enfin pour faire bonne mesure, j'ai eu droit aussi à une étude comparative sur l'organisation sociétale de 2 tribus indiennes d'Amazonie Les guaharibos et quelque chose d'autre. Emballant aussi quand on a 16 piges...

                    Le dada du prof c'était le communisme, pour elle c'était le seul mode de gouvernance possible...

                    J'en reviens pas de n'avoir pas été dégoûtée de la lecture
                    « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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                    • #25
                      Comment passer à côté de Proust et sa célèbre madeleine?
                      Ouais... Célèbre madeleine que le cher Marcel a réussi à rendre indigeste...

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                      • #26
                        proust a une ecriture diabetique .. elle a la jaunisse .. il faut pour etre emporté par la vague proustienne se sentir un peu malade , allité comme lui ..
                        c comme certains musiciens .. je n'entend rien a la musique classique , g jamais essayé d'y entendre qquechose .. mais g enendu une fois par hasard un morceau de chopin .. c'est a se tirer une balle dans le pied juste pour s'amuser un peu en attendant que ça se termine .. et pourtant chopin est un dieu du piano parait il .. et il fait rever des chopinistes parcequ'ils ont trouvé comment monter sa vague , et voyager avec lui .
                        en verité ...en verité... je vous le dis .. si un grain de blé tombe en terre et ne meurt pas ,il restera seul , mais s'il meurt ,il donnera beaucoup de fruits . evangile

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