1ère partie
De l’Afghanistan, on ne retient que la guerre opposant les moudjahiddins à l’URSS et plus près encore les tristement célèbres talibans. Le payé miné par plus de 20 ans de guerre est exsangue et compte aujourd’hui parmi les plus pauvres de la planète et ne vit essentiellement que de l’aide humanitaire et économique de l’ONU. La plupart des livres qui traitent de ce pays ne s’attachent pratiquement qu’à l’aspect géopolitique et oublient le passé civilisationnel et culturel. Il faudra l’orée du 21ème siècle pour qu’on se souvienne que l’Afghanistan est bien plus qu’un simple territoire au relief tourmenté laissé aux mains d’une poignée d’obscurantistes dans l’indifférence quasi-totale du reste du monde…
Histoire :
Véritable carrefour des civilisations et épicentre des grands empires, le pays a toujours suscité les convoitises de ces derniers. Depuis Alexandre le Grand jusqu’à l’URSS en passant par les perses, les mongols et les britanniques. Patchwork autant culturel qu’ethnique, le peuple afghan soudé par une religion commune et une volonté de vivre indépendant, fait preuve d’une résistance tenace depuis près de 500 ans à l’envahisseur, quel qu’il soit.
Voici ce que disait, déjà en 1504, Bâbour (prince turco-mongol) qui gouvernait alors Kaboul, de ce territoire qui ne portait pas encore le nom d’Afghanistan :
«Il existe de nombreuses tribus différentes dans le pays de Kaboul : dans ses plaines et vallées on compte des turcs, des aymâq, des arabes ; dans sa capitale et villages environnants, des sârt (tadjiks sédentaires) ; dans les districts ruraux et villages éloignés, les tribus : Pashâï, Parâdjî, Tâdjiks, Bîrkî, Afghans. On parle 11 ou 12 langues à Kaboul : arabe, persan, turc, mongol, hindi, afghan, pashâï, parâdjî, guèbre, bîrkî, lamghânî. ‘Il existe un autre pays avec tant de tribus différentes et une telle diversité de langues, il ne m’est pas connu. »
Les principales ethnies de l’Afghanistan actuel sont par ordre décroissant d’importance : Pachtounes 40%, les Tadjiks 30%, les Hazaras 10%, les ouzbeks 10%, les Aïmaqs à peu près 3%, les Farsiwans +/- 2%. Les 5% restants sont composés d’ethnies moyennes : turkmènes, Brahouis, baloutches, Nouristanis. Chaque ethnie a sa langue, sa culture, son mode de vie, son artisanat, sa cuisine.
Si l’Afghanistan adopte la religion des arabes, ce sera l’ancienne culture perse qui s’imposera et deviendra dominante.
Quelques repères historiques :
-vers 2500 avant l’ère chrétienne, les Aryens, probablement issus de la vallée de l’Oxus (steppes d’Asie centrale), à la recherche de terre plus fertiles, s’installent dans le massif de l’Hindou-Kouch.
- vers 1400 avant J-C, ils traversent le fleuve Indus et créent la civilisation des vallées de l’Indus. Ils laisseront les Vedas, 4 livres qui témoignent de immigration et civilisation. Un certain nombre de noms de tribus et de lieux afghans y figurent d’ailleurs déjà. Comme les Pakt (véritables racines des tribus pachtounes), Kubha (Kaboul) Ghandahara (Kandahar) etc.
- vers 1200 avant J-C les zoroastriens, d’origine aryenne, vivent dans le massif de l’Hindou-Kouch. Leur livre sacré, l’Avesta témoigne de leur vie quotidienne. Dans l’Avesta, plusieurs villes établies sont déjà mentionnées. Entre autres : Heraw (Hérat), Kakhaza (Ghaznî) Wadinya (Bamiyan).
Entre 700 et 485 avant l’ère chrétienne, l’Afghanistan fait partie de l’empire des Achéménides fondé par Cyrus le grand. Vers 330, Alexandre le Grand vainc Darius III. Ce sera le premier grand tournant de l’histoire afghane. La traversée du pays se révéla moins simple qu’escompté comme en atteste cette anecdote rapportée par nombre de témoins de l’époque et chantée par les poètes :
La mère d’Alexandre, impatientée du temps mis à traverser le pays, se mit à harceler son fils afin d’en comprendre les raisons. Ce dernier lui fit part des difficultés rencontrées, expliquant que les afghans se révélaient être peu enclins à la soumission. Il la pria donc d’accueillir 3 chefs portant avec eux un sac de leur terre respective. Chaque chef devant déverser sa terre et la fouler avant de pénétrer dans la cour à la rencontre d’Olympia (mère d’Alexandre). Les chefs s’avancèrent puis entamèrent une discussion animée, chacun prétendant passer en premier qui en raison de âge, qui arguant de la qualité de sa tribu, qui de la gloire de ses ancêtres. Très vite, ils en vinrent aux mains puis aux sabres. S’ensuivit une bataille rangée nécessitant l’intervention des troupes d’Olympia pour les séparer. Celles-ci en virent elles aussi aux mains entre elles…Elle renvoya les chefs chez eux, en prenant le serment de ne plus faire grief à Alexandre quant à l’évolution des opérations en Afghanistan…elle avait compris le pourquoi de la lenteur…
Les généraux d’Alexandre et leurs descendants se sont succédés en Afghanistan alors appelée Bactriane jusqu’en 178 avant J-C. Ce sera la période appelée hellénistique ou gréco-bactriane.
Le sud du pays faisait alors partie de l’Empire mourayan bouddhique sous le règne du roi Ashoca. Le croisement des 2 civilisations donnera plus part naissance à l’art gréco-bouddhique.
L’ère nomade débutera en 176 avant J-C avec les Parthes, tribu venue des steppes du nord. Ils fonderont une nouvelle dynastie qui régnera sur la majeure partie de la Perse.
L’Empire kushana sera défait par Ardshir Babakhan ouvrant ainsi la voie à l’ère des Sassanides. Plusieurs religions s’entrecroisent à l’époque. Le bouddhisme sera toutefois le plus pratiqué.
Une bonne partie du pays restera aux mains des Sassanides jusqu’à l’arrivée des arabes et de l’Islam vers le milieu du VII siècle après J-C.
A partir de là, l’Islam guidera la vie du pays sans que rien ne vienne jamais le remettre en cause. Ce que les armes ne sont pas parvenues à faire, l’Islam le fera : cimenter le pays grâce à sa notion d’égalité et de fraternité entre croyants.
Différentes dynasties se succèderont ou cohabiteront (pas toujours paisiblement) jusqu’en 1747, année de naissance de l’actuel Afghanistan :
- Les Tahirides (821-873) dynastie fondée par Tahir fils du gouverneur de Pushang dans la région de l’Hérat. Le dernier représentant, Mohamed, laissera le pouvoir à Yakub-i-Lithse originaire du Seitan. La dynastie aura pour capitale Nishapur.
- Les Saffarides (867-903) dynastie fondée par Yakub-i-Lithse aura pour capitale Nimroz. Protecteur des arts et des lettres, il fera de la langue darri la langue de la cour. Son frère Omar lui succèdera mais ne sera pas reconnu par le califat de Bagdad et ne résistera pas à l’offensive du gouverneur de la région qui lui conteste le pouvoir. Envoyé à Bagdad, il finira sa vie en prison.
- les Samanides (819-899) . Le califat de Bagdad ayant très bien compris qu’il valait mieux diviser pour régner, encourageait les différentes factions à se battre entre elles afin d’assurer sa domination sur le Khorasan. Ce qui permet à un notable de Balkh du nom de Saman de fonder la dynastie susmentionnée. Dynastie moins éphémère que les précédentes puisqu’elle règnera sur la Perse et l’Afghanistan jusqu'à l’orée de l’an mil. Boukhara en sera la capitale. Laquelle Boukhara va littéralement propulser les arts, la littérature et les sciences au point d’éclipser Bagdad et de devenir la première métropole de l’Islam.
De l’Afghanistan, on ne retient que la guerre opposant les moudjahiddins à l’URSS et plus près encore les tristement célèbres talibans. Le payé miné par plus de 20 ans de guerre est exsangue et compte aujourd’hui parmi les plus pauvres de la planète et ne vit essentiellement que de l’aide humanitaire et économique de l’ONU. La plupart des livres qui traitent de ce pays ne s’attachent pratiquement qu’à l’aspect géopolitique et oublient le passé civilisationnel et culturel. Il faudra l’orée du 21ème siècle pour qu’on se souvienne que l’Afghanistan est bien plus qu’un simple territoire au relief tourmenté laissé aux mains d’une poignée d’obscurantistes dans l’indifférence quasi-totale du reste du monde…
Histoire :
Véritable carrefour des civilisations et épicentre des grands empires, le pays a toujours suscité les convoitises de ces derniers. Depuis Alexandre le Grand jusqu’à l’URSS en passant par les perses, les mongols et les britanniques. Patchwork autant culturel qu’ethnique, le peuple afghan soudé par une religion commune et une volonté de vivre indépendant, fait preuve d’une résistance tenace depuis près de 500 ans à l’envahisseur, quel qu’il soit.
Voici ce que disait, déjà en 1504, Bâbour (prince turco-mongol) qui gouvernait alors Kaboul, de ce territoire qui ne portait pas encore le nom d’Afghanistan :
«Il existe de nombreuses tribus différentes dans le pays de Kaboul : dans ses plaines et vallées on compte des turcs, des aymâq, des arabes ; dans sa capitale et villages environnants, des sârt (tadjiks sédentaires) ; dans les districts ruraux et villages éloignés, les tribus : Pashâï, Parâdjî, Tâdjiks, Bîrkî, Afghans. On parle 11 ou 12 langues à Kaboul : arabe, persan, turc, mongol, hindi, afghan, pashâï, parâdjî, guèbre, bîrkî, lamghânî. ‘Il existe un autre pays avec tant de tribus différentes et une telle diversité de langues, il ne m’est pas connu. »
Les principales ethnies de l’Afghanistan actuel sont par ordre décroissant d’importance : Pachtounes 40%, les Tadjiks 30%, les Hazaras 10%, les ouzbeks 10%, les Aïmaqs à peu près 3%, les Farsiwans +/- 2%. Les 5% restants sont composés d’ethnies moyennes : turkmènes, Brahouis, baloutches, Nouristanis. Chaque ethnie a sa langue, sa culture, son mode de vie, son artisanat, sa cuisine.
Si l’Afghanistan adopte la religion des arabes, ce sera l’ancienne culture perse qui s’imposera et deviendra dominante.
Quelques repères historiques :
-vers 2500 avant l’ère chrétienne, les Aryens, probablement issus de la vallée de l’Oxus (steppes d’Asie centrale), à la recherche de terre plus fertiles, s’installent dans le massif de l’Hindou-Kouch.
- vers 1400 avant J-C, ils traversent le fleuve Indus et créent la civilisation des vallées de l’Indus. Ils laisseront les Vedas, 4 livres qui témoignent de immigration et civilisation. Un certain nombre de noms de tribus et de lieux afghans y figurent d’ailleurs déjà. Comme les Pakt (véritables racines des tribus pachtounes), Kubha (Kaboul) Ghandahara (Kandahar) etc.
- vers 1200 avant J-C les zoroastriens, d’origine aryenne, vivent dans le massif de l’Hindou-Kouch. Leur livre sacré, l’Avesta témoigne de leur vie quotidienne. Dans l’Avesta, plusieurs villes établies sont déjà mentionnées. Entre autres : Heraw (Hérat), Kakhaza (Ghaznî) Wadinya (Bamiyan).
Entre 700 et 485 avant l’ère chrétienne, l’Afghanistan fait partie de l’empire des Achéménides fondé par Cyrus le grand. Vers 330, Alexandre le Grand vainc Darius III. Ce sera le premier grand tournant de l’histoire afghane. La traversée du pays se révéla moins simple qu’escompté comme en atteste cette anecdote rapportée par nombre de témoins de l’époque et chantée par les poètes :
La mère d’Alexandre, impatientée du temps mis à traverser le pays, se mit à harceler son fils afin d’en comprendre les raisons. Ce dernier lui fit part des difficultés rencontrées, expliquant que les afghans se révélaient être peu enclins à la soumission. Il la pria donc d’accueillir 3 chefs portant avec eux un sac de leur terre respective. Chaque chef devant déverser sa terre et la fouler avant de pénétrer dans la cour à la rencontre d’Olympia (mère d’Alexandre). Les chefs s’avancèrent puis entamèrent une discussion animée, chacun prétendant passer en premier qui en raison de âge, qui arguant de la qualité de sa tribu, qui de la gloire de ses ancêtres. Très vite, ils en vinrent aux mains puis aux sabres. S’ensuivit une bataille rangée nécessitant l’intervention des troupes d’Olympia pour les séparer. Celles-ci en virent elles aussi aux mains entre elles…Elle renvoya les chefs chez eux, en prenant le serment de ne plus faire grief à Alexandre quant à l’évolution des opérations en Afghanistan…elle avait compris le pourquoi de la lenteur…
Les généraux d’Alexandre et leurs descendants se sont succédés en Afghanistan alors appelée Bactriane jusqu’en 178 avant J-C. Ce sera la période appelée hellénistique ou gréco-bactriane.
Le sud du pays faisait alors partie de l’Empire mourayan bouddhique sous le règne du roi Ashoca. Le croisement des 2 civilisations donnera plus part naissance à l’art gréco-bouddhique.
L’ère nomade débutera en 176 avant J-C avec les Parthes, tribu venue des steppes du nord. Ils fonderont une nouvelle dynastie qui régnera sur la majeure partie de la Perse.
L’Empire kushana sera défait par Ardshir Babakhan ouvrant ainsi la voie à l’ère des Sassanides. Plusieurs religions s’entrecroisent à l’époque. Le bouddhisme sera toutefois le plus pratiqué.
Une bonne partie du pays restera aux mains des Sassanides jusqu’à l’arrivée des arabes et de l’Islam vers le milieu du VII siècle après J-C.
A partir de là, l’Islam guidera la vie du pays sans que rien ne vienne jamais le remettre en cause. Ce que les armes ne sont pas parvenues à faire, l’Islam le fera : cimenter le pays grâce à sa notion d’égalité et de fraternité entre croyants.
Différentes dynasties se succèderont ou cohabiteront (pas toujours paisiblement) jusqu’en 1747, année de naissance de l’actuel Afghanistan :
- Les Tahirides (821-873) dynastie fondée par Tahir fils du gouverneur de Pushang dans la région de l’Hérat. Le dernier représentant, Mohamed, laissera le pouvoir à Yakub-i-Lithse originaire du Seitan. La dynastie aura pour capitale Nishapur.
- Les Saffarides (867-903) dynastie fondée par Yakub-i-Lithse aura pour capitale Nimroz. Protecteur des arts et des lettres, il fera de la langue darri la langue de la cour. Son frère Omar lui succèdera mais ne sera pas reconnu par le califat de Bagdad et ne résistera pas à l’offensive du gouverneur de la région qui lui conteste le pouvoir. Envoyé à Bagdad, il finira sa vie en prison.
- les Samanides (819-899) . Le califat de Bagdad ayant très bien compris qu’il valait mieux diviser pour régner, encourageait les différentes factions à se battre entre elles afin d’assurer sa domination sur le Khorasan. Ce qui permet à un notable de Balkh du nom de Saman de fonder la dynastie susmentionnée. Dynastie moins éphémère que les précédentes puisqu’elle règnera sur la Perse et l’Afghanistan jusqu'à l’orée de l’an mil. Boukhara en sera la capitale. Laquelle Boukhara va littéralement propulser les arts, la littérature et les sciences au point d’éclipser Bagdad et de devenir la première métropole de l’Islam.
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