Eric Laurent est un grand reporter, auteur de plusieurs ouvrages sur le pétrole et la géopolitique. Connaisseur patenté de la région du moyen orient, il a publié en 2004, « la face cachée du 11 septembre », une enquête dans les méandres des attentats qui ont ciblé les tours jumelles du World Trade Center. Son dernier livre, « la face cachée du pétrole », est un condensé de révélations et de scoops sur le monde secret de l’or noir.
Votre enquête est troublante et alarmiste à plus d’un titre par les manipulations et les tractations douteuses qu’elle dénonce. Le constat général qu’on peut tirer de la lecture de « La face cachée du pétrole »(1) c’est qu’une bonne partie des conflits armés pendant et après la seconde guerre mondiale- la guerre froide y compris- sont liés au pétrole et à la politique agressive d’une Amérique obsédée par sa sécurité énergétique ?
Éric Laurent : On dit beaucoup que le 20 ème siècle a été le siècle de la guerre, moi je dirai plutôt que c’est le siècle à la fois de la guerre et du pétrole. Pour moi c’est une grille d’analyse qui permet de déchiffrer les grands conflits contemporains. C’est le cas pendant la première guerre mondiale. On voit très bien que la machine de guerre alliée contre les allemands, dépendait des approvisionnements énergétiques, notamment en provenance des Etats Unis d’Amériques, qui furent à l’époque le premier producteur et exportateur mondial de pétrole.
Et je cite dans mon livre notamment les propos angoissés de Clemenceau dans un télégramme envoyé au président Wilson, en lui disant surtout de continuer de maintenir les approvisionnements pour permettre d’alimenter la machine de guerre. Les USA ont fourni plus 85% des approvisionnements qui ont permet aux alliés de vaincre les allemands. Ce qui s’est répété pendant la 2 ème guerre mondiale, où ils ont joué un rôle clé, en fournissant entre 60 à 70% des approvisionnements pétroliers, puisque le pétrole en provenance du moyen orient était à l’époque dérisoire, il représentait à peu près 3 à 4 % seulement de la totalité des besoins de la guerre.
Une autre vérité historique qui confirme que le pétrole est au cœur des conflits, est l’attaque sur Pearl Harbor qui a été en grande partie déclenchée par les japonais parce que justement ces derniers redoutaient que les américains et les anglais coupent les lignes d’approvisionnements en prévenance d’Asie et du Golfe.
Il y a aussi un fait historique relativement reconnu, que je reprends dans mon enquête, concernant l’attaque lancée, en 1941, par Allemagne contre la Russie c’était essentiellement pour mettre la main sur les puits de pétrole du Caucase notamment en Azerbaïdjan.
Donc de tout temps, le pétrole, au cours du 20 ème siècle, était au cœur des grandes manœuvres politiques et militaires, et ça était, en effet, une obsession pour les USA qui ont fait reposer leur sécurité énergétique sur une espèce de quadrillage du monde après la guerre. En d’autres termes, la sécurité nationale des USA passe bien évidement par l’approvisionnement énergétique.
Selon vous le premier choc pétrolier était un leurre orchestré par les grandes compagnies pétrolières dans le but de revoir à la hausse les prix, et qu’il n’y a jamais eu vraiment un embargo puisque certains pays de l’OPEP, à l’instar de l’Arabie Saoudite vendaient leur pétrole, en catimini, à des pays censés être boycottés ?
Oui, l’une des grandes surprises justement de mon enquête c’était de découvrir qu’en réalité le choc pétrolier a été réellement un leurre, pour des raisons simples :
-L’organisation des pays producteurs de pétrole ( L’OPEP) a été créée en 1959, à l’initiative du ministre saoudien du pétrole de l’époque et de son homologue vénézuelien, dans l’indifférence presque totale des médias. La Suisse considérait que c’était une organisation tellement secondaire qu’elle a refusé d’octroyer aux membres de son secrétariat le statut diplomatique, lesquels ont dû se rabattre sur Vienne en Autriche. Entre 1959 et 1972, jamais malgré les exigences réitérées des pays de l’OPEP, le pétrole n’a pas augmenté même pas de quelques Cents, pour dire combien le rapport de force était défavorable aux pays producteurs. En 1973, contrairement à ce qu’on imagine, ce rapport n’était pas du tout inversé, il y a simplement eu deux événements qui ce sont télescopés. Le premier point c’est d’abord la guerre de 1973 et la décision des pays arabes exportateurs de pétroles d’exercer une pression sur les pays consommateurs pour qu’ils exercent à leur tour une pression sur Israël. Mais en réalité, j’ai découvert que l’embargo qu’ils ont décrété n’a jamais été appliqué. Le deuxième point, c’est que les compagnies pétrolières, celles là même qui ont poussé des cris indignés pour sauver les apparences devant l’opinion internationale, ce sont elles, en réalité, qui ont acculé les pays producteurs à revoir à la hausse le prix du pétrole pour la raison suivante :
A l’orée de 1973 les grandes compagnies pétrolières se trouvaient devant une situation financière dramatique cachée à l’opinion publique et aux actionnaires. Elles avaient investi plus de 10 milliards de dollars pour la construction d’un immense oléoduc en Alaska et surtout elles devaient investir énormément en mer du nord dans un nouveau gisement prometteur, mais qui exigeait une technologie nouvelle et donc des investissements colossaux. Et l’augmentation du prix du pétrole a généré des bénéfices considérables qui ont permis d’effectuer ces investissements avec la complicité secrète des pays arabes producteurs de pétrole
Une autre vérité cachée que révèle votre enquête est inhérente à l’état des réserves mondiales du pétrole. Vous dites que les chiffres avancés par les pays producteurs ne seraient pas exacts particulièrement ceux communiqués par l’Arabie Saoudite. Sommes-nous plus près qu’on veuille nous le dire, de la fin de l’ère du pétrole ?
C’est une autre surprise. J’ai découvert que les chiffres des réserves prouvées, officiellement recensées, sont faussées, ce qui est complètement stupéfiant, parce qu’on a calé notre prospérité et notre croissance sur une réalité tout à fait biaisée. En 1986, les pays de l’OPEP ont décidé unilatéralement, par un simple jeu d’écriture, d’augmenter de 65 % (plus de 300 milliards de barils) le montant de leurs réserves, sans qu’il ait pour autant la moindre découverte nouvelle. Sachant, que la dernière grande découverte en Arabie Saoudite remonte à 1967. Pourquoi donc cette manipulation des chiffres ? C’était en fait pour profiter de toute une politique de quotas mise en place, qui permettait à ces pays d’augmenter leurs quotas respectifs, élargir leur périmètres et valoriser leurs réservés supposées. Mais il y’avait aussi un autre calcul plus insidieux, c’était celui de valoriser leur rôle et leur importance sur la scène mondiale, notamment auprès des pays consommateurs occidentaux, à travers cette puissance énergétique accrue. Donc il y avait une dimension géopolitique dans ce calcul. Ce qui est étonnant dans cette affaire c’est que ni les experts, ni les politiques n’ont dénoncé cette manipulation, tout le monde s’est tu. Et encore aujourd’hui, nous avons des systèmes de calculs qui intègrent cette réalité complètement fausse. Nous sommes par conséquent beaucoup plus proche de la fin. L’exemple le plus intéressant à ce sujet est celui de l’Arabie Saoudite qui selon les compagnies américains qui ont exploité les gisements de ce pays avant la nationalisation, et qui, par conséquent, connaissent bien la réalité des gisements, déclarent que les réserves de pétrole saoudien, tous les puits confondus, est estimé entre 160 à 170 milliards de barils ce qui équivaut à 4 ou 5 ans de consommation mondiale. Les saoudiens parlent eux de 270 milliards de barils (chiffres de 1986), mais ils sont d’accord cependant avec les américains sur le fait qu’il y’a déjà 100 milliard de barils qui ont été épuisés à ce jour.
Votre enquête est troublante et alarmiste à plus d’un titre par les manipulations et les tractations douteuses qu’elle dénonce. Le constat général qu’on peut tirer de la lecture de « La face cachée du pétrole »(1) c’est qu’une bonne partie des conflits armés pendant et après la seconde guerre mondiale- la guerre froide y compris- sont liés au pétrole et à la politique agressive d’une Amérique obsédée par sa sécurité énergétique ?
Éric Laurent : On dit beaucoup que le 20 ème siècle a été le siècle de la guerre, moi je dirai plutôt que c’est le siècle à la fois de la guerre et du pétrole. Pour moi c’est une grille d’analyse qui permet de déchiffrer les grands conflits contemporains. C’est le cas pendant la première guerre mondiale. On voit très bien que la machine de guerre alliée contre les allemands, dépendait des approvisionnements énergétiques, notamment en provenance des Etats Unis d’Amériques, qui furent à l’époque le premier producteur et exportateur mondial de pétrole.
Et je cite dans mon livre notamment les propos angoissés de Clemenceau dans un télégramme envoyé au président Wilson, en lui disant surtout de continuer de maintenir les approvisionnements pour permettre d’alimenter la machine de guerre. Les USA ont fourni plus 85% des approvisionnements qui ont permet aux alliés de vaincre les allemands. Ce qui s’est répété pendant la 2 ème guerre mondiale, où ils ont joué un rôle clé, en fournissant entre 60 à 70% des approvisionnements pétroliers, puisque le pétrole en provenance du moyen orient était à l’époque dérisoire, il représentait à peu près 3 à 4 % seulement de la totalité des besoins de la guerre.
Une autre vérité historique qui confirme que le pétrole est au cœur des conflits, est l’attaque sur Pearl Harbor qui a été en grande partie déclenchée par les japonais parce que justement ces derniers redoutaient que les américains et les anglais coupent les lignes d’approvisionnements en prévenance d’Asie et du Golfe.
Il y a aussi un fait historique relativement reconnu, que je reprends dans mon enquête, concernant l’attaque lancée, en 1941, par Allemagne contre la Russie c’était essentiellement pour mettre la main sur les puits de pétrole du Caucase notamment en Azerbaïdjan.
Donc de tout temps, le pétrole, au cours du 20 ème siècle, était au cœur des grandes manœuvres politiques et militaires, et ça était, en effet, une obsession pour les USA qui ont fait reposer leur sécurité énergétique sur une espèce de quadrillage du monde après la guerre. En d’autres termes, la sécurité nationale des USA passe bien évidement par l’approvisionnement énergétique.
Selon vous le premier choc pétrolier était un leurre orchestré par les grandes compagnies pétrolières dans le but de revoir à la hausse les prix, et qu’il n’y a jamais eu vraiment un embargo puisque certains pays de l’OPEP, à l’instar de l’Arabie Saoudite vendaient leur pétrole, en catimini, à des pays censés être boycottés ?
Oui, l’une des grandes surprises justement de mon enquête c’était de découvrir qu’en réalité le choc pétrolier a été réellement un leurre, pour des raisons simples :
-L’organisation des pays producteurs de pétrole ( L’OPEP) a été créée en 1959, à l’initiative du ministre saoudien du pétrole de l’époque et de son homologue vénézuelien, dans l’indifférence presque totale des médias. La Suisse considérait que c’était une organisation tellement secondaire qu’elle a refusé d’octroyer aux membres de son secrétariat le statut diplomatique, lesquels ont dû se rabattre sur Vienne en Autriche. Entre 1959 et 1972, jamais malgré les exigences réitérées des pays de l’OPEP, le pétrole n’a pas augmenté même pas de quelques Cents, pour dire combien le rapport de force était défavorable aux pays producteurs. En 1973, contrairement à ce qu’on imagine, ce rapport n’était pas du tout inversé, il y a simplement eu deux événements qui ce sont télescopés. Le premier point c’est d’abord la guerre de 1973 et la décision des pays arabes exportateurs de pétroles d’exercer une pression sur les pays consommateurs pour qu’ils exercent à leur tour une pression sur Israël. Mais en réalité, j’ai découvert que l’embargo qu’ils ont décrété n’a jamais été appliqué. Le deuxième point, c’est que les compagnies pétrolières, celles là même qui ont poussé des cris indignés pour sauver les apparences devant l’opinion internationale, ce sont elles, en réalité, qui ont acculé les pays producteurs à revoir à la hausse le prix du pétrole pour la raison suivante :
A l’orée de 1973 les grandes compagnies pétrolières se trouvaient devant une situation financière dramatique cachée à l’opinion publique et aux actionnaires. Elles avaient investi plus de 10 milliards de dollars pour la construction d’un immense oléoduc en Alaska et surtout elles devaient investir énormément en mer du nord dans un nouveau gisement prometteur, mais qui exigeait une technologie nouvelle et donc des investissements colossaux. Et l’augmentation du prix du pétrole a généré des bénéfices considérables qui ont permis d’effectuer ces investissements avec la complicité secrète des pays arabes producteurs de pétrole
Une autre vérité cachée que révèle votre enquête est inhérente à l’état des réserves mondiales du pétrole. Vous dites que les chiffres avancés par les pays producteurs ne seraient pas exacts particulièrement ceux communiqués par l’Arabie Saoudite. Sommes-nous plus près qu’on veuille nous le dire, de la fin de l’ère du pétrole ?
C’est une autre surprise. J’ai découvert que les chiffres des réserves prouvées, officiellement recensées, sont faussées, ce qui est complètement stupéfiant, parce qu’on a calé notre prospérité et notre croissance sur une réalité tout à fait biaisée. En 1986, les pays de l’OPEP ont décidé unilatéralement, par un simple jeu d’écriture, d’augmenter de 65 % (plus de 300 milliards de barils) le montant de leurs réserves, sans qu’il ait pour autant la moindre découverte nouvelle. Sachant, que la dernière grande découverte en Arabie Saoudite remonte à 1967. Pourquoi donc cette manipulation des chiffres ? C’était en fait pour profiter de toute une politique de quotas mise en place, qui permettait à ces pays d’augmenter leurs quotas respectifs, élargir leur périmètres et valoriser leurs réservés supposées. Mais il y’avait aussi un autre calcul plus insidieux, c’était celui de valoriser leur rôle et leur importance sur la scène mondiale, notamment auprès des pays consommateurs occidentaux, à travers cette puissance énergétique accrue. Donc il y avait une dimension géopolitique dans ce calcul. Ce qui est étonnant dans cette affaire c’est que ni les experts, ni les politiques n’ont dénoncé cette manipulation, tout le monde s’est tu. Et encore aujourd’hui, nous avons des systèmes de calculs qui intègrent cette réalité complètement fausse. Nous sommes par conséquent beaucoup plus proche de la fin. L’exemple le plus intéressant à ce sujet est celui de l’Arabie Saoudite qui selon les compagnies américains qui ont exploité les gisements de ce pays avant la nationalisation, et qui, par conséquent, connaissent bien la réalité des gisements, déclarent que les réserves de pétrole saoudien, tous les puits confondus, est estimé entre 160 à 170 milliards de barils ce qui équivaut à 4 ou 5 ans de consommation mondiale. Les saoudiens parlent eux de 270 milliards de barils (chiffres de 1986), mais ils sont d’accord cependant avec les américains sur le fait qu’il y’a déjà 100 milliard de barils qui ont été épuisés à ce jour.
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