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  • #31

    pour les grands randonneurs..du plaisir a le lire..le texte est majestueux..c'est le meilleur romancier que je n'ai jamais lus..


    LES NUITS BLANCHES (I)

    Selon toute apparence, il était en chemin depuis longtemps. Il était fatigué et couvert de poussière. Il n'allait nulle part, il marchait le long de la forêt et des chemins, selon son bon plaisir et, parfois, se reposait sous un arbuste, à l'ombre d'un arbre, dans une grange ou au bord d'un marais. Il était frugal et se contentait de peu.

    Quelquefois, il s'écartait du chemin et s'avançait à travers champs. Il se perdait dans la forêt et errait des jours entiers dans les broussailles et les fourrés avant de trouver un sentier ou un chemin. D'autres fois il s'arrêtait au bord d'un lac ou dans le coude d'une rivière et, s'il était seul, il chantait, et jouait du kannel en se parlant à lui-même à haute voix. Son regard poursuivait un oiseau, quelque insecte grimpant sur un brin d'herbe, ou un papillon, ce qui le faisait tressaillir avant de se remettre en marche. Il ne restait longtemps nulle part. Il était impatient et inquiet. Il semblait chercher quelque chose.

    Parfois, il se retournait brusquement, sans raison et revenait sur ses pas. L'aboi d'un chien, le croassement subit d'une corneille pouvaient modifier tout à fait son état d'esprit. Tant qu'il avait du pain dans ses poches, il évitait les gens et contournait de loin les habitations. Quand quelqu'un venait


    (1) Le phénomène des nuits blanches est particulier aux régions arctiques, mais s'observe assez loin au sud du cercle glacial. Pendant cri le période, le soleil ne se couche que quelques instants et reparaît presque immédiatement au-dessus de l'horizon. Note du Traducteur.

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    • #32
      à sa rencontre, il se réfugiait à temps dans la forêt et attendait derrière un arbre que l'intrus fût passé.

      Une fois, il s'arrêta devant une ville, enleva son chapeau et commença à chanter. Mais quand la tête ensommeillée d'un homme apparut à une fenêtre, il cessa de chanter, se retourna brusquement et poursuivit son chemin. Une autre fois, il avait capturé une quantité de vipères et les avait lâchées dans une grange vide. Le soir, il y apporta des vers luisants. Puis il s'assit par terre au milieux d'eux en regardant l'étrange lumière scintillante et en' écoutant le sifflement des serpents. il s'endormit parmi eux. Le matin, les vipères avaient disparu, et il n'y avait plus de vers luisants. Triste et déçu, il poursuivit sa route. Quelque chose en lui était déséquilibrée. C'étaient évidemment les nuits blanches qui lui causaient cette inquiétude.
      La sécheresse persistait. Le soleil flamboyant lançait ses rayons comme d'une roue en flammes. Le vent dormait, la bouche fermée, contre la terre aride. Aucune feuille ne frissonnait, l'herbe ne bougeait pas. La terre était desséchée, ; dure comme une pierre et incandescente comme du fer sortie d'un feu de forge. La mousse des forêts était si sèche que, ' quand on la touchait, elle s'envolait en poussière. Les marais brûlaient et les nuages de fumée couvraient le ciel d'un voile jaune. Si une voiture ou un cheval passait sur le chemin, un, grand nuage flottait derrière, comme un dragon qui aurait remué paresseusement la queue.

      Même les oiseaux étaient endormis dans les broussailles, le, bec ouvert. Quelque part, au loin, on entendait bien le ramage du coucou, mais on le devinait étourdi par le soleil et L’odeur de résine. Parfois, s'il chantait courageusement, il s'arrêtait après le premier « cou » et le second ne venait pas.
      Le soir, l'air était empli de fumée et de poussière. L'eau des lacs était sans couleur. Les nuits ne duraient qu'un instant ; elles étaient pâles comme du lait, brûlantes, remplies; du parfum étourdissant du trèfle, de la résine et des fleurs. 11 n'y avait ni brume ni rosée. Le nouveau jour était plus torride

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      • #33
        que les précédents. Seules les feuilles argentées du peuplier blanc frissonnaient doucement au lever du soleil.
        Quand Toomas Nipernaadi eut traversé la forêt de Jaani-hansu, le chemin descendit. Devant lui, s'étendaient les larges marais de Maarla avec quelques îlots plus secs, sur lesquels se trouvaient de petites habitations entourées de champs étroits. Une petite route serpentait comme un pont suspendu. Elle s'appuyait sur les tertres et les racines et joignait les îlots éparpillés. La rivière Kaava coulait de la forêt de Jaanihansu et, en arrivant au marais de Maarla, elle se répandait pour y faire des lacs, des étangs et des mares. Ce n'est que plus loin, près ce la cascade, qu'elle se retirait de nouveau dans son lit et tombait avec bruit dans la cataracte. Tout près de la chute, on trouvait le bac et, au bord de la rivière, la cabane du passeur. Vis-à-vis, était un cabaret entouré d'aulnes, de peupliers blancs et de bouleaux nains. Le toit du cabaret semblait un phare au-delà du marais.
        Nipernaadi se préparait à descendre quand il perçut subitement un souffle de vent. Les arbres et les arbustes se mirent à gémir, la poussière de la route se précipita en tourbillon vers le marais. La forêt tressaillit d'abord, puis commença à bruire et à remuer. Les cîmes des sapins se balancèrent comme des roseaux. Un nuage noir domina le marais, montant rapidement. Puis, en sourdine, le bruit lointain du tonnerre gronda. L'homme s'arrêta, fasciné.
        Le vent se tut. Les arbres geignirent, puis restèrent immobiles, comme des bougies, tous droits, inquiets d'attendre.
        Alors, le vent se leva et se précipita sur les forêts et les marais;, en ouragan. Les premières gouttes tombèrent sur la terre ardente. Le soleil disparut et l'obscurité étreignit la tirre. L'orage accourait et Toomas Nipernaadi resta à le contempler.

        Soudain il vit un homme qui sortait de la forêt. IL courait lourdement vers le cabaret. IL était petit et gros. Sa tête minuscule

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        • #34
          Kûûp, Kûûp

          était plantée directement sur ces épaules. a bonne distance derrière lui, une femme le poursuivait en tenant le bord de sa jupe.

          — Kûûp, Kûûp, criait la femme. Kûûp, ne me laisse pas seule !

          Mais Kûûp ne regardait pas en arrière. Il courait le long de la pente comme un cheval devant un chariot.

          — Kûûp, canaille ! cria la femme en pleurant attends donc! Subitement, l'orage éclata juste au-dessus de leur tête. L'eau coula en cascades. La femme s'arrêta au milieu de la route en regardant autour d'elle, saisie de frayeur. D'un bond, Nipernaadi fut auprès d'elle. Il lui saisit la main et courut avec elle vers une grange proche où ils s'engouffrèrent.
          L'air tremblait et frissonnait. La chaleur était accablante.
          — Quel est ton nom ? demanda Nipernaadi.
          — Anne-Marie, répondit la femme en s'essuyant le front. Ses cheveux mouillés pendaient sur son visage marqué par la petite vérole. A chaque coup de tonnerre, elle se rapprocharq du garçon.
          — Et que faisais-tu dans la forêt, demanda Nipernaadi, que tu n'as pas entendu s'approcher l'orage ?
          — Je n'ai rien entendu ; il faisait si calme, le soleil brillait et....
          Subitement, ses idées changèrent d objet.

          — Kûûp, coquin ! Il m'a laissé au milieu de la route, en plein orage, le poltron ! Il faisait si chaud que je m'étais endormie sous un arbuste. Et quand le temps s'est obscurci que l'orage a commencé à gronder, Kûûp sauta sur ses jambes et se mit à courir comme un fou. Il n'eut plus un regard pour moi, ce lâche ! Nous étions venus nous promener dans la forêt pour cueillir des baies.
          — Qui est ce Kûûp ? demanda Nipernaadi.

          — Kûûp est le patron du cabaret, là-bas, au bord de la Kaava. Il n'a pas grand'chose à faire dans son débit. En été il est vide comme un soufflet. Il n'y a que des mouches sur les tables rondes. En hiver, il y a plus d'agrément, car les

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