Il y a 80 ans, le 2 août 1936,Messali Hadj a déclaré:
«Cette terre n’est pas à vendre»
Par Chaffik B. - Journal Reporter DZ
«Cette terre bénie est la nôtre, elle n’est ni à vendre, ni à acheter, ni à hypothéquer, ses héritiers sont là et l’Etoile nordafricaine y veillera.»
Cette forte parole, lors du meeting du 2 août 1936, au stade municipal d’Alger, consacre le retour au pays de Messali Hadj. Plus de 20 000 personnes étaient, en effet, rassemblées pour prendre connaissance des résultats de la mission, à Paris, des porte-parole du Congrès musulman tenu fin juin à Alger et qui devait se conclure par l’adoption d’une charte revendicative demandant, entre autres, le rattachement de l’Algérie à la France, signée par les dirigeants de la Fédération des élus indigènes, du Parti communiste algérien et de l’Association des oulémas représentée par son président.
C’était il y a quatre-vingts ans. La journée du 2 août 1936 est, comme d’autres événements marquants de la maturation de la question nationale, exclue de la mémoire collective comme si l’invite aurait été de la consigner dans une manière de mémoire messaliste, transgressive et suspecte. «Je prends l’engagement, au nom de mon organisation, devant le vénérable cheikh Ben Badis, de faire tout ce qui est humainement possible pour appuyer les revendications et pour servir la cause que nous défendons tous. Mais disons franchement, catégoriquement, que nous désapprouvons la charte revendicative quant au rattachement de l’Algérie à la France.»
Ce rattachement constituait précisément la principale demande politique portée par le Congrès musulman et il faut bien entendre, dans les propos de Messali Hadj, l’énoncé qui faisait ainsi du principe de l’indépendance une ligne de rupture et confirmait les distances prises par l’Etoile nord-africaine avec les animateurs d’un Congrès musulman auquel elle avait refusé de prendre part.
Cette spectaculaire réaffirmation, et en Algérie même, des objectifs du Mouvement exposés lors du congrès de Bruxelles de février 1927, s’inscrit à l’opposé de la politique alors défendue par le gouvernement du Front populaire, notamment traduite par ce qu’il était convenu de nommer «le projet BlumViolette» du nom du gouverneur général d’Algérie.
UNE MOBILISATION POPULAIRE
Lors du colloque, le premier du genre en Algérie, consacré à Messali Hadj en septembre 2011, Mohamed Harbi a évoqué le discours du 2 août 1936, qu’il considère comme un «geste fondateur» qui consacre «l’apparition d’une nouvelle élite qui s’appuie sur les capacités sociales acquises dans les luttes quotidiennes et dont le peuple est le vecteur de mobilisation politique».
Benjamin Stora, qui a consacré sa thèse de doctorat à Messali Hadj, lui aussi présent au colloque de Tlemcen, note d’abord que «le discours du 2 août 1936 est un marqueur» qui indique que «le centre de gravité du nationalisme algérien radical se déplace de la métropole vers l’Algérie». Il souligne aussi que «Messali hadj incarne une politique populaire, alors que le jeu politique algérien était l’apanage des élites et des notables». Benjamin Stora, dans sa lecture du discours et de l’événement du 2 août 1936, s’arrête enfin sur la charge symbolique de la terre que Messali Hadj soulève : «Lorsque Messali Hadj prend une poignée de terre, au stade municipal, pour dire que cette terre n’est pas à vendre, il fait référence au déracinement paysan, à la question de la dépossession foncière.»
Le tournant du 2 août 1936 dans l’évolution de la question nationale est rien moins qu’anodin et dessine des lignes de clivage à l’intérieur du Mouvement national tant en termes de stratégie vis-à-vis du pouvoir colonial que du point de vue des fondements sociaux des positionnements des uns et des autres. Le gouvernement du Front populaire devait prononcer la dissolution de l’Etoile nord-africaine et, audelà des péripéties marquées notamment par un exil contraint de Messali, la création en mars 1937 du Parti du peuple algérien (PPA) marque un tournant politique majeur dans la confrontation avec l’ordre colonial, dont la dimension la plus décisive allait être son enracinement algérien et particulièrement dans les campagnes. La popularisation de la revendication de l’indépendance par le PPA devait reconfigurer la scène politique algérienne, comme le confirmera l’adhésion massive aux Amis du Manifeste de la liberté (AML) et les succès des tournées algériennes de Messali Hadj.
«Cette terre n’est pas à vendre»
Par Chaffik B. - Journal Reporter DZ
«Cette terre bénie est la nôtre, elle n’est ni à vendre, ni à acheter, ni à hypothéquer, ses héritiers sont là et l’Etoile nordafricaine y veillera.»
Cette forte parole, lors du meeting du 2 août 1936, au stade municipal d’Alger, consacre le retour au pays de Messali Hadj. Plus de 20 000 personnes étaient, en effet, rassemblées pour prendre connaissance des résultats de la mission, à Paris, des porte-parole du Congrès musulman tenu fin juin à Alger et qui devait se conclure par l’adoption d’une charte revendicative demandant, entre autres, le rattachement de l’Algérie à la France, signée par les dirigeants de la Fédération des élus indigènes, du Parti communiste algérien et de l’Association des oulémas représentée par son président.
C’était il y a quatre-vingts ans. La journée du 2 août 1936 est, comme d’autres événements marquants de la maturation de la question nationale, exclue de la mémoire collective comme si l’invite aurait été de la consigner dans une manière de mémoire messaliste, transgressive et suspecte. «Je prends l’engagement, au nom de mon organisation, devant le vénérable cheikh Ben Badis, de faire tout ce qui est humainement possible pour appuyer les revendications et pour servir la cause que nous défendons tous. Mais disons franchement, catégoriquement, que nous désapprouvons la charte revendicative quant au rattachement de l’Algérie à la France.»
Ce rattachement constituait précisément la principale demande politique portée par le Congrès musulman et il faut bien entendre, dans les propos de Messali Hadj, l’énoncé qui faisait ainsi du principe de l’indépendance une ligne de rupture et confirmait les distances prises par l’Etoile nord-africaine avec les animateurs d’un Congrès musulman auquel elle avait refusé de prendre part.
Cette spectaculaire réaffirmation, et en Algérie même, des objectifs du Mouvement exposés lors du congrès de Bruxelles de février 1927, s’inscrit à l’opposé de la politique alors défendue par le gouvernement du Front populaire, notamment traduite par ce qu’il était convenu de nommer «le projet BlumViolette» du nom du gouverneur général d’Algérie.
UNE MOBILISATION POPULAIRE
Lors du colloque, le premier du genre en Algérie, consacré à Messali Hadj en septembre 2011, Mohamed Harbi a évoqué le discours du 2 août 1936, qu’il considère comme un «geste fondateur» qui consacre «l’apparition d’une nouvelle élite qui s’appuie sur les capacités sociales acquises dans les luttes quotidiennes et dont le peuple est le vecteur de mobilisation politique».
Benjamin Stora, qui a consacré sa thèse de doctorat à Messali Hadj, lui aussi présent au colloque de Tlemcen, note d’abord que «le discours du 2 août 1936 est un marqueur» qui indique que «le centre de gravité du nationalisme algérien radical se déplace de la métropole vers l’Algérie». Il souligne aussi que «Messali hadj incarne une politique populaire, alors que le jeu politique algérien était l’apanage des élites et des notables». Benjamin Stora, dans sa lecture du discours et de l’événement du 2 août 1936, s’arrête enfin sur la charge symbolique de la terre que Messali Hadj soulève : «Lorsque Messali Hadj prend une poignée de terre, au stade municipal, pour dire que cette terre n’est pas à vendre, il fait référence au déracinement paysan, à la question de la dépossession foncière.»
Le tournant du 2 août 1936 dans l’évolution de la question nationale est rien moins qu’anodin et dessine des lignes de clivage à l’intérieur du Mouvement national tant en termes de stratégie vis-à-vis du pouvoir colonial que du point de vue des fondements sociaux des positionnements des uns et des autres. Le gouvernement du Front populaire devait prononcer la dissolution de l’Etoile nord-africaine et, audelà des péripéties marquées notamment par un exil contraint de Messali, la création en mars 1937 du Parti du peuple algérien (PPA) marque un tournant politique majeur dans la confrontation avec l’ordre colonial, dont la dimension la plus décisive allait être son enracinement algérien et particulièrement dans les campagnes. La popularisation de la revendication de l’indépendance par le PPA devait reconfigurer la scène politique algérienne, comme le confirmera l’adhésion massive aux Amis du Manifeste de la liberté (AML) et les succès des tournées algériennes de Messali Hadj.
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