Le Hakem qu’on nommait Kaïd Iâkoub, parce qu’il avait précédemment exercé cette fonction, était tombé en 1830 avec le régime turk, et les gens de la ville l’avaient remplacé par Kour-Mahammed, que les Bni-Salah, qui étaient devenus les arbitres tyranniques de la population blidienne depuis que les Turks avaient disparu de la scène politique, destituent brutalement, et sans avoir consulté les Blidiens.
La pauvre Blida était entrée dans cette période que les Arabes nommaient « doulet el-hamla, » l’anarchie, période qui devait durer jusqu’en 1838, époque à laquelle nous nous sommes chargés de ses destinées. Le général Clauzel, qui avait été nommé au commandement en chef de l’Armée d’Occupation, en remplacement du maréchal de Bourmont, et qui était arrivé à Alger le 2 septembre 1830, avait voulu donner un Hakem à Blida, et il avait nommé à cette fonction le More El-Haffaf ; mais son règne n’avait pas été de longue durée ; au bout de quinze jours, les Bni-Salah le menacent de mort ; il ne croit pas devoir attendre la réalisation de cette menace, et se hâte d’aller se mettre sous la protection de l’autorité qui l’a nommé, c’est-à dire du Général en chef.
Mais le général Clauzel avait résolu d’en finir avec Mosthafa-Bou-Mezrag, ce Bey de Tithri, qui, persuadé que nous ne pourrions l’atteindre derrière ses montagnes, bravait ouvertement notre autorité. Le Général en chef prononçait donc sa destitution par un arrêté du 15 novembre, et s’apprêtait à soutenir cette mesure par les armes. L’effectif du corps d’armée qui devait marcher sur Médéa était de 7,000 hommes ; le général Clauzel en prenait le commandement, et la colonne se mettait en mouvement le 17 novembre; elle bivouaquait à Bou-Farik le même jour, et arrivait à Blida le lendemain 18. Elle n’était plus qu’à une lieue environ de cette ville, lorsqu’elle aperçut, à une petite distance en avant d’elle, une troupe assez nombreuse de cavaliers arabes qui paraissait vouloir lui en barrer le chemin. Le Général en chef dépêchait vers cette troupe son interprète particulier, un jeune et brillant cavalier, qui, plus tard, devait s’illustrer dans nos rangs par ses remarquables services, et devenir le général Yusuf, et faisait arrêter la colonne.
L’interprète revenait bientôt avec celui qui paraissait être le chef de cette troupe : c’était un cavalier de fière et haute mine, et au regard assuré. Le général Clauzel lui ayant fait connaître son intention d’aller coucher ce jour-là même à Blida, le chef arabe lui conseilla, avec beaucoup de hauteur, de n’en rien faire, et cela parce qu’il avait, lui, celle de s’y opposer. A cette réponse, le Commandant en chef ordonnait au parlementaire de se retirer, et remettait sur-le-champ la colonne en marche. Les cavaliers ennemis commencèrent aussitôt un feu assez nourri ; mais la brigade Achard, qui tenait la tête de la colonne, les poussa facilement devant elle, et quelques obus les eurent bientôt dispersés. Vers la chute du jour, le général Achard se présentait devant Blida, dont les portes étaient fermées, et il se préparait à les abattre à coups de canon, — ce qui n’eût pas été une besogne bien difficile, — lorsqu’elles furent ouvertes par un officier, aidé de quelques voltigeurs qui en avaient escaladé la muraille.
La ville était presque déserte ; car la plus grande partie de la population avait fui dans la montagne. Pendant que la brigade Achard marchait sur Blida par la route, la brigade Munck-d’Uzer se jetait à droite pour y arriver à travers champs ; mais tout était fini quand elle atteignit l’ouad Sidi-El-Kbir. Quelques BniSalah continuèrent cependant à tirailler des hauteurs de la rive gauche, où ils s’étaient réfugiés. On y envoya La brigade Achard forma son bivouac en avant de la Porte furent refoulés dans la montagne par les bataillons du 20e et du 37e de ligne. Comme on se rappelait la surprise de la colonne Bourmont dans les rues de Blida, on fusillait tout Kabil pris en ville les armes à la main. Quelques familles de Blida s’étaient retirées, à notre approche, dans la gorge de l’ouad Sidi-El-Kbir. On leur envoya un parlementaire pour les rassurer et les faire rentrer en ville, ce qu’elles firent, non sans hésitation pourtant. Le corps d’armée se remettait en marche le 20 novembre, en longeant le pied des montagnes des Bni-Salah, et se dirigeait sur le Haouch-Mouzaïa. Le général Clauzel avait décidé, nous le répétons, qu’il serait laissé à Blida, jusqu’au retour de la colonne, une garnison composée de deux bataillons - l’un du 34e de ligne, et l’autre du 35e de même arme, — et de deux pièces de canon. Ce détachement était placé sous le commandement du colonel Rullière, officier très ferme et très capable. Mais le jour même — 26 novembre — que le général en chef quittait Médéa, avec les brigades Achard et Hurel, pour revenir sur Alger, la ville de Blida était le théâtre de scènes sanglantes qui mettaient sa garnison à deux doigts de sa perte. Pendant que la colonne était en marche sur d’Alger, sur l’emplacement de celui du général de Bourmont lors de sa reconnaissance sur Blida. On ne laissa que des postes dans la ville ; les 2e et 3e brigades campèrent en arrière de la Ire, mais à peu de distance des Portes Ez-Zaouya et Es-Sebt, au delà, bien entendu, de la zone des jardins d’orangers.
La brigade Hurel n’arriva que fort tard à sa position ; il en fut de même des bagages, et du bataillon du 21e de ligne, qui marchait en queue pour les couvrir. Cette journée du 18 novembre ne nous coûta qu’une trentaine d’hommes mis hors de combat. L’armée séjourna à Blida le 19. Le Général en chef ayant résolu d’y laisser une garnison pendant qu’il se porterait en avant, cette journée fut employée aux préparatifs qu’y nécessitait son installation. On répara aussi à la hâte les conduites d’eau, que les Kabils avaient détruites sur plusieurs points de leur parcours. Le même jour, des cavaliers arabes se présentèrent, dans la plaine, devant le front de la brigade Achard ; les Kabils venaient, en même temps, tirailler sur son flanc gauche, en se tenant prudemment, toutefois, sur les pentes de la rive gauche de l’ouad Sidi-El-Kbir. Une charge de cavalerie dispersa les premiers ; les seconds Médéa, « une horde de Kabils, conduite par El-Haoucin-ben-Zamoum, fils du cheikh des Fliça, — lequel était malade en ce moment, — arrivait dans la Mtidja. Ayant appris l’occupation de Blida, El-Haoucin appela à lui les Khachna, les Bni-Mouça, les Bni-Misra, tribus qui passaient pour soumises, et marcha sur la ville : les fantassins en suivant le pied de l’Atlas, et les cavaliers en traversant la plaine, pour voir s’il n’y aurait pas, de ce côté, quelque bon coup à tenter. « Ces derniers rencontrèrent, près de Bou-Farik, un convoi de cent chevaux conduit par cinquante hommes d’artillerie, et commandé par deux officiers, qui allaient chercher des munitions à Alger pour la colonne de Médéa. Ils attaquèrent ce convoi, dont tous les conducteurs furent impitoyablement massacrés ; pas un seul homme n’échappa à ce sanglant sacrifice. El-Haoucin continua sa route sur Blida. Son avant-garde apparut, le 22 novembre, sur les hauteurs qui dominent cette ville.
La pauvre Blida était entrée dans cette période que les Arabes nommaient « doulet el-hamla, » l’anarchie, période qui devait durer jusqu’en 1838, époque à laquelle nous nous sommes chargés de ses destinées. Le général Clauzel, qui avait été nommé au commandement en chef de l’Armée d’Occupation, en remplacement du maréchal de Bourmont, et qui était arrivé à Alger le 2 septembre 1830, avait voulu donner un Hakem à Blida, et il avait nommé à cette fonction le More El-Haffaf ; mais son règne n’avait pas été de longue durée ; au bout de quinze jours, les Bni-Salah le menacent de mort ; il ne croit pas devoir attendre la réalisation de cette menace, et se hâte d’aller se mettre sous la protection de l’autorité qui l’a nommé, c’est-à dire du Général en chef.
Mais le général Clauzel avait résolu d’en finir avec Mosthafa-Bou-Mezrag, ce Bey de Tithri, qui, persuadé que nous ne pourrions l’atteindre derrière ses montagnes, bravait ouvertement notre autorité. Le Général en chef prononçait donc sa destitution par un arrêté du 15 novembre, et s’apprêtait à soutenir cette mesure par les armes. L’effectif du corps d’armée qui devait marcher sur Médéa était de 7,000 hommes ; le général Clauzel en prenait le commandement, et la colonne se mettait en mouvement le 17 novembre; elle bivouaquait à Bou-Farik le même jour, et arrivait à Blida le lendemain 18. Elle n’était plus qu’à une lieue environ de cette ville, lorsqu’elle aperçut, à une petite distance en avant d’elle, une troupe assez nombreuse de cavaliers arabes qui paraissait vouloir lui en barrer le chemin. Le Général en chef dépêchait vers cette troupe son interprète particulier, un jeune et brillant cavalier, qui, plus tard, devait s’illustrer dans nos rangs par ses remarquables services, et devenir le général Yusuf, et faisait arrêter la colonne.
L’interprète revenait bientôt avec celui qui paraissait être le chef de cette troupe : c’était un cavalier de fière et haute mine, et au regard assuré. Le général Clauzel lui ayant fait connaître son intention d’aller coucher ce jour-là même à Blida, le chef arabe lui conseilla, avec beaucoup de hauteur, de n’en rien faire, et cela parce qu’il avait, lui, celle de s’y opposer. A cette réponse, le Commandant en chef ordonnait au parlementaire de se retirer, et remettait sur-le-champ la colonne en marche. Les cavaliers ennemis commencèrent aussitôt un feu assez nourri ; mais la brigade Achard, qui tenait la tête de la colonne, les poussa facilement devant elle, et quelques obus les eurent bientôt dispersés. Vers la chute du jour, le général Achard se présentait devant Blida, dont les portes étaient fermées, et il se préparait à les abattre à coups de canon, — ce qui n’eût pas été une besogne bien difficile, — lorsqu’elles furent ouvertes par un officier, aidé de quelques voltigeurs qui en avaient escaladé la muraille.
La ville était presque déserte ; car la plus grande partie de la population avait fui dans la montagne. Pendant que la brigade Achard marchait sur Blida par la route, la brigade Munck-d’Uzer se jetait à droite pour y arriver à travers champs ; mais tout était fini quand elle atteignit l’ouad Sidi-El-Kbir. Quelques BniSalah continuèrent cependant à tirailler des hauteurs de la rive gauche, où ils s’étaient réfugiés. On y envoya La brigade Achard forma son bivouac en avant de la Porte furent refoulés dans la montagne par les bataillons du 20e et du 37e de ligne. Comme on se rappelait la surprise de la colonne Bourmont dans les rues de Blida, on fusillait tout Kabil pris en ville les armes à la main. Quelques familles de Blida s’étaient retirées, à notre approche, dans la gorge de l’ouad Sidi-El-Kbir. On leur envoya un parlementaire pour les rassurer et les faire rentrer en ville, ce qu’elles firent, non sans hésitation pourtant. Le corps d’armée se remettait en marche le 20 novembre, en longeant le pied des montagnes des Bni-Salah, et se dirigeait sur le Haouch-Mouzaïa. Le général Clauzel avait décidé, nous le répétons, qu’il serait laissé à Blida, jusqu’au retour de la colonne, une garnison composée de deux bataillons - l’un du 34e de ligne, et l’autre du 35e de même arme, — et de deux pièces de canon. Ce détachement était placé sous le commandement du colonel Rullière, officier très ferme et très capable. Mais le jour même — 26 novembre — que le général en chef quittait Médéa, avec les brigades Achard et Hurel, pour revenir sur Alger, la ville de Blida était le théâtre de scènes sanglantes qui mettaient sa garnison à deux doigts de sa perte. Pendant que la colonne était en marche sur d’Alger, sur l’emplacement de celui du général de Bourmont lors de sa reconnaissance sur Blida. On ne laissa que des postes dans la ville ; les 2e et 3e brigades campèrent en arrière de la Ire, mais à peu de distance des Portes Ez-Zaouya et Es-Sebt, au delà, bien entendu, de la zone des jardins d’orangers.
La brigade Hurel n’arriva que fort tard à sa position ; il en fut de même des bagages, et du bataillon du 21e de ligne, qui marchait en queue pour les couvrir. Cette journée du 18 novembre ne nous coûta qu’une trentaine d’hommes mis hors de combat. L’armée séjourna à Blida le 19. Le Général en chef ayant résolu d’y laisser une garnison pendant qu’il se porterait en avant, cette journée fut employée aux préparatifs qu’y nécessitait son installation. On répara aussi à la hâte les conduites d’eau, que les Kabils avaient détruites sur plusieurs points de leur parcours. Le même jour, des cavaliers arabes se présentèrent, dans la plaine, devant le front de la brigade Achard ; les Kabils venaient, en même temps, tirailler sur son flanc gauche, en se tenant prudemment, toutefois, sur les pentes de la rive gauche de l’ouad Sidi-El-Kbir. Une charge de cavalerie dispersa les premiers ; les seconds Médéa, « une horde de Kabils, conduite par El-Haoucin-ben-Zamoum, fils du cheikh des Fliça, — lequel était malade en ce moment, — arrivait dans la Mtidja. Ayant appris l’occupation de Blida, El-Haoucin appela à lui les Khachna, les Bni-Mouça, les Bni-Misra, tribus qui passaient pour soumises, et marcha sur la ville : les fantassins en suivant le pied de l’Atlas, et les cavaliers en traversant la plaine, pour voir s’il n’y aurait pas, de ce côté, quelque bon coup à tenter. « Ces derniers rencontrèrent, près de Bou-Farik, un convoi de cent chevaux conduit par cinquante hommes d’artillerie, et commandé par deux officiers, qui allaient chercher des munitions à Alger pour la colonne de Médéa. Ils attaquèrent ce convoi, dont tous les conducteurs furent impitoyablement massacrés ; pas un seul homme n’échappa à ce sanglant sacrifice. El-Haoucin continua sa route sur Blida. Son avant-garde apparut, le 22 novembre, sur les hauteurs qui dominent cette ville.

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