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Bbliothèque : Psychologie des foules -Gustave Le Bon -

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  • Bbliothèque : Psychologie des foules -Gustave Le Bon -


    Initialement outil des dirigeants pour contrôler le comportement des mouvements sociaux, Psychologie des foules, est aujourd’hui devenu un ouvrage de référence en sociologie de l’action collective.

    Gustave Le Bon rédige cet ouvrage (1895) alors que la population française, comprenant qu’elle s’impose comme une force politique non négligeable, fait naître des craintes parmi les gouvernants. Souhaitant fournir les clefs d’interprétation des pensées qui meuvent une foule, Gustave le Bon a ainsi ouvert le champ de la sociologie à l’étude du mouvement social.

    Ce qu’il faut retenir :


    Une foule psychologique se crée lorsqu’il y a convergence d’activités, de perspectives d’action, de mentalités ou d’idées. La foule permet alors aux individus d’acquérir une âme collective. Par ce mécanisme, les individus s’oublient au profit du groupe, et perdent leur personnalité consciente pour emprunter momentanément celle de la foule.

    Ce faisant, les individus se placent dans un état psychique de semi-inconscience, et deviennent incapables de réfléchir de manière raisonnable. Ils sont seulement en mesure de répondre par réflexe à des stimulants ou suggestions émotionnelles. Les individus ne réagissent qu’à la charge émotionnelle des mots et formules utilisés : les images évoquées.

    Par instinct, les foules recherchent un meneur qui va les séduire par la force de ses convictions. Le meneur le plus brillant n’est pas forcément le plus raisonnable, mais celui sachant manier les ruses de l’art oratoire, amadouer ses auditeurs et réorienter leur pensée. Il est capable de détourner la foule de ses revendications ou de ses perspectives d’action.

    Un peuple est uni par des croyances fondamentales (par exemple : la démocratie, la liberté, l’égalité…) qui sont la matrice de ses institutions politiques et sociales et de ses traditions. Elles sont très stables dans le temps, car elles naissent et s’érodent difficilement. Au-dessus de cette fondation affleurent les innombrables opinions éphémères et conjoncturelles (des courants d’idées politiques, artistiques, musicales, vestimentaires, etc.).

    Les revendications d’une foule, si elles portent sur des questions de l’ordre de l’opinion, ne sont pas durables. À l’inverse, il est inutile de s’opposer aux principes appartenant aux croyances fondamentales de la foule ; la politique n’a pas de prise sur elles, seul le temps peut éventuellement les affaiblir.

    Biographie de l’auteur


    Gustave Le Bon (1841-1931) est un intellectuel et un écrivain français prolifique. Il écrit, au cours de sa vie, 43 ouvrages sur des thématiques diverses – anthropologie, psychologie, sociologie ou médecine. Ayant suivi des études de médecine, sans toutefois obtenir de diplôme, il publie plusieurs travaux d’ordre scientifique (sur le choléra, l’asphyxie, l’hygiène du soldat, etc.), découlant d’observations faites lors de ses voyages en Afrique et aux Indes.

    À partir des années 1880, Gustave Le Bon s’intéresse davantage aux questions sociales. Parce qu’il n’était pas spécialiste, un manque de rigueur académique lui a été reproché. Pourtant, ses œuvres maintes et maintes fois rééditées, aussi bien de son vivant qu’après sa mort, sont aujourd’hui considérées comme témoignant d’une réflexion intuitive exceptionnelle.

    Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.

    Synthèse de l’ouvrage

    Livre I. L’âme des foules

    Chapitre 1. Caractéristiques générales des foules


    Il faut distinguer les foules ordinaires, rassemblées au même endroit, par hasard, et les foules psychologiques. Ces dernières sont unies par la convergence des mentalités vers un même horizon (une idée, une perspective d’action, etc.). Ce type configuration est typique des associations caritatives, des manifestations populaires, des assemblées parlementaires ou de la « sphère dirigeante » qui, contre toute attente, forme un groupe régi par les mêmes règles que celles qui régissent une foule psychologique.

    La proximité en un même lieu n’est pas nécessaire pour qu’il existe une foule psychologique, cependant, si tel est le cas, les caractéristiques de cette foule sont décuplées.

    La foule psychologique (que l’on surnommera « foule » pour la suite) présente des caractéristiques propres, différentes de celles des individus qui la composent. La communion d’esprit entraîne, de manière transitoire, l’émergence d’une âme collective. En effet, dans une foule, l’intérêt personnel est sacrifié au profit de l’intérêt collectif. Ce phénomène, renforcé par le processus d’anonymisation dans un groupe, fait diminuer le sentiment de responsabilité et la personnalité consciente de chacun.

    Dans cet état de semi-inconscience, presque d’hypnose, les individus répondent aux « suggestions » qu’on leur présente. Les individus se retrouvent alors dans un état instinctif, caractérisé par l’inconscience et l’imitation. Impressionnable, car chaque individu voit sa raison bloquée (inconscience), la foule est capable d’accomplir des actes que chacun pris individuellement désapprouverait (par exemple : voter une loi inique dans une assemblée parlementaire), ou alors des actes héroïques (par exemple lors d’une campagne militaire). L’imitation étant également une réaction instinctive, la contagion mentale de toute pensée ou tout acte devient alors très forte au sein d’une foule.

    Cependant, en raison de ce blocage des facultés de raisonner, le niveau intellectuel d’une foule est également toujours inférieur au niveau intellectuel des individus qui la composent. La foule psychologique est une réduction de toute chose au niveau commun à tous.

    Chapitre 2. Sentiments et moralités des foules

    Une foule est gouvernée par l’inconscient. Elle réagit par réflexe, ou impulsion, selon le stimulant qu’on lui présente. Elle est par conséquent très instable et peut passer de la joie à la fureur sitôt que la suggestion change. Ces réactions sont toujours peu durables, car la foule fonctionne selon l’hérédité servile qui l’engageait à toujours retourner sous le joug de son maître.

    La foule ne raisonne pas ; elle pense par image évoquée. Selon ce qu’un terme évoque comme image pour une foule, on observe des réactions semblables chez tous les individus qui la composent, qu’ils soient ou non, réunis au même endroit. Par ailleurs, du fait de son état psychique favorable à la suggestion, la première image que l’individu dans la foule reçoit est considérée par lui comme « la bonne ». C’est pourquoi la crédulité est très développée dans une foule ; par contagion, elle peut même conduire à une hallucination collective.

    Parce que la foule est incapable de raisonner, il n’y a pas de demi-mesure dans son action et ses réactions. Tout sentiment, réduit à sa forme la plus simple, est exagéré. Le caractère extrême des sentiments et leur simplification exacerbent l’intolérance de la foule vis-à-vis de tout avis contraire ou simple doute émis à l’encontre des idées portées par cette foule. Malgré cela, la foule était encore trop influencée par son hérédité servile pour que ses instincts révolutionnaires durent très longtemps. Par nature conservatrice, la foule préférait la tradition à la nouveauté et retournait toujours, à terme, au confort de la servitude…

    La moralité de la foule devrait être faible, celle-ci étant incapable de contenir ses pulsions. Cependant, la foule libère également de grandes valeurs morales, parfois supérieures à celles dont seraient capables les individus en son sein, par exemple l’abnégation, le désintéressement, l’héroïsme, le dévouement, l’équité… Mais, à l’inverse, elle peut également manifester une cruauté sanguinaire. En somme, la nature des valeurs morales exprimées par la foule dépend des stimulants qui lui sont suggérés.

    Chapitre 3. Idées, raisonnements et imagination des foules

    L’évolution d’un peuple ne dépend pas de choix politiques qui se succèdent, mais de l’évolution des idées fondamentales de ce peuple, de ses croyances. Ces idées fondamentales sont différentes des idées accidentelles ou éphémères (effet de mode, courant de pensée conjoncturel…) parce qu’elles procèdent d’un processus très lent d’assimilation de certaines grandes idées dans l’inconscient des individus. Ces grandes idées doivent être simplifiées à l’extrême avant de pouvoir être assimilées.

    La foule est par conséquent toujours en retard par rapport à l’évolution des idées des intellectuels. « Tous les Hommes d’État savent aujourd’hui [en 1895] ce que contiennent d’erroné les idées fondamentales citées à l’instant [idées démocratiques et sociales], mais leur influence étant très puissante encore, ils sont obligés de gouverner suivant des principes à la vérité desquels ils ont cessé de croire. »

    Les foules sont influençables. Ces dernières sont capables de suivre un raisonnement complexe, mais en usant d’arguments « inférieurs », erronés. D’ailleurs, ce ne sont pas les raisonnements qui les séduisent, mais les images évoquées. Elles n’ont pas d’esprit critique et tiennent pour certain tout jugement qu’elles reçoivent.

    Ainsi, l’imaginaire est très actif au sein d’une foule. Il est conseillé aux gouvernants d’apprendre à agir selon cet imaginaire des foules (par exemple, une taxe de quelques centimes sur tous les produits rapporte plus et est plus facilement acceptée, qu’une seule importante taxe effrayante qui rapporterait en outre beaucoup moins à l’État).

    Chapitre 4. Formes religieuses que revêtent toutes les convictions des foules

    Le comportement d’une foule psychologique est similaire à celui de la dévotion religieuse. Les individus qui composent cette foule mobilisent toutes leurs ressources physiques et mentales au service d’une cause qu’ils soutiennent.

    À cette fin, ils suivent un meneur, ou un guide spirituel (comme Robespierre ou Napoléon), et font preuve d’un certain fanatisme, rejetant ceux qui expriment des sentiments contraires. Au nom des idées que la foule défend, le meneur, par la suggestion, peut la conduire à toutes sortes d’action – des plus héroïques (campagnes militaires avec Napoléon) aux plus atroces (massacres avec Robespierre).

    Livre II. Les opinions et les croyances des foules

    Chapitre 1. Facteurs lointains des croyances et opinions des foules


    Le comportement et les pensées d’une foule sont influencés par plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux est la « race ». Cette dernière influence les caractéristiques propres d’une civilisation (ses institutions, croyances, arts…), c’est-à-dire ce qui constitue l’âme d’un peuple. Si certains facteurs (milieu, événements…) influencent de manière momentanée les idées d’une foule, ces facteurs ne peuvent influencer les caractères fondamentaux de ce peuple, lesquels in fine reprennent toujours le dessus.

    La tradition, deuxième facteur, consiste dans l’ensemble des idées, besoins et sentiments du passé. Les traditions subissent une corrosion et un renouvellement lent à travers le temps. Elles ne disparaissent jamais. Sans tradition, il ne peut y avoir de société. Contrairement aux idées des Lumières, il est impossible de faire table rase du passé pour reconstruire une civilisation sans religion, fondée uniquement sur la raison.

    Seul le temps permet l’évolution d’un peuple. Un temps long permettra l’émergence et le déclin de ses croyances. Les institutions politiques et sociales sont elles-mêmes issues de cette évolution des idées. Par conséquent, la modification d’un régime doit être nécessairement mise en œuvre progressivement.

    Le dernier facteur sur lequel repose l’évolution des croyances des foules semble lié à l’instruction et l’éducation qui permettent l’égalité et l’amélioration de la valeur des Hommes. Cependant, l’influence de ce principe doit être largement diminuée. L’instruction, à l’époque, ne développait ni l’esprit critique ni la faculté de raisonner. Elle favorisait simplement la récitation.

    Par ailleurs, l’éducation dans son principe nuisait grandement à la société. Chaque catégorie (paysan, ouvrier, bourgeois…) se prenait à rêver d’ascension sociale à l’issue de leur examen. De nombreux individus étaient alors déçus de ne pas pouvoir accéder aux emplois qualifiés, trop peu nombreux. Les nouvelles générations de lettrés nourrissaient les cercles socialistes et anarchistes, tandis que les jeunes ouvriers, encadrés jadis par le patronat, sombraient dans la criminalité.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2

    Il serait plus convenable, au contraire, de maintenir les jeunes dans leur milieu d’origine, par l’éducation puis l’apprentissage pour les endurcir à la réalité. Sans cela, l’amertume due à leur condition sociale et leur absence de pensée critique risque de les amener à croire à tous les projets utopistes des bonimenteurs. Ceci amènerait à la décadence des civilisations.

    Chapitre 2. Facteurs immédiats des opinions des foules

    Les facteurs immédiats agissent de manière plus directe et momentanée sur la foule. L’un des facteurs immédiats les plus puissants est le langage. Les mots et formules sont très importants, pas tant pour leur signification que pour les images qu’ils évoquent dans l’esprit des individus.

    Connaître la charge émotionnelle des mots permet de contrôler une foule. Ainsi lorsqu’une notion devient antipathique à une foule, il convient simplement de modifier le mot sans toucher à la chose. Là encore, la race influence la valeur accordée aux mots : un terme peut ainsi avoir une connotation totalement différente d’une société à une autre.

    L’illusion est un élément indispensable à une société. En elle sont placés les espoirs et les craintes. Grâce à l’illusion, une société prend des risques et évolue. En détruisant les illusions religieuses, politiques et sociales, les Lumières ont laissé une société désorientée, la raison et la science ne fournissant ni assurance ni espoir. Sans repère, les individus deviennent sensibles aux utopies des rhéteurs. Or, « Qui sait les illusionner est aisément leur maître ; qui tente de les désillusionner est toujours leur victime. »

    Les sentiments de la foule constituent le dernier facteur immédiat. La foule n’est capable d’aucune association d’idées ; la raison n’a donc pas d’influence sur elle. Cependant, il est nécessaire d’analyser les sentiments qui animent la foule pour les utiliser afin d’orienter la pensée de la foule.

    Chapitre 3. Les meneurs des foules et leurs moyens de persuasion

    Par instinct, les individus se regroupent autour d’un chef. Celui-ci constitue le noyau autour duquel la foule se forme et à qui elle s’identifie. Le meneur ne doit pas être un intellectuel, mais un homme d’action et un rhéteur. En effet, étant lui-même totalement subjugué par l’idée qu’il défend, il présente les mêmes caractéristiques qu’une foule : faiblesse de raisonnement, intolérance à l’égard des avis opposés. Cependant, sa forte volonté attire et contribue à l’émergence d’une forme d’adoration de sa personne. Il s’affirme ainsi de manière despotique, par la violence physique ou verbale tout en refusant l’opposition.

    Il se distingue en cela de l’homme à volonté durable. Ce dernier a des qualités de persuasion moins efficaces. Cependant, sa volonté, en s’inscrivant dans la durée, lui confère une puissance irrésistible et une influence considérable. L’homme de volonté est à la tête des tournants majeurs de la civilisation (par exemple Mahomet, Christophe Colomb, Saint Paul…).

    Les moyens d’action des meneurs pour s’imposer dans l’esprit des foules sont au nombre de trois : affirmation, répétition et contagion. L’affirmation doit être concise, sans justification. La répétition permet d’imposer l’affirmation comme une vérité. Le phénomène de contagion, liée au processus d’imitation, permet la propagation de cette vérité énoncée par le meneur dans la foule. L’individu est en effet sensible à l’imitation (d’idées, de comportements ou de sentiments) dans la mesure où le modèle à imiter est simple. Cette diffusion peut se faire horizontalement dans une même classe sociale ou verticalement (entre différentes classes sociales).

    L’auteur des affirmations parvenant à diffuser conformément à ces trois mécanismes acquiert alors un « prestige personnel » (Jésus, Napoléon, Jeanne d’Arc…). À l’inverse, le « prestige acquis » est lié à la fortune, la naissance, le rang, la réputation auxquels l’individu n’a pas forcément contribué.

    Le prestige est une force d’attraction. L’homme qui en bénéficie possède une puissance magnétique, fascinatrice et peut alors facilement s’imposer aux foules. Toutefois, cette caractéristique est instable, un seul échec peut signifier sa chute au niveau de simple mortel. Cette décadence dans l’esprit des foules est d’autant plus brutale que son ascension a été fulgurante et élevée. De même, sitôt qu’une remise en question des propos devient possible, le prestige disparaît.

    Chapitre 4. Limites de variabilité des croyances et des opinions des foules

    Les foules ont des croyances qui constituent le substrat irréductible de leur psychologie (par exemple, à la fin du XIXe, le principe d’une nation, de la démocratie). Ces croyances sont la structure d’une société. Elles sont lentes à s’imposer dans l’esprit des individus et lentes à s’éroder. Quand ces croyances fondamentales commencent à faiblir, tout le système politique et social construit d’après elles se fragilise. Lorsqu’elles disparaissent définitivement, toutes les institutions s’effondrent. Il s’ensuit une révolution violente suivie d’une période d’anarchie, afin d’établir des institutions adaptées aux nouvelles croyances.

    À la surface de ces croyances fondamentales se multiplient des opinions éphémères. Celles-ci naissent et disparaissent en une génération (par exemple, athéisme, déisme, puis de nouveau catholicisme se sont suivis après la Révolution ; de même dans le domaine artistique, où se sont succédé le romantisme, le naturalisme, le réalisme, etc.). La prolifération des opinions est une conséquence du développement de la presse, mais aussi de la prise de conscience par la population de son poids politique. Ainsi la presse, tout comme le gouvernement, s’oriente non plus en fonction des croyances fondamentales du peuple français, mais de l’opinion de la foule, en l’occurrence ses lecteurs.

    Livre III. Classification et description des diverses catégories de foule

    Chapitre 1. Classification des foules

    Il existe deux types de foules : les foules hétérogènes et les foules homogènes. Les foules hétérogènes sont composées d’individus d’origines nationales, sociales, ethniques ou religieuses diverses. Ces individus peuvent être anonymes comme lors d’une manifestation, ou non anonymes comme au sein d’un jury de Cour d’assises, ou d’une assemblée parlementaire.

    Dans le cas d’une foule hétérogène, ce sont les caractéristiques d’inconscience, de défaut de raisonnement, de sensibilité à la suggestion qui prennent le dessus. Néanmoins, le sentiment de responsabilité sera plus visible dans une foule hétérogène non anonyme. Les variations de comportement, d’action, ou de ressenti dépendent quant à elles de la race.

    Différentes catégories répondent aux caractéristiques des foules homogènes. Si les individus regroupés partagent entre eux une croyance commune, il s’agit d’une secte. S’ils partagent un même niveau d’étude, d’éducation, et un même milieu social, il s’agit d’une caste. S’ils partagent les mêmes intérêts, les mêmes habitudes de vie et la même éducation, il s’agit d’une classe.

    Chapitre 2. Les foules dites criminelles

    La foule criminelle est une foule hétérogène anonyme dont l’état d’inconscience est tel qu’elle réagit de manière totalement émotionnelle à une suggestion, sans réfléchir. La suggestion meurtrière se trouve alors légitimée par les imprécations massives de la foule.

    Psychologiquement, l’individu ou les individus qui agissent se sentent disculpés de toute responsabilité et ont au contraire le sentiment d’accomplir un acte louable. Le massacre des prisonniers ordonné par Danton en 1792 et réalisé par un groupe de 300 Parisiens anonymes est un exemple d’un tel crime légal, mais non psychologique, au cours duquel la foule était investie d’un sentiment patriotique.

    Chapitre 3. Les jurés de Cour d’assises

    Le jury d’une Cour d’Assises est une foule hétérogène non anonyme. On retrouve dans cette foule les caractéristiques décrites plus haut. Ce groupe se trouve dans un état de relative inconscience. Les sentiments prédominent ; les individus réagissent selon la suggestion et se placent sous l’autorité d’un ou de quelques meneurs. Le niveau de réflexion des individus qui composent cette foule se réduit.

    L’élargissement des conditions d’accès à un jury de Cour d’Assises à toutes classes sociales a d’ailleurs prouvé que le niveau intellectuel des jurés ne jouait pas dans la qualité des verdicts votés. Ils témoignent toujours de la sensibilité des jurés envers les circonstances atténuantes ou non d’un accusé. Ces individus, quel que soit leur niveau social ou intellectuel, étaient ainsi capables de distinguer d’instinct les criminels dangereux pour la société des criminels accidentels (par exemple la vengeance d’une fille-mère abandonnée, à l’encontre de son séducteur) : c’est-à-dire distinguer le droit de la justice. Les sentences se révélaient alors toujours plus sévères à l’encontre des premiers que des seconds.

    Les moyens mis en œuvre pour émouvoir un jury reposent principalement sur l’art oratoire des avocats, mais aussi celui des meneurs parmi les jurés. Il s’agit ici, comme devant toute foule hétérogène, d’adapter son discours au public et de toujours rester attentif à la réaction, les sentiments et les images provoquées par son propos.

    Chapitre 4. Les foules électorales

    Les foules électorales sont également des foules hétérogènes. Elles présentent les caractéristiques présentées plus haut : faible raisonnement, absence d’esprit critique, forte irritabilité et crédulité envers les bonimenteurs. Cette foule se place sous la direction d’un meneur, « leur » candidat, et est particulièrement sensible au mécanisme d’affirmation, de répétition et de contagion par lequel ce dernier parvient à propager ses idées et les transformer en argument d’autorité.

    De ces constats, quelques leçons pour séduire une foule électorale peuvent être tirées. Le candidat doit tout d’abord disposer d’un prestige acquis ou personnel, éventuellement d’une fortune, afin de s’imposer d’emblée avant toute discussion ou tout débat. Nul besoin de faire preuve de génie ou de talent.

    Par la suite, il lui est nécessaire d’user de flagorneries dirigées vers les électeurs, de multiplier les promesses utopiques et de vilipender ce qui est antipathique à l’électeur (les patrons, les impôts, etc.). Toutes ces promesses verbales ne devront en aucun cas figurer sur le programme écrit, lequel restera succinct. De même, il convient de calomnier ses adversaires à travers les mêmes mécanismes (affirmation, répétition et contagion). En retour, l’adversaire visé devra faire de même ; s’il tente d’user de justifications raisonnables, la foule électorale ne le comprendra pas. En somme, la maîtrise du langage est l’outil indispensable du candidat afin de créer des formules évocatrices, mais dépourvues de sens précis.

    Autrement dit, le suffrage universel n’est pas une grande invention. Les grandes évolutions de la société ne furent jamais l’œuvre du peuple, mais au contraire celle d’une minorité d’élites. Pour autant, ce principe est bien trop implanté dans les croyances, tout comme l’était la religion au Moyen-âge, pour être combattu frontalement. Seul le temps permettra au principe du suffrage universel de s’effondrer.
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    • #3

      Chapitre 5. Les assemblées parlementaires

      Les assemblées parlementaires sont un autre grand type de foule hétérogène. Les parlementaires présentent, une fois rassemblés, des caractéristiques semblables aux autres foules. Il s’agit d’une baisse de leurs facultés de raisonnement, d’une intolérance vis-à-vis de l’opposition, d’une forte soumission à l’influence des meneurs, de réactions réflexes face à certains stimulants suggérés et de l’expression exagérée et simplifiée des sentiments.

      Ainsi, il est rare que les parlementaires manifestent de la tiédeur  : leurs opinions sont exagérées même si leurs convictions ne sont pas extrêmes. Ils sont paradoxalement très versatiles et votent selon la direction du vent. En effet, la volonté de se voir réélu dans leur localité rend les parlementaires intransigeants concernant quelques questions clefs, à titre purement électoral. Cependant pour que ces mesures soient votées par ses collègues parlementaires, il consent en retour à voter les leurs, même si elles sont contraires à ses convictions.

      Les meneurs de chaque groupe politique doivent disposer d’un grand prestige, mais aussi être hypnotisés par leur propre vision politique et doués d’un talent oratoire. L’intelligence est un handicap pour le meneur parce qu’elle l’amène à relativiser son propos. Or, selon les images que l’orateur parviendra à mobiliser, l’assemblée parlementaire pourra se trouver dans un état de ferveur et d’excitation collective tel, qu’il deviendra alors possible de lui faire voter des mesures que les parlementaires pris individuellement auraient tous refusées.

      La foule parlementaire présente deux défauts majeurs. Tout d’abord, les arrangements des parlementaires, votant mutuellement les mesures qui augmentent la probabilité de leurs réélections, provoquent un gaspillage des fonds publics et la multiplication des lois qui encadrent la liberté individuelle. En d’autres termes, l’accroissement apparent des libertés n’est autre qu’une diminution progressive de la sphère privée au profit de l’espace public. Ces restrictions de libertés dissimulées sont les prémices d’une décadence de la civilisation.

      En résumé, le cycle de vie d’un peuple se compose d’un regroupement hétérogène d’individus qui, grâce au temps, vont développer des caractéristiques communes et former ainsi un peuple, une race. Celle-ci va peu à peu se transformer en civilisation, se doter d’institutions, de croyances, d’une organisation sociale, d’art, etc. Ces fondations permettront aux opinions diverses de proliférer. Finalement quand cette civilisation aura atteint son apogée, elle entamera son déclin par l’affaiblissement de ses croyances.

      Ce phénomène favorisera le développement des individualismes et l’affaiblissement de la cohésion sociale ainsi que de toutes les structures qui reposaient sur ces croyances. La société se retrouvera de nouveau à l’état de foule disparate simplement réunie par les vestiges des institutions et des traditions. La foule sera alors à la recherche d’un guide et de croyances pour s’unifier de nouveau.
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