Dans Propaganda (1928), Edward Bernays se propose d’expliquer la structure du mécanisme de contrôle de l’opinion.
Il offre également des précisions sur la place de la nouvelle propagande dans nos systèmes démocratiques pour donner un aperçu de l’évolution progressive du code moral et de la pratique de cette propagande. C’est un livre fondateur de la pensée politique et du phénomène de manipulation des masses.
L'auteur soulève en filigrane la question de la définition de la démocratie, définition qui serait erronée. La démocratie ne serait pas le lieu du pouvoir du peuple, la démocratie serait le régime dans lequel on manipule l’opinion du peuple au lieu de le contraindre.
Ce qu’il faut retenir :
La société démocratique a engendré la naissance d’un gouvernement invisible, qui domine discrètement, non pas par la force et la coercition, mais par la propagande. Le système démocratique a rendu nécessaire, pour les dirigeants, de comprendre les besoins et les envies des masses, afin de capter son attention.
La propagande touche l’ensemble de la société. Personne ne peut échapper à son influence. Or, il faut garder en tête le fait que cette propagande est orchestrée par certaines personnes qui sont de facto capables de modeler l’opinion publique. On s’éloigne alors de la définition originelle du terme propagande pour se rapprocher d’une conception idéologique. Ce qui en résulte par conséquent c’est que la démocratie moderne adopte cette nouvelle forme de gouvernement invisible pour garantir les privilèges de certains.
Biographie de l’auteur
Edward Bernays (1891-1995) était un consultant en relations publiques américain. Il s’intéressait ainsi particulièrement à la démocratie et aux moyens de faire plier et d’utiliser les masses pour servir certaines élites sans recourir à la contrainte ou à la violence. Neveu de Sigmund Freud, il a su exploiter les travaux de son oncle, notamment dans le domaine de la connaissance de l’irrationalité, à des fins économiques, idéologiques et politiques. Il participe au développement des concepts de gouvernement invisible et de fabrication du consentement.
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Synthèse de l’ouvrage
Chapitre I. Organiser le chaos.
Le caractère démocratique de nos sociétés renvoie à l’idée de pouvoir du peuple. Pourtant, certaines personnalités et certains groupes manipulent de façon consciente l’espace public. En influençant intelligemment l’opinion publique ainsi que les habitudes des masses, ces personnes disposent du peuple selon les tendances qui leur sont favorables. Ils forment alors « un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays ».
L’avènement de ce gouvernement invisible coïncide avec l’avènement du système de parti. Le droit de vote est octroyé au peuple, néanmoins, le nombre restreint de candidats empêche une dispersion des opinions exprimées via les suffrages. Un système d’élite, simplifiant le jeu politique, s’est alors mis en place.
Sans l’avoir anticipé, le peuple a volontairement accepté de déléguer le pouvoir politique à ce gouvernement invisible. Ce dernier a la charge de définir, par sa communication et celle de la presse — qui sont intrinsèquement liées — ce qui doit être d’intérêt général. De ce système découle un mécanisme de manipulation de l’information.
Cependant, ce type de dérive ne permet pas d’expliquer qu’un tel continuum permette d’organiser l’appareil politique grâce à des instruments en respectant la polarisation des idées. La manipulation est plus profonde. Ce système incarné par une invisibilisation des normes et des liens entre groupes, entreprises ou associations est le mécanisme qui permet à la démocratie moderne d’organiser « son esprit de groupe et de simplifier sa pensée collective ».
Chapitre II. La nouvelle Propagande.
Une minorité d’individus a donc la capacité d’influencer la majorité afin de servir ses propres intérêts en utilisant les mécanismes de la propagande. Cette propagande est concomitante à de multiples domaines qu’ils soient de l’ordre social, économique, politique, éducationnel ou encore culturel. Elle touche finalement l’ensemble de la société. « La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible ».
La propagande était initialement définie comme l’action qui consiste à professer des valeurs, pour faire connaître une idée ou un groupe. Cependant, au cours de l’histoire, l’utilisation du terme propagande s’est modifiée et désormais, il renvoie davantage à l’idée d’imposer une idée dominante.
Dans sa conception plus récente, la propagande constitue un outil extrêmement efficace pour obtenir l’adhésion du grand public. Par conséquent, quiconque disposant de suffisamment d’influence, est capable d’orienter selon ses dires et ses actions une frange importante de la société.
La Première Guerre mondiale a été le théâtre d’une utilisation à grande échelle de la propagande d'État. Depuis lors, celle-ci s’est développée de manière exponentielle sous d'autres formes, et notamment à travers nos sociétés de consommation.
Cette nouvelle propagande cherche à instrumentaliser les pulsions et le désir des masses dans un intérêt privé. De grandes entreprises internationales veulent en effet trouver le moyen de stimuler le désir et d'orienter la consommation des citoyens.
Il faut toutefois garder à l’esprit que « toute propagande a ses partisans et ses détracteurs », dont l’objectif est admis et reste le même : convaincre la majorité aux dépens de ses opposants.
Chapitre III. Les nouveaux propagandistes.
Toute personnalité publique est dans la capacité d’influencer son auditoire. Les dirigeants invisibles « contrôlent les destinées de millions d’êtres humains ». Ces autorités plus ou moins publiques sont dans la capacité d’orienter les prises de paroles et les discussions des élites au pouvoir et ainsi, façonner les pensées et les comportements d’une société démocratique accrochée aux décisions des différentes élites.
Il semble légitime de se demander pourquoi seul ce gouvernement invisible est dans la capacité d’influencer à tel point la majorité de la population. C’est pourtant assez simple. Promouvoir une idée ou un produit revient extrêmement cher. Or, seuls les membres de ce gouvernement invisible peuvent engager de tels moyens.
L’intérêt pour la propagande a conduit à la naissance de spécialistes de la propagande, qui interprètent les réactions de l’opinion publique, pour tirer les conséquences des demandes croissantes de manipulation des masses. On parle alors de « conseillers en relations publiques » dont l’objectif est de répondre aux demandes des différents gouvernements concernant l’appréhension de l’opinion publique.
Le travail du conseiller en relations publiques consiste alors à « porter une idée à la conscience du grand public » en utilisant les différents moyens de communication à sa disposition. Il se doit d’être omniscient dans le sens où il doit comprendre une situation dans sa globalité pour mieux l’interpréter.
« Le conseiller en relations publiques n’est pas un publiciste, mais quelqu’un qui recommande le recours à la publicité chaque fois que cela lui paraît indiqué ». Ainsi, il cherche à comprendre précisément ce que recherche et souhaite l’opinion publique afin de satisfaire les intérêts des personnes qui ont sollicité son travail.
L’apparition de ces nouvelles professions est due à la nécessité pour les instances au pouvoir de conserver leur dépendance vis-à-vis des foules. Le gouvernement invisible « a besoin de l’assentiment de l’opinion publique » dans l’objectif de conserver leur prépondérance ainsi que leur assise sur cette société qui sert leurs intérêts.
Chapitre IV. La psychologie des relations publiques.
Les propagandistes s’appuient en grande partie sur des notions de psychologie afin de mieux cerner l’opinion publique. Autrement dit, ils jouent sur les émotions des foules pour satisfaire leurs intérêts. Les différentes études psychologiques ont permis de déterminer que l’individu, membre du collectif, désire une chose, non pas parce qu’elle est lui est nécessaire, mais parce qu’inconsciemment il y voit un symbole, une distinction, une gratification.
Il est donc uniquement question de la satisfaction d’une pulsion. Les études psychologiques des foules ont encore permis de comprendre d’où viennent ces désirs : c’est le groupe qui détermine les tendances sociétales. Par conséquent, afin de garder la mainmise sur le peuple, la manipulation des foules est essentielle pour le gouvernement invisible.
Pour le propagandiste, ces conclusions ont permis de dégager quelque chose de primordial : il est indispensable de comprendre le « ça » de l’individu (notion reprise à Sigmund Freud). Plus précisément, le propagandiste cherche à comprendre l’individu en profondeur, et ne peut se contenter de se satisfaire les désirs que l’individu exprime seulement en surface. C’est une analyse profonde du comportement individuel qu’il opère.
Pour arriver à ses fins, le propagandiste ne peut pas seulement s’appuyer sur ses connaissances en communication pour faire adhérer le peuple à telle idée ou à tel produit. Il a besoin de relais crédibles qui par leur position sociale, leur statut professionnel ou la reconnaissance dont ils disposent leur permettent de susciter des réactions positives aux messages initiaux mis en avant. Pour autant, il faut également garder en tête que cette propagande rentre en concurrence avec la propagande mise en place d’autres groupes d’intérêts, politiques ou économiques. Aussi, l’avènement de la propagande rime avec l’avènement de la concurrence et de la publicité.
Le fonctionnement de la propagande est donc évident : appréhender l’opinion publique pour mieux le manipuler en faveur du gouvernement invisible. Cette propagande touche alors tous les pans de la société, sans que la population en ait réellement conscience. Il y a une réelle invisibilisation des normes. Celle-ci peut exister et tend à se pérenniser parce que « les idées de la propagande moderne sont fondées sur une psychologie saine, qui elle-même repose sur l’intérêt personnel ».
Chapitre V. L’entreprise et le grand public.
Avec l’avènement d’une société de communication, on assiste à un changement de paradigme. Anciennement, la demande créait l’offre. Dorénavant, c’est l’offre qui crée la demande. Le travail de communication et d’information est ainsi de plus en plus développé, et utilise toujours plus de technologie pour créer cette demande.
En outre, l’établissement de la société de consommation coïncide avec l’avènement d’une société dotée d’un sens critique puissant, par le nombre et par la pertinence. Les entreprises ne peuvent donc pas s’incliner devant l’opinion publique, mais ne peuvent pas non plus leur imposer leur politique. Ces entreprises demandent à des spécialistes de la propagande d’« expliciter ses objectifs au grand public et à évoluer conformément aux attentes collectives ». Ces entreprises tentent toujours d’améliorer leur stratégie commerciale, cela grâce à une bonne communication et une bonne campagne publicitaire.
Le propagandiste a pour mission la résolution d’un problème. C’est ce pour quoi il remplit une mission sociale. En créant un courant d’opinion favorable à telle ou telle cause, il crée de facto « une ligne d’action socialement constructive ».
Selon les termes de Samuel Insull, « si vous n’avez pas derrière vous une opinion publique prête à vous soutenir, vous courez fatalement à l’échec ». Ce n’est que lorsqu’un individu, industriel, commercial ou autre, disposant d’un soutien suffisant, qu’il est capable d’envisager une expansion constructive.
Toutefois, il ne faut pas non plus tomber dans une image embellie de la propagande pour les entreprises. L’opinion ne se tient pas toujours derrière son intérêt. Il demeure une vision critique à leur égard qui doit être contrôlée par d’autres organes propagandistes afin de ne pas alimenter le mécontentement du public qui serait dramatique pour le gouvernement invisible.
Le résultat d’une entreprise ou d’une action en bourse dépendra alors du degré d’approbation de l’opinion publique. La création d’une telle approbation passe par un travail de manipulation discret et efficace. La propagande « rends [ainsi] un immense service à l’entreprise car contribuant à légitimer les publicistes et la publicité met à mal les arguments outranciers et concurrentiels de la publicité déloyale ».
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