IL FÂCHE LES PATRONS, LES FRANÇAIS, LES BANQUIERS ET LES CONCESSIONNAIRES AUTOMOBILE
S’il y a un personnage qui ne se soucie pas de démentir sa mauvaise réputation, ce serait bien Ahmed Ouyahia. En cet été 2009, le Premier ministre, impopulaire et fier de l’être, s’est fait de nouveaux ennemis : les banques étrangères, les concessionnaires automobiles, les compagnies d'assurances, les importateurs et même une partie du patronat algérien !
Tout ce beau monde dénonce les dernières décisions cataclysmiques de Ouyahia, notamment les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire pour 2009.
Les concessionnaires automobiles, les banques et les compagnies d'assurances s’élèvent contre l'interdiction des crédits à la consommation et automobile ; le patronat et les importateurs dénoncent les décisions relatives à l'importation, comme l'instauration du crédit documentaire comme unique mode de paiement avec l'étranger ainsi que la suppression de la procuration pour les procédures administratives d'importation.
Les premières grosses lamentations sont remarquables
«Ces mesures vont bloquer une partie de l'économie, pénaliser les petites entreprises privées qui ont réussi à établir des relations de confiance avec leurs fournisseurs étrangers», avertit un banquier. «La suppression de la procuration va toucher les PME. On n'imagine pas le P-dg de Sonatrach faire la queue au port pour dédouaner des marchandises », ajoute le même banquier. Des chefs d'entreprise ont alerté le gouvernement sur les conséquences de ces mesures sur l'économie nationale. «Le gouvernement ne se rend apparemment pas compte de l'impact négatif de ces mesures sur les entreprises algériennes : des milliers d’employés vont se retrouver à la rue.»
On annonce même que BNP Paribas a gelé son projet d'intégrer Cetelem El-Djazaïr au sein de sa filiale bancaire algérienne BNP Paribas El-Djazaïr. L'interdiction du crédit à la consommation et du crédit véhicule a pénalisé durement Société générale Algérie, dont la filiale Credal (crédit à la consommation) n'a pas obtenu d'autorisation pour activer en Algérie.Aux dernières nouvelles, la filiale locale du groupe bancaire français a décidé de geler son plan de recrutement et procéder au redéploiement de son personnel dédié au crédit à la consommation Les patrons vont jusqu’à s'interroger sur l'utilité des organisations patronales et certains proposent de les dissoudre pour exprimer leur mécontentement à l'égard du gouvernement. «Les organisations patronales ne servent plus à rien dans ce pays. Elles sont inutiles. Le gouvernement prend ses décisions sans consulter personne», déplore le patron d'un groupe privé sur le site Internet TSA-Algérie.
Les économistes ne sont pas en reste et dénoncent à leur tour. Le Dr A Mebtoul, dans une interview à Algérie New’s en français le 10 août 2009, tire la sonnette d’alarme «L’Algérie ne sera jamais à l’OMC. Les dernières mesures prises dans la loi de finances complémentaire sont contraires aux règlements de cette organisation mondiale. L’interdiction des crédits à la consommation, la part des sociétés étrangères dans les projets d’investissement fixée à 49 % sont, entre autres, des mesures qui vont à contre-courant des bases de l’économie de marché. On n’est ni dans l’économie de marché, ni dans l’économie administrée. Le gouvernement est en train d’asphyxier l’économie nationale.
D’un côté, il pénalise les entreprises étrangères avec les mesures d’investissement très restreintes, et de l’autre côté, il punit les sociétés nationales avec le crédit documentaire.» Face à ces critiques, le Premier ministre reste de marbre. Ses hommes expliquent que cette politique est dictée par la conjoncture : protéger nos réserves de changes contre les effets de la crise mondiale en mettant de l’ordre dans l’économie nationale.
Faut-il y croire ?
Comme le rappellent des chefs d'entreprise, «le gouvernement se trompe de stratégie économique pour réduire la facture d'importation dont la hausse de 40 % en 2008 est due en grande partie aux commandes de l'Etat pour la réalisation des grands projets d'infrastructures et non à d'autres facteurs comme tente de le faire croire le gouvernement. Et puis, tout cela contredit le discours officiel : la majorité de nos ministres ont toujours affirmé officiellement que la crise mondiale ne touche pas l’Algérie du fait de la déconnection de notre système bancaire par rapport aux réseaux internationaux (comme s’il fallait s’en réjouir), de la non-convertibilité du dinar et, enfin, de l’importance de nos réserves de changes évaluées à plus de 143 milliards de dollars le premier semestre 2009 dont une bonne partie est bien placée à l’étranger. En fait, ces mesures ne surprennent que ceux qui veulent bien être surpris : ce sont de vieux projets d’Ouyahia.
Rappelons-nous. En octobre 2007, alors qu’il n’était plus chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, invité de la radio Chaîne II, portait de graves accusations sur la politique de son successeur, Abdelaziz Belkhadem : «Le gouvernement Belkhadem a cédé devant les groupes de pression et a offert le pays aux lobbies et aux mafias.» Puis cette accusation lourde de sens : «Les lobbies sont trop nombreux dans ce pays et activent dans le but de détruire l’économie nationale. Nous sommes le seul pays au monde qui dit avoir 22 000 importateurs, soit un importateur pour 1 500 Algériens ; je ne pense pas que ce soit une situation normale. Laisser faire une opération où l’on fait entrer trois conteneurs sans laisser aucune trace, je ne pense pas que ce soit cela faire du commerce et encore moins de l’économie.»
Selon lui, Belkhadem aurait cédé devant le lobby des banques étrangères, notamment françaises, en abrogeant la circulaire de 2004 qui interdit aux entreprises publiques de déposer leur argent dans des banques privées. Belkhadem aurait cédé devant le lobby des trabendistes et des seigneurs du marché informel en supprimant l’obligation de recours au chèque pour toute transaction d’un montant supérieur à 50 000 DA. «Aujourd’hui, on annule la circulaire alors que la loi existe, et on continue à pleurer sur la fraude fiscale et le marché et l’économie parallèles.
Je ne pense pas que cette décision va aider à combattre ces fléaux», dira l’homme politique et SG du RND. Belkhadem aurait cédé devant la mafia des importateurs en abrogeant l’obligation pour les sociétés d’importation d’avoir un capital minimum de 20 millions de dinars. «La moitié des importateurs sont des trafiquants. Je dirai plus, le populisme ne paye pas». Populisme ? Nous y voilà ! Ouyahia craint moins que jamais d’être impopulaire. Il mène «sa» politique. A quel prix ? Réponse dans six mois.
M. C. (Le Soir d'Algérie)
S’il y a un personnage qui ne se soucie pas de démentir sa mauvaise réputation, ce serait bien Ahmed Ouyahia. En cet été 2009, le Premier ministre, impopulaire et fier de l’être, s’est fait de nouveaux ennemis : les banques étrangères, les concessionnaires automobiles, les compagnies d'assurances, les importateurs et même une partie du patronat algérien !
Tout ce beau monde dénonce les dernières décisions cataclysmiques de Ouyahia, notamment les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire pour 2009.
Les concessionnaires automobiles, les banques et les compagnies d'assurances s’élèvent contre l'interdiction des crédits à la consommation et automobile ; le patronat et les importateurs dénoncent les décisions relatives à l'importation, comme l'instauration du crédit documentaire comme unique mode de paiement avec l'étranger ainsi que la suppression de la procuration pour les procédures administratives d'importation.
Les premières grosses lamentations sont remarquables
«Ces mesures vont bloquer une partie de l'économie, pénaliser les petites entreprises privées qui ont réussi à établir des relations de confiance avec leurs fournisseurs étrangers», avertit un banquier. «La suppression de la procuration va toucher les PME. On n'imagine pas le P-dg de Sonatrach faire la queue au port pour dédouaner des marchandises », ajoute le même banquier. Des chefs d'entreprise ont alerté le gouvernement sur les conséquences de ces mesures sur l'économie nationale. «Le gouvernement ne se rend apparemment pas compte de l'impact négatif de ces mesures sur les entreprises algériennes : des milliers d’employés vont se retrouver à la rue.»
On annonce même que BNP Paribas a gelé son projet d'intégrer Cetelem El-Djazaïr au sein de sa filiale bancaire algérienne BNP Paribas El-Djazaïr. L'interdiction du crédit à la consommation et du crédit véhicule a pénalisé durement Société générale Algérie, dont la filiale Credal (crédit à la consommation) n'a pas obtenu d'autorisation pour activer en Algérie.Aux dernières nouvelles, la filiale locale du groupe bancaire français a décidé de geler son plan de recrutement et procéder au redéploiement de son personnel dédié au crédit à la consommation Les patrons vont jusqu’à s'interroger sur l'utilité des organisations patronales et certains proposent de les dissoudre pour exprimer leur mécontentement à l'égard du gouvernement. «Les organisations patronales ne servent plus à rien dans ce pays. Elles sont inutiles. Le gouvernement prend ses décisions sans consulter personne», déplore le patron d'un groupe privé sur le site Internet TSA-Algérie.
Les économistes ne sont pas en reste et dénoncent à leur tour. Le Dr A Mebtoul, dans une interview à Algérie New’s en français le 10 août 2009, tire la sonnette d’alarme «L’Algérie ne sera jamais à l’OMC. Les dernières mesures prises dans la loi de finances complémentaire sont contraires aux règlements de cette organisation mondiale. L’interdiction des crédits à la consommation, la part des sociétés étrangères dans les projets d’investissement fixée à 49 % sont, entre autres, des mesures qui vont à contre-courant des bases de l’économie de marché. On n’est ni dans l’économie de marché, ni dans l’économie administrée. Le gouvernement est en train d’asphyxier l’économie nationale.
D’un côté, il pénalise les entreprises étrangères avec les mesures d’investissement très restreintes, et de l’autre côté, il punit les sociétés nationales avec le crédit documentaire.» Face à ces critiques, le Premier ministre reste de marbre. Ses hommes expliquent que cette politique est dictée par la conjoncture : protéger nos réserves de changes contre les effets de la crise mondiale en mettant de l’ordre dans l’économie nationale.
Faut-il y croire ?
Comme le rappellent des chefs d'entreprise, «le gouvernement se trompe de stratégie économique pour réduire la facture d'importation dont la hausse de 40 % en 2008 est due en grande partie aux commandes de l'Etat pour la réalisation des grands projets d'infrastructures et non à d'autres facteurs comme tente de le faire croire le gouvernement. Et puis, tout cela contredit le discours officiel : la majorité de nos ministres ont toujours affirmé officiellement que la crise mondiale ne touche pas l’Algérie du fait de la déconnection de notre système bancaire par rapport aux réseaux internationaux (comme s’il fallait s’en réjouir), de la non-convertibilité du dinar et, enfin, de l’importance de nos réserves de changes évaluées à plus de 143 milliards de dollars le premier semestre 2009 dont une bonne partie est bien placée à l’étranger. En fait, ces mesures ne surprennent que ceux qui veulent bien être surpris : ce sont de vieux projets d’Ouyahia.
Rappelons-nous. En octobre 2007, alors qu’il n’était plus chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, invité de la radio Chaîne II, portait de graves accusations sur la politique de son successeur, Abdelaziz Belkhadem : «Le gouvernement Belkhadem a cédé devant les groupes de pression et a offert le pays aux lobbies et aux mafias.» Puis cette accusation lourde de sens : «Les lobbies sont trop nombreux dans ce pays et activent dans le but de détruire l’économie nationale. Nous sommes le seul pays au monde qui dit avoir 22 000 importateurs, soit un importateur pour 1 500 Algériens ; je ne pense pas que ce soit une situation normale. Laisser faire une opération où l’on fait entrer trois conteneurs sans laisser aucune trace, je ne pense pas que ce soit cela faire du commerce et encore moins de l’économie.»
Selon lui, Belkhadem aurait cédé devant le lobby des banques étrangères, notamment françaises, en abrogeant la circulaire de 2004 qui interdit aux entreprises publiques de déposer leur argent dans des banques privées. Belkhadem aurait cédé devant le lobby des trabendistes et des seigneurs du marché informel en supprimant l’obligation de recours au chèque pour toute transaction d’un montant supérieur à 50 000 DA. «Aujourd’hui, on annule la circulaire alors que la loi existe, et on continue à pleurer sur la fraude fiscale et le marché et l’économie parallèles.
Je ne pense pas que cette décision va aider à combattre ces fléaux», dira l’homme politique et SG du RND. Belkhadem aurait cédé devant la mafia des importateurs en abrogeant l’obligation pour les sociétés d’importation d’avoir un capital minimum de 20 millions de dinars. «La moitié des importateurs sont des trafiquants. Je dirai plus, le populisme ne paye pas». Populisme ? Nous y voilà ! Ouyahia craint moins que jamais d’être impopulaire. Il mène «sa» politique. A quel prix ? Réponse dans six mois.
M. C. (Le Soir d'Algérie)
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