L'émission obligataire du Trésor reportée
Wadie El Mouden
Le matin : 12 - 05 - 2010
La crise des dettes publiques en Europe sème la panique sur les places financières internationales. Le marché du papier souverain stagne et ouvre de nouvelles perspectives aux spéculateurs. Pour le Maroc, le moment n'est surtout pas propice pour lancer une émission obligataire en devises. La sortie du Trésor, annoncée comme imminente il y a quelques semaines, serait vraisemblablement reportée à une autre date. Le temps d'y voir plus clair.
Chaque jour apporte son lot de rumeurs et de mauvaises nouvelles. Après Athènes et Madrid, la crise de confiance se propage pour gagner Lisbonne et fait reculer les marchés financiers. De leur côté, les agences de notation amplifient la panique et tablent sur des perspectives souvent négatives. La notation des trois principaux pays exposés à la crise s'est notoirement dégradée depuis le début de l'année et les rumeurs sur d'éventuels changements persistent encore, notamment pour l'Espagne et le Portugal. Mis à part les spéculateurs qui tirent profit de cette conjoncture perturbée, les investisseurs qui ont pris l'habitude de se positionner sur ce créneau sont dans l'expectative. Aucune visibilité ne semble se dégager pour le moment. Même au niveau de l'offre, les obligations étatiques se font rares. Nombre de pays, surtout les émergents, ont décidé de reporter l'exécution de leurs programmes d'emprunts. C'est le cas du Maroc qui s'apprêtait à lancer une émission obligataire en euros. De prestigieuses banques d'affaires ont été mandatées par le Trésor en tant que chefs de file pour cette opération (Barclays Capital, HSBC et Natixis). « L'émission sera lancée dans les semaines à venir », a annoncé le ministère des Finances dans un communiqué diffusé le 15 avril dernier.
La crise grecque et les perturbations économiques et financières qui s'en suivirent à l'échelle européenne devraient donc repousser le calendrier fixé pour cette nouvelle sortie internationale. La dernière en date remonte à 2007 et portait sur 500 millions d'euros. L'opération, faut-il le rappeler, s'était soldée par un franc succès dans la mesure où, non seulement elle a été plus de 4 fois sursouscrite, mais en plus, elle s'est traduite par une prime de risque d'à peine 55 points de base, contre 225 pb adossés à une autre dette contractée en 2003. Conforté par sa bonne notation, le Maroc avait réussi à négocier son emprunt dans de très bonnes conditions, aussi bien en termes de spread qu'en termes de coût avec un taux d'intérêt limité à 5,37%. Chose qui a permis au Trésor de rembourser par anticipation une dette onéreuse à l'égard du club de Londres et, par conséquent, tourner définitivement la page du rééchelonnement.
Contrairement à celle de 2007, l'émission de 2010 sera dédiée au financement d'une partie du déficit du Trésor (la loi de finances 2010 prévoit un déficit budgétaire de 4%). L'arbitrage se penche davantage vers la dette externe au lieu de se contenter de la seule dette interne. Ce choix permet à la fois d'éviter l'effet d'éviction et de soulager, un tant soit peu, le déficit de la balance des paiements. D'autant plus que la marge de manœuvre macro-économique reste élevée puisque le ratio d'endettement externe du Trésor se situe à 10% de PIB avec un encours de 78 milliards de DH.
La crise de dette en Europe a certes provoqué le report de la sortie du Maroc sur le marché international, mais elle n'a surtout pas impacté la qualité de ses obligations. « Le bond de la dette mobilisée en 2007 est bien traité par les investisseurs. Le spread, entre 170 et 180 points de base, n'a pas non plus été dégradé », apprend-on d'une source au ministère des Finances.
Cette appréciation positive reflète la confiance de la communauté des investisseurs internationaux à l'égard à la qualité du « papier » marocain. Il y a à peine un mois, l'agence Standard & Poor's avait rehaussé la note du crédit souverain de la dette à long terme en devises de « BB+ » à « BBB- ». Le Maroc a ainsi franchi le cap de la catégorie de l'« Investment grade ». Si on se réfère aux emprunts lancés récemment par des pays répertoriés au même rang, le taux d'intérêt des dettes longues se situe entre 5 et 6% (l'emprunt marocain aura probablement une maturité de 10 ans).
En revanche, trois questions restent en suspens. Quel sera le montant de l'émission obligataire ? Ensuite, jusqu'à quand durera la crise des dettes publiques en Europe ? Enfin, si cette crise devait s'étaler sur plusieurs années, le Trésor serait-il contraint de réviser sa politique ? Ce qui signifie que, dans l'éventualité d'une réponse positive à cette dernière interrogation, il pourrait intervenir plus tôt qu'on ne le pense. Sur la scène internationale ou bien sur le marché domestique.
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La dette extérieure en chiffres
A fin 2009, l'encours de la dette extérieure publique s'est élevé à près de 152,2 milliards de DH, en progression de 14% par rapport à 2008. Les institutions internationales de développement constituent pour la 6ème année consécutive le premier groupement de créanciers du Maroc avec une part de 52% de la dette contre 40% en 2003 et 35% en 1999. La BAD est devenue en 2009 le premier créancier du Maroc avec 28% de la dette multilatérale, devançant ainsi la BIRD qui détient 25%. En devises, la part de la dette libellée en Euro s'est améliorée de 31 points au cours des 10 dernières années pour représenter 73% alors que celle de la dette libellée en Dollar US et devises liées a régressé de la même proportion revenant à 18% seulement. Quant au coût moyen de la dette extérieure publique, il s'élève à 3,6% pour une durée de remboursement restante moyenne de l'ordre de 8
Wadie El Mouden
Le matin : 12 - 05 - 2010
La crise des dettes publiques en Europe sème la panique sur les places financières internationales. Le marché du papier souverain stagne et ouvre de nouvelles perspectives aux spéculateurs. Pour le Maroc, le moment n'est surtout pas propice pour lancer une émission obligataire en devises. La sortie du Trésor, annoncée comme imminente il y a quelques semaines, serait vraisemblablement reportée à une autre date. Le temps d'y voir plus clair.
Chaque jour apporte son lot de rumeurs et de mauvaises nouvelles. Après Athènes et Madrid, la crise de confiance se propage pour gagner Lisbonne et fait reculer les marchés financiers. De leur côté, les agences de notation amplifient la panique et tablent sur des perspectives souvent négatives. La notation des trois principaux pays exposés à la crise s'est notoirement dégradée depuis le début de l'année et les rumeurs sur d'éventuels changements persistent encore, notamment pour l'Espagne et le Portugal. Mis à part les spéculateurs qui tirent profit de cette conjoncture perturbée, les investisseurs qui ont pris l'habitude de se positionner sur ce créneau sont dans l'expectative. Aucune visibilité ne semble se dégager pour le moment. Même au niveau de l'offre, les obligations étatiques se font rares. Nombre de pays, surtout les émergents, ont décidé de reporter l'exécution de leurs programmes d'emprunts. C'est le cas du Maroc qui s'apprêtait à lancer une émission obligataire en euros. De prestigieuses banques d'affaires ont été mandatées par le Trésor en tant que chefs de file pour cette opération (Barclays Capital, HSBC et Natixis). « L'émission sera lancée dans les semaines à venir », a annoncé le ministère des Finances dans un communiqué diffusé le 15 avril dernier.
La crise grecque et les perturbations économiques et financières qui s'en suivirent à l'échelle européenne devraient donc repousser le calendrier fixé pour cette nouvelle sortie internationale. La dernière en date remonte à 2007 et portait sur 500 millions d'euros. L'opération, faut-il le rappeler, s'était soldée par un franc succès dans la mesure où, non seulement elle a été plus de 4 fois sursouscrite, mais en plus, elle s'est traduite par une prime de risque d'à peine 55 points de base, contre 225 pb adossés à une autre dette contractée en 2003. Conforté par sa bonne notation, le Maroc avait réussi à négocier son emprunt dans de très bonnes conditions, aussi bien en termes de spread qu'en termes de coût avec un taux d'intérêt limité à 5,37%. Chose qui a permis au Trésor de rembourser par anticipation une dette onéreuse à l'égard du club de Londres et, par conséquent, tourner définitivement la page du rééchelonnement.
Contrairement à celle de 2007, l'émission de 2010 sera dédiée au financement d'une partie du déficit du Trésor (la loi de finances 2010 prévoit un déficit budgétaire de 4%). L'arbitrage se penche davantage vers la dette externe au lieu de se contenter de la seule dette interne. Ce choix permet à la fois d'éviter l'effet d'éviction et de soulager, un tant soit peu, le déficit de la balance des paiements. D'autant plus que la marge de manœuvre macro-économique reste élevée puisque le ratio d'endettement externe du Trésor se situe à 10% de PIB avec un encours de 78 milliards de DH.
La crise de dette en Europe a certes provoqué le report de la sortie du Maroc sur le marché international, mais elle n'a surtout pas impacté la qualité de ses obligations. « Le bond de la dette mobilisée en 2007 est bien traité par les investisseurs. Le spread, entre 170 et 180 points de base, n'a pas non plus été dégradé », apprend-on d'une source au ministère des Finances.
Cette appréciation positive reflète la confiance de la communauté des investisseurs internationaux à l'égard à la qualité du « papier » marocain. Il y a à peine un mois, l'agence Standard & Poor's avait rehaussé la note du crédit souverain de la dette à long terme en devises de « BB+ » à « BBB- ». Le Maroc a ainsi franchi le cap de la catégorie de l'« Investment grade ». Si on se réfère aux emprunts lancés récemment par des pays répertoriés au même rang, le taux d'intérêt des dettes longues se situe entre 5 et 6% (l'emprunt marocain aura probablement une maturité de 10 ans).
En revanche, trois questions restent en suspens. Quel sera le montant de l'émission obligataire ? Ensuite, jusqu'à quand durera la crise des dettes publiques en Europe ? Enfin, si cette crise devait s'étaler sur plusieurs années, le Trésor serait-il contraint de réviser sa politique ? Ce qui signifie que, dans l'éventualité d'une réponse positive à cette dernière interrogation, il pourrait intervenir plus tôt qu'on ne le pense. Sur la scène internationale ou bien sur le marché domestique.
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La dette extérieure en chiffres
A fin 2009, l'encours de la dette extérieure publique s'est élevé à près de 152,2 milliards de DH, en progression de 14% par rapport à 2008. Les institutions internationales de développement constituent pour la 6ème année consécutive le premier groupement de créanciers du Maroc avec une part de 52% de la dette contre 40% en 2003 et 35% en 1999. La BAD est devenue en 2009 le premier créancier du Maroc avec 28% de la dette multilatérale, devançant ainsi la BIRD qui détient 25%. En devises, la part de la dette libellée en Euro s'est améliorée de 31 points au cours des 10 dernières années pour représenter 73% alors que celle de la dette libellée en Dollar US et devises liées a régressé de la même proportion revenant à 18% seulement. Quant au coût moyen de la dette extérieure publique, il s'élève à 3,6% pour une durée de remboursement restante moyenne de l'ordre de 8
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