Tout le monde connait Rebrab. Et Brahim Hasnaoui, vous connaissez ?
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Brahim Hasnaoui, l’ingénieur qui casse les prix, du logement à la pomme de terre
24-01-2008
L’entrepreneur qui a construit à bas prix l’équivalent d’une ville de 30 000 habitants est un ingénieur humaniste. Il rêve de nourrir les Algériens pour presque rien. Et y travaille.
Par Ihsane El Kadi, Alger.
Brahim Hasnaoui a le succès modeste.
La scène se déroule dans le bureau du directeur général de la SONELEC, le grand monopole public de l’industrie électronique algérienne, au milieu des années 70. Ce sont les années du socialisme étatique de Boumediène. Mais voilà que le grand boss de la SONELEC a besoin du secours d’un petit entrepreneur privé de 26 ans. Il s’agit de sauver son projet de construire un centre de formation des travailleurs sur le site du nouveau complexe électronique de Sidi Bel Abbes dans l’ouest du pays. Les deux entreprises publiques en charge de la réalisation sont très en retard. Une affaire d’Etat, car il faut lancer à temps la production de téléviseurs. Mais sans ouvrières qualifiées…. « Je me souviendrai toujours de l’expression de Mohamed Ghrib (le DG) me fixant dans les yeux. Vous savez ce que je fais, j’enlève un marché aux entreprises publiques pour le donner au privé. Vous échouez et nous sommes bons pour la prison à vie tous les deux » raconte, ému, Brahim Hasnaoui. Diplômé en génie rural quelques années plutôt, il n’avait alors qu’une toute petite expérience dans la réalisation, entamée d’ailleurs sur ce même site, avec l’étude et la réalisation de l’approvisionnement en eau de l’immense chantier du complexe SONELEC de Sidi Bel Abbes, sa ville natale. « J’ai réussi à livrer les 11 blocs du centre de formation dans les délais » : le mythe Hasnaoui est né en même temps que la plus grande usine d’électronique en Afrique à l’époque.
« Vous savez ce que je fais, j’enlève un marché aux entreprises publiques pour le donner au privé. Vous échouez et nous sommes bons pour la prison à vie tous les deux. »
« Entreprendre, montrer que c’est possible, diffuser »
Trente trois ans plus tard, Sidi Bel Abbes est la wilaya (département) ou le taux d’occupation par logement (TOL) est le plus bas d’Algérie. Un hasard ? Plutôt le résultat d’un volontarisme industriel et d’une « capitalisation d’expérience », une expression chère à la personnalité la plus en vue de la ville. Brahim Hasnaoui et son groupe y a construit plus de 6500 logements pour le compte de l’Etat et plusieurs dizaines d’équipements publics : hôpitaux, blocs universitaires, institut de recherche, bâtiments administratifs, centres d’affaires, siège de banques. En fait, il a crée un pôle d’excellence dans la réalisation en bâtiment en industrialisant les procédés de construction, puis en essaimant son savoir faire. « Hasnaoui a aidé nombre de ses architectes et ingénieurs à s’installer à leur compte. C’est pour cela que nous avons un standard de qualité et de délai de réalisation plus élevé qu’ailleurs en Algérie » témoigne Hamid, un cadre à la direction de l’habitat de la wilaya. Brahim Hasnaoui a le succès modeste. Son groupe, ses réalisations, son image de patron social, il n’aime pas trop en parler. Seuls comptent les projets qu’il veut engager. Il fonctionne par l’exemplarité. Entreprendre, montrer que c’est possible, et diffuser. Ainsi en faisant baisser le coût du mètre carré bâti, il a démocratisé le logement social, co-financé par l’Etat et le bénéficiaire. Mais surtout, il met la formule sur la place publique : usiner au préalable le maximum d’éléments de la construction, jusqu’à et y compris, depuis 2006, « un mortier révolutionnaire près à l’emploi » ; fixer les équipes pour accumuler les savoir-faire. Le ministère de l’habitat a tenu séminaire chez lui pour transférer l’expérience au reste du pays. « Ce qui me motive, ce n’est pas l’argent. C’est l’idée qu’avec un peu de moyens financiers et une ingénierie bien orientée on peut trouver des solutions aux problèmes vitaux du plus grand nombre de personnes ». Les problèmes vitaux : se loger, se nourrir. Brahim Hasnaoui est à la moitié du chemin. Son grand projet aujourd’hui ? « Assurer les produits alimentaires de base à bon prix pour les Algériens. C’est possible. Nous avons commencé à le faire ! ».
« Nous maitrisons le passage de la technitubers à la génération une »
Brahim Hasnaoui est, depuis l’été dernier avec l’entreprise Sodea, le premier producteur maghrébin de semence de pomme de terre de pré-base. Il a toujours rêvé d’ingénierie agronomique, amour de jeunesse. Il y est revenu en modernisant des plans et des techniques culturales durant les dix dernières années. Il a introduit de nouvelles plantes fourragères sur les immenses étendues de hauts plateaux pour réhabiliter les parcours, et faire baisser le prix du mouton. Mais son grand coup d’éclat, c’est la conclusion avec les Australiens de Technico d’un partenariat « inédit », pour multiplier in vitro dans son laboratoire de Sodea à Sidi Bel Abbes, des technitubers, la génération zéro, de semence de pommes de terre, en vue de leur multiplication sur champ. L’enjeu est très simple : la filière pomme de terre est la seconde par l’importance après le blé en Algérie. Elle dépend totalement des importations de semence de base. Un quasi monopole hollandais sur le marché algérien qui coûte entre 70 et 90 millions de dollars par an aux producteurs locaux. « La semence compte pour 70% dans le prix de production de la pomme de terre. Nous sommes entrain de diviser son prix par quatre. Mieux encore, nous proposons de multiplier jusqu’à la troisième génération et de donner aux producteurs une semence à haut rendement. Nous avons déjà obtenu des rendements de 68 T à l’hectare pour certaines variétés », ils sont inférieures à 20 T à l’hectare avec la semence importée souvent de la G7 ou de la G8.
« Assurer les produits alimentaires de base à bon prix pour les Algériens. C’est possible. Nous avons commencé à le faire ! »
Le lobby des importateurs de semence est puissant
La percée de la production de la semence de pommes de terre de pré-base par Sodea a été combattu par le lobby des importateurs. Ils ont de puissants appuis au Ministère de l’agriculture algérien, ou le ministre lui-même M. Ali Barkat, s’est montré peu enclin à soutenir la filière de la production algérienne. Les laboratoires d’Etat se sont montrés incapables, depuis 20 ans, de multiplier des plants végétaux de pré-base. Le gouvernement s’en accommode. Pas Brahim Hasnaoui qui a cherché à comprendre et qui a conclu à des erreurs d’implantation des laboratoires, exposés aux attaques de virus de toutes sortes dans les milieux biologiquement denses où il se trouvent. « Les Australiens ont visité des installations au Maroc et en Tunisie avant de choisir Sodea comme partenaire. Notre laboratoire est totalement isolé et nos équipes compétentes ». Une crise de la pomme de terre s’est déclenchée au début de l’été 2007 en Algérie. Son prix s’est multiplié par trois en quelques semaines. Rareté. Les producteurs avaient réduit les emblavements, faute de semences livrées à temps au début de la campagne. Brahim Hasnaoui en a profité pour proposer un plan national de production de la semence de pré-base. « Les multiplicateurs prennent des risques et doivent êtres soutenus par l’Etat. Il faut une superficie de 4000 hectares, sans plus, pour produire toute la semence dont l’Algérie a besoin. Avec une aide globale de 500 millions de dinars (5 millions d’euros) pour garantir les prix de chaque génération, nous faisons l’économie de 70 millions de dollars ». Ali Barkat le ministre de l’agriculture n’a toujours pas bronché. On dit autour de lui qu’il a peur d’aider au triomphe de son futur successeur au poste. « Je ne serais jamais ministre. Cela ne m’intéresse pas. Je veux aider mon pays autrement ». Après la pomme de terre, Hasnaoui prépare un plan pour le blé.
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Brahim Hasnaoui, l’ingénieur qui casse les prix, du logement à la pomme de terre
24-01-2008
L’entrepreneur qui a construit à bas prix l’équivalent d’une ville de 30 000 habitants est un ingénieur humaniste. Il rêve de nourrir les Algériens pour presque rien. Et y travaille.
Par Ihsane El Kadi, Alger.
Brahim Hasnaoui a le succès modeste.
La scène se déroule dans le bureau du directeur général de la SONELEC, le grand monopole public de l’industrie électronique algérienne, au milieu des années 70. Ce sont les années du socialisme étatique de Boumediène. Mais voilà que le grand boss de la SONELEC a besoin du secours d’un petit entrepreneur privé de 26 ans. Il s’agit de sauver son projet de construire un centre de formation des travailleurs sur le site du nouveau complexe électronique de Sidi Bel Abbes dans l’ouest du pays. Les deux entreprises publiques en charge de la réalisation sont très en retard. Une affaire d’Etat, car il faut lancer à temps la production de téléviseurs. Mais sans ouvrières qualifiées…. « Je me souviendrai toujours de l’expression de Mohamed Ghrib (le DG) me fixant dans les yeux. Vous savez ce que je fais, j’enlève un marché aux entreprises publiques pour le donner au privé. Vous échouez et nous sommes bons pour la prison à vie tous les deux » raconte, ému, Brahim Hasnaoui. Diplômé en génie rural quelques années plutôt, il n’avait alors qu’une toute petite expérience dans la réalisation, entamée d’ailleurs sur ce même site, avec l’étude et la réalisation de l’approvisionnement en eau de l’immense chantier du complexe SONELEC de Sidi Bel Abbes, sa ville natale. « J’ai réussi à livrer les 11 blocs du centre de formation dans les délais » : le mythe Hasnaoui est né en même temps que la plus grande usine d’électronique en Afrique à l’époque.
« Vous savez ce que je fais, j’enlève un marché aux entreprises publiques pour le donner au privé. Vous échouez et nous sommes bons pour la prison à vie tous les deux. »
« Entreprendre, montrer que c’est possible, diffuser »
Trente trois ans plus tard, Sidi Bel Abbes est la wilaya (département) ou le taux d’occupation par logement (TOL) est le plus bas d’Algérie. Un hasard ? Plutôt le résultat d’un volontarisme industriel et d’une « capitalisation d’expérience », une expression chère à la personnalité la plus en vue de la ville. Brahim Hasnaoui et son groupe y a construit plus de 6500 logements pour le compte de l’Etat et plusieurs dizaines d’équipements publics : hôpitaux, blocs universitaires, institut de recherche, bâtiments administratifs, centres d’affaires, siège de banques. En fait, il a crée un pôle d’excellence dans la réalisation en bâtiment en industrialisant les procédés de construction, puis en essaimant son savoir faire. « Hasnaoui a aidé nombre de ses architectes et ingénieurs à s’installer à leur compte. C’est pour cela que nous avons un standard de qualité et de délai de réalisation plus élevé qu’ailleurs en Algérie » témoigne Hamid, un cadre à la direction de l’habitat de la wilaya. Brahim Hasnaoui a le succès modeste. Son groupe, ses réalisations, son image de patron social, il n’aime pas trop en parler. Seuls comptent les projets qu’il veut engager. Il fonctionne par l’exemplarité. Entreprendre, montrer que c’est possible, et diffuser. Ainsi en faisant baisser le coût du mètre carré bâti, il a démocratisé le logement social, co-financé par l’Etat et le bénéficiaire. Mais surtout, il met la formule sur la place publique : usiner au préalable le maximum d’éléments de la construction, jusqu’à et y compris, depuis 2006, « un mortier révolutionnaire près à l’emploi » ; fixer les équipes pour accumuler les savoir-faire. Le ministère de l’habitat a tenu séminaire chez lui pour transférer l’expérience au reste du pays. « Ce qui me motive, ce n’est pas l’argent. C’est l’idée qu’avec un peu de moyens financiers et une ingénierie bien orientée on peut trouver des solutions aux problèmes vitaux du plus grand nombre de personnes ». Les problèmes vitaux : se loger, se nourrir. Brahim Hasnaoui est à la moitié du chemin. Son grand projet aujourd’hui ? « Assurer les produits alimentaires de base à bon prix pour les Algériens. C’est possible. Nous avons commencé à le faire ! ».
« Nous maitrisons le passage de la technitubers à la génération une »
Brahim Hasnaoui est, depuis l’été dernier avec l’entreprise Sodea, le premier producteur maghrébin de semence de pomme de terre de pré-base. Il a toujours rêvé d’ingénierie agronomique, amour de jeunesse. Il y est revenu en modernisant des plans et des techniques culturales durant les dix dernières années. Il a introduit de nouvelles plantes fourragères sur les immenses étendues de hauts plateaux pour réhabiliter les parcours, et faire baisser le prix du mouton. Mais son grand coup d’éclat, c’est la conclusion avec les Australiens de Technico d’un partenariat « inédit », pour multiplier in vitro dans son laboratoire de Sodea à Sidi Bel Abbes, des technitubers, la génération zéro, de semence de pommes de terre, en vue de leur multiplication sur champ. L’enjeu est très simple : la filière pomme de terre est la seconde par l’importance après le blé en Algérie. Elle dépend totalement des importations de semence de base. Un quasi monopole hollandais sur le marché algérien qui coûte entre 70 et 90 millions de dollars par an aux producteurs locaux. « La semence compte pour 70% dans le prix de production de la pomme de terre. Nous sommes entrain de diviser son prix par quatre. Mieux encore, nous proposons de multiplier jusqu’à la troisième génération et de donner aux producteurs une semence à haut rendement. Nous avons déjà obtenu des rendements de 68 T à l’hectare pour certaines variétés », ils sont inférieures à 20 T à l’hectare avec la semence importée souvent de la G7 ou de la G8.
« Assurer les produits alimentaires de base à bon prix pour les Algériens. C’est possible. Nous avons commencé à le faire ! »
Le lobby des importateurs de semence est puissant
La percée de la production de la semence de pommes de terre de pré-base par Sodea a été combattu par le lobby des importateurs. Ils ont de puissants appuis au Ministère de l’agriculture algérien, ou le ministre lui-même M. Ali Barkat, s’est montré peu enclin à soutenir la filière de la production algérienne. Les laboratoires d’Etat se sont montrés incapables, depuis 20 ans, de multiplier des plants végétaux de pré-base. Le gouvernement s’en accommode. Pas Brahim Hasnaoui qui a cherché à comprendre et qui a conclu à des erreurs d’implantation des laboratoires, exposés aux attaques de virus de toutes sortes dans les milieux biologiquement denses où il se trouvent. « Les Australiens ont visité des installations au Maroc et en Tunisie avant de choisir Sodea comme partenaire. Notre laboratoire est totalement isolé et nos équipes compétentes ». Une crise de la pomme de terre s’est déclenchée au début de l’été 2007 en Algérie. Son prix s’est multiplié par trois en quelques semaines. Rareté. Les producteurs avaient réduit les emblavements, faute de semences livrées à temps au début de la campagne. Brahim Hasnaoui en a profité pour proposer un plan national de production de la semence de pré-base. « Les multiplicateurs prennent des risques et doivent êtres soutenus par l’Etat. Il faut une superficie de 4000 hectares, sans plus, pour produire toute la semence dont l’Algérie a besoin. Avec une aide globale de 500 millions de dinars (5 millions d’euros) pour garantir les prix de chaque génération, nous faisons l’économie de 70 millions de dollars ». Ali Barkat le ministre de l’agriculture n’a toujours pas bronché. On dit autour de lui qu’il a peur d’aider au triomphe de son futur successeur au poste. « Je ne serais jamais ministre. Cela ne m’intéresse pas. Je veux aider mon pays autrement ». Après la pomme de terre, Hasnaoui prépare un plan pour le blé.
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